227_088_089 MANAGER K D`ECOLE

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227_088_089 MANAGER K D`ECOLE
MANAGER
L’ENTREPRISE ÉTAIT HANDICAPÉE PAR SON TURNOVER
Comment le groupe Flo a
réussi à fidéliser ses salariés
Cas d’école. Le groupe de restauration Flo, bien connu pour ses
brasseries, ses Hippopotamus et ses Bistrot romain, a dû lutter contre
un turnover endémique, qui devenait une menace pour sa pérennité.
L
orsque Dominique Giraudier reprend
les rênes de Flo, en 2002 (au terme
d’une période marquée par la crise
de la « vache folle » et la difficile intégration de la chaîne Bistrot romain), il doit
redresser la barre. « Dans un secteur en
crise, si on veut éviter une baisse du chiffre
d’affaires, il est indispensable de maîtriser la qualité de la prestation et donc de
mettre en face des clients des salariés
réellement compétents, ayant intégré
nos standards. Travaillant avec des salariés qui restaient à peine trois mois, nous
risquions d’aller dans le mur », avoue le président du directoire. La nouvelle équipe de
direction découvre que les indicateurs du
turnover sont dans le rouge : au-delà de
130 % dans certaines enseignes!
Mais ce n’est pas tout. La difficulté d’attirer
puis de garder les nouveaux embauchés
génère un coût administratif colossal. « Un
turnover global de 110 ou 120 % signifie que
nous devons recruter 6000 personnes par
an et mener 18000 entretiens de recrutement! A cela s’ajoutent les annonces, les
fiches de paie, sans parler du temps perdu »,
s’exclame Dominique Giraudier. Il y va de
la survie de l’entreprise. « Nous devions
faire partager cette prise de conscience
à l’ensemble des cadres. Nous avons
décrété la mobilisation générale et lancé
notre plan d’action », explique le PDG.
Savoir intégrer avant de fidéliser
Quand on a du mal à recruter, la priorité
est de savoir garder ceux qu’on vient d’embaucher. L’essentiel se joue lors de l’accueil
et de l’intégration, surtout dans des métiers
peu attirants. « Dans la plupart des restaurants, les nouveaux étaient abonnés à des
tâches ingrates comme le passage de
l’aspirateur ou de la serpillière! Quand
les jeunes découvrent le métier ainsi,
difficile de leur expliquer que Flo va leur
offrir un bel avenir! », s’amuse Dominique
Giraudier. Le premier chantier d’Etienne
Rémond, le nouveau DRH, a été de s’assurer que chaque employé était bien intégré :
« Avant, on n’imposait rien, et le déroulé
des semaines suivant l’embauche était
trop flou. Aujourd’hui, nous avons un
parcours d’intégration obligatoire sur
trois semaines et en cinq étapes. La progression du nouvel embauché est suivie
grâce à une affiche que tous les employés
du restaurant peuvent consulter afin de
savoir où il en est. » Un livret remis à l’embauche détaille avec précision les étapes
du parcours. Pour boucler le tout, un
parrain ou une marraine accompagne et
soutient le nouvel arrivant durant toute
cette période. Au terme de ce parcours, la
reconnaissance du savoir-faire acquis se
traduit par un changement de salaire. Ce
processus est suivi de près par Etienne
Rémond, qui explique : « Un audit de
formation nous permet de vérifier que la
procédure d’intégration est respectée. »
Reste à garder les nouvelles recrues en
renforçant le sentiment d’appartenance.
Trois mois après leur arrivée, tous les
nouveaux venus (du cadre au plongeur)
sont réunis pour une journée conviviale
d’intégration. C’est l’occasion de mieux
connaître l’entreprise autour d’un déjeuner
et de visiter divers restaurants du groupe.
Pour marquer le coup, les salariés reçoivent
une carte privilège nominative qui leur
MARCHE À SUIVRE
Des pistes pour faire baisser le turnover et fidéliser le personnel
Soigner l’accueil. Si un respon-
sable accueille le nouveau venu,
celui-ci aura l’impression d’être
attendu. Prévoir un parcours
d’intégration précis : il évite
que le salarié soit cantonné aux
tâches les moins valorisantes.
Contrôler qu’il est bien respecté.
Montrer que chaque recrutement
compte pour l’entreprise.
Organiser une journée qui
regroupe tous les embauchés
des trois ou six derniers mois.
Mettre en place des entretiens
d’évaluation permet d’établir
un échange constructif.
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Expliquer et comprendre
le turnover. Montrer qu’il a un
coût administratif, mettre en
évidence les dysfonctionnements
qu’il entraîne. Un entretien avec
chaque partant permet de
connaître les raisons du départ et
d’affiner les mesures déjà prises.
