Comportement de recours aux soins et processus de diagnostic

Transcription

Comportement de recours aux soins et processus de diagnostic
INT J TUBERC LUNG DIS 4 (4): 327-332
© 2000 IUATLD
Comportement de recours aux soins et processus de
diagnostic chez les tuberculeux pulmonaires à bacilloscopie
positive au Malawi
F. M. L. Salaniponi,* A. D. Harries,* H. T. Banda,† C. Kang'ombe,† N. Mphasa,* A. Mwale,*
B. Upindi,* T. E. Nyirenda,* A. Banerjee,* M. J. Boeree*
*National Tuberculosis Control programme, Community Health Science Unit, Lilongwe,
Medicine, College of Medicine, Chichiri, Blantyre, Malawi.
†
Department of
_______________________________________________________________________RESUME
CADRE : Hôpitaux gouvernementaux dans cinq districts du Malawi.
OBJECTIF : Déterminer le comportement de recours aux soins ainsi que les processus de diagnostic chez les
patients récemment diagnostiqués et atteints d'une tuberculose pulmonaire à bacilloscopie positive (TBP).
SCHEMA : Questionnaires structurés complétés par entretien entre janvier et septembre 1998.
RESULTATS : Sur les 1518 patients enregistrés comme TBP pendant la période d'étude, 1099 (72%) ont fait
l'objet d'un entretien. Les délais médians entre le début de la toux et le diagnostic fut de 8 semaines. Il y a divers
types de comportement dans le recours aux soins : 70% des patients consultent initialement un site de soins
médical classique, tandis que 30% recourent aux guérisseurs traditionnels, aux magasins d'épicerie, etc. Chez
867 patients (79%), un ou plusieurs contacts ultérieurs d'appel à l'aide ont été orientés davantage vers les soins
médicaux classiques. A tous les stades, les antibiotiques entraînèrent une amélioration symptomatique pouvant
concerner jusqu'à 40% des cas. La durée médiane entre la toux et le premier envoi d'expectoration fut de 7
semaines. Presque tous les patients ont obtenu le résultat de la bacilloscopie de leurs expectorations après une
durée médiane de 4 jours ; 474 (43%) des patients n'ont pris conscience de leur diagnostic qu'au moment où ils
recevaient les résultats de leur frottis ; cette observation est associée de manière significative à un manque de
formation scolaire et au fait de ne pas connaître une autre personne atteinte de TB.
CONCLUSIONS : Il y a lieu d'entreprendre davantage dans le domaine de l'éducation des collectivités et des
pourvoyeurs non classiques de soins au sujet du diagnostic et du traitement de la TB.
MOTS CLE : comportement ; diagnostic ; tuberculose pulmonairs à bacilloscopie positive
DEUX DES COMPOSANTES-CLE d'un bon
programme de lutte contre la tuberculose (TB) sont
un diagnostic précoce et la mise en œuvre rapide
d'un traitement efficient. Ceci est particulièrement
important chez les patients atteints d'une
tuberculose pulmonaire (TP) à bacilloscopie
positive afin de tenter de réduire la période de la
transmissibilité de Mycobacterium tuberculosis
dans la collectivité. Des études menées au Ghana1
et au Botswana2 ont mis en évidence des délais
médians prolongés atteignant 3 à 4 mois entre le
début des symptômes et le diagnostic chez les
patients atteints de TP. Les raisons principales de
ces délais sont, chez les patients, le recours à des
moyens alternatifs pour le traitement de la toux et,
pour les services de santé, un défaut d'exécution
des examens d'expectoration.
