Un film de DENIS CÔTÉ

Transcription

Un film de DENIS CÔTÉ
QTJD
SYNOPSIS
Avec
Guillaume Tremblay
Emilie Sigouin
Hamidou Savadogo
Ted Pluviose
Cassandre Emmanuel
Olivier Aubin
Exploration libre des énergies et des rituels trouvés sur
Une présentation Metafilms
Scénario, production, réalisation : Denis Côté
Production : Sylvain Corbeil, Nancy Grant
Coordination de production : Audrey-Ann
Dupuis-Pierre
Image : Jessica Lee Gagné
Son : Frédéric Cloutier, Clovis Gouaillier
Montage : Nicolas Roy
Supervision technique : Annie Presseault
Vision Globale
pauses, ces efforts, que peut-on établir comme dialo-
Canada – 2014 - 70’ – HD/DCP
vers un repos dont la qualité reste impossible à définir.
des lieux de travail divers. D’un ouvrier à l’autre, d’une
machine à la prochaine; de ces mains, ces visages, ces
gue absurde et abstrait entre L’Homme et son besoin de
travailler? Que valent ces instants où l’homme multiplie
et répète des gestes qui devraient logiquement le mener
Entrevue avec
DENIS CÔTÉ
1. Parlez-nous de ce qui a inspiré cette idée… Le résultat final
comment doit-on affronter ou déterrer le message du projet s’il y
ressemble-t-il à ce qui avait été imaginé?
en a un?
J’ai toujours trouvé difficile de m’assumer comme artiste. Je
Il est certain que ce film-essai s’inscrit dans la continuité
me suis souvent demandé s’il y a un travail plus noble qu’un
de mes films plus artisanaux, ceux qui cherchent quelque
autre; s’il existe une sorte de hiérarchie abstraite du travail.
chose d’introuvable (Carcasses, Bestiaire), qui questionnent
Qu’est-ce qui officialise qu’une journée a été bien remplie par
le langage. Je prends un très grand plaisir à créer des films
un travail concret? Ce sont des questions un peu tourmentées
qui ne se donnent pas facilement à moi, ni au spectateur. Ils
et inutiles mais j’ai voulu partir à la chasse à une certaine
doivent exister, longtemps, circuler. Il faut mettre des mots sur
définition du travail. Évidemment je ne l’ai pas trouvé. Ensuite,
ces expériences image-son. J’espère que le spectateur ne se
je me suis laissé hanter par cette idée terrible que nous devons
cassera pas la tête. J’espère qu’il regardera le travail en marche,
tous travailler pour à la fin, trouver une sérénité, un repos, un
une réflexion en marche, une recherche en marche. Il y a un peu
sentiment d’accomplissement. Ce sont des questionnements
d’humour, quelque chose d’un peu hypnotique, des moments de
abstraits auxquels pouvait ne répondre qu’un film assez
distanciation mais il n’y a pas de réel enjeu ni issue à ce film.
abstrait. Au départ, j’ai voulu filmer l’effort, la beauté du geste,
J’aime bien quand je regarde un film arriver à un moment où je
le mouvement du travail; ceux qui s’oublient dans le travail,
sais que je suis en train de regarder un film. Peut-être que je ne
ceux qui y sont heureux, ceux qui n’y pensent pas. Je savais que
le comprends, pas mais je le tourne de tous les côtés pour voir
ça donnerait une allégorie. Je savais que le dispositif éclaterait
comment on a bien pu le faire, le penser et le laisser exister.
aussi en chemin et que j’incluerais un peu de ruse, des
passages confectionnés/fabriqués, des acteurs. Il n’y a jamais
3. Les acteurs et les parties fictionnelles arrivent tard dans le
eu d’intention d’équilibrer les choses. Il fallait du chaos; quelque
film. En quoi viennent-ils enrichir la démonstration ou le propos?
chose de très ouvert.
Nous aurions pu filmer le travail en marche pendant 70 min et
c’est tout. Mais nous avons pensé une certaine structure basée
2. Vous rejetez le cinéma de sujet et vous posez un regard
sur le possible niveau d’intérêt et d’attention du spectateur. Les
abstrait sur le monde du travail. On ne peut pas dire que c’est
45 premières minutes travaillent sur l’accumulation. Quelque
un documentaire. Que doit-on prendre de cette allégorie ou
chose qui assomme ou engourdit et qui ne nous laisse pas
beaucoup de temps pour penser à ce que nous regardons. Il
mental, qu’il est très musical; qu’il se regarde presque les yeux
8. Peut-on dresser des parallèles entre Que ta joie demeure et
y a des indices que le film pourrait basculer dans la fiction
fermés. Ce son très travaillé devient presque un personnage.
vos autres films?
mais c’est timide. Puis, j’ai voulu prendre une distance, une
Que le spectateur aime ou n’aime pas, il gardera certainement
Je pense que les habitués de mon travail reconnaitront les
respiration. J’ai peut-être voulu à tort ou à raison mettre des
l’expérience sonore en mémoire.
