Herve - DLU

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Herve - DLU
LA NOUVELLE REGULARISATION FISCALE ISSUE DE LA LOI DU 11
JUILLET 2013 OU DLU ter : LE DELAI EXPIRE LE 31 DECEMBRE 2013 !
La DLU ter peut être introduite jusqu’au 31 décembre prochain, de sorte qu’il reste peu
de temps aux personnes concernées pour régulariser. Une première (et peut-être seule)
série de FAQ (foire aux questions) vient par ailleurs d’être diffusée par le Point de
contact-régularisations sur le site du Service des décisions anticipées.
La loi-programme du 27 décembre 2005 (publiée au Mon.B. du 30 décembre 2005) avait
introduit une nouvelle possibilité de réaliser une "régularisation fiscale", communément et
incorrectement appelée la DLU bis, dès lors que la DLU qui fut introduite par la loi du 31
décembre 2003 « instaurant une déclaration libératoire unique » (publiée au Mon. B. du 6
janvier 2004, 2ème édition) ne pouvait être souscrite que jusqu'au 31 décembre 2004. Ce
régime de régularisation était conçu comme étant permanent.
Au cours des discussions budgétaires qui ont eu lieu en 2013, le gouvernement a émis la
volonté d’adapter (une dernière fois ?) le régime en vigueur. Ainsi, la loi du 11 juillet
2013 « modifiant le régime de régularisation fiscale et instaurant une régularisation
sociale » (publiée au Mon. B. du 12 juillet 2013, 3ème édition) instaure-t-elle une DLU
fiscale ter ainsi qu’une nouvelle procédure de régularisation de cotisations sociales pour
des revenus professionnels de travailleurs indépendants.
La présente contribution a pour objet de décrire les grandes lignes du régime de la DLU
fiscale ter.
1.Les personnes concernées sont les personnes physiques (assujetties à l’I.P.P. ou à
l’I.N.R.) ou morales (assujetties à l’I.SOC., l’I.N.R. ou l’I.P.M., telles les ASBL, les
trusts, les fondations), en ce compris les sociétés civiles et les associations sans
personnalité juridique, qui procèdent à l'introduction d'une déclaration-régularisation soit
personnellement, soit par l'intermédiaire d'un mandataire. En cas de régularisation en
matière de droits de succession, la déclaration peut être introduite soit au nom de la
succession, soit au nom de l’héritier/des héritiers pour sa/leur part respective. Le nouveau
régime de régularisation est ouvert aux personnes ayant déjà introduit une DLU bis.
2.Les opérations susceptibles d’être régularisées sont les suivantes : 1° les revenus
professionnels ; 2° les autres revenus (dont on peut démontrer qu'ils ont une autre nature
que celle de revenus professionnels) ; 3° les capitaux issus d’une succession non prescrite
(assimilés à ces autres revenus) ; 4° les opérations TVA ; 5° les « capitaux fiscalement
prescrits », nouvelle notion qui désigne les capitaux à l’égard desquels l’administration
fiscale ne peut plus exercer de pouvoir de perception dans le chef de celui au nom de qui
la déclaration-régularisation est introduite (ils sont évalués à ce moment).
3.La déclaration-régularisation ne produit aucun effet dans les trois cas suivants : 1°
lorsqu’avant l'introduction de la déclaration-régularisation, le déclarant a été informé par
écrit d'actes d'investigation spécifiques en cours par une administration fiscale belge ; 2°
lorsqu’une DLU ter a déjà été introduite en faveur du même déclarant ou assujetti à la
TVA pendant la période à partir du 15 juillet 2013 jusqu’au 31 décembre 2013 inclus ; 3°
au regard des revenus trouvant leur origine dans l’infraction de blanchiment, sauf lorsque
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celle-ci est le résultat exclusif d’une infraction fiscale, ainsi qu’au regard des revenus
provenant d’une infraction visée à l’article 5, § 3, de la loi du 11 janvier 1993, sauf
lorsqu’il s’agit d’une fraude fiscale grave et caractérisée mettant en œuvre des
mécanismes complexes ou usant de procédés à dimension internationale, d’un abus de
biens sociaux et d’un abus de confiance.
4.Il existe un double type de régularisation : d’une part, pour les « petits
fraudeurs » : il s’agit de la fraude fiscale ordinaire qui est relative aux seuls revenus et
opérations TVA fiscalement non prescrits (en pratique, les revenus obtenus à partir du 1er
janvier 2006) ; d’autre part, pour les « grands fraudeurs » : il s’agit de la fraude fiscale
plus grave qui concerne ceux qui se sont rendus coupables de fraude fiscale grave et
organisée et de délits liés (abus de biens sociaux, abus de confiance), les capitaux
fiscalement prescrits étant également visés. Le Point de contact – régularisations refuse
toutefois de se prononcer sur la qualification (simple ou grave) donnée par le déclarant
aux infractions de fraude fiscale qu’il a commises.