Depuis 1984, le Programme National de Lutte
contre la Tuberculose (PNT) au Malawi a été
appuyé par l'Union Internationale Contre la Tuberculose et les Maladies Respiratoires (UICTMR) et
suit les recommandations de l'UICTMR3 et de
l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS).4 La
détection des cas est basée sur le dépistage passif
grâce à l'examen microscopique des frottis d'expectoration comme investigation de première ligne
chez les sujets suspects de TP. Dans la foulée des
études du Ghana1 et du Botswana,2 une étude
conduite au Malawi en 1988 parmi des patients
atteints de TP à bacilloscopie positive a elle aussi
relevé un délai médian de 4 mois entre l'apparition
de la toux et le diagnostic.5 Les raisons
documentées de ce délai ont comporté pour plus de
50% des patients une consultation antérieure chez
des guérisseurs traditionnels et un grand nombre de
consultations dans les centres de santé avant
l'exécution de l'examen des expectorations. Une
recherche opérationnelle concernant les activités
Auteur pour correspondance : Dr A D Harries, c/o British High Commission, PO Box 30042, Lilongwe 3, Malawi. Fax:
(+265) 782 657. E-mail: [email protected]
[Traduction de l'article « Care seeking behaviour and diagnostic processes in patients with smear-positive pulmonary
tuberculosis in Malawi » Int J Tuberc Lung Dis 2000; 4 (4): 327-332.]
2 The International Journal of Tuberculosis and Lung Disease
de dépistage des cas, entreprise entre 1995 et 1996
au Malawi, a révélé qu'un grand nombre de staffs
de soins de santé ne se conformait pas aux
recommandations concernant le triage des cas
suspects de TP,6,7 et qu'une grande proportion des
patients atteints de TP à bacilloscopie positive
avait consulté un guérisseur traditionnel avant de
recourir aux soins médicaux classiques.8 A partir
de 1997, on a consenti des efforts considérables
dans tous les districts afin d'entraîner le staff des
hôpitaux et des centres de santé à obtenir des
échantillons d'expectoration chez les patients qui
toussent depuis plus de 3 semaines. Des efforts
furent aussi consentis afin 1) d'informer la
population générale grâce à des causeries à visée
éducative à la radio, à des affiches, à des messages
peints sur les autobus et à des matchs de football
parrainés par l'action TB et 2) de fournir des
directives aux guérisseurs traditionnels dans le
domaine de la TB à l'occasion de réunions au
centre de santé de la zone. Un an plus tard, la
formation et les initiatives éducatives continuant
toujours, nous avons voulu obtenir une information
actualisée sur le comportement de recours aux
soins et sur les processus de diagnostic chez les
patients atteints de TP à bacilloscopie positive.
METHODES
Cadre
On a choisi comme sites de l'étude, les hôpitaux
gouvernementaux responsables du diagnostic et du
traitement de la TB dans 5 districts du Malawi :
trois hôpitaux dans le Sud du pays (Queen
Elizabeth Central Hospital à Blantyre, Zomba
Central Hospital à Zomba et Mangocho District
Hospital), un dans le Centre (Ntcheu District
Hospital) et un dans le Nord (Mzimba District
Hospital).
Patients
Entre le 1er janvier et la mi-septembre 1998, dans
chacun des 5 hôpitaux, un des agents de recherche
clinique du programme TB a interviewé tous les
nouveaux patients enregistrés sous le diagnostic
d'une TP à bacilloscopie positive. Peu de temps
après le diagnostic (maximum 2 semaines), des
questionnaires structurés ont été complétés par
interview dans la langue vernaculaire ou en
anglais. Pour chaque patient, le questionnaire
concernait les éléments suivants : l'âge, le sexe, le
numéro d'enregistrement TB, l'anamnèse d'un
traitement antérieur pour TB, la durée de la
maladie et de la toux, des détails concernant le
premier contact pour la prise en charge de la
maladie, le nombre de contacts ultérieurs et les
détails de la prise en charge, le délai entre le début
de la toux et le recueil des premiers échantillons
d'expectoration pour bacilloscopie, les détails sur
le processus d'obtention des résultats de l'examen
du frottis d'expectoration, les autres investigations
entreprises. Il comportait aussi des questions
générales sur le niveau scolaire et la connaissance
d'autres personnes atteintes de tuberculose. On a
combiné les données concernant les consultations
des patients dans les hôpitaux gouvernementaux et
ceux des missions puisque dans les deux types de
services de santé, on ne fait pas payer les patients
tuberculeux.
