Pour lire la suite, téléchargez le PDF

Transcription

Pour lire la suite, téléchargez le PDF
18
0123
décryptages DIALOGUES
Poison d’avril
Médiateur
Pascal Galinier
L
e 21 avril… S’il est une date qui
restera gravée dans l’histoire
de la Ve République, c’est ce
dimanche de 2002 qui vit le
candidat du PS, Lionel Jospin,
éliminé dès le premier tour de
l’élection présidentielle; et le leader d’un
parti d’extrême droite, Jean-Marie Le Pen,
arriver pour la première fois en finale. Une
date doublement empoisonnée, donc,
pour la gauche comme pour la France.
Etonnant retour de l’histoire, le premier tour de la présidentielle 2012 se tiendra le… 22avril. Dix ans, quasiment jour
pour jour, après le « choc ». Et voilà qu’à
nouveau le spectre rôde, sous les traits de
Marine Le Pen, 43 ans, la « fille de ».
En quoi cela concerne-t-il le médiateur
du Monde? C’est que nos lecteurs n’ont
pas oublié ce fameux 21 avril. Pas plus que
nos journalistes. Le Monde a une histoire
singulière avec cet événement. « L’extrême
droite au second tour ?», se demandait-il
en « une», le 18 avril 2002. Quasiment le
seul journal à poser la question, trois jours
avant l’événement qui allait sidérer la
France – et faire réélire Jacques Chirac avec
un score inédit (82,21 %).
Dix ans plus tard, la question semble à
nouveau d’actualité. En avril2002, les sondages montraient «encore 31 % d’indécis »
(Le Monde du 19 avril 2002). 31 %, c’est précisément le pourcentage de Français qui se
disent aujourd’hui «d’accord avec les idées
du Front national» (Le Monde du 13 janvier). «Comment avez-vous pu commander un tel sondage sur les “idées” (sic) du
Front national ?», s’insurge, dans un long
courriel, Marie Guisard (Paris), enseignante. Janie Arneguy (Nîmes) se dit «choquée !
Trois pages entières sur le FN! (…) Stop à la
banalisation de ce parti, il n’est pas un parti comme les autres! » Quant à la nouvelle
icône du FN, Marine Le Pen, «il m’est très
Dimanche 22 - Lundi 23 janvier 2012
désagréable de devoir supporter sa photo
un jour sur deux dans un quotidien qui, jusqu’ici, restait un des rares titres lisibles dans
ce pays », s’agace Michel Zurbach (Colmar,
Haut-Rhin). Cet Alsacien n’hésite pas à
ajouter: «Qu’auriez-vous fait en Allemagne en 1932 ? Monsieur Hitler chiffre son
programme? »
Plus politiques, Marie Guisard et Nicole
Jérosme, une autre enseignante de Paris,
nous soupçonnent de vouloir «faire peur
et amener au vote utile», dit la première.
«Un “vote utile” au profit, remarquez-le,
aussi bien du non-encore-candidat Sarkozy
que du candidat socialiste », renchérit la
seconde. Le Monde alimenterait ainsi « un
bipartisme de fait qui ne semble pas constituer le nec plus ultra de la démocratie, et
contribue à refouler hors de l’attention des
citoyens les autres candidats et leurs propositions ». Nous y voilà. « Le Monde roule-t-il
pour le couple “UMPS” ?», se demande
Michel Saulière, reprenant sans ambages
une formule chère au FN. Non, cher lecteur. Votre journal cherche simplement à
faire son travail. A capter la voix de ces
«Français invisibles» dont parle la candidate du FN, qui cherche, elle, à capter leurs
voix le 22avril…
Pour Pierre Bonn (Toulouse), c’est entendu: «Je pense que malheureusement Marine Le Pen va atteindre le second tour. » Ce
président d’une association de défense de
l’environnement pointe du doigt la montée en puissance d’«une autre catégorie
d’électeurs: ceux qui ne sont d’accord ni
avec Hollande ni avec Sarkozy. Comme le
bulletin blanc n’est pas comptabilisé, leur
seul moyen d’expression est de “casser la
baraque” en votant FN, même s’ils ne sont
pas d’accord avec les idées et le “programme” du FN.» Robert Nadot (Arradon, Morbihan) semble être de ceux-là: « Je pense que
la majorité des Français feront comme
moi : si Sarkozy est au deuxième tour, je
voterai pour son adversaire quel qu’il soit,
sans états d’âme, les yeux et les narines fermés. A bon entendeur, salut.» Dominique
Sourty, de Guingamp (Côtes-d’Armor), se
veut plus nuancé, mais n’en pense pas
moins: « On n’adhère pas aux “idées”
d’une personne quand on adhère aux
constats qu’elle exprime mais pas aux solutions qu’elle propose.» Déjà, en 1984, Laurent Fabius ne disait-il pas que M.Le Pen
posait de « bonnes questions » mais donnait de «mauvaises réponses »…
A
lors, ces « constats », quels sont-ils?
