La punition physique - CSSS de la Montagne
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La punition physique - CSSS de la Montagne
QUAND LA DIVERGENCE DEVIENT EXCLUSION : PERCEPTIONS DE LA PUNITION PHYSIQUE PAR LES PARENTS ET LES ADOLESCENTS IMMIGRANTS Ghayda Hassan, Ph.D UQAM Le débat autour de la punition physique Depuis quelques années un important débat a émergé autour de la punition physique: 1- D’un coté, la cour suprême conserve le droit aux parents d’utiliser une force coercitive légère pour corriger leur enfant. 2- De l’autre, les cultures professionnelles condamnent de plus en plus le recours à cette méthode de discipline étant donné les nombreuses études démontrant ses conséquences néfastes sur le développement des enfants. 3- Simultanément, les recherches en psychiatrie et en psychologie culturelle mettent en lumière les divergences de normes balisant la discipline physique chez différents groupes ethnoculturels. Ces divergences placent certaines familles en situation de contradiction avec la norme dominante au Canada et posent, en conséquence, d’importants défis pour les familles et les intervenants qui gravitent autour d’elles. objectifs de la recherche 1- Documenter les perceptions de la discipline et des mauvais traitements par des parents et adolescents issus de deux groupes ethnoculturels minoritaires dont les héritages culturels et religieux diffèrent entre eux et au niveau de leur rapport à la société hôte. 2- Le second objectif est celui d’examiner l’impact de la divergence perçue entre les normes culturelles et familiales d’origine et celles de la société d’accueil sur les relations entre la famille et le monde social extérieur. Le débat autour de la punition physique En 2004, la Cour suprême du Canada s’est penchée sur la question et a statué sur l’anticonstitutionalité de l’article 43 du Code criminel, qui globalement permet d’employer la force pour corriger un élève ou un enfant par les parents ou par une personne qui les remplace dans des degrés raisonnables (Trocmé & al. 2004). Elle a toutefois maintenu cette section en la balisant de manière à ce que seule « la force corrective légère, de nature transitoire et insignifiante est une punition physique raisonnable » Le recours à la punition physique légère (ex : fessée, tape sur la main) demeure donc légal au Canada. Le débat autour de la punition physique Mais, les recherches empiriques et cliniques démontrent les conséquences négatives de cette forme de discipline: La principale étant le risque d’escalade en abus physique (Durrant & al. 2004). Cette condamnation trouve également son écho au sein de la population générale Québécoise, puisqu’une proportion grandissante de parents désapprouvent cette stratégie est y ont moins recours. On voit donc émerger au Québec une nouvelle norme sociale qui condamne le recours à la punition physique. Ex. 84% des 3148 mères interviewées à Montréal désapprouvent d’une loi qui permet au parent de recourir à une force raisonnable pour discipliner son enfant (Clément & al. 2004). Les études interculturelles sur la punition physique Les recherches en psychiatrie et en psychologie culturelle indiquent que les parents utilisent des référents culturels qui leur sont propres pour expliquer leurs comportements (Kleinman 1980 ; Weiss 1997), ainsi que pour juger de l’adéquation de ces comportements envers leurs enfants (Chiasson-Lavoie & al. 2000). Ex. les perceptions de mère vivant dans un même contexte social, des droits de leurs enfants varient davantage en fonction de leur appartenance ethnique que de leur âge ou de leurs expériences parentales (BenArieh & al. 2006). Les études interculturelles sur la punition physique Plusieurs études comparatives conduites dans différent pays (ex : Chine, Singapour, Taiwan, Mexique) ou auprès de groupes culturels différents vivant dans un même pays montrent comment un comportement donné de discipline (ex: frapper l’enfant avec un objet) est désapprouvé ou considéré comme abusif dans un contexte culturel donné alors qu’il est considéré comme acceptable ou souhaitable dans un autre ( Aronson-Fontes, 2002; Corral-Verdugo et al., 1995; Frias-Armenta & al. 1998 ; McClure & al. 1996 ; Straus & al. 1999). Des divergences sont également rapportées au sein d’un même groupe ethnocu lturel, lorsqu’il s’agit de comparer les normes professionnelles aux normes fami liales (Orhon & al. 2006). Donc, les études recensées jusqu’à présent permettent de constater que l’évaluation de « l’adéquation » d’un comportement disciplinaire ne peut se faire sans une compréhension plus approfondie des normes culturelles familiales dans lequel il s’inscrit (Aronson-Fontes 2002 ; Collier & al. 1999; Ferrari 2002 ; Lau 2002 ; Welbourne 2002), et non uniquement en terme du contexte culturel professionnel et social global. Le point de vue des parents Les parents semblent tenir généralement compte de cinq facteurs pour juger d’une punition physique: l’âge, le sexe de l’enfant, la transgression, la sévérité et la fréquence de la punition. La punition physique légère (ex : fessée) était considérée plus acceptable pour les enfants d’âge préscolaire (3-4 ans) ou des premières années du primaire (7-8 ans), comparativement aux préadolescents (Shor,1999; 2006) chez des parents d’origine soviétique, vivant en Russie ou en Israël. L’utilisation d’un objet pour punir l’enfant physiquement était considérée comme ac ceptable uniquement pour les enfants âgés entre cinq et douze ans (Shor 2006). Le recours à la punition physique est également davantage approuvé pour les garçons que pour les filles. La punition physique semble ainsi plus approuvée lorsqu’il s’agit d’une transgression qui viole des normes sociales très fortement endossées (Ex : les normes qui prohibent le vol) (Flynn 1998). Le point de vue des enfants et adolescents La majorité des études date de plus de 20 ans et a été conduite auprès d’échantillons d’enfants euro-américains et leurs résultats sont contradictoires. De rares études récentes indique que des enfants prennent différents facteurs en considération dont le sexe de l’enfant, la nature de la transgression et leurs propres attitudes disciplinaires (Sorbring & al. 2006) Les préadolescents et d’adolescents sont plus critiques de l’utilisation de la punition physique. Ex.78% des parents interviewés provenant des Caraïbes, comparativement à 33.1% de leurs adolescents étaient en accord avec le fait que les parents devraient avoir le droit de punir physiquement leurs enfants (Hassan et al., sous-presse). La punition physique comme pratique dysnormative Larivée & al. (2007) ont constaté que les abus physique seuls (et non en cooccurrence avec d’autres formes de mauvais traitement) semblent le plus souvent se produire dans un contexte disciplinaire de punition physique devenue abusive. Le facteur culturel, par le biais de normes qui sanctionnent le recours à la punition physique, entre en jeu dans ces situations, puisque le contexte familial global est, lui, généralement adéquat et fonctionnel (Clément & al. 2004 ; Larivée & al. 2007). Ces constations ont amené les chercheurs à formuler l’hypothèse de la « dysnormativité » de ces familles, en comparaison à une hypothèse de « dysfonctionnalité » typique des autres situations de mauvais traitements (Larivée & al. 2007). Dans ces situations, il existe dont un écart, d’une part entre les normes du groupe culturel majoritaire qui désapprouvent la punition physique et celles de la famille. Cet écart place alors certaines familles en contradiction ou à l’extérieur de la norme sociale prévalente ou dominante (d’où le principe de dysnormativité) (Larivée& al. 2007). Méthodologie Échantillon de convenance par boule de neige: 10 parents (dont 5 hommes) et 10 adolescents (dont 3 garçons) musulmans du Maghreb (Algérie et Maroc). 10 parents (dont 2 hommes) et 10 adolescents catholiques (dont 7 garçons) en provenance de l’Amérique Latine (majoritairement de la Colombie et du Pérou) L’âge moyen = 39 ans pour les parents et 14 ans pour les adolescents Maghrébins, 41 ans pour les parents et 14 ans pour les adolescents latino-américains. Tous les participants étaient des immigrants récents avec une durée d’établissement moyenne est de 6,5 ans pour le groupe Maghrébin et de 1,5 ans pour le groupe latino-américain. Tous les parents maghrébins et 7 parents latino-américains détenaient un diplôme universitaire obtenu au pays d’origine, mais la majorité (7 maghrébins et 9 latinoaméricains) ont un revenu familial annuel inférieur à 30 000$. Tous les adolescents fréquentaient l’école en classes secondaires. 12 parents et adolescents étaient issus de la même famille et 8 parents et 8 adolescents sont issus de différentes familles. Recrutement: Par boule de neige, dans les différents lieux de rassemblement communautaire des familles, ainsi qu’au sein d’organismes communautaires à Montréal. Les parents intéressés ont été contactés par téléphone ou en face à face et ont¸ été informé du sujet de l’étude, de sa nature, de son déroulement et de son but Les intervieweurs étaient pairés avec les participants en termes d’origine ethnoc ulturelle et religieuse. La langue préférée de l’entrevue (arabe, espagnole et ou française) était choisie par le participant. Tous les parents et les adolescentes Maghrébins, ainsi que tous les adolescentes LatinoAméricains ont choisi de s’exprimer en français (avec quelques expressions occasionnelles en arabe