Les troupes allemandes de la Grande Armée à Leipzig
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Les troupes allemandes de la Grande Armée à Leipzig
Les troupes allemandes de la Grande Armée à Leipzig (1813) : lectures idéologiques d’une défection Walter Bruyère-Ostells, Maître de conférences CHERPA (EA 2261) Sciences Po Aix La bataille de Leipzig se déroule du 16 au 19 octobre 1813 et est l’épisode décisif de la campagne d’automne qui oblige Napoléon à opérer sa retraite jusqu’à regagner la rive gauche du Rhin à l’issue de la bataille. Leipzig est la première victoire décisive des puissances européennes sur un champ de bataille où Napoléon exerce lui-même le commandement. Sur le plan stratégique, les coalisés sont parvenus à faire converger leurs différentes armées vers la plaine de Leipzig. Quand il a compris ce mouvement, Napoléon cherche à entreprendre le combat en position centrale pour battre les princes les uns après les autres. La première journée (ou bataille de Wachau) est marquée par l’affrontement de Napoléon contre Schwarzenberg tandis que Ney et Marmont au Nord doivent retenir Blücher. La journée est plutôt une victoire tactique de Napoléon qui inflige des pertes importantes à Schwarzenberg et repousse son offensive. Il laisse suffisamment d’énergie pour devoir laisser ses hommes au repos le lendemain et tenter une médiation. Ce temps assure une très large supériorité numérique aux coalisés le 18 avec l’arrivée de Colloredo et Bernadotte. Le 18, la Grande Armée fait encore bonne figure face à l’ennemi dans la matinée. La défection de 10 000 hommes de diverses unités allemandes met fin à une percée française. Les Français sont obligés de combler la ligne mais tiennent jusqu’en fin d’après-midi. Le lendemain, la retraite est opérée mais elle tourne à la déroute. La défection des Saxons puis d’autres Allemands semble donc l’épisode décisif qui infléchit le cours de la bataille. Il a donné lieu à des analyses nombreuses et contradictoires. En Allemagne, la défection des Saxons devient le symbole de l’éveil national au cours des Guerres de Libération. En France, elle explique la défaite du stratège Napoléon, vaincu non par le talent des généraux des souverains européens mais par traîtrise. Comme pour toute la période napoléonienne, le récit de la bataille s’est construit sur les bulletins de la Grande Armée et les proclamations de l’Empereur mais aussi sur les nombreux mémorialistes témoins de la bataille dans les deux camps et les analystes du XIXe siècle. Il s’agira ici d’appréhender les modalités de la construction des lectures idéologiques et de tenter des les dépasser. d c o C m u e H t n e d E I° La construction de deux récits idéologisés tr R v a l i a P 0 2 A 2 1 La défaite de Leipzig entraîne l’effondrement de toute l’Allemagne napoléonienne. Les 30 et 31 octobre, Napoléon s’ouvre la voie du retour derrière le Rhin lors du combat de Hanau. Il sait que la prochaine campagne sera la défense du territoire français. Il se rappelle également les mesures énergiques qu’il a dû prendre au début de l’année lors de son retour à Paris après la campagne de Russie pour museler une éventuelle opposition. Cette fois, il craint la totale démoralisation de la population et de la Cour, comme il l’a perçue parmi les généraux durant la campagne d’automne. Les Nouvelles de la Grande Armée, notamment par la publication dans le Moniteur universel du 30 octobre, insistent sur la valeur de la Grande Armée qui a tenu face à un ennemi largement supérieur en nombre et attribue principalement l’évolution de la bataille à la seule « infamie de la trahison » qui oblige les Français « à renoncer aux fruits de deux victoires [le 16 et le 18]1 ». L’explosion du pont qui fait passer la retraite en déroute est minorée et 11 Nouvelles officielles de la Grande Armée, publiées dans le Moniteur universel, 30 octobre 1813 cité par J. Schweitzer attribuée à l’erreur d’un seul individu, le colonel Montfort. Les mémorialistes français, par le jeu de l’intertextualité, des analyses empruntées à Thiers et aux autres premiers historiens de la période confortent l’idée du rôle majeur de la défection des unités allemandes dans la défaite. Commandant en chef du 6e corps à proximité