Le sexe maudit - ERC - Équipe de Recherches Cliniques en

JOURNEE D’ETUDE DE LA DECOUVERTE FREUDIENNE
« Adolescence et subjectivité contemporaine »
Université Toulouse Le Mirail – 14 février 2004
Adolescence et sexualité
Le sexe maudit : subversion du sujet
Françoise Hurstel
Evènement majeur, la rencontre du partenaire sexuel a gardé sa charge subversive et
conditionne toujours les dérives et les impasses symptomatiques du sujet en quête d’être du
coté de l’amour et de jouissance quant au désir. Si l’amour comme métaphore du manque à
être est recherché préférentiellement côté féminin,le désir recèle les modes structuraux de
l’impasse,maintenu en tant qu’impossible pour l’obsessionnel ,en tant qu’insatisfait pour
l’hystérique. Pas d’autre voie que la cure analytique pour solutionner l’impasse et raccorder le
désir à la loi.
La sexualité participe du lien social et « si ça rate , c’est pour chacun… » je cite Lacan en
1974.
Je ferai l’hypothèse que sous couvert de libéralisation des mœurs, du droit à jouir librement
la sexualité « à faire trou dans le réel »,ainsi que Lacan l’évoque dans sa préface de la pièce
de théâtre de Wedekind : « L’éveil du printemps » représentée à Paris en 1974 – A « faire trou
dans le réel », la sexualité contribue dans notre société post moderne à brouiller , embrouiller
le mythe du rapport sexuel jusqu'à décompléter un savoir sur le sexe. Le rapport sexuel ,garde
une part d’insymbolisable .Si les partenaires se rencontrent au lit, couchent ensemble,
« l’amour est impuissant,quoique il soit réciproque, parce qu’il ignore qu’il n’est que le désir
d’être Un, ce qui nous conduit à l’impossible d’établir la relation d’eux. La relation d’eux
qui ? – deux sexes. » Séminaire XX- Encore p.12 1973-74
Dans son rapport au réel, le non rapport sexuel vient faire trou dans le savoir. Lacan nous
indique que « au départ de tout lien social, se constitue du non rapport comme trou. »TélévisionDans ses élaborations successives sur la sexualité,- des théories sexuelles infantiles à
l’étiologie sexuelle des névroses, jusqu'à dégager comme point de buté de la cure freudienne
le refus de la féminité ou la protestation virile, « roc de la castration » ce non rapport
constitue le dire de Freud nous indique C.Soler.
Dans sa préface, Lacan souligne - je le cite : « Que ce que Freud a repéré de ce qu’il appelle
la sexualité fasse trou dans le rée,l c’est ce qui touche que personne ne s’en tirant bien, on ne
s’en soucie pas plus. » p.10 , L’éveil.. On peut évoquer là les fantasmes suscités par ce mythe
des amours des adolescents jusqu’aux loft stories et autres love stories télévisuelles.
Moment crucial de la vie d’un sujet, la rencontre du partenaire sexuel le confronte au réel
dans ses deux dimensions d’insupportable et d’impossible à dire, ce,à plusieurs nivaux où
vont se cristalliser ses points d’impasse. Question sur la féminité et sur le sexe,sur la mort
J’ai dégagé quelques points cruciaux dans la pièce,-pièce que commente Freud avec des
collègues à la société du mercredi à Vienne en 19071
Moment de réveil des pulsions partielles et réactivation de la pulsion de mort
La poussée libidinale vers l’objet sur fond d’objet perdu
Le rapport mère fille dans son lien au phallus
Le choix du sujet quant à la sexuation
L’appui sur le NDP et appel à la fonction du père :unir le désir à la loi ( c. lois du langage)
L’éveil du printemps :Floraison symptomatique de la difficulté du devenir femme, du devenir
homme.
