Mer d`Aral - Eduquer au Développement Durable
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Mer d`Aral - Eduquer au Développement Durable
LA MER D’ARAL UN CAS DE MAUVAISE GESTION DES RESSOURCES EN EAU Cette étendue d’eau fut autrefois considérée comme le 4ème plus grand lac du monde. Aujourd’hui, l’activité humaine a puisé dans ses ressources à un point tel qu’elle a perdu 40% de sa superficie et 60% de son volume depuis les années 1960, en passant de 53.4m à moins de 32m. Nous analyserons les différents facteurs qui ont conduit à l’une des plus grandes catastrophes environnementales du XXème siècle, ses conséquences, et les solutions envisagées pour y remédier. I. Contexte géographique La mer d’Aral est une mer fermée d’Asie centrale, partagée entre le Kazakhstan au nord et l'Ouzbékistan au sud. Elle se serait formée à l’origine par un lien avec la mer Caspienne, aujourd’hui disparu. Jusqu’aux années 1960 elle était alimentée par les grands fleuves de l’Amu-Daria et du Syr-Daria qui prennent respectivement leur source au Kirghizstan et à l’extrême est de l’Afghanistan, tous deux très proches de la frontière chinoise. La mer couvrait alors une surface de 68000 km². Depuis 1989, on a constaté sa séparation en deux entre la « petite mer » au nord et la « grande mer » au sud. La principale explication réside dans le fait que les deux fleuves traversent une grande partie de l’Asie orientale où les cultures extensives et d’autres activités sont exigeantes en eau, notamment la culture du coton pour l’exportation, ont connu un gigantesque essor durant les 50 dernières années, sous la politique planificatrice de l’URSS visant à décupler la productivité. L’eau consommée pour ces activités est prélevée presque exclusivement dans ces fleuves, qui par ailleurs ne sont approvisionnés que par de rares précipitations. II. Impact des activités humaines a. Le long des fleuves Les principaux problèmes sont de nature logistique : • La vétusté des aménagements d’irrigation provoque des fuites innombrables de sorte que près de la moitié de l’eau prélevée est gaspillée avant d’atteindre les lieux de culture. En effet, le matériel n’est plus entretenu depuis la chute de l’Union Soviétique. Paradoxalement, les prélèvements en eau ont continué à augmenter même après son effondrement, passant par exemple de 34.6 km³ en 1980 à 44.6km³ par an en Ouzbékistan. • Les pays ne sont pas équipés d’usines de traitement des eaux, et ne peuvent donc pas épurer puis réutiliser cette ressource. Ils rejettent une eau polluée, notamment par les pesticides et par les métaux lourds, qui ruisselle dans les terres des paysans, et dans le fleuve lui-même. • La pratique massive de la monoculture a provoqué un appauvrissement des sols, qui deviennent peu à peu incultivables, au détriment des populations locales qui ne peuvent plus cultiver de plantes vivrières. On assiste à une désertification de la région. • L’utilisation intensive de pesticides et d’engrais contamine les sols et les cultures, et leur présence dans les fleuves empoisonne leur faune marine. En 1975, le Kazakhstan, le Kirghizstan, le Turkménistan, le Tadjikistan et l’Ouzbékistan ont ainsi cumulé une consommation moyenne de 153 kg de fertilisants par hectare. Par ailleurs, cette ressource est devenue peu à peu un enjeu politique : les pays traversés par ces fleuves cherchent à préserver leurs intérêts en détournant l’eau avec des barrages, et en effectuant leurs prélèvements sans se soucier des pays en aval qui comptent également sur cette ressource. Les drainages n’ont cessé de croître jusqu’à ce qu’ils dépassent les capacités des fleuves. La mer d’Aral recevait une cinquantaine de km³ d’eau en 1965 ; dans les années 1980, ce chiffre est presque tombé à zéro. Ainsi, en 1989, le débit de l’Amu-Daria s’est tari à un point tel que la partie sud de la mer n’était plus alimentée en eau, et s’est