Monsieur Luigi A. Castagna, M.D., FRCPC Neurologie pédiatrique

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Monsieur Luigi A. Castagna, M.D., FRCPC Neurologie pédiatrique
Monsieur Luigi A. Castagna, M.D., FRCPC
Neurologie pédiatrique
Pédiatrie du développement
Le 1er mai 2016
Comité permanent de la justice et des droits de la personne
Chambre des communes
131, rue Queen, 6-07
Ottawa (Ontario) K1A 0A6
Mesdames, Messieurs,
Je suis ravi d’avoir l’occasion de commenter le projet de loi C-14. Je suis présentement pédiatre, et je
m’intéresse particulièrement à la neurologie pédiatrique et à la pédiatrie du développement. La
population que je sers est diversifiée sur le plan culturel, et comprend un grand nombre de patients
atteints de maladies chroniques ou d’invalidités. Lors de la formation aux cycles supérieurs, j’ai passé
deux ans à titre de résident en médecine familiale, en plus de terminer une résidence, tout d’abord en
pédiatrie, puis en neurologie. Je vous écris à titre de médecin qui comprend que sa profession relève du
domaine des arts libéraux et qu’elle met l’accent sur la relation personnelle entre un médecin et son
patient, à des fins d’éducation, de prévention et de guérison.
Par guérison, on peut entendre le rétablissement du fonctionnement du corps et de l’esprit lorsqu’ils
ont été atteints d’une maladie ou d’une blessure. Elle est strictement liée à l’éducation en matière de
santé, à la prévention des maladies et à la recherche dans les domaines de la science médicale. En
présence de maladies terminales et chroniques, lorsqu’il n’existe pas de traitement, la guérison rétablit
l’intégrité du patient en assurant un contrôle efficace des symptômes, en favorisant l’acceptation de
l’état actuel, et en donnant un sens et un objectif à ses relations.
Dans ce contexte, l’aide médicale à mourir est constituée de soins palliatifs. Elle respecte la décision
d’un patient de refuser tout traitement. Cependant, elle doit toujours confirmer la valeur inhérente de
chaque patient et la valeur de sa vie. Elle ne doit pas comprendre des pratiques culturelles, comme le
suicide assisté ou l’euthanasie, qui se fonde sur la croyance qu’une vie en particulier ne vaut pas la peine
d’être vécue. Ce ne sont donc pas des actes de traitement ni de guérison.
Le concept de guérison présuppose que chaque être humain dispose d’une structure physique et
mentale donnée qui prospère dans certaines conditions, et qui souffre lorsque ces conditions ne sont
pas respectées. La guérison n’a aucun sens si on croit que l’homme peut (ou doit) provoquer son destin,
dessiner sa vie et sa mort en fonction de ses propres désirs, car cela laisse entendre le refus d’un état
objectif de bien-être qui peut être obtenu ou rétabli. Les concepts de « maladie » et de « traitement »
perdraient aussi leur signification objective. On a plutôt l’imagination et la volonté subjectives d’un
individu.
Je souhaite que le Comité prenne sérieusement en considération le fait de modifier le projet de loi C-14,
afin de permettre aux médecins et aux établissements de soins de santé s’engageant à assurer la
guérison de refuser de prendre part, directement ou non, au suicide assisté par un médecin et à
l’euthanasie.
Les patients individuels et les collectivités bénéficieraient grandement de cette disposition de
différentes manières :
•
Les patients pourraient consulter des médecins qui, selon eux, agiront d’une manière axée sur des
principes, selon leur meilleur jugement, à la lumière de la valeur inhérente de la vie.
•
Le fait de savoir qu’un médecin et un professionnel allié font partie d’un établissement qui ne
pratique pas le suicide assisté par un médecin et l’euthanasie et qui fait la promotion d’une relation
thérapeutique positive entre le médecin et le patient, aide à atténuer les peurs et l’anxiété
éprouvées au cours d’une maladie grave, et encourage le patient à s’engager pleinement en
fonction de sa situation actuelle.
•
Les médecins et les professionnels alliés travailleraient dans un environnement qui apprécie et
récompense leur engagement, les efforts qu’ils déploient pour fournir des soins dans des situations
difficiles et complexes, ainsi que leur créativité.
•
Les patients vulnérables ne subiraient aucune pression subtile ou explicite visant à les forcer à
consentir aux mesures qui mettraient un terme à leur vie. Ils n’auraient pas à faire face à
l’ambivalence pénible associée au fait de percevoir les aidants comme des tueurs éventuels.
•
Les patients qui choisissent de se faire soigner dans un établissement qui ne pratique pas le suicide
assisté par un médecin et l’euthanasie n’auraient pas peur de devenir des victimes d’abus et
d’erreurs qui peuvent se produire dans n’importe quelle pratique. Dans le cas du suicide assisté par
un médecin et de l’euthanasie, les conséquences des abus ou des erreurs sont irréversibles.
•
En l’absence d’établissements et de médecins se retirant du régime, les patients pourraient se faire
soigner dans des administrations où le suicide assisté par un médecin et l’euthanasie sont illégaux.
C’est le cas en Hollande et en Belgique, où il arrive souvent que des patients aînés cherchent à se
faire soigner en Allemagne, un pays voisin. Au Canada, cette option serait uniquement offerte aux
personnes qui en ont les moyens financiers. L’accès aux soins médicaux comme pratique de
guérison, sans suicide assisté par un médecin et l’euthanasie, devrait être un choix offert à tous les
Canadiens.
•
De vastes communautés au Canada qui soutiennent la sainteté de la vie, y compris des pratiquants
des religions historiques (p. ex. judaïsme, christianisme et islam), trouveraient confort auprès des
établissements qui se sont retirés, tandis qu’ils cherchent à maintenir, conformément à leurs
croyances, une raison d’être et un sens face à l’invalidité, à la maladie chronique ou à l’approche de
la mort.
•
Les jeunes talentueux et ayant des principes, qui ont des aptitudes pour pratiquer la médecine
comme un art thérapeutique, ainsi que les membres des groupes minoritaires qui comprennent que
le suicide assisté par un médecin et l’euthanasie sont des pratiques contraires à l’éthique, ne
seraient pas découragés et ne seraient pas exclus de pratiquer la médecine comme profession s’ils
peuvent se retirer. Cela assurerait un degré de diversité au sein de la profession médicale.
•
Le fait de permettre aux médecins et aux établissements de se retirer empêcherait un glissement de
pouvoir et des ressources dont les Canadiens qui veulent vivre ont besoin, à la faveur de ceux qui
souhaitent mourir. Cela représenterait une mesure pour offrir un accès à des soins palliatifs à tous
les citoyens, au lieu de la proportion évaluée actuellement à 30 %.
•
Les médecins et les établissements qui se sont retirés aideront à éviter l’érosion de la
compréhension voulant que tous les êtres humains aient une valeur égale, sans égard à leur âge, à
leur situation socioéconomique, à leurs aptitudes et à leur état de santé.
Enfin, je souhaite remercier le Comité de prendre mes commentaires en considération.
Veuillez recevoir, Mesdames, Messieurs, mes salutations distinguées.
Luigi A. Castagna, M.D., FRCPC

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