5.La régularisation concernant les « petits fraudeurs » est la reproduction de celle
qui existait déjà sous l’empire de la loi-programme du 27 décembre 2005. Elle concerne a
priori les revenus mobiliers (intérêts et dividendes), les revenus divers, les droits
d’enregistrement et de succession ainsi que les revenus non prescrits qui ne sont pas
fiscalement issus de la fraude fiscale grave et organisée et qui mettent en œuvre des
mécanismes complexes ou qui usent de procédés à dimension internationale. Comme par
le passé, il incombe au déclarant de prendre ses responsabilités au regard de la période
qui fait l’objet de la régularisation.
Tous ces revenus fiscalement non prescrits sont soumis à un prélèvement, à leur tarif
normal d’imposition majoré d’une amende de 15 points (au lieu de 10 points auparavant).
Ainsi, les intérêts ou revenus assimilés sont soumis au taux de 30 % lorsqu’ils ont été
obtenus avant le 1er janvier 2012 et à 36 % ou 40 % lorsqu’ils ont été recueillis en 2012.
Quant aux dividendes ou revenus assimilés, ils sont soumis au taux de 30 % ou au taux de
40 %. Conséquence de l’arrêt Dijkman rendu par la Cour de Justice de l’Union
européenne, la taxe communale additionnelle à l’impôt des personnes physiques et la taxe
d’agglomération additionnelle à l’impôt des personnes physiques ne s’appliquent pas aux
revenus recueillis à partir du 1er janvier 2010 et ayant leur source dans un Etat de l’espace
économique européen.
6.La régularisation concernant les « grands fraudeurs » vise, en premier lieu, les
revenus régularisés non prescrits fiscalement issus de la fraude fiscale grave et organisée
qui mettent en œuvre des mécanismes complexes ou qui usent de procédés à dimension
internationale. Ces revenus sont soumis à leur tarif normal d’imposition majoré d’une
amende de 20 points à l’exclusion, pour les opérations TVA, des cas dans lesquels la
déclaration-régularisation donne également lieu à la régularisation des revenus
professionnels régularisés fiscalement non prescrits.
En second lieu, sont visés les capitaux fiscalement prescrits en distinguant selon qu’ils sont
issus de certains délits fiscaux ou qu’ils existent sous la forme d’une assurance-vie. Le seul
intérêt de régulariser semblables capitaux ne réside pas au plan fiscal, mais bien dans le
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souhait d’obtenir une immunité pénale, notamment eu égard à l’infraction de blanchiment.
Pour être régularisés, ces capitaux fiscalement prescrits sont soumis à un prélèvement à un
taux de 35 points (ou pourcents) sur le capital.
Le choix de régulariser ou non un capital fiscalement prescrit, la détermination et
l’évaluation de son montant s’exercent sous la pleine et entière responsabilité du déclarant.
Le Point de contact – régularisations ne dispose d’aucune compétence en matière pénale et
il n’exerce aucun contrôle sur la déclaration faite à cet égard. Est admise la régularisation
de valeurs, parfois en coffre ou sous un matelas, telles que des lingots d’or, des liquidités,
des œuvres d’art ou encore des bijoux. Le capital à régulariser est celui qui existe au jour
de l’infraction.
7.Si la déclaration-régularisation a été réalisée dans le respect des dispositions légales
et si le paiement des prélèvements a été effectué conformément à celles-ci, ceci entraîne
plusieurs effets : 1° immunité fiscale ; 2° absence de taxation indiciaire ; 3° moyen de
preuve devant les cours et tribunaux, devant les juridictions administratives, ainsi qu'à
l'encontre de tout service public ; 4° immunité pénale ; 5° absence d’obligation de
dénonciation au Parquet.
Une immunité pénale demeure instaurée au regard des différentes infractions prévues par
les Codes fiscaux et des infractions visées à l'article 505 du Code pénal (blanchiment), dans
la mesure où elles visent les avantages patrimoniaux tirés directement de ces infractions ou
les biens et valeurs qui leur ont été substitués ou les revenus de ces avantages investis. Il
s’agit d’une véritable exonération des poursuites pénales qui concerne tant les auteurs que
les coauteurs ou les complices de telles infractions.
