THO Pouvoir FA 2016

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THO Pouvoir FA 2016
Pouvoir, prise de décision et rationalité
Nathalie Lallemand-Stempak
I. Le pouvoir
Définition
Le pouvoir est la capacité qu’a un agent d’influencer un
autre agent dans un sens que n’aurait pas choisi ce dernier.
•  Pouvoir versus Manipulation :
–  Dans le premier cas, la personne soumise a conscience
de l’existence d’une situation de rapport de force, même
s’il lui arrive de trouver légitimes, par rationalisation, les
conduites qui lui sont extorquées.
–  Dans le cas de la manipulation, la soumission est
librement consentie par la personne soumise, qui n’a pas
conscience de la manipulation.
• 
L’exercice du pouvoir
•  Les
détenteurs potentiels du pouvoir
–  L’exercice d’une prérogative légale
Pouvoir théorique. Exemple type : droit de propriété.
–  Le contrôle d’une ressource
Ressource matérielle ou immatérielle
Savoir = Pouvoir
–  Un « effet de proximité »
e.g. Le « pouvoir des media »
Les sources du pouvoir
• 
La principale source de pouvoir est la légitimité.
• 
Max Weber a dégagé trois grands types de légitimité
–  Rationnelle-légale
–  Traditionnelle
–  Charismatique
Nous pouvons y ajouter un 4e type : la légitimité issue de
l’expertise.
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• 
Illustration : l’expérience de Milgram et l’état « agentique »
Expérience de Milgram
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• 
• 
Expérience de psychologie réalisée entre 1960 et 1963 par
Stanley Milgram
But :
–  évaluer le degré d’obéissance d'un individu face à une autorité
qu'il juge légitime
–  analyser le processus de soumission à l'autorité, notamment
quand elle induit des actions qui posent des problèmes moraux,
de conscience, au sujet.
L’expérience:
–  Fausse expérience scientifique sur l’efficacité de la punition
(décharge électrique) sur l’apprentissage et la mémorisation.
–  Les sujets, sous l'autorité d'une personne supposée compétente,
acceptent de participer en infligeant des décharges électriques à des
tiers.
Expérience de Milgram
• 
Extrait de I comme Icare, film français d’Henri Verneuil (1979) qui
met en scène l’expérience
• 
http://www.dailymotion.com/video/x3eeae_i-comme-icaremilgram_news
Conclusions de l’expérience
• 
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Obéissance = comportement inhérent à la vie en société. L’individu intégré
dans une hiérarchie voit son propre fonctionnement modifié : il passe du
mode autonome au mode systématique (devient agent de l'autorité).
Facteurs intervenant dans l’obéissance:
–  Les conditions préalables (famille, idéologie dominante …)
–  Les causes maintenant en obéissance : l'anxiété, le conformisme…
Critiques de l’expérience
• 
Problème de l'acceptabilité morale et scientifique du protocole mis
en place. Dans les deux cas, la critique est d'ordre déontologique
et éthique, car les sujets sont « trompés »:
–  la « victime » ne recevait pas en réalité des chocs
–  la « victime » était en réalité un complice
• 
Autres critique: pas de prise en compte de l’effet Hawthorne.
Influence de l’expérience
• 
• 
Incontournable dans les réflexions sur l'obéissance et la
soumission volontaire à l'autorité: expérience qui demeure une
référence (étude de 2002 : Milgram = 12e psychologue le plus cité
dans l'introduction des livres de psychologie du XXème siècle).
Expérience souvent reproduite, ex: Le jeu de la Mort (critique de
la télé réalité), 2009: mise en scène d’un faux jeu télévisé (La Zone
Xtrême) reproduisant l'expérience de Milgram (avec remplacement
de l'autorité scientifique par une présentatrice de télévision) è
Taux d'obéissance de 81 % (supérieur aux 62,5 % de l'expérience
originale).