de Schönefeld, le maréchal Marmont écrit par exemple : « Quelle ne fut pas ma douleur en voyant cette première ligne s’arrêter sur la position que l’ennemi venait de quitter, se retourner et faire feu sur la seconde ! Jamais l’histoire n’a signalé une telle trahison ; lorsque j’éprouvai l’année précédente la défection des Prussiens, au moins eurent-ils pour le moment la pudeur de ne pas faire feu sur nous . »2 Ainsi, outre la défection elle-même, Marmont développe l’idée qu’il s’agit d’une véritable trahison car les Allemands font feu sur leurs compagnons d’armes. e d A De l’autre côté du Rhin, le récit se construit sur l’idée du réveil national allemand. Il inscrit la défection des unités allemandes à Leipzig dans le grand récit des Befreiungskriege, les guerres de Libération, qui rallie différentes populations de l’espace germanique derrière le roi de Prusse qui avait lancé un manifeste à Breslau le 19 mars (avec Alexandre Ier) Au printemps. Le choix des Allemands de la Grande Armée à Leipzig s’explique par la naissance du sentiment patriotique. On met en lumière la multiplication de corps francs au cours de la campagne, le poids de sociétés secrètes comme la Tugenbund, les enseignements de Fichte, les compositions de Kotzebue ; on rappelle les allusions à la France napoléonienne transparentes dans l’œuvre du dramaturge Kleist quand il écrit : « Car le monde entier n’obtiendra la paix de ce fils de loup que lorsque l’antre du brigand sera totalement détruit et que seul un drapeau noir flottera sur ses ruines désolées. ». On cite les poèmes patriotiques d’Arndt, comme Was ist das Deutschen Vaterland ?, qui circulent sous le manteau dans l’Allemagne napoléonienne : « laissez-nous juste détester les Français, destructeurs de notre innocence, qui ramollissent et énervent notre vertu et notre force. » d c o m u e H t n E R P 0 2 2 1 Certes, la connaissance historique a modifié cette analyse ces dernières décennies. Le texte de Frédéric Guillaume est aujourd’hui perçu comme un appel à tous les princes allemands, visant principalement les alliés de Napoléon au sein de la Confédération du Rhin, à apporter leur concours « à l’affranchissement de la patrie commune sous peine d’être privés de leurs Etats. » Son objectif n’est pas de provoquer une insurrection nationale dans tout l’ensemble germanique. Par ailleurs, l’historienne allemande Ute Planert a cherché à démontrer que la nation allemande n’était pas née lors des guerres de l’Empire : ses origines seraient plus anciennes. Surtout, pour elle, la situation de 1813 aurait été bien plus complexe et ne correspondait pas à la thèse du grand éveil allemand qui aurait marqué les années 1813-1815. Elle remet donc en cause la thèse selon laquelle la nation allemande serait née durant les guerres de Libération C tr v a l i a Cette nouvelle lecture est toutefois toute récente. Jusque-là, la défection des unités allemandes est un signe de leur sentiment national. Ainsi, les protagonistes de l’épisode du côté coalisé comme l’émigré français Langeron insistent sur l’absence d’accord préalable entre les Allemands concernés et eux : « Deux très beaux régiments saxons, un de hussards et un de uhlans, se portèrent alors au grand trot sur le général Emmanuel ; mes cosaques se préparaient à les charger avec le régiment de Kiew. Les Saxons s’arrêtèrent, crièrent Hourra ! et les officiers s’avancèrent hors des rangs : Emmanuel vint leur parler. Ils annoncèrent leur désir de se joindre à nous et passèrent dans nos rangs. » Au contraire, il s’agir de souligner la conviction des Saxons à servir pour la défaite de Napoléon : J’avoue que je fus un moment embarrassé de ce que je ferais d’eux ; il était possible, à la rigueur, que ce fût une ruse de l’ennemi et que ces soi-disant 2 Marmont, Mémoires, Paris, Perrotin, p 215. émigrés fussent destinés, lorsqu’ils auraient été mêlés à ma cavalerie à la charge en arrière ou sur les flancs, au moment de l’attaque ; je voulus les envoyer à ma cavalerie de réserve. Mais ils me prièrent de les faire avancer avec la cavalerie de l’avant-garde ; je remplis leur désir et n’eus point à m’en repentir . » 3 Ainsi, durant tout le XIXe siècle, par le jeu d’écriture des témoins et par l’instrumentalisation