1 Meirieu, P. (200) Pédagogie : le devoir de résister. ESF Editeur.

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1 Meirieu, P. (200) Pédagogie : le devoir de résister. ESF Editeur.
Atelier 1 : Pourquoi faire confiance et comment ?" faire confiance à l'élève. L. Lescouarch
Dans un climat scolaire tendu où la question centrale pour de nombreux praticiens est d'abord
devenue celle du contrôle de l'élève, poser la question de la confiance à lui accorder peut paraître
surprenante au premier abord mais apparaît comme une nécessité si l'on veut repenser le contrat
pédagogique scolaire pour le rendre plus pertinent, pour faire évoluer le rapport au savoir et à
l'apprendre.
Pour ces ateliers, deux dimensions nous paraissent essentielles à envisager: avoir confiance dans
la capacité de l'élève à apprendre dans la structuration de la relation pédagogique et instaurer un
cadre de confiance permettant à la dynamique pédagogique de se développer.
- avoir confiance dans la capacité des élèves à apprendre
Les travaux de Rosental et Jacobson sur l'effet pygmalion ont pu mettre en évidence l'importance
de la dimension de « prophétie autoréalisatrice » liée aux attentes et préjugés des enseignants
sur les élèves. Réfléchir à cette question de la confiance nous renvoie donc au regard que l'on
peut porter sur l'élève, sur sa capacité à apprendre, à se positionner par lui même dans son projet
d'apprenant et sur la nature de la relation éducative qui peut être construite avec lui.
Par conséquent, porter un regard bienveillant sur ses productions, lui signifier qu'on a confiance
dans ses capacités à apprendre, à se développer et grandir peut être le point de départ d'une
dynamique pédagogique positive à articuler dans la tension mise en évidence par Meirieu entre
principe d'éducabilité et principe de liberté : «- Tout le monde peut apprendre et nul ne peut jamais
décider pour une personne donnée, qu’un apprentissage est définitivement impossible : c’est le
postulat d’éducabilité ; L’apprentissage ne se décrète pas… et rien ne permet de l’imposer à
quiconque. Tout apprentissage s’effectue pour chacun à sa propre initiative et requiert de sa part
un engagement personnel : c’est le principe de liberté.(p.80-82)1
Travailler dans la perspective de l'éducabilité implique donc faire confiance aux élèves, de croire
en eux et cette vision n'apparait pas toujours partagée par l'ensemble des acteurs de la
communauté éducative. Au nom de cette confiance, l’éducateur est invité à ne pas entrer dans
une résignation fataliste par rapport à des enfants ne maîtrisant pas encore les savoirs et les
attendus du métier d'élève. Toutefois, cette visée est à articuler avec le principe de liberté qui nous
rappelle la part d'engagement nécessaire et irréductible du sujet dans ses propres apprentissages.
Nous pouvons le mettre en relation avec la réflexion de Freinet « On ne fait point boire le cheval
qui n’a pas soif » [1]mettant en évidence la difficulté à mobiliser un sujet si le désir n’est pas le
moteur de l’action. Si l’apprentissage ne se décrète pas et que nul ne peut contraindre quiconque
à apprendre et à grandir, la personne peut donc ne pas s’engager dans la démarche
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Meirieu, P. (200) Pédagogie : le devoir de résister. ESF Editeur.
d'apprentissage si elle n'a pas elle même confiance dans ses propres capacités. L’expérience de
la réussite constitue un élément essentiel pour construire ce « désir d’apprendre » et développer
cette confiance en soi. Il apparait donc essentiel pour le pédagogue de construire un espace de
travail permettant de contribuer à créer cette dynamique positive dans un cadre de confiance.
- Une confiance qui s'inscrit dans un cadre d'accompagnement
Faire confiance à l'élève, croire en ses potentialités est donc une dimension constitutive de la
visée d'une éducation qui ne se restreindrait pas à un dressage et caractérise les projets des
grands pédagogues de l'éducation nouvelle mais n'est pas exempt de risque de malentendus si
l'éducateur est amené renoncer au principe d'éducabilité au nom d'une « admiration béate des
aptitudes qui s'éveillent » (Meirieu). Ainsi, l'histoire de la pédagogie est remplie de malentendus à
ce sujet car l'enjeu est de « faire confiance » mais dans un cadre qui n'est pas le « laisser faire »
de certaines pédagogies libertaires mais la construction d'un environnement permettant d'étayer
ces apprentissages…. Le cadre est ce qui soutient et structure mais également ce qui pose des
limites et la confiance à accorder à l'élève s'inscrit pour nous dans la perspective de recherche de
construction d'un environnement accompagnement qui lui laisse une place mais pas toute la place.
Cela implique un déplacement de posture pour les adultes qui se situent de fait dans une
perspective d'accompagnement de l'élève au sens de Paul comme « cheminer avec », en ouvrant
des espaces de liberté pour l'élève sans perdre de vue la dimension d'éducabilité et l'assymétrie
constitutive de la relation éducative.
Dans la perspective de « faire confiance », l'enseignant, l'éducateur sont donc confrontés à la
double question de la construction d'un cadre permettant les apprentissages et émancipateur et
d'une posture d'accompagnement des apprentissages permettant le développement de l'élève.
Structurer des modèles pédagogiques d'action prenant en compte ces deux dimensions dans une
volonté de refondation des pratiques constitue donc l'enjeu d'une telle réflexion dans le cadre de
ces ateliers.
Laurent LESCOUARCH
[1] C. Freinet, Les Dits de Mathieu : donner soif à l’enfant,« Œuvres pédagogiques », tome 2, p.
114, Éditions Seuil
[1] Meirieu, P. (200) Pédagogie : le devoir de résister. ESF Editeur.