Pour le diagnostic de ta tuberculose pulmonaire au Malawi, des

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Pour le diagnostic de ta tuberculose pulmonaire au Malawi, des
INT J TUBERC LUNG DIS 13(1):99–104
© 2009 The Union
Pour le diagnostic de la tuberculose pulmonaire au Malawi,
des mesures simples sont aussi efficientes que des
techniques invasives
D. J. Bell,*† R. Dacombe,‡ S. M. Graham,†§ A. Hicks,¶ D. Cohen,# T. Chikaonda,† N. French,†,**
M. E. Molyneux,†,†† E. E. Zijlstra,# S. B. Squire,†† S. B. Gordon†,‡‡
* Tropical and Infectious Diseases Unit, Royal Liverpool University Hospital, Liverpool, UK ; † Malawi-Liverpool-Welcome
Trust Clinical Research Programme, College of Medicine, University of Malawi, Blantyra, Malawi ; ‡ Liverpool Associates
in Tropical Health, Liverpool School of Tropical Medicine, Liverpool, UK ; § Centre for International Child Health,
Department of Paediatrics, University of Melbourne and Murdoch Children’s Research Institute, Royal Children’s
Hospital Melbourne, Parkville, Victoria, Australia ; ¶ Department of Respiratory Medicine, University Hospital Aintree,
Liverpool, UK ; # Department of Medicine, College of Medicine, University of Malawi, Blantyra, Malawi ; ** Department
of Epidemiology and Population Health, London School of Hygiene & Tropical Medicine, London, †† Clinical Group, and
‡‡ Pulmonary Immunology Group, Liverpool School of Tropical Medicine, Liverpool, UK
RÉSUMÉ
C O N T E X T E : La détection des cas de tuberculose pulmonaire (TP) à bacilloscopie positive est un élément vital pour la
lutte contre la tuberculose (TB). Les méthodes d’amélioration du recueil de crachats sont disponibles, mais leur avantage additionnel reste douteux dans les contextes à faibles ressources.
O B J E C T I F : Comparer au Malawi les rendements diagnostiques de cinq méthodes d’obtention des crachats chez des
adultes diagnostiqués comme TP à bacilloscopie négative.
S C H É M A : On a prélevé dans le laboratoire de l’étude les crachats expectorés spontanément sous supervision pour
examen microscopique et culture. Chez les patients à bacilloscopie négative, on a prélevé des échantillons d’expectoration à l’aide de la physiothérapie, de l’induction des crachats et le lendemain matin les produits de lavage gastrique
et de lavage broncho-alvéolaire.
R É S U LTAT S : On a exploré 150 patients chez qui le service hospitalier avait diagnostiqué une TP à bacilloscopie négative. Chez 39 d’entre eux (26%), les frottis provenant d’une expectoration spontanée supervisée se sont avérés positifs au laboratoire de l’étude. On a enrôlé les 111 patients restants, confirmés comme à bacilloscopie négative ; 89%
d’entre eux étaient séropositifs pour le virus de l’immunodéficience humaine. Les techniques d’amélioration du recueil des expectorations ont permis de diagnostiquer sept cas supplémentaires à bacilloscopie positive. On n’a pas observé de différence entre les diverses méthodes pour le nombre de cas détectés ; 44 (95,6%) des 46 cas à bacilloscopie
positive ont pu être détectés à partir d’échantillons d’expectorations spontanées ou assistées par physiothérapie.
C O N C L U S I O N S : Pour des pays comme le Malawi, l’utilisation optimale des ressources limitées de détection des cas
de TP à bacilloscopie positive consisterait à améliorer la qualité de la collecte des crachats expectorés spontanément
et celle de l’examen microscopique. Le rendement diagnostic supplémentaire du recours au lavage broncho-alvéolaire
est limité par rapport à l’expectoration induite.