des histoires nationales, deux récits idéologisés divergents sur l’analyse de la bataille mais concordants sur l’épisode de la défection des unités allemandes imposent celle-ci comme décisive. Du côté allemand, Leipzig devient un élément capital de la mémoire de la marche à l’unification avec des monuments qui jalonnent le champ de bataille et confortent l’image matricielle de cette victoire. Pourtant, quand on analyse de près la chronologie des événements, la « mauvaise surprise inattendue par les Français » présente des fragilités. Même si son récit comporte bien des similitudes avec les autres récits, l’officier d’état-major Grabowski apporte des éclairages différents : « Les troupes bavaroises, wurtembergeoises, badoises, westphaliennes et hollandaises étaient encore fidèles aux Français. Cependant, dans ces armées étrangères, il y avait beaucoup d’esprits montés contre les Français, et par suite beaucoup de désertions (…). Je me souviens que, lors des missions que j’eus à exécuter auprès de maréchaux ou de généraux qui avaient sous leurs ordres des détachements allemands, j’écoutais (surtout à la reprise des hostilités après l’armistice) les conversations des officiers allemands, et je les entendais déclarer que leur honneur et leur conscience ne leur permettaient pas de continuer à se battre contre leurs compatriotes et de soutenir plus longtemps la domination française sur l’Allemagne . »4 c o m u e t n e d R P A En fait, les contacts entre unités allemandes et coalisés, ainsi que les défections perlées, se produisent depuis le début du mois d’octobre au moins. Le 17, profitant opportunément de la pause dans les combats, des déserteurs passent à nouveau dans les rangs ennemis. Enfin, l’histoire a peu à peu mis à jour et croisé les mémoires qui montre l’intransigeance de Napoléon, l’impréparation de la retraite par Berthier et lui-même et l’impact de cette absence d’anticipation dans la retraite dès lors que le seul et unique pont explose et bloque la Grande Armée dans une zone marécageuse traversée par les eaux gonflées de l’Elster. La mise en exergue de l’épisode de la trahison par les Nouvelles de la Grande Armée a pour principal objet de masquer cette erreur, explication fondamentale de la déroute. A minima, il s’agit donc de remettre en cause l’idée que l’épisode n’était pas prévisible, voire de montrer qu’il ne constitue que l’élément déclencheur d’une défaite acquise sur le plan stratégique. d C H E tr v a l i a 0 2 2 1 II°« La médiation des récits » : dépasser les idéologies pour comprendre et donner du sens à l’histoire-bataille Ainsi, Griois signale le comportement du bataillon de grenadiers de la garde saxonne qui protège Napoléon et son état-major : « Ce furent les seuls Saxons qui restèrent fidèles dans cette journée [ils sont renvoyés en ville pour protéger roi de Saxe] (…). Il serait pénible d’ajouter foi au bruit qui courut que le lendemain ces mêmes grenadiers tirèrent du haut des remparts sur les troupes avec lesquelles ils combattaient la veille . »5 Alors que la plupart des mémorialistes affirment que les troupes saxonnes repliées dans la ville pour assurer la sécurité de leur roi, fidèle allié de Napoléon, tirent sur les Français en retraite sur la place du marché en fin de matinée du 3 Langeron, Mémoires de Langeron, général d’infanterie dans l’armée russe, campagnes de 1812-1813-1814, Paris, Picard, 1902, p 325. 4 Ibid., p63. 5 Griois Lubin, Mémoires,Paris, Plon, 1909, tome 2, p 249. 19, Griois et quelques mémorialistes s’inscrivent en faux contre cette assertion. On peut en tirer pour leçon que la défection d’unités allemandes et que leur retournement contre la Grande Armée a été amplifiée et déformée. Sur le fonds, l’épisode des quelques 10 000 hommes, principalement saxons et wurtembourgeois, passés dans les rangs de l’armée du Nord à proximité de Schönefeld demeure incontestable. La difficulté est d’en tirer une interprétation qui dépasse les récits idéologisés qui nous ont été transmis. La « médiation des récits » opérée par l’historien doit permettre de donner du sens à cet épisode. Or, l’explication n’est probablement pas à chercher dans le champ du politique comme nous y incitent les deux mémoires nationales. A