SYNDROME MÉTABOLIQUE ET REIN

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SYNDROME MÉTABOLIQUE ET REIN
116597UJN_NEPHRO_Chap15 Page 171 Lundi, 12. mars 2007 10:35 10
SYNDROME MÉTABOLIQUE ET REIN
par
Maurice LAVILLE* et Martine LAVILLE**
La prévalence de l’obésité et du diabète de type 2 augmente de manière alarmante dans le monde. On estime aujourd’hui à 135 millions le nombre d’individus
diabétiques. L’association entre l’obésité, le diabète de type 2, l’hypertension artérielle et plusieurs anomalies lipidiques est connue depuis plus de cinquante ans.
Dans les années 1950, Jean Vague avait décrit une association entre l’obésité abdominale et le diabète de type 2. Cette notion a été confirmée par des études épidémiologiques. Dans les années 1980, plusieurs auteurs ont montré que l’insulinorésistance était associée à différentes anomalies métaboliques (intolérance au glucose ou diabète de type 2, dyslipidémie) et à l’hypertension artérielle. Le concept
de syndrome X a été proposé en 1988 par Reaven [1], avec au premier plan l’hyperinsulinémie et l’insulino-résistance [2]. Cependant, le syndrome X ne retenait pas
l’obésité abdominale comme critère de définition. Plusieurs années plus tard, il a
été proposé de regrouper dans une entité unique, appelée syndrome métabolique
(ou dysmétabolique, ou plurimétabolique), la présence d’anomalies glucido-lipidiques, d’une hypertension et d’une obésité abdominale. La notion que le syndrome
métabolique prédispose à la survenue d’un diabète de type 2 et au développement
des maladies cardiovasculaires est progressivement apparue en fonction des résultats de plusieurs études épidémiologiques. Il faut souligner que si le syndrome
métabolique a été reconnu par l’OMS en 1998, par les instances américaines en
2001 [3], et par la Fédération Internationale du Diabète en 2005 [4], cette entité
clinique n’a pas été officiellement reconnue comme une entité pathologique par
les instances françaises ou européennes.
* Service de Néphrologie, Hôpital Édouard-Herriot et UMR-MA 103, Université Claude Bernard,
Lyon ; ** Service d’Endocrinologie-Diabétologie-Nutrition, Hôpital Édouard-Herriot.
Et Centre de Recherche en Nutrition humaine Rhône-Alpes, Lyon.
FLAMMARION MÉDECINE-SCIENCES
— ACTUALITÉS NÉPHROLOGIQUES 2007
(www.medecine.flammarion.com)
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DÉFINITIONS
Il existe à l’heure actuelle trois définitions principales, celle de l’OMS (publiée
en 1998 puis amendée en 1999), celle du National Cholesterol Education Program
américain (NCEP-ATPIII) publiée en 2001 [3], et celle de la Fédération internationale du Diabète publiée en 2005 [4]. Ces définitions ont en commun la prise en
compte d’une association de facteurs de risque : hypertension artérielle, hypertriglycéridémie, HDL-cholestérol bas, obésité androïde et élévation de la glycémie
(tableau I).
Les définitions prennent en considération l’association de plusieurs anomalies
métaboliques qui, plus que le niveau de chacune, favorise la survenue de pathologies graves comme les événements cardiovasculaires ou le diabète de type 2. Les
définitions incluent la présence d’un diabète de type 2 ou d’une glycémie à jeun
pathologique ou considérée comme telle, mais la définition de l’OMS prend également en considération la présence d’une intolérance au glucose définie par
l’hyperglycémie provoquée par voie orale (glycémie > 1,40 g/l à la deuxième
heure). De même, il existe quelques différences entre les trois définitions. Ainsi
TABLEAU I. — DÉFINITIONS
ET L’IDF.
