Trans Europe Express - Institut de l`entreprise

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Trans Europe Express - Institut de l`entreprise
IRE
LES LIVRES ET LES IDÉES
90
Les moutons qu’on abat
l
91
La mondialisation :
un fait social total
l
96
Bernard Cazes
Elie Cohen
Le Bon Sauvage
n’est pas mort
l André-Marcel
99
Connectez-vous les uns
aux autres
l
103
Dominique David
Retour sur
une étrange défaite
l
115
Pierre Lorrain
Dis-moi comment
tu fais la guerre...
l
111
Julien Damon
Les mafias « rouges »
à l’assaut du monde
l
107
D’Ans
Jérôme Marchand
Singapour = Confucius +
les nouvelles technologies
l
Michel Lutfalla
LE BILLET DE GÉRARD MOATTI
Trans Europe
Express
L
es dirigeants ouest-européens ont-ils eu raison ou tort d’organiser l’élargissement de l’Union vers l’Est ? La question ne se pose
plus – et, à vrai dire, elle ne s’est jamais posée. En prétendant dissocier
la question de la sécurité (l’extension de l’OTAN) de celles de la prospérité et de l’intégration politique, l’Union aurait tenté un pari perdu
d’avance. Elle aurait aussi manifesté, à l’égard de son propre modèle,
un manque de foi aux effets délétères pour sa cohésion dans les années
à venir.
Aujourd’hui, l’élargissement est lancé, mais sa réussite n’est pas assurée.
A quoi la mesurera-t-on ? Entre autres critères, à la mise à niveau des
nouveaux entrants sur les standards économiques de l’Ouest. Or, le
fossé est énorme. L’écart moyen des niveaux de vie
entre les membres actuels de l’Union et les dix pays
candidats d’Europe centrale et orientale est de un à L’Union va avoir,
six si on le mesure aux taux de change courants, de à ses portes,
1 à 2,5 si on le mesure à « parité de pouvoir
d’achat ». D’autre part, pour ces pays, la ligne d’ar- une zone de plus de
rivée recule sans cesse, car l’Ouest poursuit de son
côté son expansion économique : la réussite de cent millions d’habitants,
l’élargissement implique donc, à l’Est, des taux de
se développant à
croissance exceptionnellement élevés. Elle signifie
que l’Union va avoir, à ses portes, une zone de plus un rythme d’au moins
de cent millions d’habitants, se développant à un
rythme d’au moins 6 % par an, pendant au moins 6 % par an pendant
vingt ans. Notre « Far West » est à l’Est, et il est tout
au moins vingt ans
proche.
C’est là, dira-t-on, l’hypothèse optimiste : faut-il parier sur elle ? Oui,
pour deux raisons. Tout d’abord, les pays candidats ont les atouts pour
réussir : leur niveau culturel et éducatif, qui soutient la comparaison
avec bien des nations de l’Ouest, l’aspiration démocratique couplée à
l’individualisme entrepreneurial, et surtout un formidable appétit de
développement. Ils ont d’ailleurs, dans l’ensemble, remarquablement
résisté aux années de récession qui ont marqué le début de la transition. La deuxième raison tient à l’asymétrie des enjeux, qui incite à
miser sur le scénario du succès. En effet, si l’élargissement échoue,
tous les pays européens, de l’Est comme de l’Ouest, en subiront les
conséquences. S’il réussit, ce sont les pays de l’Ouest les plus présents
à l’Est qui en tireront les plus grands bénéfices, aussi bien économiques
que politiques.
Or, dans ce jeu, dont les résultats pèseront lourdement sur l’équilibre
des puissances et des influences au sein de la future « grande Europe »,
la France n’a pas pris un très bon départ. En matière d’investissements
directs à l’Est, elle a été jusqu’ici trois fois moins active que l’Allemagne, deux fois moins que les Pays-Bas. Sur le plan politique, les réactions qu’elle s’est attirées de la part de la Pologne lors du Sommet de
Nice, en décembre dernier, à propos de la répartition future des droits
de vote dans les Conseils européens, n’ont pas amélioré son image.
Enfin, il n’est pas sûr que son système étatique, sa difficulté à se
réformer, constituent un modèle très tentant pour des pays en pleine
mutation. Bref, ne pas manquer le train historique de l’élargissement
demandera quelques efforts.
Sociétal
N° 32
2e
trimestre
2001
3