Evolution de l’exercice du pouvoir
• 
Le pouvoir souverain (18ème siècle)
-  Pouvoir incarné
-  Manifestation visible et exubérante pour impressionner les âmes
Ex: rôle des exécutions capitales publiques
• 
Le pouvoir disciplinaire (19ème siècle)
-  Pouvoir d’enfermement
-  Modèle du panoptique de Bentham
-  Transformer les âmes
Ex: prison / école / usine / caserne etc…
Evolution de l’exercice du pouvoir
• 
Le pouvoir de contrôle (aujourd’hui):
–  Crise des institutions
–  Contrôle des pairs et contrôle de soi
« Plus personne ne commande mais tout le monde obéit »
–  Rôle des technologies
Le pouvoir souverain était identifiable, le pouvoir de contrôle est un réseau
de relations beaucoup plus vastes dont nous sommes tous les relais et dont
on ne peut pas identifier de responsable
Loi / interdit => agit sur l’individu de l’extérieur
Normes / savoir = > transforme les individus de l’intérieur
Les configurations de pouvoir dans
l’organisation (Mintzberg)
Configuration
Coalition interne
Coalition externe
Exemple
Autocratie
Personnalisée
Passive
PME
Système clos
Bureaucratique
Passive
Administration,
grande entreprise
Organisation
missionnaire
Idéologique
Passive
Coopératives,
mutuelles,
associations…
Méritocratie
Professionnelle
Passive
Clinique
Instrument
Bureaucratique
Dominée
Filiale
Arène politique
Politisée
Divisée
Entreprise cible
d’une OPA
Les configurations de pouvoir dans
l’organisation (Mintzberg)
• 
Les coalitions internes
–  Personnalisée : les pouvoirs sont concentrés dans les mains d’un seul, généralement le
fondateur
–  Bureaucratique : les agents internes ont personnellement peu de pouvoir mais
collectivement ils en ont beaucoup vis-à-vis des agents externes, du fait notamment de
règles difficiles à modifier ou d’une grande complexité organisationnelle (ex. les
administrations et très grandes entreprises)
–  Idéologique : les valeurs, l’accomplissement d’une mission, guident les conduites
–  Professionnelle : le pouvoir est exercé individuellement et collectivement par des
professionnels aux compétences spécifiques qui établissent les règles de
fonctionnement.
–  Politisée : le pouvoir est disputé par de multiples acteurs aux intérêts ou buts divergents
• 
Les coalitions externes
–  Dominée : parmi tous les agents externes, il y en a un (ou plusieurs en position d’alliés)
qui est en position de force et en mesure d’imposer ses décisions.
–  Divisée : parmi tous les agents externes, aucun ne peut imposer sa volonté.
–  Passive : les détenteurs théoriques du pouvoir s’en désintéressent ou pensent qu’il
serait vain de chercher à influencer la situation.
II. La décision
Du modèle rationnel…
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Décideur unique ayant pour objectif la maximisation de son profit.
• 
Processus :
–  détermination des objectifs en fonction de la stratégie choisie.
–  élaboration de propositions.
–  évaluation des propositions.
–  sélection de la proposition maximisant les objectifs.
Qui ?
Grands acteurs
Pourquoi ?
Intérêt général, objectifs
Comment ?
Processus de décision rationnel
Règle de décision ?
Optimisation
… à la rationalité limitée
• 
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• 
• 
Irréalisme du modèle de la rationalité absolue (Herbert Simon) :
–  La connaissance de la situation nécessitant une décision est toujours fragmentaire
–  La perception sélective est inévitable (l'intelligence consiste d'ailleurs à gérer le flou et court-circuiter
l'inutile).
On n'étudie jamais toutes les solutions possibles, mais seulement un nombre limité d'entre elles :
–  Du fait des biais cognitifs (expérience, intuition, préjugés, analogie avec des problèmes déjà
rencontrés).
–  De manière séquentielle (les solutions sont considérées l'une après l'autre, et non simultanément).
–  Jusqu'à rencontrer une solution satisfaisante (et non la solution optimale).
On comprend le problème en même temps qu'on le résout, et chacun utilise un système de
préférences différent pour comparer les solutions
La rationalité consiste à choisir la première solution satisfaisante qui se présente, et non la
solution optimale :
–  Le comportement est séquentiel satisfacteur, et non synoptique maximisateur.
–  La rationalité est circonscrite au triangle « connaissances – habitudes – valeurs », qui est individuel et
mouvant.