DU SYNDROME MÉTABOLIQUE SELON L’OMS, LE
NCEP-ATP III,
Définition de l’OMS : insulinorésistance + autres facteurs de risque
Glycémie à jeun modérément élevée ou intolérance au glucose ou diabète de type 2
et au moins 2 des critères suivants :
– Rapport tour de taille/tour de hanches > 0,85 (femmes) ou > 0,90 (hommes) et/ou IMC
> 30 kg/m2
– Triglycérides > 1,50 g/l et/ou HDL-c < 0,35 g/l (H), < 0,39 g/l (F)
– Pression artérielle >140/90 mmHg
– Microalbuminurie > 20 μg/min ou albumine/créatinine ≥ 30 mg/g
FACTEURS
SEUIL
DE RISQUE
RETENU
Définition du NCEP-ATP III : 3 ou plus des critères suivants, sans hiérarchie
Obésité abdominale
Tour de taille
Triglycérides
HDL cholestérol
Pression artérielle
Glycémie à jeun
> 102 cm, homme
> 88 cm, femmes
> 1,50 g/l
< 0,40 g/l, hommes
< 0,50 g/l, femmes
> 130/85 mmHg
> 1,10 g/l
Définition de l’IDF : obésité abdominale + autres facteurs de risque
Obésité abdominale
Tour de taille
(avec différences ethniques)
et au moins 2 des critères suivants :
Triglycérides
HDL cholestérol
(ou dyslipidémie traitée)
Pression artérielle
Glycémie à jeun
> 94 cm, homme
> 80 cm, femmes
>1,50 g/l
< 0,40 g/l, hommes
< 0,50 g/l, femmes
> 130/85 mmHg
> 1,00 g/l (ou diabète)
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la définition de l’OMS considère à la fois l’obésité abdominale (définie par le rapport taille sur hanches) et l’obésité globale (définie par l’index de masse corporelle) alors que la définition américaine ne retient que la présence d’une obésité
abdominale (définie par le seul tour de taille), et que celle de l’IDF fixe les seuils
d’obésité abdominale et d’hyperglycémie à des valeurs relativement basses. Parallèlement, les seuils retenus pour la définition de l’hypertension diffèrent entre les
deux définitions avec un seuil plus élevé pour l’OMS (140/90 contre 130/85 mmHg
pour les définitions américaines et internationales). Enfin, la présence d’une
microalbuminurie est retenue par l’OMS comme un critère à part entière alors que
ce paramètre n’est pas pris en considération dans les autres définitions.
Ces définitions ont été établies à partir des résultats d’études épidémiologiques
Nord-Américaines qui ont montré que l’association des composants du syndrome
métabolique augmentait le risque cardiovasculaire quel que soit le niveau du
LDL-cholestérol [3].
L’existence de trois définitions différentes souligne l’existence d’incertitudes
et de controverses sur la détermination des seuils dits pathologiques qui peuvent
apparaître comme arbitraires. De plus, il convient de noter que la définition
Nord-américaine utilise des unités locales comme l’inch pour la mesure du tour
de taille, qui ont ensuite été converties en unités européennes (cm). Ceci explique
pourquoi certaines valeurs seuil retenues paraissent surprenantes comme par
exemple le seuil de 102 cm et non pas 100 cm comme critère de tour de taille
pathologique chez l’homme. Ceci souligne l’intérêt d’une définition européenne
du syndrome métabolique qui serait plus adaptée à nos unités de mesure mais
aussi à nos populations.
ÉPIDÉMIOLOGIE
L’obésité et la sédentarité sont les deux principaux facteurs qui prédisposent au
syndrome métabolique. L’augmentation de l’incidence de ces deux anomalies
explique la prévalence croissante du syndrome métabolique. Une récente étude
d’observation au sein d’une cohorte représentative de la population Nord-américaine a montré que le syndrome métabolique, défini selon les critères du NCEPATP III était fréquent aux États-Unis, touchant environ un individu sur quatre
(24 p. 100) [5]. La prévalence n’était pas différente selon le sexe même si certaines
caractéristiques étaient plus souvent observées chez les hommes (hypertriglycéridémie, hypertension) que chez les femmes. D’une manière générale, la prévalence
du syndrome métabolique augmente avec l’âge, affectant plus de 40 p. 100 des
individus après 60 ans [5]. De plus, l’origine ethnique influence la prévalence du
syndrome métabolique et de ses composants respectifs. Les Afro-américains et les
hispaniques américains (32 p. 100) ont d’après cette étude une prévalence plus élevée que celle des caucasiens [5]. Le Sud-Est asiatique est également concerné puisque plusieurs études épidémiologiques ont souligné l’augmentation de la
prévalence de l’insulino-résistance et du diabète de type 2 dans ces pays, malgré
un index de masse corporelle qui demeure plus bas que celui des populations occidentales. Des critères spécifiques plus adaptés aux spécificités anthropomorphiques de la population asiatique seraient probablement nécessaires, en particulier
pour le seuil du tour de taille ou l’index de masse corporelle.