séparée de la partie nord. Depuis, le niveau de « cette grande mer » ne cesse de diminuer à un rythme encore plus accéléré que celui de la petite mer. Les clichés de la NASA ci-dessous montrent l’évolution drastique des bassins en l’espace de trente ans. b. Autour du bassin de la mer d’Aral Les conséquences pour les 50 millions de personnes vivant autour du bassin sont les mêmes que celles subies par les populations résidant le long des fleuves, mais aggravées, et d’autres contrecoups apparaissent encore : • Quand la mer s’assèche, le sel reste : cette salinisation des sols les rend stériles et impropices à l’agriculture. 80% des aires de pâturages ont d’ailleurs disparu. L’eau comporte également des niveaux de salinité qui sont, à 50g/l, cinq fois plus élevés qu’en 1960. • Le climat est devenu plus continental, plus sec, et favorisant les tempêtes de sable. De plus, les températures se sont accentuées selon les saisons : on est passé des extrêmes de -25 C° en hiver et 35C° en été à respectivement -50 C° et 50C°. Ces nouvelles perspectives rendent le terrain encore moins propice à l’agriculture. • De nombreux facteurs tels que les résidus polluants et la très haute salinité de l’eau ont conduit à la quasi-disparition des poissons dans la mer depuis 1982, et la pêche, qui fut la principale activité de la région dans les années 1950, est aujourd’hui devenue marginale. Les prises sont passées de plusieurs centaines de milliers de tonnes dans les années 1950 à 4000 tonnes en moyenne aujourd’hui. Ainsi, la communauté des pêcheurs s’est peu à peu dissoute, et de nombreux villages ont été abandonnés. On rencontre de nombreuses épaves telles que celle cicontre dans la zone où la mer s’est asséchée. • La grande présence de résidus de fertilisants et de pesticides charriés par les fleuves est aussi vraisemblablement la cause de nombreuses maladies qui se sont multipliées dans la région : maladies rénales, tuberculose, anémie, typhoïde, troubles respiratoires aigus, cancers, diarrhées… On constate aussi le taux de mortalité infantile le plus élevé au monde avec 110 mort-nés pour 1000 naissances, et un déclin de l’espérance de vie dans l’ensemble de la population, plus prononcé chez les hommes. Les conséquences de la disparition progressive de la mer d’Aral sont non seulement d’ordre environnemental, mais aussi d’ordre économique : la disparition de la pêche et de l’agriculture paralysent littéralement une partie du Kazakhstan et de l’Ouzbékistan, où 80% de la population active se trouve au chômage. Globalement, on assiste à une désertification animale, végétale, et humaine de la région. III. Un regain d’espoir ? Face à l’ampleur du désastre, des solutions ont été proposées, souvent sous l’impulsion des pays concernés eux-mêmes. a. Sauver la mer d’Aral : est-ce possible ? Après l’effondrement de l’URSS, les cinq pays concernés avaient déjà signé des accords visant à limiter les prélèvements en eau (notamment en infligeant des amendes aux exploitants agricoles qui ne respecteraient pas les seuils imposés) et à endiguer le problème avec des restructurations logistiques, mais leur manque de moyens justifie le fait que ces mesures n’ont pas eu une efficacité durable. En témoigne également la tentative du Kazakhstan d’enrayer la fuite des eaux de la Petite Mer en 1995 en construisant une digue de sable… qui fut détruite par une tempête en 1999, et l’espace récupéré sur 4 ans fut presque aussitôt perdu. Mais en 2003 un nouveau projet de digue, en béton cette fois, a été initié au Kazakhstan, notamment grâce à un prêt de la Banque Mondiale (regroupant la Banque Mondiale pour la reconstruction et le Développement et l’Association internationale de développement) afin d’essayer à nouveau de sauver la Petite Mer. Elle a donc été complètement séparée de la Grande Mer par un barrage, et à présent le débit de la Syr-Daria sert à faire