Lorsque tous les questionnaires ont été
complétés, les numéros d'enregistrement TB de
tous les patients inscrits au cours de l'étude comme
tuberculeux pulmonaires à bacilloscopie positive
ont été comparés aux numéros d'enregistrement TB
des patients interviewés afin de déterminer la
proportion des patients interviewés.
Analyse
Les données de chaque hôpital ont été codées dans
le logiciel Epi-Info version 6.0. Les différences de
proportions ont été estimées grâce au test ², des
différences de 5% étant considérées comme
significatives. On a calculé aussi les odds ratios
(OR), leurs intervalles de confiance à 95% (IC) et
les valeurs de P, quand cela convenait.
RESULTATS
Patients interviewés et caractéristiques
cliniques
Durant la période de 8-9 mois de l'étude, un total
de 1.518 nouveaux cas de TP à bacilloscopie
positive ont été enregistrés dans les cinq hôpitaux :
575 à Blantyre, 451 à Zomba, 228 à Ntcheu, 183 à
Mangochi et 81 à Mzimba. Des interviews ont été
menées chez 1.114 patients (73%) : 318 (55%) à
Blantyre, 356 (79%) à Zomba, 223 (98%) à
Ntcheu, 154 (84%) à Mangochi et 63 (78%) à
Mzimba. Les raisons pour lesquelles certains n'ont
pas été interviewés n'ont pas été documentées
spécifiquement mais elles incluaient le décès, le
départ prématuré de l'hôpital et la perte de vue. On
a exclu ultérieurement de l'analyse 15 patients qui
avaient été interviewés : sept d'entre eux avaient
été admis pour un épisode antérieur de TB, cinq
avaient, après vérification dans le registre TB, une
TP à bacilloscopie négative ou une TB extrapulmonaire et chez trois, pratiquement aucun renseignement n'était enregistré dans le questionnaire.
Les questionnaires ont donc été analysés chez
1.099 patients (72% des patients enregistrés).
On a compté 522 hommes et 577 femmes âgés
en moyenne de 33 ans (fourchette : 9-80 ans). La
durée moyenne de la maladie a été de 10 semaines
Recours aux soins et processus de diagnostic chez les tuberculeux pulmonaires à bacilloscopie positive
3
Tableau 1 Lieu du premier appel à l'aide par les patients atteints de tuberculose pulmonaire à bacilloscopie positive
Site du premier contact
Centres de santé
gouvernementaux/de mission
Cliniques privées
Hôpital gouvernemental/de mission
Guérisseur traditionnel
Epicerie/vendeurs locaux
Autres
Total
Nombre (%) de
patients dans
l'étude
A chaque site de contact, patients (%) qui
ont constaté une
s'y sont
ont consulté en
amélioration de la
rendus à
ont payé pour
raison de la
pied
le traitement toux par le traitement
proximité
433 (39)
183 (17)
157 (14)
153 (14)
145 (13)
28 (3)
1099
(fourchette 2-100 semaines). Les trois symptômes
de la maladie les plus fréquemment rencontrés lors
de la consultation ont été la toux (61%), la fièvre
(16%) et des douleurs thoraciques (11%). En fin de
compte, tous les patients ont développé de la toux.
La durée médiane de la toux avant le diagnostic a
été de 8 semaines ; 565 patients (52%) ont toussé
pendant 8 semaines ou moins, tandis que 534
patients (48%) ont toussé pendant plus de 8
semaines.
Premier contact pour appel à l'aide
Les sites de premier contact pour appel à l'aide et
le comportement associé de recours aux soins
figurent au Tableau 1 : 70% des patients ont
consulté dans un site de soins médicaux classiques
tandis que 30% ont consulté dans des sites de soins
non classiques (par ex. guérisseurs traditionnels,
épiceries, vendeurs locaux). Dans 494 cas (45%),
les patients ont choisi seuls le site de la
consultation pour appel à l'aide ; dans 261 cas
(24%), leur choix a été influencé par un membre de
la famille proche (parent, frère et sœur, conjoint ou
partenaire) et dans 219 cas (20%) par un prestataire
de soins de santé. La raison la plus fréquente du
choix du site de premier contact a été la proximité
du domicile (603 patients, 55%) ; les autres raisons
principales furent une bonne réputation, un accueil
agréable et une médecine sérieuse (320 patients,
29%). Cinquante-sept pour cent des patients qui
ont consulté un guérisseur traditionnel, un épicier
ou un vendeur et 55% de ceux qui ont consulté un
service de santé ont déclaré que c'était en raison de
la proximité de leur domicile.