Un témoin civil qui observe la bataille à la lunette depuis Leipzig rapporte : « Sans le parti qu’ils prirent, les Saxons eussent été dans une situation fort critique : les alliés avaient déjà dirigé contre eux plus de 30 pièces de canons et se disposaient à en amener un plus grand nombre . »6 A partir de son témoignage, on peut mettre en avant l’impasse dans laquelle est enfermée la Grande Armée face à un ennemi, non seulement supérieur en nombre mais déterminé [ce qui est relativement nouveau] à écraser les forces napoléoniennes sous un puissant feu d’artillerie pour les anéantir. Il me semble que cette bataille marque un changement de culture des coalisés de la guerre réglée à une nouvelle forme, appelons-là, guerre absolue comme Clausewitz sur le modèle de la Grande Nation. Ils sont désormais décidés à employer les mêmes stratégies que Napoléon et, pour la première fois, surpassent leur crainte de l’affronter personnellement pour aller jusqu’au bout, refusant de le laisser battre en retraite les 18 et 19. Cette doctrine a pourtant été au cœur de la stratégie durant toute la campagne de 1813. La part de Bernadotte (notamment) dans la planification stratégique de la campagne (et dans l’engagement physique le 18) ne sont sans doute pas étrangers à cette inflexion. d c o m u e t n e d E R P 2 1 La violence de l’engagement et du feu d’artillerie marque les officiers. Le choix de la 24e division saxonne de passer à l’ennemi a sans doute été prise dans de petits cercles de cadres. Les souvenirs de cet artilleur accréditent, en tout cas, cette version : « Les tirs et les obus pleuvaient sur nous (…). Beaucoup d’entre nous étaient morts ou sur le point de mourir. Quand plusieurs généraux français et beaucoup d’officiers saxons sont arrivés près de notre batterie, ils ont semblé en vive discussion et leurs débats ont duré environ trois heures. Lorsqu’ils se sont interrompus, nos officiers nous ont dit la chose suivante. Il allait y avoir une demi-heure « chaude » qui se passerait bien si seulement nous gardions courage. Il est venu. Les tirs ennemis contre nous s’étaient arrêtés. On nous ordonna de rentrer nos armes et de partir aussi vite que nous le pourrions vers l’ennemi. Nous courûmes sur quelques milliers pas et étions à bout de souffle quand plusieurs régiments de Cosaques sont venus vers nous en nous acclamant. Ils se sont placés dans nos rangs pour nous protéger des attaques des Français ; c’est à ce moment-là que nous nous sommes rendus compte que nous étions passé à l’ennemi. » C H tr v a l i a 0 2 A mon sens, l’explication la plus probable à la question posée plus haut des motivations d’une défection qui se traduit par des unités qui retournent leurs armes contre leurs anciens camarades repose sur la vision de l’honneur chez les officiers allemands. Une première vision, traditionnelle, interdit de trahir l’armée dans laquelle on sert. Elle est contre-balancée, me semble-t-il, pas une seconde vision, de plus en plus légitime au fur et à mesure que la guerre devient de plus en plus absolue, celle du chef qui doit préserver la vie de ses hommes. La tradition militaire veut qu’on puisse rendre les armes avec les honneurs de la guerre ; cela devient difficile à la fin de l’Empire et sans doute inconcevable avec Napoléon sur le champ de bataille. Les troupes de 6 Frédéric Shoberl, Batailles de Leipzig, Paris, Dentu, 1814, p 42. la Grande Armée ont perdu 6 à 7 000 hommes le 16 sur 25 000 le 16 pour tenir Mockern avant de le laisser à l’ennemi en fin de journée. Il faut également protéger les intérêts de sa nation ou de son royaume dans une guerre qui ne répond plus à des logiques dont l’officier perçoit les finalités. Ainsi, dans son incapacité à sortir du cycle de la guerre, Napoléon faisant massacrer inutilement leurs hommes par l’artillerie des coalisés déterminés, les officiers allemands concernés auraient conçu comme une question d’honneur de préserver ceux-ci. Le général wurtembergeois Normann écrit à son roi : « Votre Majesté, je dois humblement vous rapporter que, ce matin, je me suis trouvé dans une situation telle que ma brigade allait être inutilement sacrifiée. Le 6e corps a été complètement dispersé le 16 et nous avons seulement sauvé nos