revivre cette partie de la mer d’Aral. Jusqu’ici, le projet a été couronné de succès, et le niveau de la mer est d’ailleurs remonté plus vite que prévu, en passant de 30 à 38 mètres, et sa superficie a regagné 30%. On espère que les poissons viendront bientôt repeupler la zone, et que le port d’Aralsk pourra être réhabilité. Cependant cette solution n’avantage que le Kazakhstan : la Grande Mer, située en majeure partie en Ouzbékistan, qui n’est plus alimentée par l’Amu-Daria, n’a aucune ressource pour se régénérer, voire s’assèche plus rapidement encore. Si le niveau de salinité s’est mis à baisser à plus ou moins 20g/l dans la Petite Mer, il ne cesse d’augmenter dans la Grande Mer et atteint maintenant des taux de 80 à 100g/l ! Même si le gouvernement kazakh assure que le trop-plein d’eau de la Petite Mer est déversé directement dans la Grande Mer, ce « remède » suscite de nombreuses disputes entre les deux pays. En attendant, les discussions continuent pour lancer un projet de canal reliant la mer Caspienne, située à l’ouest, à la mer d’Aral. Cependant le coût extrêmement élevé d’une telle opération, surtout pour des pays du Tiers-Monde, et les conséquences sur la mer Caspienne elle-même soulèvent encore beaucoup la polémique, et l’idée devra encore attendre avant de voir le jour. Dans tous les cas, l’espoir de ramener la mer d’Aral à son état d’origine est très mince, voire inexistant, étant donné la gravité des dommages déjà constatés, malgré la stabilisation des prélèvements dans les fleuves à 110-120 km3/an. Ce cliché pris par la NASA en 2008 vient égayer cette thèse pessimiste. On peut uniquement espérer la naissance d’un nouvel écosystème propice au retour de la civilisation, si les conditions le permettent. b. Réinventer l’agriculture Le chapitre historique de la domination soviétique sur cette région est certes révolu, mais il en subsiste cependant de nombreux aspects, dans la pratique et dans les infrastructures. La seule alternative qui reste à la population consiste à se tourner vers le développement durable, notamment dans son mode d’agriculture. On préconise notamment de : • Diversifier les productions agricoles afin de subvenir aux besoins du marché intérieur et de régénérer les sols, même si les exportations de riz et de coton semblent plus rentables à court terme. • Rénover les canaux d’irrigation pour les rendre étanches et ne pas étendre davantage leur zone d’acheminement. • Récupérer l’eau drainée et la faire épurer, tout en en faisant une exploitation plus raisonnée. • Planter des espèces végétales plus résistantes au sel et moins exigeantes en eau. • Freiner la fertilisation et l’utilisation de produits phytosanitaires, à défaut de les remplacer par des moyens biologiques. Ces changements structurels ne pourront être adoptés du jour au lendemain, mais des impulsions sont faites, et la population travaille à s’y appliquer : il s’agit pour eux de survivre. Conclusion La disparition de la mer d’Aral s’illustre comme l’un des plus flagrants exemples de l’impact phénoménal que peut avoir l’homme sur son environnement, on parle d’ailleurs parfois de « Syndrome de la mer d’Aral ». Le pragmatisme des pays concernés les oblige aujourd’hui à trouver des moyens pour limiter les dégâts, ou du moins pour s’adapter à cette nouvelle situation, car ils ne cultivent pas l’espoir d’annuler les dommages causés par un demi-siècle de surconsommation d’eau, et de ramener la région à son état d’autrefois. S’il est un seul bénéfice que l’on pourra tirer de cette catastrophe écologique, il aura consisté à faire prendre conscience à l’homme de la fragilité de son environnement, de son devoir de préserver celui-ci, et non d’en abuser, en vertu du respect qu’il doit à la nature, mais aussi pour sa propre survie. Sources :http://www.ladocumentationfrancaise.fr/ http://www.eaudela.org/ http://www.nasa.gov/ http://www.fao.org/