Bien qu’elle consiste alors seulement dans une absence de sanction, l’immunité pénale est
désormais étendue à certaines infractions, perpétrées en vue de commettre ou de faciliter
les délits précités ou qui résultent de ces délits (infractions dites « accessoires »),
limitativement énumérées. Il s’agit de : 1° le faux et l’usage de faux en écritures ; 2° l’abus
de confiance et l’abus de biens sociaux ; 3° les infractions liées à l’état de faillite ; 4° les
infractions au droit comptable ; 5° les infractions à la réglementation relative au transport
transfrontalier d’argent liquide ; 6° les différentes dispositions pénales du Code des
sociétés.
Dans tous les cas, il convient d’établir que ces personnes n’ont pas fait l’objet, avant la date
d’introduction de la déclaration-régularisation, d’une information ou d’une instruction
judiciaire du chef de ces délits, qu’elles ont effectué une déclaration-régularisation dans les
conditions légales et qu’elles ont payé correctement les montants dus.
8.La procédure de régularisation demeure quasiment inchangée. La déclarationrégularisation est toujours introduite auprès du Point de contact-régularisations installé au
sein du Service des décisions anticipées à Bruxelles.
Désormais, les pièces sous-jacentes peuvent être introduites jusqu’à six mois après
l’introduction de la déclaration-régularisation et donc, jusqu’au 30 juin 2014 au plus tard si
la déclaration-régularisation est rentrée le 31 décembre 2013, dernier jour utile. En
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principe, les attestations et documents bancaires produits à l’appui de la déclarationrégularisation doivent être en original.
La déclaration-régularisation doit être accompagnée d’une explication succincte sur le
schéma de fraude, ainsi que l’ampleur et l’origine des capitaux régularisés et des revenus,
la période pendant laquelle les capitaux et les revenus sont apparus et les comptes
financiers utilisés pour les montants régularisés. Le schéma de fraude n’est pas transmis à
la Cellule de traitement des informations financières (CTIF). Aussi, le Point de contactrégularisations demande-t-il qu’il apparaisse sur une annexe séparée.
Après la réception de la déclaration-régularisation, le Point de contact-régularisations
informe dans les trente jours, par courrier, le déclarant ou son mandataire de la recevabilité
de celle-ci. Dans le même courrier, il fixe le montant du prélèvement dû. Ce délai, non
prescrit à peine de nullité, n’est, en pratique, jamais respecté. Au contraire, le paiement du
prélèvement réclamé doit s'opérer dans les quinze jours qui suivent la date d'envoi de ce
courrier. Le déclarant doit rigoureusement observer ce délai.
Au moment de la réception du paiement, le Point de contact-régularisations transmet au
déclarant ou à son mandataire une attestation-régularisation. Le Point de contact informe
alors la CTIF de la régularisation qui a été conclue, et lui envoie une copie de l’attestationrégularisation.
Les attestations-régularisation ne sont en principe pas communiquées au centre de contrôle
local dont le déclarant dépend, sauf lorsque sont régularisés des revenus professionnels
fiscalement non prescrits ou des opérations TVA. Dans une telle hypothèse, le déclarant
peut légitimement craindre que le contrôle local entame des investigations à son encontre.
Conclusion :
La loi du 11 juillet 2013 renferme certaines zones d’ombre et contient des imprécisions tant
au niveau de la régularisation proprement dite que de ses effets, ce qui va à l’encontre du
principe de la sécurité juridique. Elle méconnaît également les règles de compétence entre
le législateur fédéral et le législateur régional. Elle fait actuellement l’objet d’un recours
devant la Cour constitutionnelle (rôle n° 5720).
Nonobstant les incertitudes qui subsistent, lesquelles n’ont été que partiellement levées par
les FAQ publiées sur le site du SDA, la DLU ter nous paraît constituer encore une
opportunité intéressante pour « se mettre en ordre », notamment dans la perspective d’un
planning successoral. En effet, il existe une évolution inéluctable vers un environnement
fiscal transparent au plan européen.
Vu l’échéance prochaine de la mesure au 31 décembre 2013, il n’est pas encore trop tard –
même si, dans les faits, le candidat à la régularisation sera le plus souvent dépendant du
temps mis par l’organisme financier pour le documenter - mais il est grand temps d’agir !
A bon entendeur…
Luc HERVE,
Avocat au Barreau de Liège, cabinet d’avocats Herve,
Maître de conférences à l’ULg (Tax Institute),
Collaborateur scientifique à HEC,
Professeur à la CBCEC Liège et à l’EPHEC,
Assesseur juridique suppléant à la Chambre Exécutive de l’IPCF
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