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L e s f i c h e s d e j u r i s p r u d e n c e d ’ e J u r i s . b e : Im m o b i l i e r – F i s c a l i t é – U r b a n i s m e - C o p r o p r i é t é – C o n s t r u c t i o n
Droit des Baux
Arriérés de loyers - Abus du bailleur n° 217
Justice de paix d’Ixelles, Jugement du 18 mars 2008
Les fiches de Jurisprudence de www.eJuris.be
Siège : E. Mommens ; Plaid. MMes L. Opdenberg, Y. Oschinsky (loco Schonnatz), A. Leroy
Location étudiant : Le bailleur qui revendique tardivement le bénéfice de la solidarité
contractuellement souscrite par les colocataires, se rend coupable d'un abus de droit qui lui fait
perdre le bénéfice de cette solidarité. Que la Cour de cassation considère que commet un abus
de droit le bailleur qui « ne fait pas diligence et ne demande la résolution du bail qu'après un
long délai et aggrave ainsi la situation d'un cédant du bail, solidairement tenu avec le
cessionnaire sous-locataire qui n'honore pas ses obligations» (Cass., 18 février 1988, R.D.C.,
1988, p. 696); (JT 2008, p. 320)
Jugement du 18 mars 2008
Le Tribunal,
(…)
Attendu qu'en date du 8 septembre 2005, les parties ont
signé une convention de location pour étudiant relative
à l'appartement sis à 1050 Bruxelles, 162, boulevard
Général Jacques, et ce pour une durée d'un an « prenant
cours le 10 septembre 2005 et se terminant automatiquement le 9 septembre 2006 »;
Que le loyer était fixé à 1.000 EUR, plus une provision
de 200 EUR pour charges communes, dont les preneurs
devaient payer leur quote-part sur la base des relevés
du syndic ou du bailleur;
Que les preneurs reprochent à la bailleresse de n'avoir
pas indiqué dans le bail le nom d'un quatrième
locataire, M. Collinet;
Qu'une mise en demeure fut envoyée le 11 décembre
2006 aux preneurs, à l'adresse des lieux loués pour les
arriérés de loyers et qu'ensuite une requête en
conciliation fut introduite;
Que les preneurs précisent avoir quitté les lieux loués à
la fin du bail et n'ont dès lors pas reçu la mise en
demeure ni l'appel en conciliation envoyés à l'adresse
des lieux loués;
Attendu que la demanderesse soutient n'avoir pas reçu
les clefs à la fin du bail et réclame donc les arriérés de
loyer et d'indemnités d'occupation jusqu'à la date de
l'expulsion soit le 14 décembre 2007;
Qu'à la date du 16 septembre 2006, le décompte des
montants dus par les défendeurs s'élevait à 9.600 EUR,
en ce compris 3.000 EUR réclamés tardivement à titre
de garantie locative;
Que la demanderesse fonde aussi sa demande sur le fait
que le bail prévoit que les défendeurs sont tenus
solidairement et indivisiblement à l'égard de la
bailleresse;
En droit.
Attendu qu'il a été constaté par l'huissier de justice
procédant à l'expulsion le 14 décembre 2007 que les
lieux loués étaient vides;
Qu'il ressort aussi des éléments de la cause que les
preneurs étaient soit partis à l'étranger, soit avaient loué
un autre appartement après la fin du présent bail
litigieux;
Que le bail dit clairement qu'il prend automatiquement
fin le 9 septembre 2006;
Que la demanderesse a attendu jusqu'au mois de
décembre 2006 pour écrire aux défendeurs, alors qu'elle
devait recevoir les clefs dès septembre 2006; Que si
elle n'avait pas reçu les clefs à temps, elle aurait réagi
plus rapidement;
Qu'il en ressort que les preneurs avaient bien quitté les
lieux pour la date indiquée dans le bail et qu'il n'y a pas
lieu de mettre en doute le fait qu'ils ont remis les clefs
pour cette date;
Que seuls les arriérés de loyers dus jusqu'en septembre
2006 doivent être pris en considération, le bail ayant
pris fin le 9 septembre 2006;
Attendu que les défendeurs Vanderbeurght et Dieu ont
payé leur part de loyer jusqu'à la fin du bail à
concurrence de 300 EUR par mois;
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Arriérés de loyers - Abus du bailleur n° 217
Que le sieur André n'a toutefois pas payé son loyer; que
le quatrième « locataire» n'a pas signé le bail, ce que les
défendeurs savaient;
Que seuls trois locataires sont dès lors tenus du
paiement des loyers et que dès lors chacun est
redevable d'un tiers des loyers et non d'un quart comme
ils le soutiennent;
Que la quote-part de chaque locataire était de 400 EUR
par mois et non 300 EUR;
Attendu que la demande de paiement de garantie
locative de 3.000 EUR est tardive; qu'elle devait être
demandée en cours de bail, par la bailleresse, ce qu'elle
n'a pas fait;
Que l'arriéré dû est donc de 9.600 EUR - 3.000 EUR,
soit 6.600 EUR, dont 11 x 400 EUR + 100 EUR =
4.500 EUR à charge de la partie André qui reconnaît
n'avoir payé que 300 EUR en septembre 2005;
Que le solde de 6.600 EUR - 4.500 EUR = 2.100 EUR
est à charge des défendeurs Vanderbeurght et Dieu,
chacun pour moitié;
