TaxFR - TetralertSept16 - Guide pratique de la DLU IV

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TaxFR - TetralertSept16 - Guide pratique de la DLU IV
TETRALERT – FISCAL
GUIDE PRATIQUE DE LA DLU IV
I.
INTRODUCTION
Après ce qu’on pourrait qualifier de véritable
saga, le législateur a enfin consacré la DLU IV, le
jour de la fête nationale belge. Celles et ceux qui
seraient encore en situation indélicate peuvent
en principe, depuis le 1er août 2016, effectuer
une déclaration de régularisation afin d’être
amnistiés fiscalement et pénalement. Le 18 août
2016, le gouvernement fédéral a publié l’arrêté
royal du 9 août 2016 fixant les modèles de
formulaire de régularisation. Même si cela était
attendu, il est surprenant que le législateur
fédéral ait décidé d’avancer en « solo », si bien
que les droits de succession ainsi que les droits
d’enregistrement régionalisés ne font plus partie
de la nouvelle procédure de régularisation car il
s’agit là de compétences exclusives des régions.
En matière successorale, il faut donc espérer
qu’intervienne un accord de coopération en ce
qui concerne la Région de Bruxelles-Capitale et la
Région wallonne et un décret consacrant une
autre régularisation fiscale pour la Région
flamande.
La DLU IV s’apparente fort à l’ancienne
procédure de régularisation même si des
différences importantes doivent être signalées.
II.
LA RÉGULARISATION FISCALE
A. Qui peut régulariser ?


Les personnes physiques assujetties à
l’IPP (résidents belges) ou à l’INR
(résidents étrangers) ;
Les personnes morales qui sont les
sociétés soumises à l’ISOC (résidents
belges), les sociétés soumises à l’ISOCINR (résidents étrangers), les sociétés
civiles ou les associations sans
personnalité juridique et les personnes
morales assujetties à l’IPM (ASBL,…).
B. Que peut-on régulariser ?
De manière assez évidente, le champ
d’application matériel se calque sur le champ
d’application personnel. Ainsi, pourront être
régularisés :






L’IPP ou l’IPP-INR ;
L’ISOC ou l’ISOC-INR ;
L’IPM ;
La TVA ;
Les droits d’enregistrement qui n’ont pas
été régionalisés;
Les taxes et droits divers.
Sous l’ère de la DLU III, les droits de succession et
d’enregistrement éludés pouvaient être
régularisés. Cependant, par son arrêt du 19
septembre 2014, la Cour constitutionnelle a
précisément invalidé la DLU III dès lors que, dans
1
les limites des compétences qui leur sont
attribuées en matière d’impôts par l’article 3 de
la loi spéciale du 16 janvier 1989, il appartient
exclusivement aux Régions de déterminer les
infractions et les peines y afférentes. La Cour
constitutionnelle a toutefois décidé de maintenir
les effets des dispositions annulées pour le passé.
Il était donc clairement impossible de réitérer
cette violation des règles de répartition de
compétences.
professionnels (une majoration ayant
déjà été appliquée).

C. A quels tarifs ?
Le législateur différencie les tarifs selon la
prescription ou non des capitaux :

Les revenus régularisés sont soumis au
tarif normal de l’impôt sur les revenus
qui était d’application pour la période
imposable durant laquelle ces revenus
ont été obtenus ou perçus, avec une
majoration de 20 points. Un tarif
identique est applicable aux sommes
régularisées qui sont prélevées aux taux
normal d’imposition selon les règles
applicables auxdites sommes pour la
période imposable au cours de laquelle
ces sommes ont été obtenues ou
recueillies, le tout étant également
majoré donc de 20 points. Le tarif est
similaire pour les opérations TVA
régularisées, qui sont donc prélevées au
taux qui était d’application pour les
opérations régularisées au moment où
les opérations ont eu lieu, majoré de 20
points. Toutefois, il n’y aura pas de
majoration dans le cas où la déclaration
a déjà donné lieu à la régularisation de
ces opérations TVA en tant que revenus
Les capitaux fiscalement prescrits (sur
lesquels l’administration fiscale ne peut
plus exercer,
au moment
de
l’introduction de la déclaration, de
pouvoir de perception dans le chef de
celui au nom de qui la déclarationrégularisation est introduite suite à
l’expiration des délais de prescription)
sont soumis à un prélèvement de 36
points en 2016.
Il est important de noter que la majoration
augmentera au fil des années comme cela est
indiqué dans le tableau ci-dessous.
Majoration des
revenus,
sommes
et
opérations TVA
2016
20 points
2017
22 points
2018
23 points
2019
24 points
A partir de 25 points
2020
Majoration
des capitaux
prescrits
36 points
37 points
38 points
39 points
40 points
D. Quels sont les effets ?
Ici réside la motivation première du repenti,
pouvoir bénéficier de l’immunité fiscale (pour les
revenus non prescrits) et pénale.