ou en espagnol). La majorité des parents LatinoAméricains ont choisi de s’exprimer en espagnol. Toutes les entrevues étaient conduite en individuelle (parent et adolescent sépar ément) et enregistrées numériquement, puis simultanément transcrites et traduites lorsque nécessaire L’entrevue: Questions semi-ouvertes suscitant le discours autour des thèmes suivants : 1- la discipline et de la maltraitance : les normes sociales et culturelles distinguant un comport ement acceptable de discipline physique d’un comportement abusif; les méthodes éducatives et disciplinaires utilisées; leur approbation de la discipline physique; les critères balisant son utilisation et permettant de la distinguer d’un abus physique leur approbation 2-l’impact des divergences perçues et des normes culturelles de la famille et celles de la société; la perception de l’image du groupe d’origine telle que projetée par la culture d’accueil en lien avec les pratiques éducatives qui y sont véhiculées, la perception de normes, s’il y a lieu, et la perception de l’impact cette divergence. L’analyse qualitative des données a procédé en cinq étapes : 1) transcription et traduction simultanée des entrevues; 2) marquage du texte en relevant les concepts puis en les classant dans des catégories correspondant aux quatre thématiques globales de l’entrevue; 3) Analyse verticale approfondie du contenu de chacune des entrevues afin de dégager les thématiques et catégories en lien avec les objectifs de la recherche; 4) Classement des informations obtenues des différents sous groupes de participants interviewés pour chacun des deux groupes culturels; 5) Analyse horizontale parcourant les informations classées par groupe de participants. La punition physique : approuvée ? La majorité des parents (8/10) et des adolescents (9/10) Maghrébins considéraient que la punition physique légère (ex: fessée ou tape sur la main) est une pratique disciplinaire approuvée, qui doit être accompagnée d’explication. De plus, une minorité de parents (2/10) a rapporté que certaines transgressions méritent des formes plus sévères de punition physique. « Moi je trouve ça tout à fait normal parce que quand je fais des affaires qui ne sont pas correctes puis, comment dire, par exemple, aujourd’hui, je suis sorti et je suis rentré tard. Mon père m’a parlé et m’a dit “il ne faut pas que tu rentres tard”. Il m’a donné un avertissement. Puis la deuxième fois, si je le refais, c’est sûr qu’il va me frapper parce qu’il m’a déjà averti la première fois puis moi, je trouve ça tout à fait normal. » (garçon maghrébin). «Je suis d’accord avec la punition physique… Bien sûr, dans les limites. Il ne faut pas quand même aller jusque là pour que ça devienne maladif mais ça marche très, très bien, ça m arche très, très bien et on a de bons résultats » (mère maghrébine). La punition physique : approuvée ? En contraste, les parents (7/10) et les adolescents Latinoaméricains (4/10) interviewés étaient plus nombreux à exprimer spontanément leur désaccord face à l’utilisation de la punition physique (désirabilité sociale?) Toutefois, lorsque questionnés davantage, ils étaient plus nombreux (5 parents et 6 adolescents) à approuver le recours à la punition physique légère, notamment la fessée : « Je pense qu’une fessée, un pincement de bras, tirer l’oreille, eh, l’immobiliser dans un coin pour un certain temps, éteindre la télévision pour un temps, … L’inadéquat évidemment est le maltrai- ter » (mère latino-américaine) Les normes autour de la punition physique et de l’abus physique Les principaux critères utilisés par les parents et les adolescents sont ceux de l’âge, de la transgression, de la sévérité et de la fréquence de la punition phy sique. L’âge de l’enfant fait l’unanimité entre les parents et les adolescents: méthode disciplinaire adéquate auprès d’enfants âgés entre 2 et 10 ans. La punition physique était donc désapprouvée auprès des bébés, des préadol escents et des adolescents : « Quand ils sont plus petits, ehm, eh...tu te vois dans l’obligation de leur donner une fessée ou les prendre par le bras, ou de tirer l’oreille... Au fur et à mesure qu’ils grandissent et, quand ils arrivent à la préadolescence ou à l’adolescence même, eh, c’est comme plus humiliant pour eux que tu les frappes, parce que… tu as accès a d’autres façons de s’exprimer, tu as accès a un autre vocabulaire avec eux… » (mère latino-américaine). Les normes autour de la punition physique et de l’abus physique Les transgressions qui justifiaient le recours à la punition physique étaient celles qui mettaient l’enfant en danger, surtout si ce dernier en est conscient. Ce n’est pas uniquement le caractère téméraire du comportement de l’enfant qui appelait