Attendu que c'est à bon droit que les défendeurs
Vanderbeurght et Dieu invoquent que le bailleur aurait
dû agir en cours de bail pour récupérer les loyers non
payés par l'un des étudiants colocataires de
l'appartement;
Que certes la solidarité est prévue par le contrat, que
toutefois la bailleresse n'en a jamais fait état au cours
du bail, que les preneurs qui payaient leur loyer n'ont
jamais reçu de mise en demeure ni pour les montants
dus par eux, ni pour ceux dus par les autres;
Qu'en attendant plusieurs mois après la fin du bail pour
actionner les défendeurs ou même simplement les
prévenir des carences des uns et des autres, la
demanderesse a créé une situation inéquitable et
abusive qui ne peut rester sans conséquence dans le
cadre du présent litige;
Qu'il y a lieu dès lors d'appliquer ici, par analogie, les
principes applicables en cas d'abus dans le cadre d'une
cession de bail;
Qu'il appartient à chaque partie de solder son propre
dû;
Qu'il est en effet abusif de se maintenir dans l'inertie et
de réclamer ensuite des sommes disproportionnées
même à l'encontre de ceux qui ont payé une partie
importante du loyer;
Qu'en s'abstenant d'agir, la bailleresse a fait preuve de
négligence, ce qui entraîne par la suite un abus de droit;
Qu'il est dès lors abusif de réclamer tardivement le
principe de la solidarité même si elle est prévue dans le
bail d'occupation par des étudiants, bail qui constitue
une forme spécifique de location où chacun est en
principe tenu de sa propre part;
Qu'il y a lieu par analogie d'appliquer à ce type de
contrat de location pour étudiant la jurisprudence
appliquée en matière de cession de bail;
Que la Cour de cassation considère que commet un
abus de droit le bailleur qui « ne fait pas diligence et ne
demande la résolution du bail qu'après un long délai et
aggrave ainsi la situation d'un cédant du bail,
solidairement tenu avec le cessionnaire sous-locataire
qui n'honore pas ses obligations» (Cass., 18 février
1988, R.D.C., 1988, p. 696);
« Lorsque le bailleur a fait preuve d'une négligence
caractérisée dans la gestion de son patrimoine en
laissant s'accumuler des arriérés de loyer importants
pendant de nombreux mois ( ... ) (privant) ainsi
fautivement le cédant des possibilités d'intervention
qu'il pouvait avoir pour éviter que l'arriéré de loyer
s'accumule ( ... ) il ya lieu de considérer qu'il a renoncé
à ce droit" (J.P. Fexhe-Slins, 12 juin 1989, )J.J.P.,
1989, p. 283).
Que « l'inertie du bailleur en cas de mauvaise prestation
du preneur cessionnaire d'un bail commercial peut,
d'après les circonstances, constituer cependant un abus
de droit. Un tel abus ne peut ,être retenu que lorsque le
bailleur introduit avec retard une action en résolution
du bail pour cause de non-respect par le preneur de ses
obligations et qu'il aggrave ainsi la dette du cédant
solidairement tenu alors qu'en prenant en considération
les circonstances de fait, il pouvait raisonnablement
être attendu de sa part qu'il intervienne plus tôt » (Civ.
Bruges, 20 juin 1997, A.J. T., 1998-1999, p. 747);
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Arriérés de loyers - Abus du bailleur n° 217
Qu'il y a lieu de permettre aux défendeurs de s'acquitter
de la condamnation prononcée contre eux en trois
mensualités à dater du 28 mars 2008;
Que le surplus des demandes doit être déclaré non
fondé;
Par ces motifs;
Nous, juge de paix,
statuant contradictoirement et en prosécution de cause;
Déclarons la demande principale recevable et fondée
dans la mesure ci-après;
Disons pour droit que l'arriéré de loyer global Jusqu'au
9 septembre 2006 s'élève à 6.600 EUR;
Condamnons M. A. André à payer à la demanderesse la
somme de 4.500 EUR, majorée des intérêts judiciaires
et la moitié des dépens ...
L'autorisons à s'acquitter de sa dette en trois
mensualités à dater du 28 mars 2008; Disons qu'à
défaut d'un paiement à son échéance, la totalité
deviendra immédiatement exigible, sans mise en
demeure préalable;
Condamnons M. B. Vanderbeurght à payer à la
demanderesse la somme de 1.050 EUR à titre d’arriérés
de loyers, majorée des intérêts judiciaires...
.
Condamnons M. F. Dieu à payer à la demanderesse la
somme de 1.050 EUR à titre d'arriérés de loyers,
majorée des intérêts judiciaires et d'un quart des dépens
...
Autorisons M. Vanderbeurght et M. Dieu à s'acquitter
de leurs dettes en trois mensualités à dater du 28 mars
2008;
Disons qu'à défaut d'un paiement à son échéance, la
totalité deviendra immédiatement exigible sans mise en
demeure préalable;
Déboutons la partie demanderesse du surplus de ses
demandes;
Déclarons la demande en garantie recevable mais non
fondée car sans objet;
Déclarons le présent jugement exécutoire par provision
nonobstant tout recours et sans caution