La plupart des patients (753, 69%) se sont
rendus à pied au site du premier contact et d'autres
s'y sont rendus en bus ou minibus (18%), à
bicyclette (10%) ou en voiture (3%). Le moyen le
plus utilisé pour rejoindre le site de contact le plus
proche fut la marche pour 81% des patients : 89%
des patients qui ont d'abord consulté un guérisseur
traditionnel, un épicier ou un vendeur local s'y sont
rendus à pied par comparaison avec 62% des
patients qui ont consulté dans un hôpital ou un
65
42
44
48
67
18
55
70
56
45
83
94
46
69
8
86
11
58
99
71
42
31
28
18
6
20
43
24
centre de santé. La plupart des patients (701, 64%)
ont reçu des comprimés mais ne connaissaient ni
les noms ni les types de comprimés administrés ;
112 patients (10%) savaient qu'ils avaient reçu un
antibiotique et 150 patients (98%), après visite
chez un guérisseur traditionnel, ont signalé avoir
reçu des herbes médicinales. Le traitement a été
payé par 461 patients (42%) pour une somme
médiane équivalente à 1,4 US$ (la fourchette allant
de quelques cents à 24 US$) : ce paiement fut le
fait de 51 patients (9%) ayant consulté dans des
services de santé gouvernementaux ou de mission,
de 158 patients (86%) dans une clinique privée et
de 252 (77%) dans des services non classiques. La
toux s'est améliorée après le traitement chez 265
patients (24%) ; 240 d'entre eux ont déclaré qu'elle
était réapparue après une durée médiane de 3
semaines. Deux cent trente-deux patients (21%)
n'ont eu qu'un seul contact pour appel à l'aide, au
cours duquel ils ont bénéficié d'un examen
d'expectoration : ceci fut le cas pour 167 patients
ayant consulté dans des centres de santé, 45 dans
des hôpitaux, 10 dans des cliniques privées, six
chez des guérisseurs traditionnels et quatre dans
d'autres sites.
Contacts ultérieurs pour appel à l'aide
Chez 867 patients, la médiane fut d'un seul contact
ultérieur (fourchette : 1-15 contacts) avant d'arriver
au diagnostic, alors que 262 patients (24%) ont eu
trois contacts ultérieurs ou davantage. Les détails
de ces contacts figurent au Tableau 2. Des 2.078
visites de contact, 1.553 (75%) se sont déroulées
dans des centres de santé ou des hôpitaux ; à ce
stade, il y a eu relativement peu de visites chez les
guérisseurs traditionnels (8%), dans les cliniques
privées (8%) et dans les autres sites tels que les
épiceries, les petits dispensaires ou les pharmacies
privées (9%). Trois cent trente-huit patients ne savaient pas quel traitement ils avaient reçu ; 529
patients savaient qu'on leur avait administré un
antibiotique au cours d'une de ces visites (250
patients savaient qu'il s'agissait de cotrimoxazole,
103 de pénicilline et 22 de doxycycline) : ces pa-
4 The International Journal of Tuberculosis and Lung Disease
Tableau 2 Appels à l'aide ultérieurs pour les patients
atteints de tuberculose pulmonaire à bacilloscopie
positive
Sites de contact
Centres de santé
gouvernementaux /de mission
Clinique privée
Hôpital gouvernemental /de
mission
Guérisseur traditionnel
Autres (y compris pharmacie,
épicerie, etc..)
Total
Nombre de
patients
370
Nombre de
visites à
chaque site
de contact
718
125
556
162
835
93
137
166
197
1281
2078
Note : Plusieurs patients se sont rendus pour recours à l'aide à
deux sites de contact ou davantage, ce qui explique que le
nombre total n'égale pas 867
tients représentaient un total de 841 cures
d'antibiotiques. Une certaine amélioration de la
toux a été signalée par 204 patients (39%) qui
avaient bénéficié d'un traitement aux antibiotiques.