L’ENTREPRISE OCTOBRE 2004 Nº227
Responsabiliser les managers.
Si la baisse du turnover
est intégrée dans les objectifs
servant à calculer
leur rémunération variable,
les managers se sentiront
encore plus concernés
par le problème… ●
MANAGER
SOCIÉTÉ : groupe Flo
ACTIVITÉ : restauration commerciale
(160 brasseries – La Coupole, Bofinger… –
les chaînes Hippopotamus et Bistrot romain)
EFFECTIFS : 5 500 salariés (5 000 sur le terrain)
CHIFFRE D’AFFAIRES : 280 millions d’euros
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octroie des avantages dans le groupe et
chez des partenaires. Tranchant avec les
habitudes du secteur, le DRH a complété
la panoplie de fidélisation en lançant des
entretiens d’évaluation pour l’ensemble du
personnel. « Cela montre que l’entreprise
s’intéresse à tous », dit Etienne Rémond.
UNE ATTENTION ACCRUE PORTÉE À L’ACCUEIL DES NOUVEAUX EMBAUCHÉS.
Arrivant pour son premier jour de travail, l’hôtesse est accueillie par Anne-Marie
Jossec, la directrice, qui lui explique le fonctionnement de l’établissement.
Responsabiliser les managers
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Dominique Giraudier ajoute que la fidélisation passe aussi par la reconnaissance
financière du travail accompli : « Nos
160 restaurants sont autant de PME et
chaque directeur d’établissement doit
avoir les pouvoirs d’un vrai patron. Il dispose d’une enveloppe qui lui permet de
récompenser les efforts particuliers par
des primes. » La responsabilisation des
managers ne s’arrête pas là : chaque directeur a un objectif individualisé de baisse
du turnover, qui est intégré dans le calcul
de sa prime sur objectifs… Enfin, il faut
comprendre pourquoi un salarié s’en va.
« Nous avons institué un entretien de départ
formalisé, mené par chaque directeur. En
connaissant mieux les motifs de départ,
nous pouvons aider chaque manager à
mieux comprendre le turnover et donc à
le réduire », affirme Etienne Rémond.
UN PARCOURS D’INTÉGRATION DE TROIS SEMAINES. Un parrain est désigné
pour accompagner et soutenir la nouvelle salariée. Il s’assure qu’elle suit bien
l’intégration en cinq étapes prévue et validée sur l’affiche.
Des résultats tangibles
Nº227 OCTOBRE 2004 L’ENTREPRISE
DAHMANE
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UN ENTRETIEN D’ÉVALUATION POUR MIEUX FIDÉLISER. Il concerne l’ensemble
du personnel et permet à la directrice de faire le bilan des savoir-faire acquis.
Les entretiens montrent que l’entreprise s’intéresse à tous.
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L’expérience menée par Flo montre que
l’implication quotidienne des managers
et un arsenal de mesures adaptées peuvent
freiner la spirale du turnover. Bien qu’il se
garde de tout triomphalisme, Dominique
Giraudier avoue que le taux global a baissé
de plus de 20 % depuis le début de 2004 :
« Nous ne prétendons pas avoir trouvé
la recette magique : nous ne descendrons
jamais à 15 % de turnover dans nos
métiers! Notre but est de passer d’une
situation où nous subissions ce turnover
à une situation où nous le maîtriserons.
C’est l’axe stratégique pour regagner
des parts de marché. »
● Daniel Rovira [email protected]
REPÈRES
Des secteurs
qui n’arrivent pas
à recruter
Le paradoxe est
de taille : au moment
où les chômeurs se
comptent par millions,
certains secteurs
ont les pires difficultés
à trouver du personnel
et à le fidéliser.
C’est même criant
dans les métiers liés
à la restauration ou
au BTP qui n’ont pas la
cote auprès des jeunes
alors que ces jobs
peuvent devenir un
ascenseur social pour
des non-diplômés.
La restauration fait
partie des activités
où le taux de turnover
est particulièrement
élevé, la plupart des
postes étant pourvus
par des candidats qui
n’ont pas de formation
spécifique et sont
parfois en rupture
de ban. Autre secteur
où l’instabilité
des salariés est forte,
le BTP. Les dernières
statistiques
du ministère de
l’Emploi (janvier 2004)
sont éloquentes.
Le top 3 des métiers
qui ne trouvent pas
preneur est le suivant :
maçon (6730 offres
à pourvoir),
cuisinier (6590)
et serveur (5985).

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