vies en nous enfuyant. Aujourd’hui, il a été assailli par des forces supérieures et j’ai été taillé en pièces avec la brigade. Les forces alliées victorieuses se sont avancées de tous les côtés et j’ai pu sauver la brigade seulement en passant dans leur camp. J’ai été immédiatement présenté aux deux monarques alliés et ai reçu la permission de rester, armés, derrière les lignes alliées jusqu’à ce que les conditions nous permettent de retourner dans la Patrie, ou jusqu’à ce que Votre Majesté décide du sort de la brigade. Le cours des événements ne m’a pas permis de prendre contact avec le général Franquemont ; j’ai dû prendre une décision rapidement et seul et ai saisi cette occasion de sauver 600 hommes courageux pour la Patrie. » Plusieurs auteurs confirment d’ailleurs que toutes les unités allemandes, notamment la cavalerie wurtembergeoise, n’ont pas immédiatement retourné leurs armes contre les Français. m u e t n e d R P A Ainsi, les causes de cette défection sont sans doute à chercher dans les interrogations qui naissent parmi les officiers sur cette guerre en voie de totalisation amorcée par la Grande Nation et intégrée dans la culture d’une partie de l’état-major coalisé à Leipzig. Il semble assez naturel que les premiers à vouloir échapper à cette évolution qui les mène dans une impasse soient des unités étrangères. D’ailleurs, comme pour les officiers des unités allemandes qui ont « trahi » pendant la bataille, certains chefs polonais le 19 considèrent donc que leur honneur a été suffisamment prouvé et qu’il réside désormais dans la sauvegarde de leurs hommes. Comme le rapporte notamment Grabowski, il faut de longues négociations entre officiers polonais pour décider qu’on suivra Napoléon dans la retraite. d c o H E l i a 0 2 2 1 Par ailleurs, leur ralliement à l’armée du Nord pose question. Ils passent dans les rangs de cette armée commandée par Bernadotte. L’ancien maréchal a lui-même changé de camp. Il a commandé certains régiments saxons lors de la bataille de Wagram et avait montré une grande mansuétude envers eux. Comme ils s’étaient débandés [là encore dans une des premières bataille où le feu de l’artillerie joue un rôle aussi majeur], Napoléon avait dirigé sa colère contre eux. Bernadotte en avait retiré une grande popularité chez les Saxons. A la fois soucieux de montrer la détermination des coalisés (emploi pour la première de fusées à la Congrève sur un champ de bataille) et désolé de provoquer des morts inutiles dans les rangs français, le rôle de Bernadotte demeure d’ailleurs le principal mystère de cet épisode de la défection des unités allemandes. C tr v a Pour conclure, on peut donc dire que le récit idéologisé en France de la défection des Saxons vise à masquer l’aveuglement de Napoléon à poursuivre la guerre et son imprévoyance à anticiper la retraite (Berthier encore plus peut-être). Le grand récit national allemand d’une bataille matricielle est tout aussi trompeur. L’épisode de la défection des unités allemandes de Leipzig montre que l’histoire-bataille a longtemps permis la production de clichés édificateurs du roman national ou personnel. La nouvelle histoire-bataille doit permettre de dépasser ce cadre malgré sa construction dès les lendemains de la bataille avec la version dans le Moniteur universel. En déplaçant le champ de l’analyse du politique ou du tactique le plus strict vers le culturel et l’anthropologique, l’historien mesure aujourd’hui à quel point les ressorts qui définissent l’honneur militaire, la capacité ou l’incapacité à tenir dans les grandes batailles napoléoniennes demeurent mal connus. Les débats sur la totalisation de la guerre à cette période s’appuient notamment sur les théâtres de petite guerre. Pour autant, il nous paraît également important de souligner que les approches stratégiques des coalisés marquent une nette inflexion en 1813 et que leur volonté d’en finir avec l’armée napoléonienne se révèle à plusieurs reprises sur le champ de bataille de Leipzig. Pour autant, cet état d’esprit n’est pas forcément partagé par tous les combattants, ni même par tous les officiers. Enfin, demeure la limite de la létalité des armes du début du XIXe siècle. d c o C m u e H t n e d E tr R v a l i a P 0 2 2 1 A