Diagnostic des TP à bacilloscopie positive
Un délai médian de 7 semaines s'est écoulé entre le
début de la toux et le premier recueil des
échantillons d'expectorations pour bacilloscopie.
Le délai fut inférieur à 3 semaines chez 144
patients (13%), de 3 à 8 semaines chez 534 (49%)
et supérieur à 8 semaines chez 421 (38%). Les
résultats des frottis d'expectoration furent
communiqués à 1.074 patients (98%) avec un délai
médian de 4 jours (fourchette : 1-49 jours) après
apport d'expectorations. On a obtenu une série
d'échantillons d'expectoration chez 941 patients
(86%) (une série d'échantillons d'expectoration
comprend une expectoration produite sur place,
une expectoration du petit matin et une seconde
expectoration produite sur place) ; 126 patients
(12%) ont fourni deux séries, 26 (2%) trois séries
et six patients quatre séries ou davantage. Au cours
du processus de diagnostic, on a réalisé une
radiographie du thorax chez 151 patients (14%).
Connaissances des patients au sujet de la TP
et d'autres aspects connexes
Six cent vingt-cinq patients (57%) croyaient à la
possibilité d'être atteints de TP avant que le
diagnostic ne soit porté, tandis que 474 (43%) n'en
ont été conscients qu'une fois en possession des
résultats du frottis d'expectoration. Le Tableau 3
reprend les détails du moment où les patients ont
pris conscience de leur TP en relation avec leur
passé scolaire et le fait de connaître d'autres
personnes tuberculeuses. Le manque de formation
scolaire (OR 2,10 ; IC 95% 1,60-2,77 ; P<0,05) et
le fait de ne pas connaître d'autres personnes
atteintes de TB (OR 1,77 ; IC 95% 1,38-2,28 ;
P<0,005) furent significativement plus fréquents
chez les patients qui n'ont pris conscience du
diagnostic de TP qu'à la réception des résultats du
frottis d'expectoration par comparaison avec ceux
qui croyaient être atteints de TP avant que le
diagnostic ne soit porté. Le fait de connaître une
autre personne tuberculeuse fut plus courant chez
les patients interviewés dans les deux hôpitaux
centraux de Blantyre et Zomba (478/666 = 72%)
que chez les patients interviewés dans les hôpitaux
de district (164/433 = 38% ; P<0,005). Les autres
personnes connues comme tuberculeuses étaient un
membre de la famille ou un conjoint (387 cas =
60%), un ami (217 cas = 34%) ou une relation de
travail (38 cas = 6%). Parmi ces autres personnes
connues comme tuberculeuses, 54% étaient
sensées être en bonne forme, 15% malades et 26%
décédés ; les informations faisaient défaut pour les
autres.
DISCUSSION
Cette étude montre que dans un grand nombre de
nouveaux cas de TP à bacilloscopie positive, le
délai médian entre le début de la toux et le
diagnostic était de 8 semaines. Bien que le
protocole de l'étude le prévoyait, on n'a pas
interviewé tous les patients consécutifs : certains
patients sont décédés avant l'entretien et, dans
certains cas, les entretiens n'ont pas eu lieu avant la
sortie de l'hôpital. La proportion des patients
inter viewés fut moins importante dans les hôpitaux
centraux en raison du grand nombre de patients et
du fait des autres obligations qui incombaient aux
agents de recherche clinique. Néanmoins les
questionnaires de près de trois quarts des patients
ont été évalués. Les sites avaient été choisis de
façon à couvrir la totalité des 3 régions du pays
ainsi que les zones urbaines et de district et nous
avons l'impression que les résultats reflètent la
situation présente au niveau du pays.
