Livret Hommage à Malek Chebel par la Ville de

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Livret Hommage à Malek Chebel par la Ville de
23 avril 1953 - 12 novembre 2016
Notre arme, c’est la force des idées.
Son verbe était libre, sa pensée solide, et son sourire généreux.
Malek CHEBEL s’est éteint ce samedi à l’âge de 63 ans, et déjà résonnent en
chacun de nous un vide immense et une douloureuse émotion.
Celui qu’il nommait aussi le « bel Islam », moderne,
« capable d’endosser le prédicat de la science, de défendre
le vivre ensemble et de considérer le progrès et la modernité
comme des alliés... », disait-il.
Malek était un homme de bien que j’aimais sincèrement et que j’admirais
beaucoup.
Notre vieille amitié n’a fait que croître au fil des années. Nous avons plus
d’une fois éprouvé les mêmes joies, supporté les mêmes peines, nourri les
mêmes espérances.
Un combat qu’il n’a cessé de mener – on l’a vu encore
récemment à l’occasion des attentats de Paris –, afin de
déconstruire les interprétations fondamentalistes du
Coran.
C’est donc d’abord à l’ami personnel que va ma première pensée, et vous me
permettrez d’adresser à celui qui aujourd’hui n’est plus, le témoignage ému
de ma profonde affection.
Malek est né à Skikda, en Algérie.
De son enfance, marquée par la mort
précoce de son père et des blessures de la
guerre, il gardera la ferveur de ceux qui
jamais n’abandonnent.
Mu par l’espoir de la jeunesse et la volonté
d’un battant, assoiffé de connaissances et
avide de les faire partager, Malek s’est
construit seul à la force de son travail.
« J’ai pris le parti de chercher la lumière dans le monde
arabe », disait-il.
« Je suis tenu par un souci de vérité et je veux m’approcher
au plus près possible de ce que je pense être cette vérité ».
Par ces mots, Malek Chebel prônait un islam émancipateur, tolérant et
vecteur de paix.
Skikda, en Algérie, ville de naissance de Malek Chebel.
Aussitôt le bac en poche, il quittera les siens pour
aller étudier à Paris, auprès du psychanalyste
Jean Laplanche. Diplômé, il retournera enseigner
à Constantine.
Mais il en sera bientôt empêché par ceux qui
jugeaient la psychologie et la philosophie trop
subversives.
Le cœur serré, c’est donc en France qu’il
poursuivra son parcours de penseur éclairé.
Malek y apprendra la linguistique pour s’approprier les mots, la langue
française, et deviendra l’inlassable et chaleureux défenseur d’un « islam des
Lumières ».
En 2013, il lance « Noor », une « revue pour un islam des
lumières ». Sur sa couverture, on peut y lire les deux
« O » entrelacés de Noor (la lumière en arabe) – qui
sont aussi ceux de l’Occident et de l’Orient – et qui
représentent le symbole du dialogue que cette revue
souhaitait favoriser.
Une revue qui est restée comme le symbole de ce qui
fut l’un des buts constants de Malek Chebel tout
au long de sa vie : défendre un islam moderne en
puisant dans ce que les Lumières ont produit de
meilleur en termes de progrès et d’humanisme.
Prolifique, Malek CHEBEL a marqué les esprits par des études audacieuses
et iconoclastes comme « L’islam et la raison » ou « L’Érotisme arabe ».
Il travaillait pour réhabiliter la place de la femme et le désir féminin :
« L’islam aime la chair, l’amour et les femmes », disait-il simplement.
© Photo Ulf andersen Aurimages - © Gérard Cercles - © MP - © AFP
Malek Chebel
était un homme courageux,
à la parole solide
et à la plume éclairée.
Malek Chebel avait été décoré de la Légion d’Honneur
par Nicolas Sarkozy en 2008
Dans les occasions où il y avait à faire œuvre utile, à mettre en pratique nos
valeurs de solidarité et de fraternité, Malek nous apportait son précieux
concours.