Est-ce vraiment « jouer dangereusement avec le feu », chère Marie Guisard, que de poser la question ? Est-ce vraiment « banaliser les idées du FN» que d’aller à la rencontre de cette « France d’en
bas» dont parlait naguère un certain Raffarin ? Le premier ministre nommé justement en mai2002, après la réélection de
Jacques Chirac… On peut chercher à comprendre sans être « compréhensif ». C’est
l’essence de notre métier de journaliste.
Les « incompris » votent comme les
autres. Ni plus ni moins. C’est l’essence
de la démocratie. « One man, one vote »,
disait Nelson Mandela.
“Aristocrate et populaire, le film est
franchement formidable.”
LAZENNEC ET MAÏA CINEMA PRÉSENTENT
« Le journalisme, c’est le contact et la
distance », selon notre fondateur Hubert
Beuve-Méry. Voilà donc Le Monde au
contact de la France en crise. Cette France
qui a peur, pourquoi ne pas le dire, de l’islam. Cette France de musulmans aussi,
qui demandent juste qu’on leur fiche la
paix, qu’on les laisse bosser, élever leurs
enfants, manger halal s’ils en ont envie,
aller à la mosquée, comme leurs voisins
vont – ou ne vont plus – à la messe… Cette
France qui s’ignore, qui s’indigne, qui
s’entraide aussi. Une France à distance,
plus qu’on ne le croit, des clichés et des
préjugés qui alimentent le vote populiste, ainsi que le racontent nos blogs « Une
année en France ».
Qui peut cependant, dix ans après et à
trois mois du premier tour 2012, dire
qu’un remake du 21 avril est « improbable » ? « En 2002, la perspective de voir
Le Pen devant Jospin n’est apparue que
dans les huit derniers jours de la campagne, rappelle Gérard Courtois, directeur
éditorial au Monde. Jusqu’à ce momentlà, personne ne l’imaginait sérieusement.
On sait aujourd’hui que l’impensable
n’est pas impossible… »
« Lorsque vous avez éliminé l’impossible, ce qui reste, si improbable soit-il, est
nécessairement la vérité », disait Conan
Doyle, père de Sherlock Holmes et
auteur du… Monde perdu. La vérité si je
mens ? p
[email protected]
mediateur.blog.lemonde.fr
Courrier
Economie
Exemple allemand
Vraiment nos politiques ne sont
capables que de discuter sous une
« forme politique », même quand
la situation de la France est critique. Chômage : en France, presque 10 % soit près de 3 millions de
personnes ; en Allemagne, 6 %.
On n’arrive pas à donner du travail à 3 millions de personnes
mais on parle, sur un mode
sérieux, de passer à 40 heures. Je
parle par expérience car j’ai vécu
le passage aux 35 heures quand je
dirigeais une usine de 200 personnes.