Magnifique pièce de théâtre qui écrite en 1881 précède ou accompagne la découverte de
l’inconscient freudien et son lien avec la sexualité. Dans ces années de 1887 à 1902 l’échange
de courriers avec Fliess témoigne du travail acharné de Freud pour fonder en raison le noyau
sexuel des névroses. Je vous invite à lire ou relire en particulier les lettres 46,52 ainsi que
l’Esquisse.(in, La naissance de la psychanalyse au PUF p.145,159 et 315,etc…
Mise en scène du réveil des pulsions, véritable orage pulsionnel, c’est le moment où se pose
la question de «l’affaire de ce que c’est pour le garçon de faire l’amour avec les filles…
qu’ils n’y songeraient pas sans l’éveil de leurs rêves » Rêverie que Freud a marqué comme
voie vers l’élaboration du fantasme, dans ses études sur l’hystérie : « Les fantasmes
hystériques et leurs relations à la bisexualité » -1909.NPP p.150
Je n’insisterai pas sur le destin des personnages sinon à m’arrêter aux questions posées par
Wanda,, Melchior et Moritz.
Wanda nous dit crûment : « J’ai rêvé que j’étais une petite mendigote…si je n’avais pas
rapporté autant de sous que mon père escomptait, j’étais battue, battue. » et « Se faire battre,
ce doit être terrifiant ». Pas besoin de souligner la jouissance soutirée, au simple énoncé !
Elle va entraîner dans la mise en acte du fantasme Melchior qui dans sa rêverie battait un
cheval. Et c’est la mise en acte pour les deux protagonistes comme satisfaction de désir. Il y a
rencontre de deux inconscients. Donc, nous assistons à une scène de jouissance, comme
réalisation du fantasme lié à l’interdit de l’inceste. p.37 L’Eveil…
Notons que dans l’état, cette rencontre peut nous permettre d’évoquer un temps de la
construction d’un symptôme hystérique dont Freud nous donne la définition quant à sa
nature : « ..compromis entre deux motions d’affect ou motions pulsionnelles opposées dont
l’une s’efforce de donner expression à une pulsion partielle ou composante de la constitution
sexuelle tandis que l’autre s’efforce de réprimer la première. »
Dans son texte de 1919 « Un enfant est battu », Freud conclut sur « l’Oedipe comme véritable
noyau de la névrose ,que la sexualité infantile ,qui culmine en lui est sa condition effective,et
que ce qui subsiste de ce complexe dans l’inconscient représente la disposition de l’adulte à
contracter ultérieurement une névrose. Et( c’est moi qui souligne), le fantasme de fustigation
et d’autres fixations perverses analogues ne seraient alors eux aussi que des sédiments
laissés par le complexe d’Oedipe,pour ainsi dire des cicatrices , séquelles d’un processus
révolu,tout comme la fameuse infériorité correspond à une cicatrice analogue » in NPP ,
p.233
Ce terme de sédiments est intéressants à relever car permet d’évoquer les éléments langagiers
qui seront propres au sujet…
Dans un 2ème temps, ils passeront à l’acte sexuel sur fond de malentendu et Wanda sera
confrontée a une grossesse. La faiseuse d’ange fera le reste, mort de Wanda. La culpabilité
envahit Melchior qui prend la fuite à la recherche de la vérité. A la recherche d’Un, avec qui
parler de ce qui lui est arrivé comme sans y penser.
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Venons en au personnage complexe de Moritz . « Tu es comme une fille dit de lui son ami. »
En effet il se maintient dans une position d’errance entre les deux sexes et ses rêveries
accordent un supplément de jouissance à la fille. Lire p.44
S’il rêve des filles ça ne lui facilite pas la rencontre. Il se suicide et erre dans un entre deux
morts .Cet Un avec qui parler, se présente dans l’apparition de « l’homme masqué » au
cimetière qui le fait resurgir,la tête sous le bras,et confirmer dans le destin qu’il s’est
choisi,l’errance ,le recul sur son désir,sous couvert de sublimité. « C’est au royaume des
morts que les non dupes errent. »
A l’invite de l’homme masqué faite à Melchior de se confier à lui, sa réponse marque son
désir décidé, assumant le risque : « ou cet homme m’emmène,je ne sais pas …mais c’est un
homme. »
Pour Lacan cet homme masqué c’est un Nom du Père qui l’oriente sur la voie de son désir.
La véritable fonction du père ,c’est d’unir le désir à la loi de la castration (de jouissance)
A travers ces personnages de fiction, peut-on parler de types cliniques ,en lien avec la
subjectivité de notre époque ?
