revenez ! c`est pas fini
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DOSSIER : INTELLIGENCE ARTIFICIELLE REVENEZ ! C’EST PAS FINI ! PA R FA S K I L Le mois dernier, pour une question de place, nous avions dû faire l’impasse sur deux interviews relatives à notre dossier sur l’Intelligence Artificielle dans les jeux. Comme leurs auteurs nous ont tout même filé un sacré coup de main, on s’est dit que ça vous ferait sans doute plaisir de jeter un œil dessus. Mini-bio Mini-bio Alexander Nareyek Steven Woodcock Boss de Digital Drama Studios, où il développe des acteurs virtuels notamment pour les jeux vidéo, Alexander est également à la tête du comité de l’IGDA (International Game Developers Association) chargé de définir les standards pour les futures interfaces en matière d’I.A. Il a également commis de nombreuses publications sur le sujet. http://www.ai-center.com/home/alex/ Programmeur depuis une vingtaine d’années, Steven Woodcock est l’heureux papa de www.gameai.com, l’un des sites de référence sur l’intelligence artificielle dans les jeux les plus prisés. À ses moments perdus, il officie comme consultant et participe régulièrement aux GDC (Game Developer’s Conference). que la plus grande avancée, ce sont les moteurs d’I.A. modulables et réutilisables. À la GDC de 1997, j’ai remarqué que malgré le fait que tout le monde était fortement intéressé par l’I.A. dans les jeux, absolument des processeurs. Quand il faut se battre avec les gars qui s’occupent des graphismes pour obtenir un peu plus de temps de calcul, les développeurs en I.A. sont personne ne la codait dans l’optique de la réutiliser ou de la développer. Ça a beaucoup changé ces dernières années, surtout (je pense) parce que les développeurs souvent relégués au second plan. Tout simplement parce que de jolis graphismes sont de plus gros facteurs de vente qu’une bonne intelligence artificielle. Avec les ordinateurs d’aujourd’hui, de plus en plus puissants, la situation s’est améliorée. Steven Woodcock : En ce qui me concerne, je dirais se sont rendu compte que s’ils passaient autant de temps sur le moteur d’I.A. que sur le moteur graphique, le jeu suivant serait beaucoup plus facile à réaliser. J’ai JOYSTICK ▲ Joystick : Quelle a été pour vous la principale avancée en matière d’I.A. dans les jeux ces dernières années ? Alexander Nareyek : Le principal changement de ces dernières années concerne la montée en puissance 106 175 été agréablement surpris de voir à la GDC 2005 que deux jeux tout à fait différents, SWAT 4 et Tribes Vengeance, utilisaient le même moteur d’Intelligence Oblivion : scripté ou réellement malin ? Le jeu est de toute façon très attendu. Artificielle (baptisé Tyrion). Il y a cinq ans, cela n’au- sentation, le producteur secoue la tête et l’envoie plu- rait pas été possible. tôt bosser sur quelque chose qui sera joli dans un magazine, comme des explosions. De plus en plus, dans les tests, l’I.A. est un des premiers paramètres pris en compte dans la qualité globale d’un titre. Pourtant, les éditeurs semblent toujours y porter moins d’attention qu’aux graphismes… A.N. : Le problème, c’est que le marché actuel ne Alexander, vous avez écrit : « L’objectif d’une I.A. dans un jeu n’est pas de calculer le comportement optimal pour gagner. L’objectif doit plutôt être d’apparaître aussi crédible et amusante que possible. » Est-ce que ce n’est pas recherche pas vraiment des produits sophistiqués. Le public ciblé par les éditeurs se moque de l’avis des professionnels mais achète avant tout un produit parce qu’il y a une licence cool ou une campagne promo bien faite (axée sur les graphismes tape-à-l’œil et certainement pas sur une I.A. complexe). C’est une bonne chose d’avoir des jeux « fast food », mais j’espère qu’il y a malgré tout un marché suffisant pour justement faire un pas de plus dans le sens inverse d’une standardisation ? A.N. : Vous avez parfaitement raison, ce qui est « fun » est intimement lié au jeu lui-même. Ce que j’ai voulu dire, c’est que le comportement optimal d’une I.A. pour gagner n’est certainement pas le plus amusant pour le joueur. Qui aurait envie de jouer contre quelqu’un s’il n’a aucune chance de remporter la victoire ? Du coup, dans certains que des joueurs plus exigeants ne voient pas tous les investissements s’engouffrer uniquement dans ce genre de produits. On verra ce que ça donnera, mais jeux, on rend sciemment l’Intelligence Artificielle moins efficace. Beaucoup de gens aiment quand il y a du défi, mais au final, tout le monde cherche quand même à de ce côté-là, cela s’annonce plutôt mal parti en ce qui concerne l’Intelligence Artificielle. Je pense néanmoins que l’I.A. va devenir de plus en plus une priori- gagner. Comment peut-on s’assurer de conserver le contrôle de l’histoire et du rythme dans un jeu en implémentant une I.A. la plus autonome possible ? S.W. : On ne peut pas, et c’est probablement la raison té. Pas d’un point de vue marketing, mais du point de vue des développeurs. Plus on va vouloir intégrer des personnages réalistes et crédibles dans les jeux, plus il va falloir s’appuyer sur des technologies permettant de les rendre « vivants » aux yeux des joueurs. S.W. : Je pense que l’I.A. devrait vraiment avoir la prio- pour laquelle on ne voit pas beaucoup ce type de « comportement émergeant ». Un game designer essaie en général de raconter une histoire, et il ne peut pas se per- rité, mais c’est quelque chose de difficile à vendre. Imaginez un développeur qui présente une démo à un producteur en lui disant : « Ouais, le bad guy qui vient mettre d’avoir deux gardes au sommet d’une échelle qui décident tout à coup que c’est l’heure d’aller manger. Ce serait réaliste, mais ça ruinerait le rythme du jeu. Ce qui de contourner le joueur, eh bien il l’a fait de manière beaucoup plus intelligente que dans un autre jeu. » Il y a de fortes chances pour qu’à l’issue de cette pré- est ironique, vu que la plupart des joueurs se plaignent du comportement irréaliste d’ennemis qui restent immobiles lorsqu’ils devraient plutôt appeler à l’aide. ▲ JOYSTICK 107 175 « Quand la machine découvre qu’elle a plus de succès pour marquer un but en tirant directement avec le gardien depuis l’autre côté, c’est certes efficace, mais pas terriblement intéressant. » Comment expliquez-vous qu’à l’heure actuelle, une problématique a priori simple comme le « pathfinding » soit toujours sans solution miracle ? S.W. : Je ne me l’explique pas. On a résolu le problème depuis 1998, et il y a pourtant toujours plus d’articles sur le sujet dans les bouquins pour développeurs de jeu que sur n’importe quel autre sujet relatif à l’I.A. A.N. : Ce n’est pas aussi simple que vous le décrivez. Oui, il y a des solutions pour le problème de manière générale, mais chaque jeu fonctionne différemment. Cela dit, je dois aussi admettre que le manque de savoir technologique de certains développeurs me fait parfois frissonner. Dans certains cas, il se peut aussi que ce soit un souci lié à l’inexpérience de certains chefs de projet qui n’allouent aucune ressource à cette partie du développement. A.N. : On en revient à la problématique du « fun ». Le problème est le suivant : si l’I.A. fait quelque chose de totalement inattendu, est-ce que cela va déboucher sur quelque chose d’amusant pour le joueur ? Ou est-ce que cela va l’énerver ? Ou briser l’illusion ? Quand la Le futur de l’I.A. dans les jeux, vous le voyez machine découvre (et on l’a déjà constaté dans des tests) qu’elle a plus de succès pour marquer un but en tirant directement avec le gardien depuis l’autre côté, comment ? A.N. : Le développement de jeux devient quelque chose de plus en plus conséquent, et une seule équipe ne peut plus tout développer seule. Il y a déjà une certaine tendance à sous-traiter les parties dont l’équipe principale ne peut ou ne veut pas s’occuper. c’est