A 35 heures, il me fallait 28 personnes de plus. Jouant le jeu (et il y
avait des avantages à discuter souplesse du temps travaillé en fonction des saisons) : j’ai donc pris en
CDI des CDD qui arrivaient en fin
de contrat et aussi certains intérimaires. Evidemment, l’union
patronale locale m’a « savonné »
car le seul rêve autorisé par de
nombreux chefs d’entreprise est
de faire de l’argent sans travailleurs. Pour cela, passer à
40 heures semble simplifier la
vie, surtout dans le contexte où il
ne faut pas faire d’effort pour réindustrialiser la France. Les patrons
allemands discutent avec les syndicats plutôt sur le principe du
donnant-donnant et en regardant
à long terme. Le nombre d’heures
évolue en gros en fonction des
besoins de l’entreprise, une correction peut être faite en fonction
des problèmes rencontrés par le
personnel.
Charles Faccio
Arles (Bouches-du-Rhône)
Une mesure inadaptée ?
Le président de la République a
été qualifié à très juste titre par
les sociologues Monique PinçonCharlot et Michel Pinçon de « président des riches ». Même quand il
s’occupe des catégories sociales
les moins avantagées, le chef de
l’Etat ne peut pas s’empêcher de
favoriser les tranches supérieures. Il en est ainsi des heures supplémentaires défiscalisées. Il
n’aurait pas été injuste de faire un
geste envers les ouvriers les plus
touchés par la situation actuelle,
c’est-à-dire ceux qui ne font justement pas d’heures supplémentaires. Cadeau fiscal qui coûte très
cher – on a parlé de 3,5 milliards
d’euros – au budget de l’Etat et
qui, de plus, joue contre l’emploi.
Hervé Kempf a bien raison de parler de « l’absurde défiscalisation
des heures supplémentaires, subvention aux entreprises qui ne
créent pas d’emplois » (Le Monde
du 16 janvier).
Jean-Pierre Foron
Le Puy-en-Velay
Le poids des agences
Les agences de notation, au nombre de trois, absorbent les nouvelles pour supprimer toute concurrence. Cet oligopole contrevient à
la règle consubstantielle au capitalisme : la concurrence. Elles ont
noté AAA avec constance des
entreprises au bord du gouffre
(Enron), des Etats tricheurs (Grèce)
ou en déficit depuis trente ans
(France). Elles notent la Terre entière avec aplomb alors qu’en France,
par exemple, la Cour des comptes
ne parvient à débusquer les
« lézards » budgétaires qu’après
le vote des lois de règlement du
budget, un an ou deux plus tard.
N’importe quel commissaire aux
comptes sait qu’il ne peut déceler
les dissimulations d’une grande
entreprise dès lors qu’elle se donne vraiment les moyens de cacher
soigneusement ses méfaits.
Dans ces conditions, comment
peut-on qualifier ces officines
qui, pour faire oublier leurs colossales erreurs, passent leur temps
à dégrader tout le monde ? Lorsque l’Allemagne sera notée CCC,
que deviendra leur fonds de commerce ?
André Fromon
Strasbourg
Société
L’avenir de l’ENA
J’ai lu avec beaucoup d’intérêt l’éditorial « Quand la réforme se heurte
aux noblesses d’Etat » (LeMonde
du 11 janvier). Vu les fortes réticences à la suppression du classement
de sortie de l’ENA, je suggère à
Nicolas Sarkozy et François Sauvadet, ministre de la fonction publique, une solution simple : supprimer l’ENA. Le Conseil d’Etat, la
Cour de cassation, la Cour des
comptes et l’Inspection générale
des finances pourront alors recruter sur dossier (éventuellement
sur concours) des diplômés de l’enseignement supérieur (universités
ou grandes écoles). Cela aurait le
mérite de diversifier les profils et
d’éviter une certaine uniformité
de la haute administration.
Gérard Joly
Biarritz (Pyrénées-Atlantiques)
Naturalisations
Gérard Longuet (ministre de la
défense) approuve pleinement
Claude Guéant (intérieur) lorsqu’il se félicite de la diminution
du nombre de naturalisations.
M. Longuet a attribué cette situation à la baisse du nombre d’étrangers souhaitant devenir français.
Si, comme il le pense, la France
perd de son attractivité, il me semble que l’on devrait s’en attrister
plutôt que de s’en réjouir.
Pierre Gascou
Versailles