à la punition, mais également le fait que l’enfant ait défié l’autorité parentale. L’ampleur de la transgression pouvait même prendre préséance sur son âge: « Disons qu’il a des amitiés qui ne sont pas saines pour lui, disons que l’ami veut l’inviter à prendre une cigarette par exemple, et il même s’il sait que c’est mal parce que nous avons parlé de ce sujet à la maison. Mais il se laisse influencer par d’autres personnes il va le faire pour être comme ses amis » (mère latino-américaine) Les normes autour de la punition physique et de l’abus physique La majorité des adolescents maghrébins (9/10) ont approuvé le recours à des formes plus sévères de punition physique (gifle) suite à des délits graves: tricher, voler, fumer, consommer de la drogue, boire de l’alcool, agresser les autres et être impolis avec ses parents. Ces délits étaient graves parce qu’ils allaient à l’encontre des normes familiales civiques et religieuses fortement endossées. Mais ces adolescents (7/10), ont précisé que même s’il est acceptable le recours à la punition physique demeure inadéquat puisque les adolescents sont en mesure de comprendre l’ampleur et les conséquences de leurs actes. Les adolescents latino-américains étaient plus nombreux (5/10) à approuver uniquement le recours à la punition physique légère pour les délits graves : « Frapper … Je crois qu’elle va être adéquate quand ils sont petits quand vraiment il font quelque chose d’innacceptable. Par exemple dans les dans les bars, je vais aller prendre de la drogue ou n’importe quoi. Par exemple s’il se baggarre des fois sur n’importe quoi » (Adolescent maghrébin). Les normes autour de la punition physique et de l’abus physique Tous les participants qui approuvaient le recours à la punition physique, considéraient qu’elle constitue un abus lorsqu’elle est exagérée. Cela veut dire: donner des coups chaotiques, répétés, utiliser un objet pour frapper l’enfant avec une force qui provoque la douleur ou qui laisse des traces sur son corps. En terme de fréquence, la punition physique est considérée comme étant abusive lorsqu’elle est utilisée en premier recours, sans offrir d’explications à l’enfant, ou encore si elle est utilisée de manière quotidienne. L’impact de la dysnormativité : quand la divergence devient exclusion Plus l’écart était grand entre leur normes familiales et celles de la société hôte, plus les parents et les adolescents percevaient que la société hôte projetait une image négative de leur groupe culturel d’origine. L’impact négatif de l’écart entre les valeurs d’accueil et celles de la famille d’origine était particulièrement bien illustré en lien avec la culture professionnelle. Davantage de parents maghrébins semblaient affectés par cet effet (5 Maghrébins et 1 Latino-Américain). « La société québécoise en général, ils pensent que les musulmans sont très arriérés…que l’homme frappe sa femme…que la femme est soumise… » (père maghrébin). « … parce que bon, on sait que c’est des gens, là, qui exécutent vite vite des lois, donc … ils ne connaissent pas la société maghrébine, donc pour avoir comme des jugements exacts d’une société, il faut vraiment la connaître….parce qu’un étranger comme sa profession auprès du CLSC ou de la D.P.J…Il a comme, …une grille, un format et puis il va faire comme de la superposition. Et puis là il va faire, il va en ressortir son modèle. On a ça, donc on a ceci et on a ça, donc on a ceci… Ce n’est pas comme ça que ça se passe » (mère maghrébine). L’impact de la dysnormativité : quand la diver gence devient exclusion Pour eux, c’est surtout leur origine culturelle et leur appartenance religieuse musulmane qui étaient intimement liées à leur représentation péjorative par la société d’accueil. « Ils pensent qu’on est, parce que, peut-être parce qu’on est musulmans, on a tendance à être plus agressifs ou moins tolérants envers nos enfants et plus autoritaires » (mère maghrébine). Les adolescents maghrébins étaient plus nombreux que leurs parents (7/10 vs 2/10 latino-américains) à décrire une image négative des normes de leur groupe d’origine. Ceci est le cas surtout des adolescents comparativement aux adolescentes en appuyant leurs discours par des exemples de formes directes de discrimination, que certains attribuaient aussi à leur identité religieuse : « Comme dernièrement j’étais dans le métro, puis le train était vraiment rempli puis tout ça. Là je rentre et il y en avait une qui ne me connaît pas et elle dit, sale immigrant » (garçon algérien). L’impact de la dysnormativité : quand la diver gence devient exclusion Les adolescentes Maghrébines décrivaient une image plus nuancée de leur groupe d’origine, probablement liée à des formes plus subtiles de