Sur un plan global,la pièce met en évidence la difficulté pour un sujet à trouver sa place dans
la rencontre avec l’autre sexe ..La sexuation est une opération symbolique, l’inscription
sexuelle n’est pas sans conséquence. (Rappelons que la rencontre avec l’Autre sexué comme
Autre peut provoquer le déclenchement de la psychose)
Le psychanalyste est alors tenu tel l’homme masqué d’accompagner un bout de chemin le
sujet,et d’assurer dans l’ordre symbolique avant d’envisager une psychanalyse à partir du
dégagement du symptôme analytique. Est attendu, convoqué l’opérateur sur la jouissance
qu’est le désir de l’analyste.
Alors, ne peut-on affirmer que la psychanalyse, gardienne de ce maudit, mal-dit, sur le sexe,
est, dans la subjectivité de notre époque requise. Mal-dit, le malentendu préside à la rencontre
et peut précipiter un sujet dans la nécessité de mettre au travail de sa parole le trop ou le pas
assez de jouissance éprouvé. Il s’agit de produire un effet de division du fait qu’il parle .Effet
d’inconscient,dont Lacan fournit le cadre : « L’inconscient implique- t-il qu’on l’écoute? A
mon sens oui. Mais il n’implique sûrement pas sans le discours dont il ex-siste ,qu’on l’évalue
comme savoir qui ne pense pas ni ne calcule ni ne juge , ce qui ne l’empêche pas de
travailler(dans le rêve par exemple) » Télévision p.26 Ce discours, c’est le discours de
l’analyste ; « Il vaut d’être porté à la hauteur des plus fondamentaux parmi les liens… »
Loin de consentir à son ravalement au rang de psychothérapie, les psychanalystes ont à se
maintenir en état d’alerte .c’est de notre responsabilité de ne pas reculer sur les conditions de
formation propres à produire le désir de l’analyste.
En forme de conclusion
Quelques remarques concernant la clinique analytique avec des sujets dans ce moment de
structuration quant à la sexuation. La différence des sexes mérite d’être soulignée au titre des
embarras d’ordre différents, rencontrés dans le devenir femme ou/et homme, par les sujets
dans ce moment de subjectivation du sexe.
Devenir femme
-En effet le penisneid freudien n’est-il pas renforcé par l’effet des discours sur l’égalité des
sexes,entre autres discours. La voie masculine ,comme sortie de l’Œdipe, avec rejet de la
féminité est –elle condition d’accès à certains postes de responsabilité ?
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La pression sociale exercée sur la mère comme symptôme d’une femme, ne s’est-elle pas
allégée,laissant vide une solide identification pour la fille. En même temps, la montée du
discours de la science vient à la rescousse de la demande d’enfant, maintenant forclos le désir
inconscient. Désir inconscient lié aux signifiants de l’histoire du sujet.
Dans sa conférence sur la féminité de 1932, Freud souligne deux tâches supplémentaire pour
le sujet féminin : changement de zone érogène et d’objet. Tout en montrant qu’à l’entrée dans
la phase phallique,s’efface la différence de sexes :une seule libido.
Pourtant,il est notable que sous l’attachement au père difficile à vaincre, Freud remarque une
trace indélébile de l’attachement à la mère et « une relation étroite entre ce premier lien à la
mère et l’étiologie de l’hystérie,ainsi que de situer dans cette dépendance à la mère le germe
de la paranoïa de la femme. »in La vie sexuelle p.141
Devenir homme dans la subjectivité de notre époque :
Juste deux remarques à mettre au débat
J’attire votre attention sur la réactivation des pulsions dont la pulsion de mort dans ce
moment de la rencontre avec le sexe dans son lien à la mort. La composante agressive,
pulsion d’emprise, pulsion d’agression pour Freud ne renvoie-t-elle pas au stade du miroir,
dans la rivalité meurtrière à l’autre !
La violence reste la défense ultime de certains sujets .pour autant, de passer à la parole dans
des cadres divers, éducatifs ou autres peut parfois endiguer l’explosion. La figure de l’homme
masqué porteur du NDP nous en donne une indication.
Par ailleurs l’embarras causé par le « comment faire avec les filles » est toujours d’actualité.
Ainsi Rachid qui a choisi le CER comme alternative à la prison pour vols divers entretient
une correspondance avec son amie par SMS, avec le soutien de son éducatrice référente et
c’est la question qu’il lui a adressé.
Françoise Hurstel
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