Doué d’une puissance de travail remarquable, passionnément épris de
son métier, il avait su conquérir l’estime et la sympathie de tous.
Sa carrière a été brillante. Enseignant
dans de nombreuses Facultés et
directeur de recherche à la Sorbonne,
décoré en 2008 de la Légion d’Honneur
et membre du Groupe des Sages de
l’Union Européenne, Malek a, au
plus fort de sa carrière, donné des
conférences dans le monde entier.
Il n’en était pas moins un homme d’une
grande humilité.
Putéolien depuis de nombreuses années,
il s’est toujours impliqué dans sa ville.
A l’occasion d’une conférence qu’il a
tenue récemment à Puteaux dans le cadre
des conférences du Conseil Économique,
Social et Environnemental Local (CESEL),
il avait dit :
Un juif, un chrétien et un musulman commentent
l’actualité française et internationale.
Malek Chebel avec le Père Alain de la Morandais,
le Grand rabbin de France Haïm Korsia
Cher Malek, tu es parti trop tôt. Tu es parti alors qu’aujourd’hui plus que
jamais, le monde a besoin de penseurs de ta valeur.
Conférence du Cesel en 2013.
« Je me donne avec bonheur car c’est très important pour le vivre ensemble que
je sente l’organisation, la marche et la respiration de ma ville.
Il est important que je m’implique, non pas qu’au niveau national ou médiatique,
mais également local, car la culture sert de lien entre les gens ».
Fidèle à lui-même et à sa commune, Président dévoué du jury de la critique
littéraire de Puteaux, Malek CHEBEL était un homme généreux et
accessible qui n’hésitait pas à donner du temps aux Putéoliens.
Né en Algérie, devenu Fils de France, c’est au monde entier que tu
adressais ton ardente joie de vivre et d’aimer.
Tu auras laissé une œuvre d’une grande richesse et d’une grande modernité.
Au cours de ta vie, tu auras lancé un appel à l’intelligence de chacun, un
manifeste en faveur du vivre ensemble.
« Le savoir est une prière ! » répétais-tu souvent.
C’est une voix qui manquera.
Une voix que l’on regrette déjà.
Je veux exprimer à sa fidèle épouse, qui a été admirable de dévouement, à
ses enfants, auxquels il vouait un immense amour, toute mon affection et
mon soutien indéfectibles.
Malek est parti le cœur confiant de voir ses enfants suivre la voie de
dévouement et d’honneur qu’il leur a tracée.
Nous ses amis, nous qui l’avons aimé, apprécié, nous qui avons connu et
admiré ses nobles qualités, nous ne l’oublierons jamais.
L’Ecriture dit : « Le juste ne meurt pas tout entier. Il laisse toujours derrière
lui, même en filigrane, la trace de ses vertus ».
Ainsi il continue à vivre dans le cœur de chacun de nous.
Adieu Malek.
Joëlle Ceccaldi-Raynaud
Maire de Puteaux
Remise du prix de la Critique Littéraire
Remise du prix de la Critique Littéraire
Malek Chebel,
la pensée généreuse
1953 : Naissance à Skikda
en Algérie
1973 : Entre à l’Université Aïn
El-Bey de Constantine
1980 : Premier doctorat en
psychopathologie clinique
et psychanalyse à
l’Université Paris 7
1982 : Doctorat d’anthropologie
d’ethnologie et de science des
religions
1984 : Doctorat de sciences
politiques à l’Institut d’études
Politiques de Paris
1995 : Habilitation à diriger des
recherches
2004 : Création de l’expression
« Islam des lumières »
Photographie prise
par sa fille,
Shiraz Chebel
2008 : Décoré de la Légion
d’Honneur par le Président
Nicolas Sarkozy
Parution de la bibliographie
de Malek Chebel,
une histoire vraie
de Janine Boissard
2013 : Création de
, revue
pour un Islam des Lumières
2016 : 12 novembre Malek Chebel
s’éteint à Paris à l’âge de 63 ans