M O T S - C L E S : expectoration induite ; lavage gastrique ; physiothérapie ; LBA ; VIH
LA PANDÉMIE du virus de l’immunodéficience humaine (VIH) a provoqué une augmentation exponentielle du nombre de patients diagnostiqués comme tuberculeux (TB) à bacilloscopie négative en Afrique.1
Au Malawi, le diagnostic de tuberculose pulmonaire
(TP) à bacilloscopie négative est porté sur la base d’une
toux de plus de 3 semaines, d’un échec de réponse
aux antibiotiques standard, d’un cliché thoracique
anormal (quand il est disponible) et d’un examen microscopique négatif à la recherche des bacilles acidorésistants (BAAR) provenant de trois échantillons de
crachats expectorés spontanément et prélevés sur une
période d’au moins 2 jours. Les résultats du traitement au Malawi sont plus mauvais chez les patients
atteints de TP à bacilloscopie négative que chez ceux
à bacilloscopie positive ; ceci est dû en partie au fait
que l’on traite pour TB des patients qui ne souffrent
pas de TB mais d’autres formes de maladies pulmonaires liées au VIH.2
Nous avons évalué les améliorations qu’on pourrait attendre dans le rendement diagnostique par des
méthodes renforcées de recueil des crachats utilisant
Auteur pour correspondance : David Bell, Tropical and Infectious Diseases Unit, Royal Liverpool University Hospital, Liverpool, L7 8XP UK. Tel : (+44) 151 706 3835. Fax : (+44) 151 706 5944. e-mail : [email protected]
[Traduction de l’article : « Simple measures are as effective as invasive techniques in the diagnosis of pulmonary tuberculosis
in Malawi » Int J Tuberc Lung Dis 2009; 13 (1): 99–104]
2
The International Journal of Tuberculosis and Lung Disease
l’examen microscopique et la culture mycobactérienne
des expectorations. Nous avons comparé l’expectoration spontanée avec celle assistée par physiothérapie, avec le lavage gastrique, l’expectoration provoquée et le lavage broncho-alvéolaire (LBA). Le recueil
des crachats assisté par physiothérapie est une méthode simple qui n’exige qu’une formation du personnel et aucun équipement sophistiqué, et pourrait
être adoptée facilement dans des contextes à ressources limitées.
POPULATION ET MÉTHODES DE L’ÉTUDE
Sujets et contexte
Cette étude a été menée au Queen Elizabeth Central
Hospital de Blantyre, Malawi, entre juin 2005 et août
2006. Ont été invités à participer à l’étude les patients
adultes hospitalisés, chez qui le diagnostic de TP à
bacilloscopie négative avait été porté, qui n’étaient
pas encore sous traitement antituberculeux et chez
lesquels trois échantillons de crachats expectorés spontanément et récents avaient été considérés comme à
bacilloscopie négative sur base de l’examen direct des
frottis au laboratoire de l’hôpital. On a identifié les
recrues potentielles pour l’étude à l’endroit de l’enregistrement pour traitement de TP à bacilloscopie
négative ou après transfert à partir d’autres cliniciens du département. On a exclu les patients atteints
d’épanchement pleural, d’ascite ou d’asthme ainsi que
ceux dont la saturation en oxygène était <94% sous
air ambiant.
L’étude a bénéficié de l’approbation éthique des
Comités d’Ethique de la Recherche du Collège de Médecine au Malawi et de la Liverpool School of Tropical Medicine au Royaume-Uni.
Recueil des échantillons et schéma de l’étude
On a recueilli un échantillon satisfaisant de crachats
(muqueux et non salivaire) expectoré spontanément
sous observation directe chez tous les sujets en vue d’un
examen au laboratoire de recherche. Si cet échantillon de crachats s’avérait positif pour les BAAR, le
patient était exclu des investigations ultérieures. Les
patients confirmés comme à bacilloscopie négative
qui ont donné leur consentement éclairé ont été enrôlés et on a recueilli une expectoration assistée par
physiothérapie ainsi que des échantillons d’expectoration provoquée. On a recueilli les données cliniques,
y compris le statut VIH (quand il était connu) ainsi
que les antécédents médicaux anciens et actuels. En
vue du recueil de l’expectoration assistée par physiothérapie, on a demandé au patient de pratiquer des
respirations profondes pendant qu’un clinicien lui
percutait le thorax à mains creuses. On a ensuite secoué le thorax du patient pendant approximativement
5 minutes. Finalement, on lui a demandé d’expirer
sur lèvres serrées. La procédure a été interrompue à
n’importe quel moment de ce processus si le patient
se mettait à tousser et produisait un échantillon satisfaisant.3 L’expectoration provoquée a été recueillie en
utilisant des techniques standard. En bref, on a utilisé
un nébuliseur ultrasonique Mistogen EN145 (Mistogen Equipment, Oakland, CA, USA) contenant de
15 à 20 ml d’une solution saline stérile à 3%. Le patient a respiré dans le nébuliseur pendant 10 à 20 minutes ou jusqu’au moment où un échantillon satisfaisant était obtenu.