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En France, l’étude DESIR [6] a montré une prévalence du syndrome métabolique plus faible que celle observée aux États-Unis (17 p. 100 des hommes et
10 p. 100 des femmes), ce qui est à rapprocher de la prévalence de l’obésité et du
diabète de type 2 qui est beaucoup plus élevée dans ce pays que dans le nôtre [7].
Par ailleurs, dans ce travail, la prévalence du syndrome métabolique était nettement
plus élevée chez les hommes que chez les femmes, ce qui contraste avec les données américaines qui ne montrent pas de différence de prévalence selon le sexe.
Cependant, des études complémentaires sont nécessaires afin de déterminer plus
précisément la fréquence du syndrome métabolique dans notre pays.
Enfin, il existe de nombreux arguments suggérant une association entre la présence du syndrome métabolique et des antécédents de retard de croissance intrautérin. Des études épidémiologiques réalisées au cours des quinze dernières années
ont bien mis en évidence une relation robuste entre un faible poids de naissance
et une augmentation du risque de voir apparaître à l’âge adulte une obésité androïde
associée à un syndrome métabolique, mais aussi une hypertension artérielle, un
diabète de type 2, et les conséquences d’une réduction néphronique [8]. Par
ailleurs, une étude a suggéré un lien entre l’appartenance à une classe socioéconomique défavorisée dans l’enfance et la survenue d’un syndrome métabolique
chez l’adulte. D’une manière générale, ces études épidémiologiques soulignent
l’importance de facteurs étiopathogéniques très précoces survenant pendant la
période fœtale et/ou la petite enfance qui prédisposent à l’apparition ultérieure d’un
syndrome métabolique.
ANOMALIES BIOLOGIQUES
DANS LE SYNDROME MÉTABOLIQUE
Même si elles ne font pas partie des critères de définition, d’autres anomalies
biologiques sont très fréquemment associées au syndrome métabolique. Une augmentation des protéines de l’inflammation et en particulier de la protéine C réactive (CRP) mesurée par la technique de dosage ultrasensible ont été rapportées [9].
En regard du rôle joué par l’inflammation dans la physiopathologie de l’athérosclérose, cette élévation de la CRP est à rapprocher de l’augmentation du risque
cardiovasculaire associée au syndrome métabolique.
De même, des anomalies des facteurs de l’hémostase, notamment une élévation
de l’inhibiteur du plasminogène (PAI-1) responsable d’une réduction de la fibrinolyse et pouvant ainsi favoriser le développement d’une thrombose artérielle, ont
été décrites. Une hyperinsulinémie secondaire à l’insulino-résistance, une hyperuricémie, une stéatose hépatique, sont également communément observées chez
les patients avec un syndrome métabolique.
Les anomalies lipidiques font partie intégrante du syndrome métabolique puisque la présence d’une hypertriglycéridémie et une hypo-HDLémie figurent parmi
les critères de définition de cette entité. De plus, la présence d’une obésité abdominale et d’une insulino-résistance sont associées avec plusieurs anomalies du
métabolisme des lipides (hypertriglycéridémie, élévation de la concentration plasmatique des VLDL (very low density lipoprotein) et IDL (intermediate-density
lipoprotein), présence de LDL petites et denses. Ces anomalies qui sont le plus
souvent observées ensemble que séparément expliquent au moins en partie l’aug-
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mentation du risque cardiovasculaire associée au syndrome métabolique. Les particules de LDL petites et denses sont plus facilement oxydées et sont considérées
comme particulièrement athérogènes. Une étude récente a montré que les patients
avec un syndrome métabolique présentent une concentration plasmatique plus élevée de LDL oxydées en association à une épaisseur intima-média carotidienne augmentée par rapport à des sujets appariés, mais sans syndrome métabolique.