L’immunité de contrôle
La déclaration, le payement subséquent
du prélèvement dû ainsi que
l’attestation ne peuvent être utilisés
comme indice ou indication pour
effectuer des enquêtes ou des contrôles
2
de nature fiscale, pour déclarer de
possibles infractions fiscales ou pour
échanger des renseignements, sauf en ce
qui concerne la détermination des
prélèvements dus en raison de la
déclaration-régularisation, le montant
des revenus, sommes, opérations TVA et
capitaux régularisés.


L’immunité fiscale
Assez logiquement, la personne qui a
procédé à une déclaration de
régularisation ne peut plus être imposée
sur les revenus non prescrits vu que le
taux normal d’imposition a été payé. Une
telle amnistie ne jouera pas si, avant
l’introduction de la déclarationrégularisation, le déclarant a été informé
par écrit d’actes d’investigation
spécifiques en cours par un service
judiciaire belge, par une administration
fiscale belge, une institution de sécurité
sociale ou un service d’inspection sociale
belge ou le SPF Economie.
L’immunité pénale
Le contribuable qui a régularisé sa
situation bénéficie également du répit
pénal. Autrement dit, il ne peut plus faire
l’objet de poursuites pénales pour les
infractions de fraude fiscale et de faux
fiscal mentionnées par la loi ainsi que
pour les faits de blanchiment d’argent y
relatifs. Cette
immunité
profite
également aux coauteurs et complices.
La loi prévoit pour condition l’absence,
avant le dépôt de la déclaration de
régularisation, d’une information ou
d’une instruction judiciaire du chef de
ces infractions à charge des déclarants.
L’immunité pénale joue également pour
les infractions connexes (celles qui ont
été commises en vue de commettre ou
de faciliter les infractions fiscales ou de
blanchiment ou qui résultent de ces
infractions) mais ici uniquement à
l’égard de l’auteur principal et une telle
immunité sera qualifiée de limitée dans
le sens où les poursuites restent
possibles, seules les sanctions étant
écartées.
E. Que trouver au rayon des
nouveautés ?

La nouvelle DLU consacre une
uniformisation des amendes applicables
et par conséquent la distinction entre
fraude fiscale simple et fraude fiscale
grave, organisée ou non, en devient
orpheline.

L’actuelle régularisation fiscale prévoit
qu’à partir du moment où un
contribuable décide de procéder à une
déclaration, il ne jouira plus de sa liberté
de choisir les revenus/capitaux qu’il
souhaite régulariser. Cela se traduit par
le fait que les capitaux prescrits (qui ne
sont par définition plus de la
compétence de l’administration fiscale)
devront également faire l’objet de la
procédure. Le contribuable ne pourra
échapper à une telle obligation que s’il
parvient à démontrer par écrit que de
tels capitaux ont déjà été soumis à leur
régime fiscal ordinaire. Une telle
exigence de preuve pose des problèmes
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importants. En effet, les banques ne
conservent pas leurs documents plus de
dix ans. Le contribuable, quant à lui, ne
doit les garder en principe « que »
durant sept années. Notre pratique nous
permet d’avancer que pareille preuve
sera difficilement, voire rarement,
rapportable. De plus, le législateur
dispose que le déclarant doit démontrer,
par une preuve écrite, la nature de
l’impôt, la catégorie fiscale et la période
à laquelle appartiennent les capitaux
prescrits afin que ceux-ci puissent être
régularisés. Cette-dernière condition
peut s’expliquer par le fait que la
régularisation fiscale est limitée dans le
sens où elle ne peut plus concerner des
impôts non fédéraux et il est donc
nécessaire d’en connaître la nature. Les
travaux préparatoires expliquent les
raisons de cette nouvelle exigence. En
effet, il y est dit que « le Conseil d’État a
encore dans son dernier avis n°
59.682/003 du 4 juillet 2016 (DOC 54
1738/012) formulé plusieurs remarques
dont il conviendrait de tenir compte afin
que l’on puisse déterminer avec
exactitude la nature des revenus et
sommes qui seront régularisés ».
Toutefois, à nouveau, ce sera très
difficile à mettre en œuvre. Ainsi, une
personne ayant perçu des revenus
professionnels « en noir » n’aura,
généralement, plus de documents écrits.