Le modèle de la rationalité limitée (Simon, 1947)
• 
• 
Les organisations peuvent incarner des systèmes d’aide à la décision
permettant de se rapprocher de la rationalité absolue.
La structure des organisations permet de pallier les insuffisances de la
rationalité limitée des individus en réduisant la complexité et en
absorbant l'incertitude :
–  La division du travail permet de réduire la zone d'attention de l'individu à
des dimensions acceptables.
–  La hiérarchie évite aux subordonnés de réfléchir au bien fondé des ordres.
–  Les règles, normes et procédures sont des solutions toutes faites et des
aides à la décision.
–  Les circuits d'information dispensent l'individu de la phase de recherche
d'informations (ceux qui récoltent l'information ne sont pas ceux qui
l'utilisent).
Le modèle politique (e.g. Allison, 1971)
• 
Décision = résultat de la négociation et de la confrontation entre
acteurs qui ont, chacun, leurs intérêts propres
= résultat de jeux politiques complexes, où ruses,
coalitions, conflits et influence constituent le fonctionnement
normal.
Qui ?
Acteurs aux ressources et aux intérêts propres
Pourquoi ?
Intérêts particuliers à préserver
Comment ?
Jeux de pouvoir, conflits, alliances, ruses, compromis
Règle de décision ?
L'entente
Le modèle de la poubelle
(March, Cohen et Olsen, 1978)
• 
• 
Les organisations, des anarchies organisées
Décision = produit de la rencontre fortuite de quatre flux :
–  opportunités de choix
–  problèmes en suspens
–  solutions disponibles
–  Participants disposés à s’engager dans la décision
• 
Le croisement des quatre flux est déterminé par la structure organisationnelle :
–  structure de participation (possibilité pour un acteur d'être participant)
–  structure d'accès (possibilité pour un problème ou une solution d'être présenté lors
d'une opportunité de choix).
• 
Décision = produit de processus simultanés
Importance du hasard
• 
Recherche contemporaine sur la décision
•  3
champs principaux
–  La cognition
–  La culture, les normes et les comportements
–  La négociation, la résolution des conflits
Les biais cognitifs impliqués dans la prise de
décision
•  Biais
liés à l’attention
•  Biais liés à l’autoperception
•  Biais liés à la perception des problèmes
•  Biais liés au groupe
1. Biais liés à l’attention
è Qu’est-ce
• 
que je regarde ?
Ex 1 : attention globale vs détail:
“ Aoccdrnig to a rscheearch at Cmabrigde Uinervtisy, it deosn’t
mttaer in waht oredr the ltteers in a wrod are, the olny iprmoetnt
tihng is taht the frist and lsat ltteer be at the rghit pclae. The rset
can be a toatl mses and you can sitll raed it wouthit porbelm. Tihs
is bcuseae the huamn mnid deos not raed ervey lteter by istlef, but
the wrod as a wlohe.”
• 
Ex 2 : le test d’attention http://www.youtube.com/watch?v=Ahg6qcgoay4
2. Biais liés à l’autoperception
• 
Illusion d’objectivité: tendance à considérer sa propre perception comme
reflet objectif de la réalité (Pronin, 2004)
• 
Excès d’optimisme/de confiance en soi è biais dans
l’estimation, l’évaluation. Ex: La Philharmonie de Paris
Coût initial estimé = 170 Millions €
Coût final : 431 Millions €
3. Biais dans la perception de la réalité
• 
Processus conscients ou inconscients induisant une
perception biaisée de la réalité (stéréotypes, préjugés,
associations, similarités, etc):
–  Effets d’association, ex: le « baby face effect »: individus au
visage d’enfant perçus comme + honnêtes/naïfs (Berry&
McArthur, 1985; Gorn et al., 2008)
4. Biais liés au groupe / à l’influence sociale
•  Besoin
d’appartenance, conformisme
–  Le test de l’ascenseur
https://www.youtube.com/watch?v=OG_KxA_KLJY
L’expérience de Asch (1955)
http://www.dailymotion.com/video/x2vf3u_aschexperience_tech
–  Le pouvoir des indices situationnels
http://www.youtube.com/watch?v=Br9goVGNPzc
(00:30 è 01:30)

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