Rachid MUCKANGE - La Web TV de l`Afpa

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Rachid MUCKANGE - La Web TV de l`Afpa
Deux vies, une rencontre
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Français l’Atelier
TFS : DT 02-1321.00
CHAPITRE 2
Rachid MUCKANGE
Le marchand de journaux
... “ Ah oui, Rachid était un enfant fier qui ne souhaitait pas demander de l’argent de poche à ses parents.
Il voyait son père passer son temps à travailler à l’usine pour faire vivre sa famille de façon décente. Alors
Rachid est venu me voir pour que je lui trouve un travail. Je lui ai proposé de distribuer les journaux le matin
très tôt.
Il saisissait son vélo, prenait les magazines, allait les distribuer toujours de bonne humeur.
Le jour où il a reçu son premier salaire : 10 dollars, il s’est senti riche, il m’a montré ce qu’il avait acheté :
il est allé chez Djamal acheter un cadeau pour sa maman, un parfum pour la rendre plus belle ; pour son
père un couteau de poche, des fleurs pour Mamie Foley et pour lui, des bonbons et un livre. Il ne lui restait rien mais il était heureux et fier de lui... ”
Français l’Atelier
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Deux vies, une rencontre
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James
... “ Il se faisait, des deux contre deux sur playground avec Malek, des paris en jeu presque toujours gagnés
avec malhonnêteté mais de sacrées parties de basket-ball. Il adorait marquer à 3 points et dunkait comme
un “ouf” d’après Malek.
Ils marchaient comme les deux doigts de la main, soudés pour survivre dans leur monde décadent, bordé
de violence et d’argent.
Apparemment, mon père s’en est sorti mais Malek, lui, est resté ici, dans les quartiers “auch” où rien n’a
changé sauf que le ton est monté d’un cran.
Mon père avait décidé de se lancer dans les études de droit, c’est ce qu’il avait dit à Malek, et qu’apparemment, il était amoureux non seulement des hommes de lois mais aussi d’une femme de droit.
Voilà peut être d’où je viens.
Malek m’a dit de lui passer le bonjour si je le retrouve. ”...
La concierge
... “ Il habitait au troisième. Il fallait monter les escaliers à pieds, l’ascenseur était toujours en panne, le
moteur avait été incendié dans les sous-sols. Il y a des gens qui prennent plaisir à détruire le bien d’autrui.
J’étais sûr que c’était ce couple de paumés qui habitait au 2ème. Ils avaient la sale manie d’exhiber leur vie,
se promenant nus dans leur appartement, fenêtres ouvertes, laissant traîner, ici et là, des mégots de shit.
Et la nuit, j’entendais des bruits suspects venant de la cage d’ascenseur. Oui, j’étais sûr que c’était eux.
C’est vrai que l’existence est fondamentalement sale, mais tout de même, ils auraient pu aller faire cela
ailleurs.
Et c’est là qu’il vivait Rachid. ”...
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Madame Foley
... “ Oui, oui, c’est moi, Madame Foley. Ma vue s’est détériorée au fil des années et je n’ai personne qui
puisse veiller sur moi. Je me suis habituée à vivre seule depuis le jour où mes enfants ont décidé de déménager, de changer de vie et de laisser derrière eux tous leurs mauvais souvenirs mais je n’aurais jamais imaginé que je les encombrerais.
Rachid, je le connais depuis le jour où il a cogné à ma porte un mercredi après-midi. Il fallait le voir tout
intimidé devant moi, tête courbée, me demandant s’il pouvait récupérer son ballon de basket qui avait
atterri sur mon balcon. Et moi, je restais là, silencieuse, à contempler cet enfant qui me rappelait mon fils.
Puis je suis allée chercher son ballon et à ma grande surprise, il était derrière moi. Je le lui ai tendu mais il
restait là, immobile, à me regarder comme s’il voulait sonder mes pensées, mon âme. A ce moment, passait à la télé un dessin animé dont je n’ai aucun souvenir qui capta l’attention de Rachid. Tout naturellement, il prit place sur le fauteuil que m’avaient si gentiment “légué” mes chers enfants dont je n’avais aucune nouvelle. Je trouvais qu’il était à sa place et que le seigneur me faisait le don de voir les petits enfants
que je n’ai pas eus.
Et notre histoire commença ainsi : tous les mercredis, il me consacrait et m’offrait des moments merveilleux.
Souvent, il me posait des questions sur ma vie, sur la femme que j’avais été auparavant et nous passions
des heures ainsi sans nous lasser avec un goûter que confectionnait, avec délicatesse, sa mère qui allait à
l’usine de M. Johnson.
Un jour, cependant, il me fit une surprise qui me toucha profondément. Il avait pris l’initiative de faire mes
courses. Il m’avoua que tous les jeudis, jour où je me rendais chez Djamal l’épicier pour faire les courses, il
m’observait crouler sous les paquets et constatait que les charges étaient trop lourdes pour moi. Aussi il
décida, sans guetter mon approbation que, dorénavant, c’est lui qui irait faire mes courses.
Comment un enfant de son âge, il avait huit ans alors, pouvait être si mature, si délicat, prenant des responsabilités que d’autres, les adultes, fuyaient... ”