Le type de comportement de recours aux soins a
été variable. Environ 70% des patients ont consulté
initialement un site de soins médicaux classiques et
30% des guérisseurs traditionnels, des épiceries,
des vendeurs locaux, etc. Chez plus de la moitié
des patients, la raison la plus fréquente du choix du
premier site de contact a été la proximité de leur
domicile : ce qui est reflété par le fait que la
plupart des patients se sont déplacés à pied pour
chercher de l'aide. On a rapporté qu'au Malawi,
près de 80% de la population habite dans un rayon
de 8 km d'un service de santé,9 et plus de la moitié
des patients qui ont consulté initialement dans un
service de santé ont donné comme raison principa-
Recours aux soins et processus de diagnostic chez les tuberculeux pulmonaires à bacilloscopie positive
5
Tableau 3 Connaissance des patients concernant la TB pulmonaire en relation avec leur formation scolaire et le fait
de connaître d'autres personnes atteintes de TB
Nombre de patients
Nombre (%) de patients *
Pas de fréquentation scolaire
Fréquentation scolaire
Seulement école primaire
Ecole secondaire
Nombre (%) de patients qui *
connaissaient une autre
personne tuberculeuse
Connaissance des patients concernant la tuberculose pulmonaire
Conviction que la TP est la cause de la
Conscience du diagnostic seulement
maladie avant les résultats du frottis
après les résultats du frottis
d'expectoration
d'expectoration
625
474
137 (22)
488 (78)
359
129
173 (37)
298 (63)
220
78
403 (64)
239 (50)
* Pourcentage de patients dans chaque catégorie de connaissance ( par exemple, convaincus qu'ils étaient atteints de TP avant d'avoir
reçu les résultats ou en prenant conscience seulement après)
cipale de leur choix la proximité de leur domicile.
Malheureusement, nous n'avons pas documenté la
distance entre le domicile et le premier point de
contact. Toutefois, une distance pouvant atteindre
8 km et donc un aller-retour de 16 km est encore
une barrière significative à l'accès pour des patients
malades qui doivent se déplacer à pied.10 Des
rétributions ont été payées par plus de 75% des
patients qui ont consulté dans des cliniques privées
et dans des sites de soins médicaux non classiques.
Les autres frais qui n'ont pas été documentés dans
cette étude comportent le paiement du transport
motorisé et la perte de salaire pour le temps
d'absence au travail. Ces éléments peuvent eux
aussi influencer défavorablement l'accès aux
soins.10 La plupart des patients ont reçu l'une ou
l'autre sorte de comprimés et soit ne les
connaissaient pas, soit n'avaient pas retenu les
noms ou le type de ces médicaments. Toutefois,
chez environ un quart des patients, la toux s'est
améliorée et pour ne réapparaître que quelque
temps après.
Chez les patients qui ont consulté plus d'une
fois avant d'arriver au diagnostic de TP, les visites
ont été plus orientées vers les soins médicaux
classiques. A ce stade, un grand nombre de patients
se sont souvenus avoir reçu un antibiotique et plus
du tiers d'entre eux ont signalé une nouvelle
amélioration de la toux. D'autres études ont signalé
que les patients atteints d'une TB confirmée à
l'examen microbiologique pouvaient voir disparaître leurs symptômes respiratoires à la suite d'une
cure d'antibiotiques.11 Ceci peut être dû à une
action mycobactériostatique de courte durée de
certains antibiotiques ou à une surinfection bactérienne.12 Quelle qu'en soit la raison, une
amélioration à la suite d'un traitement par
antibiotiques peut contribuer à un délai du
diagnostic, comme cela a été signalé dans d'autres
régions d'Afrique sub-saharienne.13
Aujourd'hui, le PNT consacre du temps et des
ressources pour l'éducation des guérisseurs
traditionnels dans le domaine de la TB. Cette étude
confirme l'importance des guérisseurs traditionnels, bien que, dans cette étude, un plus petit
nombre de patients aient admis avoir consulté des
guérisseurs traditionnels par comparaison avec les
données antérieures en provenance du Malawi.5,8
Cette étude fait ressortir également que les patients
consultent dans des épiceries, chez des vendeurs
locaux et dans des cliniques privées, et qu'à
l'avenir, il sera important d'offrir à ces personnes
une formation en matière de TB. L'expérience au
Nigeria rural avec les vendeurs de spécialités
pharmaceutiques a démontré que la formation en
soins de santé primaires peut améliorer significativement les connaissances sanitaires et le
comportement du personnel non entraîné en
matière médicale.14
Bien qu'en général le processus de diagnostic de
l'examen des expectorations fonctionne bien, un
nombre substantiel de patients toussent encore
pendant plus de 8 semaines avant de fournir leur
première série d'échantillons d'expectoration.