élans formalistes, la rigueur des cadrages, l’attention au son,
‘‘Je me suis laissé hanter
par cette idée terrible
les coupures sèches. Je pense que je suis très intéressé par la
mots sur ce qu’on venait de voir. Des personnages sans noms
viennent visiter les paysages industriels. Ils déclament deux ou
6. Vous ne filmez que le travail manuel ou en tous cas des
meute et l’appartenance à des groupes, des communautés.
trois idées autour de la fatigue et de l’absurdité de travailler
environnements associés à quelque chose de très industriel.
Je me suis amusé ferme à visiter ces endroits où je n’aurais
toute une vie. Le film devient autre chose. Je cherchais les chocs,
Pourquoi ces métiers en particulier?
probablement jamais mis les pieds. Je suis solitaire et je suis
la poésie. Mais je ne cherchais pas les vérités du genre ‘le travail
Si je fais une allégorie sur le travail, il faut filmer des choses
toujours assez touché et allumé quand je rencontre une nouvelle
c’est ceci ou cela’. Je voulais éviter aussi d’héroïser l’ouvrier ou
très connotées. Il y a peu de place pour la subtilité comme aller
communauté avec des règles strictes. Je me demande toujours
de démoniser le patron. Et il n’y a bien sûr rien de militant. Le
filmer un comptable ou un notaire ou un gardien de sécurité.
qui est l’élément perturbateur ou l’insubordonné de la bande.
cinéma est trop libre et trop plein de possibilités pour faire du
J’avais envie de mouvements, de mains qui forcent, qui
Que ce soit le monde de JP Colmor dans Carcasses, le zoo de
militantisme.
soulèvent; des corps qui se déplacent très concrètement. Il y a
Bestiaire, le pays neigeux de Curling ou le village des Etats
forcément un choix qui se fait vers des métiers industriels où
nordiques, je pense qu’il y a toujours quelque chose qui menace
4. Vous aimez alterner entre les projets plus narratifs et ceux
tout semble amplifié. Le cliché veut que le travail le plus ‘vrai’
de se dérégler. D’aller filmer le chaos et le ventre des machines
plus expérimentaux. Où se situeraient les ambitions de Que te
et le plus ‘noble’ soit celui du travail manuel, répétitif, bruyant,
est certainement un prolongement de cette idée ou ce pays où
joie demeure?
même dangereux. J’ai foncé dans le cliché. Je voulais que ce soit
‘quelque chose pourrait se passer’.
Nous resterons probablement dans les cercles cinéphiles avec
explicite.
ce film, mais c’est néanmoins une brique supplémentaire dans
l’édifice cinématographique que je construis. J’ai besoin de me
7. Vous avez tourné dans plusieurs usines. Comment explique-t-
sentir très libre entre les projets plus ambitieux et plus narratifs.
on un tel projet aux patrons ou aux employés sur place?
QTJD est un film libre qui me garde en vie; qui me garde créatif.
C’est difficile. On ressemble vite à une sorte d’artiste bizarre
et torturé si on essaie de mettre trop de mots sur la démarche.
5. Le travail sur le son est spectaculaire. Que cherchiez-vous
Il fallait se présenter de façon simple et prouver que nous ne
dans ce travail sonore quasi immersif?
faisions pas de l’espionnage. Certains patrons sont enchantés
On doute toujours. Il y a eu des moments où je me disais ‘mais
de nous aider alors que d’autres ont leur rentabilité à cœur et
personne ne voudra regarder cette chose’. Alors on cherche et
n’ont pas le temps de nous laisser venir flâner chez eux. Certains
j’ai trouvé que j’avais les ingrédients et les paysages industriels
ont peur. Certains pensent que c’est dangereux. Plusieurs
pour créer quelque chose d’hypnotique ou d’immersif au son. Je
pensent que nous pourrons leur donner de la visibilité. Il faut
ne veux pas que ce soit agressant, mais je ne déteste pas que
être discret, ne rien voler à la dignité des gens, s’expliquer si on
le film prenne les sens en otage. Je pense qu’il a son paysage
doit le faire. Entrer, partir, dire merci.
que nous devons tous
travailler pour à la fin,
trouver une sérénité,
un repos, un sentiment
d’accomplissement.’’
Un film de DENIS CÔTÉ
Avec
Guillaume Tremblay
Emilie Sigouin
Hamidou Savadogo
Ted Pluviose
Cassandre Emmanuel
Olivier Aubin
Une présentation Metafilms
Scénario, production, réalisation : Denis Côté
Production : Sylvain Corbeil, Nancy Grant
Coordination de production : Audrey-Ann Dupuis-Pierre
Image : Jessica Lee Gagné
Son : Frédéric Cloutier, Clovis Gouaillier
Montage : Nicolas Roy
Canada – 2014 - 70’ – HD/DCP