certes efficace, mais pas terriblement intéressant. Il est donc malheureusement impossible de garantir qu’un comportement imprévisible va aller dans le sens voulu par les game designers. Ce qui est une bonne nouvelle pour l’I.A. puisqu’on va voir se développer des compagnies spécialisées dans cette technologie, comme c’est déjà le cas actuellement pour les graphismes et la physique. Parmi les jeux récents, quels sont ceux qui vous ont le plus marqués en terme d’Intelligence Artificielle ? S.W. : Question difficile, mais je pense que je dois tirer mon chapeau au boulot incroyable qu’a réalisé Will Wright sur Les Sims. Il a démontré que les anciennes techniques (comme les automates à états finis) ont encore des ressources sous le capot et une certaine flexibilité, quelque chose que les nouveaux venus dans le domaine oublient un peu facilement. A.N. : Personnellement, rien ne m’a vraiment épaté ces derniers temps. Les progrès se font par petits pas. Mais je n’ai toujours pas réussi à battre le mode Divinité de Civilization III. « Il est plus facile de vendre de jolies explosions qu’une bonne intelligence artificielle. » JOYSTICK ▲ « Will Wright sur Les Sims a démontré que les anciennes techniques ont encore des ressources sous le capot. » 108 175 DOSSIER : INTELLIGENCE ARTIFICIELLE aura pas de gros changements. Mais sur le long terme, je pense qu’il sera plus intéressant de pouvoir peupler de tels mondes avec des personnages artificiels dont le but premier est de vous divertir. S.W. : Je pense que l’I.A. peut amener des comportements plus réalistes pour les PNJ, des intrigues plus excitantes, des quêtes et des missions plus variées. Et surtout des co-équipiers qui ne se mettent pas en travers de vos flèches ! Tribes et SWAT 4 utilisent le même moteur d’IA : Tyrion. Quels sont vos projets actuels ? S.W. : En ce moment, je finis de rédiger un article pour le troisième tome des « A.I. Game Programming Wisdom », chez Charles River Media. A.N. : Je viens de lancer ma société à Prague, qui développe des outils pour réaliser des acteurs virtuels. Avec beaucoup de technologie de pointe, comme vous vous en doutez. Je pense qu’il y a encore peu de gens qui sont conscients de ce que l’on peut faire, et nos programmes vont, je l’espère, aider beaucoup d’éditeurs à faire de meilleurs jeux. Mais nous ne nous concentrons pas uniquement sur le jeu : les films, les portails Internet, les logiciels éducatifs sont nos autres champs d’application. À côté de ma société, je continue à essayer d’aider la recherche scientifique à trouver des ponts avec l’industrie du jeu et j’organise également tout ce qui a trait à l’I.A. pour l’IGDA (International Game Developers Association). De quelle manière l’I.A. va-t-elle pouvoir faire évoluer les MMORPG ? A.N. : En fait, je ne suis pas persuadé que les MMORPG ont un véritable avenir. D’un point de vue du game design, c’est très difficile de produire un jeu où les joueurs s’amusent ensemble sans que personne quivienne ruiner votre partie. Les gens veulent qu’un jeu soit amusant pour eux. Mais qu’est-ce qui garantit que leur comportement sera également amusant pour vous ? Tant que l’I.A. en est toujours à ses balbutiements, il n’y Freedom Force vs The Third Reich. ▲ JOYSTICK 109 175 « Le public ciblé par les éditeurs achète avant tout un produit parce qu’il y a une licence cool. » (Harry Potter) Vos jeux du moment ? S.W. : Freedom Force vs the Third Reich… J’adore les super-héros ! A.N. : Hmm, bonne question. Le problème, c’est qu’à chaque fois que je joue à un jeu, je passe plus de temps à l’analyser qu’à réellement en profiter. Je n’ai pas eu beaucoup le temps de jouer à cause de ma nouvelle société, mais j’attends avec impatience des titres comme Oblivion, Rise of Legends et Dragon Age. Il y a tant de choses à dire sur tellement de jeux et sur ce que j’attends du futur, mais je ferais sans aucun ❏ doute exploser votre nombre de pages !