Novembre 2015 (bis) : Cas de conscience sur le suicide

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Novembre 2015 (bis) : Cas de conscience sur le suicide
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Cas de conscience sur le suicide
Chronique de dernière minute
Un patient de 54 ans est reçu aux urgences dans un état critique. Retrouvé
inconscient par des joggeurs, il était au volant de sa voiture, moteur allumé, un tuyau
reliant le pot d’échappement à l’habitacle par une fenêtre entrouverte. À ses côtés un courrier.
Selon ses proches, ses dernières directives. Il exprimait clairement le désir de mettre fin à ses jours.
Sa famille le décrit comme un être fragile, déstabilisé sur le plan psychique depuis deux ans.
Interdit d’exercer sa profession de médecin, il a été poursuivi et condamné à deux ans de prison
avec sursis. Conscience minimale, le patient est intubé, ventilé. Sa famille effondrée vous implore
de le sauver, ses amis également. Vous, infirmières et médecins, tenez sa lettre d’adieu entre les
mains. Que faites-vous ? En 2015, la question ne se pose pas encore ! Vous faites tout ce qui est
en votre pouvoir selon les dernières techniques enseignées pour sauver le patient.
Certains de mes confrères ont été poursuivis pour avoir réanimé des bébés qui, par la suite, ont
présenté de graves handicaps ; bientôt, on pourra nous poursuivre pour ne pas avoir respecté une
lettre ou une directive anticipée… Cela vous parait grotesque ?
C’est peu ou prou le dilemme devant lequel mes confrères des Landes ont du se trouver en
recevant le Dr BONNEMAISON dans un état critique ! Si on applique mots pour mots les
arguments de l’ADMD (association pour le droit de mourir dans la dignité), qui milite en faveur de
l’euthanasie active et du suicide assisté :
- le patient a clairement exprimé le désir de mourir,
- il était dans un état de souffrance telle qu’aucune médication ni approche ne pouvait lui
donner quelconque soulagement,
- ses écrits ressemblent à des directives anticipées. Il voulait en finir, ne voyant plus aucune
raison objective de continuer à vivre ; on l’a privé de ce dont il tenait le plus, ce qui faisait sa vie :
la médecine ! Ce sont ses dernières paroles à la fin de son procès… sauf qu’il a été au centre d’une
intense activité médiatique ces deux dernières années.
Absurde que le raisonnement de l’ADMD qui voudrait légitimer puis légaliser le suicide assisté !
Nous en sommes tous témoins avec le cas de ce docteur ! Quid de l’histoire de cet homme ? Un
père médecin suicidé, une identification totale à ce père, une personnalité considérée comme très
fragile par tous les experts… et un métier qui épuise physiquement et moralement. Les médecins,
plus spécialement ceux des urgences, sont au bout du rouleau, en grande souffrance et en danger !
Accompagner ses patients jusqu’au bout, c’est une philosophie de vie, une empathie qui oblige
à une distance certaine tout en regardant en vérité l’humanité de celui dont la vie le quitte
lentement. Il est bien évident que l’expression d’une détresse morale doit être entendue, écoutée,
prise au sérieux et accompagnée avec le recul de celui qui comprend que le désespoir pousse
parfois à des extrémités.
Partant du principe qu’on ne peut désirer ce que l’on n'a pas vécu ; la mort n’est pas désirée en
tant que telle mais comme l’espoir de la fin des souffrances. Refuser l’euthanasie, ce n’est pas
refuser « sa » mort au patient ; c’est au contraire prendre assez de recul, sachant à quel point la
souffrance peut modifier le discernement et altérer le jugement. C’est surtout accompagner,
soulager ; en un mot « AIMER » en vérité !
J’imagine l’abime de détresse dans lequel le Dr BONNEMAISON pouvait se trouver ces derniers
jours. Je souhaite qu’il survive, qu’il se rétablisse et soit accompagné par des personnes
désintéressées, qu’il puisse redonner sens à sa vie et se remettre au service des malades et de la
société.
Doketic

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