discrimination, les laissant avec l’impression d’être perçues surtout co mme étant des victimes à libérer ou à protéger : « Quant ils voient une fille voilées, ils veulent savoir si elle a des bleus en dessous » (adolescente maghrébine). Les adolescents et parents Latino-américains étaient moins nombreux à faire le lien entre les aspects négatifs projetés par la société d’accueil et leur identité culturelle ou religieuse. Ils attribuaient plutôt les perceptions péjoratives à des facteurs contextuels, tels que l’impact des média et le manque de contact entre la communauté et la société d’accueil. Les conditions d’accueil Par contre, les expériences vécues positives avec des membres de la société d’accueil, notamment par l’emploi, semblent avoir un effet puissant sur la perception de l’écart entre leur groupe d’origine et la société d’accueil : « Depuis que je suis arrivée dans ce quartier, je suis très respectée. Je suis très aim ée et j’adore mes voisins parce que quand je suis arrivée, je suis arrivée avec de ux valises et je suis reconnaissante aux québécois » (mère maghrébine) « Moi, ils ont toujours pensé de ce que je fais et pas de mon apparence ou que je suis arabe, une maghrébine, une musulmane » (adolescente maghrébine). « Personnellement depuis mon arrivée ici j’ai eu, heureusement des expériences positives…Comme immigrante j’ai eu une certaine reconnaissance…surtout en tant que mère monoparentale, par rapport au travail que je fais, avec moi-même d’abord comme immigrante et en tant que mère avec mon enfant » (mère latinoaméricaine). Ces parents et jeunes exprimaient un désir de rapprochement avec les membres de la société hôte, parce qu’ils considèrent que l’établissement de ponts entre les groupes constitue la meilleure façon de s’intégrer en négociant entre les normes d’origine et d’accueil. Discussion Notre étude est une des rares études donnant la parole à des parents et, surtout, à de s adolescents immigrants récents issus de minorités ethnoculturelles, au Québec. Même s’il s’agit d’un échantillon restreint prohibant les généralisations, Nos résultats: 1. Démontrent la diversité des intra et interculturelle des normes vis-à-vis de la punition physique 2. Indiquent que les critères utilisés pour distinguer entre une punition physique légère et un abus physique a plusieurs points en commun avec ceux véhiculés par la société globale, dont la sous-culture professionnelle: l’âge, le type de transgression, la fréquence et la sévérité de la punition. 3. Indiquent que la diversité intra et/ou interculturelle se situe donc surtout au niveau des du contenu de ce qui est acceptable, qui, lui, est dicté par les valeurs culturelles. Mettent en lumière que la divergence au plan des valeurs et normes entre la famille d’origine et la société d’accueil n’est pas un facteur de risque en soi, mêm e si elle peut placer la famille en situation de dysnormativité. Discussion Par contre, la situation de dysnormativité devient problématique lorsqu’elle se teinte d’un regard négatif, porté par la société d’accueil sur la famille, qui dévalorise les valeurs culturelles d’origine du parent et/ou de l’adolescent. Ce sont surtout les parents et les adolescents (masculins) maghrébins, dans notre étude, qui étaient aux prises avec une telle situation et qui confiaient vivre des sentiments de menace à leur identité culturelle et religieuse: leur appartenance à l’islam et aux normes et valeurs familiales qui y sont véhiculées. Dans leur cas se produisait un effet miroir par le biais duquel, les parents et les jeunes qui se percevaient comme étant rejetés par la société d’accueil se défendaient, à leur tour, en rejetant et en dévalorisant cette même société. Discussion Ces jeunes adolescents maghrébins constituent selon nous un groupe à parce que par le biais de l’effet miroir s’exprimait une réaffirmation plus rigide leur appartenance religieuse et leurs valeurs familiales, dans un désir de répondre à leur besoin fondamental de vivre un sentiment d’appartenance et de continuité, sur le plan identitaire, au système de valeurs qui a depuis toujours guidé leurs vies et qui seul, face au rejet perçu par la société d’accueil, leur permettait de préserver un sentiment de valorisation. Ils méritent donc une attention particulière sur le plan de la recherche comme sur le plan clinique. Ceci est d’autant plus le cas que le contexte international actuel alimente la stigmatisation de certains groupes immigrants comme étant dangereux ou violents (Belhassen-Maalaoui 2004 ; Merskin 2004) et que la dévalorisation du groupe culturel d’origine a déjà été établie dans la littérature empirique comme compromettant sérieusement l’intégration des jeunes immigrants (Suarez-Orozco 2000).