Syndrome métabolique et diabète
La présence d’une obésité abdominale est associée à l’insulino-résistance et augmente le risque de diabète de type 2, indépendamment de l’index de masse corporelle. Les patients avec un syndrome métabolique ont un risque accru de diabète
de type 2. Les définitions du NCEP-ATP III et de l’OMS retiennent la présence
d’une hyperglycémie modérée à jeun (>1,10 g/l) qui est associée à la présence
d’une insulino-résistance et qui prédit le développement d’un diabète de type 2.
La définition de l’IDF retient une glycémie à jeûn > 1,00 g/l. Par ailleurs la définition de l’OMS inclut la présence d’une intolérance au glucose, qui augmente
également le risque ultérieur de survenue d’un diabète de type 2. L’augmentation
du risque métabolique nécessite donc une prise en charge adaptée chez ces patients.
Syndrome métabolique et risque cardiovasculaire
Il est bien établi que les patients intolérants au glucose ou diabétiques de type 2
ont un risque plus élevé de morbi-mortalité coronaire. Des études prospectives
récentes ont également mis en évidence une augmentation du risque cardiovasculaire associée au syndrome métabolique, indépendamment de la présence d’un diabète et quel que soit le sexe [10, 11]. Cette augmentation du risque est également
indépendante des facteurs de risque conventionnels comme le LDL cholestérol ou
le tabagisme.
De plus, il est intéressant de noter que la présence d’un syndrome métabolique
augmente le risque de maladies coronaires chez des patients normoglycémiques,
intolérants au glucose, diabétiques de type 2 ou avec des antécédents personnels
cardiovasculaires [10]. Chez les diabétiques, la présence surajoutée d’un syndrome
métabolique augmente fortement le risque d’évènements cardiovasculaires, suggérant un effet additif à celui de l’hyperglycémie isolée.
Cette augmentation du risque cardiovasculaire associée au syndrome métabolique semble reliée aux anomalies métaboliques, à l’élévation des marqueurs de
l’inflammation (incluant l’interleukine 6 et la CRP) et aux altérations de la fibrinolyse observées au cours de cette entité. Il est à noter que le syndrome métabolique est également associé à une augmentation du risque cardiovasculaire en
l’absence d’inflammation sous-jacente mais que les patients avec un syndrome
métabolique et une CRP augmentée présentent le risque cardiovasculaire le plus
élevé [9]. L’élévation des marqueurs de l’inflammation, souvent observée dans
l’obésité et le syndrome métabolique, constitue donc un facteur de risque surajouté
mais qui n’explique pas à lui seul l’augmentation du risque cardiovasculaire associée au syndrome métabolique. Une étude récente a mis en évidence une diminution de la concentration plasmatique d’antioxydants (vitamine E, C, dérivés de la
vitamine A) chez les patients avec un syndrome métabolique par comparaison à
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ceux sans anomalies métaboliques. Cette diminution du taux d’antioxydants était
reliée à une moindre consommation de fruits et légumes chez ces patients. D’autres
études sont cependant nécessaires pour déterminer le rôle joué par les antioxydants dans la survenue des complications cardiovasculaires au cours du syndrome
métabolique.
Syndrome métabolique et risque rénal
En dépit des observations suggérant un lien entre dyslipidémie et maladie rénale
chronique [12, 13], ces observations ne traitent pas directement de l’influence sur
la fonction rénale du syndrome métabolique tel qu’il est habituellement défini.
Deux analyses des données de l’étude NHANES III [14, 15] portant sur plus de
6 000 sujets, ont mis en évidence une association statistique entre le syndrome
métabolique et l’existence d’une micro-albuminurie. L’une de ces études [15] a
en outre montré une association entre le nombre de facteurs du syndrome métabolique présents et un débit filtration glomérulaire inférieur à 60 ml par minute.
Les caractéristiques individuelles associées au risque rénal plus élevé étaient
l’hypertension artérielle et l’hyperglycémie. Ces travaux permettent de conclure
qu’il existe une relation entre le syndrome métabolique et une dysfonction rénale,
mais ne permettent pas d’établir clairement une relation de cause à effet. Étant
donné qu’il y a une superposition considérable entre les caractéristiques cliniques
du syndrome métabolique et le diabète, le risque de maladies rénales chroniques
chez les individus atteints de syndrome métabolique peut refléter la présence de
deux facteurs de risques connus pour l’apparition et la progression de la maladie
rénale chronique, notamment l’hypertension artérielle et le diabète, plutôt qu’un
effet indépendant. L’approche nécessaire pour différencier ces influences serait
de comparer la prévalence de la maladie rénale chronique dans des cohortes de
patients atteints de syndrome métabolique qui remplissent ou non les critères de
diabète. Jusqu’à ce que de telles informations soient disponibles, il est raisonnable
de penser que les risques rénaux du syndrome métabolique et du diabète sont ne
sont pas séparables.
