La rencontre - La Web TV de l`Afpa

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Deux vies, une rencontre
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Français l’Atelier
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CHAPITRE 3
La rencontre
Fin février, St Jean de Monts, petite station balnéaire de Vendée. St Jean de Monts et son microclimat.
Le vent soufflait sur la côte et secouait les feuilles des grands arbres qui bordent l’avenue de la gare.
Gare Reine Elisabeth, 10 h 00. Deux hommes étaient assis sur un banc. Un blanc et un noir, étrange. Que
faisaient-ils là ? Ils avaient l’air perdu dans leurs pensées.
Le chef de gare s’interrogea, non pas qu’il trouva cela insolite, car il en avait vu d’autres dans sa carrière,
mais tout de même !
Et puis, il s’attacha sur l’allure de chaque homme, il y en avait un qui semblait hagard. A quoi pensait-il à
cette minute ? L’autre lisait une lettre, certainement importante vu l’expression de son visage.
L’homme blanc fouilla dans son sac pour vérifier les horaires d’un train qui l’emmènerait ailleurs. A Paris ?
oui, pourquoi pas Paris. Il ne voulait plus marcher. Après 698 jours de marche il s’ était arrêté là, à Saint
Jean de Monts. Alors prendre le train ? Oui, pourquoi pas !
Il s’était installé sur ce banc d’une manière certaine, cet homme noir à côté de lui, qu’il n’avait pas
remarqué ou plutôt auquel il avait jeté un coup d’œil furtif. L’homme noir avait l’air soucieux et perdu dans
ses pensées. Il feuilletait à présent un journal qu’il avait extrait de sa mallette en cuir. Il l’avait ouvert
visiblement pour passer le temps et il s’informait des dernières cotations boursières.
L’homme blanc ne bougeait pas, il entendait uniquement le bruit du papier froissé et les appels pour les
trains en partance pour Bordeaux, Nantes…
L’homme noir se perdait aussi dans ses pensées avec des sourires courts laissant apparaître la blancheur de
ses dents mais il reprenait vite ses esprits et reprenait la lecture de son journal.
Le chef de gare observa encore un instant les deux hommes, seuls sur un banc, ne s’adressant pas la parole
mais plutôt des regards interrogatifs, exclamatifs, se demandant réciproquement ce que l’un ou l’autre
faisait ici et ce qu’il allait advenir d’eux.le mais plutôt des regards interrogatifs, exclamatifs, se demandant
réciproquement ce que l’un ou l’autre faisait ici et ce qu’il allait advenir d’eux.
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Soudain l’homme blanc se leva et alla demander l’heure au guichetier. Puis il retourna s’asseoir sur le banc
et jeta un regard à cet homme assis à ses côtés. Que faisait-il ici, lui aussi, trois heures avant l’arrivée du
prochain train ?
L’homme blanc soupira.Trois heures à attendre, à tourner en rond, à regarder les gens les uns après les
autres, ceux qui rentrent, ceux qui sortent. Les regards qui se croisent, un sourire offert à une personne que
l’on ne connaît pas. Et tout d’un coup, un regard. Un homme est là, à côté de vous. Il semble sympathique.
Vous vous posez la question : “J’y vais ou je n’y vais pas ?”, et puis, sans savoir pourquoi, vous vous
retournez et vous essayez de lancer une conversation, même très courte. Acceptera-t-il ou pas ? Il faut
quand même essayer, le temps paraîtrait moins long. L’homme noir, à présent, avait le regard figé, fixant
un mur. A quoi pensait-il ? Son corps était ici mais où était son esprit ?
L’homme noir se leva brusquement et se dirigea vers les toilettes. Il revint un quart d’heure après. Il sortit de son
sac un tapis, le posa sur le sol, il s’agenouilla et fit sa prière puis il sortit de nouveau la lettre de sa poche. C’était
une lettre de ses parents qui l’informait que sa femme et son fils se trouveraient à Paris vers 19h. Il regarda sa
montre : trois heures à attendre avant de monter dans le train pour Paris ; vivre ce soir le moment le plus
important de sa vie.
Trois heures, il avait tout son temps. Il se tourna vers l’homme blanc :
- Pardon, s’il vous plaît, vous avez un briquet ?
- Oui.
L’homme blanc sortit de sa poche un briquet -tempête.
- C’est vraiment désert aujourd’hui !
- Oui ! Mais il faut voir en plein mois d’août, c’est bourré de monde.
- Ah ! Vous connaissez ?
- Oui un peu, c’est un endroit que j’aime parmi d’autres, la mer est présente, c’est important pour moi.
- Ah ! eh bien moi aussi j’aime la mer, mais je n’y connais pas grand chose.
- Avez-vous déjà eu l’occasion d’aller pêcher en mer ?
- Non, pas du tout.
- J’ai un bateau, enfin j’avais, enfin... je pourrais en louer un et vous emmener pêcher en mer si vous
voulez...
- Je ne sais pas, je n’ai pas beaucoup de temps...
- Ah ! oui évidemment...
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...
- Avez-vous l’heure, s’il vous plait ?
- Vous voulez l’heure ?
- Oui, s’il vous plait, je suis parti si vite que j’en ai oublié ma montre.
- Il est 10 h 30.
- Je vous remercie.
L’homme blanc se retourna et contempla le paysage qui se présentait à lui. Soudain, il fit volte face et tendit la main à l’homme noir :
- Au fait, je ne me suis pas présenté, je m’appelle Antoine, Antoine Phil.
- Rachid Muckange, enchanté ! Vous prenez un train peut-être ?
- Le train pour Paris, et vous ?
- Oh moi...
Antoine fouilla dans son sac de marin, il trouva le reste d’un sandwich au saucisson.
- Vous en voulez ?
Un train passait en gare et couvrit la réponse de Rachid.
Le calme revenu, Rachid tira de son sac son billet de train.
Antoine sourit.
- Alors, comme ça, vous allez à Paris vous aussi. Alors nous allons faire un bout de chemin ensemble.
- ...
- Vous restez longtemps à Paris ?
- ... Cigarette ?
Antoine prit une cigarette dans le paquet américain que lui tendait Rachid.
- Tiens, vous venez d’Amérique ?
Rachid remit le paquet dans sa poche, il leva la tête face au ciel et savoura la cigarette en tirant de grosses
bouffées.
- Il n’y a rien de meilleur qu’une bonne cigarette. Elle vous suit partout. Elles arrivent tout droit de Harlem.
Vous connaissez Harlem ?
Antoine hésita :
- Non, pas vraiment.