Laferrailleestmoinsbienencour(s)

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Laferrailleestmoinsbienencour(s)
LE BERRY REPUBLICAIN MERCREDI 13 JANVIER 2016
Le fait du jour
Livre de police
Pour contrôler le secteur de la vente de
ferraille, la loi oblige les recycleurs à scanner la
carte d’identité des particuliers, consignées
dans un livre de police.
3
Économie
Un chiffre
45
€ : le prix de rachat de la tonne
de ferraille en décembre 2015. Il
était de 130 € l’été dernier et était
descendu à 30 en novembre.
Recycleurs
Les particuliers et biffins revendent leur ferraille
à des entreprises de recyclage ou grossistes.
Dans le Cher, on peut citer Ferrolac, Menut
recyclage ou encore Mercier-Leroy et fils.
BERRY ■ Alors que les prix de rachat chutent, les chineurs de métaux sont une espèce en voie de disparition
La ferraille est moins bien en cour(s)
Les biffins berrichons se
comptent presque sur les
doigts de la main. La
chute du cours de la
ferraille ne devrait pas
arranger leurs affaires.
Pierre-Louis Curabet
[email protected]
C
hercher un biffin dans le
Berry revient à chercher
une aiguille dans une
botte de foin. Ces chi­
neurs, qui vivent entre autres de
la récupération de ferraille,
semblent voués à la disparition.
À Moulins­sur­Yèvre, l’entre­
prise de recyclage de ferraille
Mercier­Leroy et fils achète câ­
ble de cuivres, cannettes et
autres boîtes de conserves à des
milliers de particuliers chaque
année dans un rayon de 50 kilo­
mètres. « La plupart viennent
pour gagner un petit billet et
améliorer leur quotidien », ex­
plique Frédéric Mercier, qui a
repris l’affaire familiale en 2010.
Mais aucun biffin parmi eux.
Rachetée 130 €
en juin dernier,
la tonne de ferraille
est tombée à 30 €
en novembre
Il faut dire que, avec la chute
des cours depuis cet été, vivre
de la récup de la ferraille sem­
ble difficile. « Alors qu’on leur
rachetait autour de 100,
130 euros la tonne, on était
tombé à 30 euros en novem­
bre », avance Frédéric Mercier.
Bonne nouvelle, en décembre,
une légère reprise de l’activité
dans le secteur a accru le prix
de rachat à hauteur de 45 euros.
Chez Ferrolac, autre entreprise
BIFFIN. A Saint-Amand-Montrond, Éric Héritier s’est lancé dans la ferraille en tant qu’autoentrepreneur en 2011. Il démonte les divers objets récupérés pour collecter les métaux. PHOTO STÉPHANIE PARA
de recyclage de ferraille basée à
Lunery, on travaille encore avec
quelques biffins. « Lorsque je
travaillais à Caen dans les an­
nées 1990, j’ai vu disparaître les
vieux chineurs », lance Domini­
que Bourdon, conseiller au sein
de l’entreprise. Selon ce dernier,
il en existe encore quelques­uns
dans les campagnes, mais plus à
proximité des villes.
Alain Giraud est l’un d’entre
eux. Résident au lieu­dit Neroux
à Sainte­Lizaigne (Indre), ce re­
traité a longtemps été chineur
d a n s l a r é g i o n p a r i s i e n n e.
Aujourd’hui, il fait cela pour
passer le temps et s’offrir un pe­
tit complément de retraite.
« J’étais cuistot à Paris et j’avais
mes matins ou mes après­midi,
raconte le sexagénaire. J’avais
un copain ferrailleur à qui je
donnais des coups de main. Par
la suite, je me suis lancé dans la
brocante et la ferraille. »
Alain Giraud travaillait princi­
palement avec des agences de
location qui l’appelaient pour
débarrasser des logements
avant de les relouer : « C’était
un boulot dur. Peu de monde
voulait le faire », affirme le re­
traité, un cigare perpétuelle­
ment vissé aux lèvres.
Franck Morel est, lui, chineur à
Vierzon depuis 2005. Grâce au
bouche­à­oreille, il arrive à dé­
velopper son activité, mais il
pense aujourd’hui à arrêter.
« Avant, les gens donnaient leur
ferraille ; maintenant, ils la ven­
dent. Avec la baisse du prix de
rachat et la complication des
démarches administratives à ef­
fectuer, il devient difficile
d’exercer. »
À Saint­Amand­Montrond,
La Chine, cause de la chute des cours de la ferraille
Frédéric Mercier, patron de l’entreprise de recyclage de ferraille
Mercier-Leroy et fils, pointe du
doigt la Chine pour expliquer la
descente du cours.
« La Chine achetait 80 % de
notre matière première, mais
comme elle connaît une baisse
de sa production, il y a moins
de demande et ça a entraîné la
chute du prix de la tonne de
ferraille », explique Frédéric
Mercier. Outre la crise économi­
que et le ralentissement de
l’économie hexagonale qui n’ar­
rangent pas la situation du sec­
teur, ce patron berrichon ajoute
que « la Chine extrait aujour­
d’hui des billettes d’acier à un
FERRAILLEUR. Frédéric Mercier a repris l’affaire familiale en 2010.
coût inférieur au prix auquel ils
achetaient la ferraille recyclée ».
Autre acteur important : la
Turquie, spécialisée dans le trai­
tement des métaux. L’achat turc
de deux paquebots de métaux
ferreux à la Chine fin 2015 a en­
traîné une hausse récente du
cours de la ferraille, alors qu’il
avait été divisé par quatre par
rapport à cet été.
Cette variation volatile des
cours nuit au travail du recy­
cleur : « Avec les effets de la
bourse, le cours peut prendre
150 euros en une journée ». De
quoi déboussoler les particuliers
qui viennent lui vendre de la
ferraille. ■
Éric Héritier est un peu à con­
tre­courant. Il s’est installé en
tant qu’autoentrepreneur il y a
seulement cinq ans. « Je n’avais
que quelques activités mineu­
res. J’ai donc fait de la prospec­
tion et comme il y avait de la
demande, je me suis lancé », ex­
plique ce « jeune » chineur.
Avec la chute des cours de mé­
taux ferreux, Éric Héritier préfè­
re « stocker en attendant que les
prix remontent ». Avant d’ajou­
ter : « Je suis bien obligé de ven­
dre un peu, car j’ai des factures
à payer et des fins de mois à
boucler. » ■
■ LEXIQUE
Ferraille. Débris de fer, de fonte
ou d’acier. Ces métaux ferreux
sont à différencier des métaux
non ferreux comme le cuivre, le
plomb, l’aluminium ou encore le
zinc.
Biffins. Venant notamment
d’Auvergne ou de la Creuse, de
nombreux provinciaux s’installaient à Paris au début du XXe
pour trouver du travail. Souvent
ramoneurs, ils trouvaient quantité d’objets à récupérer dans les
maisons qu’ils visitaient. Le métier de biffins est alors né.
Bourse. Le prix à la tonne de la
ferraille est indexé en Bourse,
variant quotidiennement et sur
une amplitude importante.
Berry