Suite à l’instauration en 2015 de la taxe
« Caïman » qui permet d’imposer
directement
les
revenus
des
constructions juridiques étrangères dans
le chef du fondateur, de ses héritiers, des
tiers bénéficiaires et des actionnaires, le
législateur a prévu expressément la
majoration de 36% pour les capitaux
provenant de telles structures.

La DLU IV stipule dans une nouvelle
disposition que ne peuvent être
régularisés les revenus, les sommes, les
opérations TVA et les capitaux prescrits
qui auraient une origine illicite
limitativement énumérée par la loi du 11
janvier 1993 relative à la prévention de
l’utilisation du système financier aux fins
du blanchiment de capitaux et du
financement du terrorisme (à l’exception
de la fraude fiscale grave, organisée ou
non, l’abus de biens sociaux et l’abus de
confiance). Une telle mention surprend
vu que la même loi-DLU reprend l’article
relatif aux exclusions qui, pour rappel,
prévoit
que
la
procédure
de
régularisation ne sort pas ses effets
lorsque
les
avoirs
régularisés
proviennent d’un délit sous-jacent
énoncé dans la loi préventive à
l’exception, de nouveau, de la fraude
fiscale grave, organisée ou non, de l’abus
de biens sociaux et de l’abus de
confiance. Selon l’argumentation reprise
dans les travaux parlementaires, « les
lois fiscales sont de stricte interprétation
et préconisent de prévoir explicitement
dans la loi l’exclusion des capitaux
d’origine illicite en matière de
blanchiment d’argent, plutôt que de
déduire implicitement cette exclusion ».
Une telle motivation semble plus
politique que juridique.
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III.
LA RÉGULARISATION SOCIALE
sociale en tant qu’indépendant ne
pourra être intentée. A l’instar de la
régularisation fiscale, l’immunité pénale
ne jouera que s’il y a l’absence de toute
information ou instruction judiciaire
relative à ces infractions.
A. Que peut-on régulariser ?
Les cotisations sociales non prescrites relatives à
des revenus professionnels de travailleurs
indépendants.
B. A quels tarifs ?
Le payement d’un prélèvement social forfaitaire
de 15% des revenus professionnels est prévu, le
plafond 2016 (au-delà duquel aucune cotisation
sociale n’est due) s’élevant à 82.795,16 euros.
C. Quels sont les effets ?


Le payement est libératoire. Autrement
dit, le prélèvement social remplace les
cotisations sociales et il n’y a pas
application des majorations et des
amendes administratives. Toutefois, le
payement n’ouvre aucun droit aux
prestations sociales. Aussi, comme pour
le volet fiscal, le payement ne sera pas
dénué de son effet libératoire si, avant
l’introduction de la déclarationrégularisation, le déclarant a été informé
par écrit d’actes d’investigation par un
service
judiciaire
belge,
une
administration fiscale belge, une
institution de sécurité sociale ou un
service d’inspection de sécurité sociale
belge ou le SPF économie.
La régularisation sociale a également
pour conséquence qu’aucune poursuite
pénale pour les infractions concernant
des
déclarations
inexactes
ou
incomplètes en matière de cotisation
IV.
CONCLUSION
Il est difficile de trouver l’équilibre entre la
sévérité et l’attractivité pour le législateur
funambule. Certaines modifications, telle
l’uniformisation des majorations, le font tanguer
d’un côté, mais d’autres, telle l’obligation de
déclarer les capitaux prescrits, redonnent
l’équilibre à notre acrobate malgré tout hésitant.
La DLU est un outil caméléon investi de
pragmatisme qui s’adapte aux couleurs d’un
système judiciaire qui n’est pas ou plus capable
de poursuivre tous les fraudeurs. D’ailleurs,
certaines liaisons sont parfois dangereuses, au
regard de l’exemple de la condition d’absence
d’enquêtes répressives.
Au-delà de ces remarques, l’essence même de la
DLU réside dans le fait qu’elle octroie le repos
fiscal et pénal de certains qui auraient jadis
refusé de contribuer. Bref, elle pardonne et est,
en cela, un outil d’un grand intérêt.
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