Les hypothèques à taux variable séduisent à nouveau les Suisses

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Les hypothèques à taux variable séduisent à nouveau les Suisses
immobilier mercredi1 février 2012
Les hypothèques à taux variable séduisent à
nouveau les Suisses
Par Servan Peca
Les hypothèques à taux variable séduisent à nouveau les Suisses Les
demandes pour les emprunts liés au Libor
Libor n’ont pas été aussi populaires
depuis 2003. Les taux historiquement bas incitent les ménages à s’y
intéresser de plus près
«A la fin des années 1980, entend-on souvent de la part de ceux qui ne croient pas à une nouvelle
bulle immobilière en Suisse, une immense majorité des ménages avaient contracté des hypothèques à
taux variable et avaient beaucoup souffert de la montée brutale des taux.» Désormais, les taux fixes
sont devenus la norme. Au dernier trimestre 2011, ils représentaient 68% des demandes d’emprunt
déposées à la «bourse aux hypothèques» de comparis.ch.
C’est beaucoup. Mais moins qu’au trimestre précédent (74%). «L’assaut sur les prêts Libor a gagné en
dynamisme», écrit Martin Scherrer, spécialiste bancaire du site comparatif. Pendant de nombreuses
années, la demande pour ce type d’emprunts, dont le taux est étroitement lié à l’évolution des taux
interbancaires, a végété sous les 5%. Mais, l’automne dernier, elle a atteint 13% et a culminé à 16% de
la totalité des demandes à fin 2011. Un record depuis 2003, depuis que le site rassemble ces données.
«Avec les hypothèques à taux fixe, ces produits suscitent actuellement un très grand intérêt», confirme
Credit Suisse, sans dire quelle est la part de chacun des produits dans son portefeuille de crédits
immobiliers.
Pourquoi cette tendance? Alors qu’un emprunt à taux fixe a l’avantage d’assurer aux ménages un loyer
stable sur la durée, un taux adossé au Libor est moins cher parce que le client endosse le risque d’une
variation des taux. A chaque fin de période (généralement d’une durée de un à douze mois), il doit
renégocier son taux pour la suivante. Celui-ci est défini en fonction du Libor correspondant. Sachant
que le «London interbank offered rate» est fixé chaque jour à Londres à partir du taux moyen auquel
un échantillon de grandes banques se prête et s’emprunte de l’argent. Par exemple, le taux de Credit
Suisse offert pour trois mois (1%) dépend du Libor à trois mois du moment – 0,07% mardi.
Aujourd’hui, le Libor a en plus très peu de chances d’augmenter rapidement. La Banque nationale
suisse (BNS) n’envisage pas un retour de l’inflation avant 2014. Son homologue américaine, la Fed, a
souligné la semaine dernière qu’elle envisageait, elle aussi, de maintenir son taux directeur à un niveau
très bas jusqu’à fin 2014. Du coup, les clients s’intéressent de plus en plus aux taux Libor, et les
banques en font un peu plus la promotion. Risque-t-on un remake des années 1990? Le brusque
retour de l’inflation, la hausse des taux directeurs de la BNS et des taux hypothécaires avaient plongé
nombre d’emprunteurs dans l’impasse. Leur charge d’intérêts avait fortement augmenté, provoquant
une vague d’insolvabilités, de ventes immobilières dans l’urgence et de saisies par les banques.
S’ensuivirent une chute des prix immobiliers et une forte dégradation des bilans des établissements de
crédit.
Aujourd’hui, un tel enchaînement est peu probable. «Le contexte était très différent», se souvient
Arnaud de Jamblinne. «Au contraire des affaires Libor, les taux variables de l’époque ne pouvaient pas
être transformés en emprunts à taux fixe, dès lors que les taux d’intérêt remontaient», raconte le
directeur du fonds immobilier La Foncière. Ainsi, quand les taux grimpaient, la banque envoyait un
préavis à son client pour l’en informer. «Ce système laissait les ménages totalement à la merci de
l’évolution des taux», poursuit Arnaud de Jamblinne.
Aujourd’hui, témoigne un conseiller crédit, «je recommande la solution Libor aux clients souhaitant
rembourser rapidement leur dette. En payant moins d’intérêts, ils ont plus d’argent à y consacrer.» «On
peut panacher. Le Libor ne concerne souvent qu’une partie d’un emprunt, le reste est à taux fixe»,
ajoute un autre banquier, désireux de rassurer sur les risques éventuels de ces produits.
Pour s’assurer contre l’insolvabilité, Credit Suisse affirme que, quel que soit le produit, il évalue de la
même manière la capacité du client à supporter la charge financière. «Autrement dit, l’octroi d’un
crédit n’est pas lié au produit choisi», ajoute le porte-parole, Jean-Paul Darbellay. Le taux d’intérêt
théorique, que l’emprunteur est censé pouvoir supporter grâce à ses revenus, est fixé à 5%. Auquel est
ajouté 1% du montant d’acquisition (pour les frais de rénovation) et un pourcentage dédié à
l’amortissement.
Reste un facteur que ni l’histoire, ni les statistiques ne peuvent anticiper. Selon un banquier, «les
charges d’une hypothèque sont souvent LA grosse facture des ménages. Ils doivent choisir: s’assurer
un taux pendant dix ans ou suivre le marché pour connaître leur prochain loyer.» «Nombreux sont
ceux qui ont choisi de dormir tranquille», conclut Arnaud de Jamblinne.
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