article word matt hersk

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Rencontre avec
Matt Herskowitz
Do mib fa la sib… Grand pianiste jazz, brillant interprète classique, compositeur talentueux,
Matt Herskowitz transcende les styles musicaux en frôlant à chaque fois le génie.
Flirtant aussi bien avec Gershwin que des artistes pop, c'est à travers une interview,
accordée avec gentillesse depuis Montréal, que je découvre un artiste passionné, et érudit. Cela a
été l’occasion d’évoquer sa carrière de pianiste mais également de parler de ses projets d’horizons
aussi variés qu’est son talent.
Vous avez commencé votre carrière très tôt, être pianiste était pour vous une évidence?
Déjà à 2 ou 3 ans, je m’en souviens, ma mère me faisait écouter des enregistrements de piano de Lieder. Elle
pensait que cela m’aiderait à m’endormir. Très jeune, j'ai été sensibilisé à la musique! A 5 ans, j'ai eu un petit
piano et j'arrivais à refaire les mélodies que j'entendais. J’ai aussi commencé les cours de piano, et ai étudié au
Curtis Insitute of Music puis à Julliard School.
Le pianiste et historien de jazz américain Andy Laverne vous a décrit comme « un des rares pianistes
capables de franchir le pont entre la musique classique et le jazz ». Ces 2 tendances vous ont-elles toujours
habitées?
C’est à l’adolescence que j’ai découvert les clubs de musiques de jazz, et j'ai commencé à être vraiment curieux
et séduit par cette musique. Comme avec le classique, j'ai commencé à réaliser des enregistrements de Keith
Jarrett, Oscar Peterson etc.
L'improvisation a toujours été naturelle pour moi. Même si je ne connaissais pas tout de suite le langage du jazz,
cela ne me gênait pas.
Elle devenait plus tonale, c'était par exemple John Adams. En composant pour un concert, j’ai commencé à
expérimenter des compositions classiques contemporaines (Elliott Carter) avec des accords jazz, et j'ai réalisé
que le résultat était très intéressant, voire interpellant.
Dans Leçons Particulières, Hélène Grimaud soulève la question de l'expérimentation plutôt que celle de
l'interprétation, qu'en pensez-vous?
La musique classique c'est tout d'abord l'art de l'interprétation. Il y a des indications sur les partitions, piano,
crescendo etc. qui nous montrent comment être fidèle à la composition. Mais, oui, il faut ‘’expériencer’’, et vivre
la musique. Trouver quelque chose de personnel dans la musique, rentrer entièrement dedans, me semble
important... Essayer de rentrer dans la tête de Chopin, Beethov ou Brahms est impossible à faire. Et puis, cela ne
sert à rien de jouer devant le public si tout ce que tu essaies de faire est de reproduire au plus proche l'original.
Cela n'est pas toi. Il faut donc à la fois interpréter et expériencer la musique.
Avez-vous des difficultés à vous approprier certaines compositions?
Cela m'arrivait de temps en temps. Je ne comprenais pas la composition, donc je préférais la quitter. S’il me
fallait la faire absolument, je sollicitais de l'aide, je faisais des recherches. C'est un peu comme être comédien.
Maintenant cela ne m'arrive plus parce que je fais ma propre musique, et je choisis les morceaux que je veux
vraiment jouer.
Vous jouez donc solo, mais également avec un groupe; "MaDFusion", dans quel registre êtes-vous le plus
épanoui musicalement?
Les deux sont complémentaires. Par exemple le projet Gershwin solo a été autant le fun que mes projets avec
MadFusion. Ce sont deux choses différentes, mais complémentaires.
En associant le style classique au jazz, votre manière d'aborder la musique vise-t-elle à enlever l'image un
peu poussiéreuse qui colle à la peau de la musique classique?
J'ai longtemps gardé séparé mes compositions classiques et jazz. Mais plus tard, j’ai trouvé que mélanger les
deux tendances était une voie pour moi plus réaliste et plus ‘’écoutable’’ pour le public.
Au début je m'intéressais à la musique contemporaine. Les "roll models" était pour moi John Adams et
Bela Bartok. Après, je me suis tourné vers une musique classique plus moderne et moins complexe. J’ai
commencé à être influencé par cette conception de la musique minimaliste (ndlr: courant de musique
contemporaine des années 60). Est-ce qu'il y'a une image poussiéreuse dans la musique classique? Oui, je crois
qu'elle en souffre encore.