Après recueil des échantillons d'expectoration, la
plupart des patients ont reçu leurs résultats dans un
laps de temps acceptable. Nous avons été satisfaits
de constater le petit nombre d'examens radiographiques du thorax, les efforts de diagnostic
ayant été concentrés sur l'examen des frottis
d'expectoration.
Malgré les efforts d'information du public en
matière de TB, plus de 40% des patients n'ont pris
conscience du diagnostic qu'en recevant les
résultats de l'examen des frottis de leurs
expectorations. Le manque de formation scolaire et
le fait ne de pas connaître une autre personne
tuberculeuse s'avèrent en rapport avec un manque
de perception du diagnostic. Au Malawi, des
initiatives ont été prises pour informer les écoliers
6 The International Journal of Tuberculosis and Lung Disease
au sujet de conditions médicales importantes telles
que le SIDA, la TB et la malaria, mais il est de
toute évidence également important de cibler la
population rurale et les villageois qui, pour une
raison ou une autre, peuvent ne pas avoir accès à
l'éducation scolaire. Il faut faire appel à des
affiches, des causeries et des émissions radiophoniques régulières ; une couverture étendue des
problèmes de TB lors de la « Journée mondiale de
la TB » constitue un autre moyen pratique
d'informer les collectivités au sujet de la TB.
La tuberculose est une maladie courante ; 642
patients (58%) connaissaient une autre personne
atteinte de TB, le plus souvent un membre de leur
famille. Le fait de connaître quelqu'un d'autre
atteint de TB fut plus fréquent dans l'environnement urbain de Blantyre et Zomba : ce fait est
probablement à mettre en relation avec la surpopulation, le paupérisme urbain et la prévalence
plus élevée de l'infection VIH et du SIDA.15 Il est
de plus en plus évident qu'en Afrique subsaharienne, un nombre significatif de nouveaux cas
de TB résulte d'une transmission récente et d'un
contact fortuit,16,17 situations dans lesquelles des
délais entre le début des symptômes et le
diagnostic et le traitement ne devraient pas être
tolérés. Bien que, dans la présente étude, nous
puissions être satisfaits du délai médian de 8
semaines entre le début de la toux et le diagnostic
au lieu des 4 mois rapportés antérieurement,5 il n'y
a pas de quoi se reposer sur ses lauriers puisque la
transmission de la TB reste encore possible
pendant cette période. Il est également démontré
que le délai de diagnostic de la TB peut
compromettre les chances de guérison individuelle.
Une TB non traitée chez des personnes infectées
par le VIH peut accélérer le déclin de l'immunocompétence18 et la progression vers une immunodéficience sévère et peut permettre le développement d'une affection pulmonaire tuberculeuse
étendue.
Une des composantes les plus importantes de la
lutte mondiale contre la TB est l'implication des
collectivités dans le traitement et sa poursuite.
Toutefois, les collectivités devraient aussi être
concernées par le dépistage des cas.19 Il est
improbable que les pays à faibles ressources
trouvent les finances nécessaires pour modifier leur
stratégie de détection des cas et puissent passer du
dépistage passif au dépistage actif. Il est dès lors
nécessaire de trouver les moyens permettant
d'améliorer le dépistage passif. Il faut identifier un
plus grand nombre de cas suspects qui n'arrivent
jamais jusqu'au traitement et pour ceux qui y
arrivent, il faut raccourcir le délai entre le début
des symptômes et le diagnostic. Si nous voulons
améliorer nos taux de détection des cas et réduire
les délais de diagnostic, il faut accroître le dialogue
entre le programme TB et les autres personnes-clé
telles que les guérisseurs traditionnels, les meneurs
de village, les enseignants et les tuberculeux
répondant bien au traitement.