Cependant, certaines données suggèrent que le syndrome métabolique peut être
une cause indépendante de maladies rénales chroniques. En effet Chen [15] a
observé que l’augmentation du tour de taille était significativement corrélée avec
la microalbuminurie et la diminution du débit de filtration glomérulaire, suggérant
que l’obésité était un risque indépendant de maladie rénale chronique. De telles
associations indépendantes ont été également décrites au Japon [16] et plus récemment en France au sein de la cohorte DESIR [6], qui établit très solidement la
relation entre obésité abdominale et microalbuminurie. Enfin, des études anatomopathologiques ont montré que la proportion de lésions glomérulaires liées à l’obésité, caractérisées par une hyalinose segmentaire focale et une glomérulomégalie,
avait augmenté de 0,2 à 2 p. 100 de toutes les biopsies pendant les 15 années de
l’étude [17], cela alors qu’aucun des patients ne montrait des lésions histologiques
compatibles avec une néphropathie diabétique. Là encore, les risques d’hypertension et de diabète associés à l’obésité rendent difficile l’établissement de relations
de cause à effet entre l’obésité et les lésions rénales.
Les mécanismes potentiels des anomalies rénales au cours du syndrome métabolique lié à l’obésité font l’objet d’hypothèses relatives :
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– aux effets indésirables des adaptations à l’augmentation de la masse corporelle et de la charge excrétée ;
– aux effets indésirables des adaptations à la rétention sodée induite par l’obésité ;
– aux effets directs ou indirects de l’hyperinsulinisme et de la résistance à
l’insuline ;
– aux phénomènes de lipotoxicité rénale.
L’obésité est associée à une augmentation de la masse maigre, et à une organomégalie impliquant le cœur et les reins [18] ainsi qu’à une hyperperfusion et une
hyperfiltration rénales [19], responsables d’une augmentation de la fraction filtration compatible avec une hypertension capillaire glomérulaire, facteur classique
de développement d’une glomérulosclérose.
Les relations entre la réduction de la capacité d’excrétion sodée associée à l’obésité, et l’apparition de lésions rénales sont moins claires [20].
L’insulinorésistance s’accompagne d’une hypertrophie glomérulaire dès la
phase d’hyperinsulinisme prédiabétique, alors même qu’il n’y a pas encore
d’hyperglycémie ni d’hypertension artérielle. L’hyperinsulinémie, quoique dépourvue d’effet direct sur la pression artérielle, pourrait contribuer à des anomalies
hémodynamiques glomérulaires par l’intermédiaire de l’IGF-1 [21] et de l’augmentation des taux intrarénaux d’angiotensine II [22]. Une interaction de l’hyperinsulinisme avec les mécanismes de l’inflammation est également possible.
Enfin, la lipotoxicité est une hypothèse plus récente [23], qui implique dans un
même processus les différents organes ou tissus sièges de lésions associées à l’augmentation des acides gras libres et du stress seul oxydatif.
PRÉVENTION ET TRAITEMENT
L’obésité et la sédentarité étant deux paramètres étiologiques importants favorisant le développement du syndrome métabolique, la prise en charge la plus précoce possible de ces facteurs de risque est primordiale dans la prévention et le
traitement de cette entité.
Une modification des habitudes de vie incluant une augmentation de l’activité
physique et une alimentation équilibrée avec un régime hypocalorique en cas de
surpoids et/ou d’obésité constituent la base de la prise en charge. Le suivi à long
terme de telles recommandations est cependant problématique.
Des études d’intervention récentes (Finnish Diabetes Prevention Study, Diabetes Prevention Program, Da Qing IGT and Diabetes Study) ont montré que chez
des individus intolérants au glucose une augmentation de l’activité physique diminue notablement le risque de développer un diabète de type 2 [24, 25]. Dans ces
essais, une large proportion des patients présentaient des anomalies métaboliques
correspondant aux critères de définition du syndrome métabolique. À ce jour,
aucune étude prospective randomisée n’a cependant formellement démontré
qu’une modification des habitudes de vie prévenait l’apparition du syndrome métabolique. Il est à noter qu’un programme d’activité physique intense peut être délétère chez des sujets âgés ou suspects d’insuffisance coronarienne chez lesquels une
épreuve d’effort pourra être proposée avant de débuter l’activité physique.
