20131019 Le Monde – Commémoration Bataille des Nations

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20131019 Le Monde – Commémoration Bataille des Nations
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Chacun voit l'Histoire à sa porte
es commémorations organisées à l'occasion des cinquante ans du traité de
l'Elysée n'y auront rien changé : même si la France et l'Allemagne ont, depuis un
millénaire, une histoire en grande partie commune, ces pays continuent de
porter sur elle un regard souvent décalé. Alors que la France va commémorer le
centenaire de la première guerre mondiale, l'Allemagne se projette cent un ans
en arrière. Une bonne partie du pays célèbre en effet, ces jours-ci, le bicentenaire
de la bataille de Leipzig, également appelée « bataille des Nations ». « Quatre
jours qui ont changé le monde », selon la formule du journaliste Andreas Platthaus
: du 16 au 19 octobre 1813, les armées européennes se sont liguées pour infliger
une nouvelle défaite à Napoléon, après sa retraite de Russie. Jamais les
Européens n'avaient engagé autant de combattants dans une bataille - 500 000 et jamais autant d'hommes ne moururent en si peu de temps (environ 100 000).
Si elle ne fut pas aussi décisive que Waterloo, la bataille de Leipzig accéléra la
chute de Napoléon. Elle fut d'autant plus déterminante pour l'Allemagne que, à
cette occasion, les princes allemands qui avaient rallié l'empereur français
contre la Prusse depuis 1806 se rangèrent à nouveau derrière celle-ci. Napoléon
fut contraint de se retirer d'Allemagne.
Reconstitution historique
On ne compte plus les manifestations organisées pour ce bicentenaire. A Berlin,
le Musée de l'histoire allemande consacre une exposition à la bataille, centrée
autour du tableau de Johann Peter Krafft L'Annonce de la victoire. A Dresde, le
Musée de l'armée organise, de son côté, une exposition sur le « romantisme
sanglant » qui a marqué l'épopée napoléonienne, mais aussi sur la façon dont
celle-ci fut combattue par des écrivains et des philosophes allemands. Mais ces
expositions sont peu de chose par rapport à ce qui se prépare à Leipzig : le 19
octobre, pas moins de 6 000 figurants, en costumes d'époque, réinterpréteront
cette bataille. Si les Anglo-Saxons sont passés maîtres dans l'art de ces
reconstitutions historiques, les Allemands marchent sur des oeufs. Pas question
de mettre en avant un patriotisme qui reste de mauvais aloi. Ni de laisser croire
que, demain, on s'amusera à reconstituer un épisode lié au nazisme. A Leipzig,
comme il se doit, les victimes sont à l'honneur. De même qu'à Dresde, où le
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parcours est jalonné d'inscriptions au sol indiquant, pour chaque bataille de
Napoléon, le nombre de victimes.
Le bicentenaire de la bataille des Nations donnera aussi lieu à une mise en scène
médiatique inédite en Allemagne. La télévision publique régionale MDR va y
consacrer mille minutes de reportages fictions. Son correspondant à Moscou
expliquera la situation vue de Russie, son collègue indiquera comment les
Bourses ont réagi à la défaite de l'empereur des Français, etc. Autant d'initiatives
originales qui prouvent combien Napoléon marque encore l'imaginaire
allemand. Si l'épopée napoléonienne reste en grande partie taboue en France, il
n'en va pas de même dans les autres pays européens. Ce sont d'ailleurs les
Allemands qui ont organisé la principale exposition sur Napoléon, à Bonn (de
décembre 2010 à avril 2011). Celle qui a été montrée aux Invalides, à Paris, au
printemps, n'en était qu'une reprise partielle. A Dresde, enfin, l'exposition sur le
« romantisme sanglant » de Napoléon s'achève sur des affiches annonçant de
grandes fêtes populaires organisées à Singen (Bade-Wurtemberg), en 2001, ou à
Austerlitz (en République tchèque), en 2002, autour des batailles qui y furent
menées. Des événements difficilement envisageables en France.
Frédéric Lemaître
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