Remerciements
Nous remercions le Département pour le Développement
International (DFID), GB, pour son aide financière. L'étude a
reçu le soutien du Groupe Directeur du Programme TB et
l'approbation éthique du Comité de Recherche Scientifique de
la Santé du Malawi.
Références
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14
15
16
Lawn S D, Afful B, Acheampong J W. Pulmonary
tuberculosis : diagnostic delay in Ghanaian adults. Int J
Tuberc Lung Dis 1998; 2: 635-640.
Steen T W, Mazonde G N. Pulmonary tuberculosis in
Kweneng District, Botswana: delays in diagnosis in 212
smear-positive patients. Int J Tuberc Lung Dis 1998; 2:
627-634.
Enarson D A, Rieder H L, Arnadottir T, Trébucq A.
Tuberculosis guide for low income countries. 4th ed. Paris,
France: IUATLD, 1996
Maher D, Chaulet P, Spinaci S, Harries A D. Treatment of
tuberculosis: guidelines for national programmes. 2nd ed.
Geneva: World Health Organization, 1997
Nkhoma W A, Harries A D, Wirima J J. Pulmonary
tuberculosis in Malawian adults: why the delay in
diagnosis? J Med Assoc Malawi (Medical Quarterly) 1988;
5: 22-23.
Harries A D, Kamenya A, Schoevers M A, et al. Case
finding for pulmonary tuberculosis, Queen Elizabeth
Central Hospital, Blantyre, Malawi. Int J Tuberc Lung Dis
1997; 1: 523-527.
Harries A D, Kamenya A, Subramanyam V R, et al.
Screening pulmonary tuberculosis suspects in Malawi:
testing different strategies. Trans Roy Soc Trop Med Hyg
1997; 91: 416-419.
Brouwer J A, Boeree M J, Kager P, et al. Traditional
healers and pulmonary tuberculosis in Malawi. Int J Tuberc
Lung Dis 1998; 2: 231-234.
Ministry of Health and Population. To the year 2020: a
vision for the health sector in Malawi. Lilongwe, Malawi.
Ministry of Health and Population, 1999.
Thaddeus S, Maine D. Too far to walk: maternal mortality
in context. Soc Sci Med 1994; 38: 1091-1110.
Wilkinson D, De Cock K M, Sturm A. Diagnosing
tuberculosis in a resource-poor setting: the value of a trial
of antibiotics. Trans Roy Soc Trop Med Hyg 1997; 91:
422-424.
Thadepalli H, Rambhatla K, Niden A H. Transtracheal
aspiration in diagnosis of sputum smear-negative
tuberculosis. JAMA 1977; 238: 1037-1040.
Gibson N, Boillot F, Jalloh H. The cost of tuberculosis to
patients in Sierra Leone's war zone. Int J Tuberc Lung Dis
1998; 2: 726-731.
Oshiname F O, Brieger W R. Primary care training for
patent medicine vendors in rural Nigeria. Soc Sci Med
1992; 35: 1477-1484.
Kaluwa O L, Feluzi H G, Zingani A M. Sentinel
surveillance report 1996. HIV/syphilis seroprevalence in
antenatal clinic attenders. Lilongwe, Malawi: National
AIDS Control Programme, 1996.
Wilkinson D, Pillay M, Davies G R, Lombard C, Sturm A
W, Crump J. Molecular epidemiology and transmission
dynamics of Mycobacterium tuberculosis in rural Africa.
Recours aux soins et processus de diagnostic chez les tuberculeux pulmonaires à bacilloscopie positive
17
18
Trop Med Int Health 1997; 2: 747-753.
Gilks C F, Godfrey-Faussett P, Batchelor B I F, et al.
Recent transmission of tuberculosis in a cohort of HIV-1
infected female sex workers in Nairobi, Kenya. AIDS
1997; 11: 911-918.
Lawn S D, Shattock R J, Griffin G E. Delays in the
diagnosis of tuberculosis: a great new cost. Int J Tuberc
7
Lung Dis 1997; 1: 485-486.
19 Squire S B, Wilkinson D. Strengthening "DOTS" through
community care for tuberculosis. BMJ 1997; 315: 13951396.