Vous partagez également la musique avec des artistes...
Oui, je travaille avec une chanteuse très connue ici, Coral Egan, et Charles Papasoff sur un projet de musique
méditative, c'est du vocal sans texte. C'est un peu dans le style de Cigur Ros, mais en plus complexe et funky. Le
nom du groupe, est "Fly Little Sociopath Fly". Cela venait d'une discussion que j'avais avec Coral, on comparait
les musiciens avec des sociopathes... C'est vrai où est la différence?!
Présentement je fais des projets aussi avec Lara Fabian. Le thème est la musique classique. Cela comprend des
arrangements de vraies musiques classiques, et de chansons originales inspirées par le style de certaines de ces
pièces. On n'y voit par exemple Schubert. On travaille en vraie collaboration. Lara et moi proposons la musique
et les paroles ensemble. On va enregistrer cela avec mon groupe MAD fusion, il y a des musiciens de tous les
styles, c'est idéal.
Ce n'est pas la première fois que vous collaborez avec elle...
Non, nous nous sommes rencontrés lors de son album "Nue". J'avais réalisé avec elle le "piano nocturne".
Titre fantôme, reprenant au piano les chansons de l'album. On s'est tout de suite très bien entendu. Elle a été très
touchée par cet arrangement, et m'a donné beaucoup de soutien et de support. Elle m'a proposé qu'on écrive des
chansons ensemble. On a été étonné de l'inspiration que l'on avait et de leurs qualités. Souvent je proposais la
musique et elle les paroles. On a notamment composé "Inévitablement" interprété par Nolwenn Leroy. Pour moi
c'est l'un de ses meilleurs textes. On a aussi fait "Avant", interprété par Daniel Lévy. Déjà on retrouvait dans
cette chanson le geste et l'esprit classique. "Avant" est une véritable aria italienne. D'ailleurs, je l'ai imaginé
originellement pour Lara, mais elle n'a pas pu la reprendre sur son album "Neuf". Par contre, elle le reprendra sur
son nouvel album !
Avec mon groupe on a fait un grand projet, MaD Gershwin, dans lequel Lara participe (I loves you Porgy). On y
trouve aussi Carol Egan dans Summertime etc.
Vous avez réalisé deux albums consacrés à Gershwin, le premier avec des compositions classiques, et le
deuxième "MaD Gershwin" avec votre groupe, en arrangeant les compositions. Quand avez vous abordé
le piano de Gershwin?
J'ai grandi avec la musique de Gershwin. Je joue Rhapsody in Blue depuis 13 ans. Radio CBC au Canada, m'a
proposé un concert de la musique Gershwin.
Ils avaient l'idée de faire quelque chose qui comprenait chansons et musiques classiques. Je pensais que cela
serait cool d'en faire un album. J'ai donc fait le Gershwin classique d'une part, et le MaD Gershwin est resté en
démo pour l'instant, en espérant sa parution prochainement.
Lors des fêtes de Noël, vous étiez également en grande promo...
Oui, on a fait un album avec Mad Fusion et Barry Manilow “In the Swing of Christmas”.
Aussi, j'ai fait aboutir l'album "L'ange Gabriel" qui a été nominé pour un Félix au Québec. C'est super cool,
qu’après 7 ans, un projet aboutisse et reçoive de si bonnes critiques.
Vous avez beaucoup de projets, on dirait que vous ne vous arrêtez jamais, parfois perdez-vous le goût de
jouer?
Oui bien sûr, cela arrive parfois. La musique, c'est comme une amante, on ne peut pas être ensemble chaque
minute de la journée. Parfois il faut un peu d'espace. Mais en général après trois jours l'envie de m'y remettre me
reprend! La composition, et l'inspiration, ça c'est le fun, et c'est la raison pour laquelle je fais de la musique!
Merci à Matt pour cette interview, et pour nous faire découvrir la musique sous un autre jour.
Retrouvez toute l’actualité de Matt Herskowitz sur son site officiel : www.mattherskowitz.com
Ou sur : www.myspace.com/mattherskowitz
Propos recueillis par Agathe MAIRE