Par ailleurs, les agents pharmacologiques qui améliorent la sensibilité à l’insuline semblent avoir une place de choix dans le traitement des patients avec un
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syndrome métabolique en raison du rôle physio-pathologique joué par l’insulinorésistance dans cette entité. Plusieurs traitements médicamenteux (la metformine,
l’acarbose, l’orlistat ou la rosiglitazone) ont fait la preuve de leur efficacité en
termes de prévention de la survenue du diabète de type 2 chez des sujets intolérants
au glucose et qui pour la plupart présentaient un excès pondéral [25, 26, 27, 28].
Cependant, la réduction du risque relatif de diabète conférée par la metformine
dans l’étude DPP était inférieure à celle apportée par le régime et l’activité physique au sein du même essai (–58 p. 100 versus –31 p. 100), ce qui souligne la
primauté des recommandations hygiéno-diététiques chez les patients avec des anomalies du métabolisme du glucose [25].
Malgré les confirmations répétées d’une relation linéaire entre niveau glycémique et risque cardiovasculaire et rénal [29], il existe à l’heure actuelle encore peu
de données permettant d’apprécier la capacité des médicaments, seuls ou en association avec les mesures hygiéno-diététiques, à prévenir à long terme la survenue
d’un diabète de type 2 et le développement de complications cardiovasculaires
chez des patients dysmétaboliques. Des données récentes de l’étude STOPNIDDM ont montré une réduction de l’incidence des évènements cardiovasculaires chez les patients intolérants au glucose traités par acarbose par comparaison
au groupe placebo [30]. Ces résultats, certes préliminaires, suggèrent cependant le
bénéfice cardiovasculaire conféré par la correction des anomalies métaboliques
chez des individus à risque élevé de diabète de type 2. Ils ont été récemment
confirmés par la réduction du risque d’infarctus du myocarde et d’accident vasculaire cérébral chez des patients diabétiques de type 2 traités par pioglitazone dans
l’étude PROactive [31].
En dépit des différents arguments expérimentaux [32] suggérant un effet bénéfique des agonistes des PPAR-alpha et surtout -gamma dans l’apparition et la
progression de la néphropathie diabétique, il n’y a actuellement que peu d’éléments
cliniques pour attribuer à ces médicaments un effet significatif dans la prévention
ou le traitement des anomalies rénales associées au syndrome métabolique [33].
CONCLUSION
Le syndrome métabolique représente une entité pathologique qui concerne une
fraction relativement importante de la population et qui expose les individus à un
risque élevé de maladies cardiovasculaires et/ou de diabète de type 2. La prise en
charge de ce syndrome qui n’a pas encore été reconnu officiellement en France
soulève plusieurs problèmes à l’échelon individuel et à l’échelon collectif, en termes de dépistage comme de traitement.
Chez les patients avec un syndrome métabolique, une hypertension artérielle et
un diabète, il est évident qu’un contrôle agressif de la pression artérielle et de la
glycémie est indispensable, pour la prévention des complications rénales et
extrarénales de ces deux affections. On ne peut affirmer que le traitement des
autres composants du syndrome métabolique pourrait avoir une influence sur la
progression de l’insuffisance rénale. Il reste possible de penser qu’une prise en
charge agressive de l’obésité et des anomalies lipidiques peut potentiellement améliorer la progression de l’insuffisance rénale dans un contexte de syndrome métabolique, mais des investigations plus approfondies sur le rôle spécifique de
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l’obésité et de la dyslipidémie sur la progression de la maladie rénale chronique
sont indispensables. En cas de traitement pharmacologique, il reste à définir la
meilleure façon d’utiliser les médicaments chez les patients et à quel moment
débuter le traitement. Agir sur les différents composants du syndrome métabolique
peut nécessiter la prescription de plusieurs médicaments, ce qui soulève le problème de la compliance à long terme chez des patients asymptomatiques pour la
plupart.
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