Des échantillons de tubage gastrique ont été recueillis le matin suivant, avant toute consommation
de liquide ou d’aliments. On a introduit une sonde
naso-gastrique de gauge 14 et pratiqué l’aspiration
gastrique avec ou sans lavage au moyen de 20 ml de
solution saline isotonique en fonction du volume obtenu par aspiration. Immédiatement après ceci, on a
pratiqué une bronchoscopie selon une technique décrite antérieurement.4 On a utilisé de la xylocaïne par
voie locale et recueilli le LBA dans le lobe moyen
droit en utilisant des volumes de 50 ml de solution
saline isotonique stérile répétées jusqu’à un volume
de lavage maximum de 200 ml ou jusqu’au moment
où l’on a pu aspirer 50 ml de liquide. On a revu les
patients dès que l’ensemble des résultats de l’examen
microscopique a été disponible, et le traitement approprié leur a été prescrit par le clinicien en charge de
leur traitement. Aucun suivi complémentaire n’a été
mis en place au sein de cette étude.
Examen microscopique et culture
des mycobactéries
Les échantillons de LBA et de lavage gastrique ont été
centrifugés à 3.000 tours/min pendant 15 minutes et
on a écarté le surnageant. Les crachats obtenus par
expectoration spontanée, par aide physiothérapique
ainsi que l’expectoration provoquée et les culots de
lavage gastrique et de LBA ont été d’abord décontaminés par un isovolume de soude caustique à 4%.
Ce mélange a été agité au vortex, laissé à température ambiante pendant 15 minutes et soumis à nouveau au vortex à la 10ème minute. Après 15 minutes,
le mélange a été agité au vortex, puis centrifugé à
3.000 tours/min pendant 15 minutes et l’on a écarté le
surnageant. On a préparé les lames à partir des sédiments et on les a colorées par la méthode de ZiehlNeelsen en vue de l’examen microscopique. Pour
chaque échantillon, on a inoculé deux gouttes de sédiment sur la pente des tubes de Löwenstein-Jensen,
un tube contenant acide et œuf et l’autre acide et
œuf + pyruvate. Ces tubes ont été incubés à l’air à
37°C jusqu’à 8 semaines. Les tubes ont été contrôlés
chaque semaine à la recherche d’indices de croissance
de colonies.
Méthodes statistiques
Au total, nous avions planifié le recrutement de 150 patients, puisque les études antérieures avaient montré
qu’un tiers des patients à bacilloscopie négative serait
Diagnostic de la TB pulmonaire
confirmé comme TP par l’examen microbiologique.5
Cinquante patients atteints de TP confirmée (intervalle
de confiance [IC] 95% 25–41) auraient permis de
mettre en évidence une différence statistiquement significative entre les diverses méthodes de diagnostic
par diminution de moitié du nombre de cas détectés
(25 cas, IC95% 11–23), calculée selon la version 9
Stata (StataCorp, College Station, TX, USA).
Contrôle de qualité
Une assurance externe de qualité de l’examen microscopique a été réalisée à la Liverpool School of Tropical Medicine sur 100 lames consécutives et sur toutes
les lames positives. Le lecteur des 100 lames consécutives ignorait les résultats. La détermination de l’espèce mycobactérienne a été menée sur les cultures positives transférées au Royaume-Uni.
RÉSULTATS
On a dépisté en vue de l’étude 154 patients chez qui
le diagnostic clinique de TP à bacilloscopie négative
avait été porté ; quatre d’entre eux ont refusé de participer. Les 150 patients restants ont tous fourni un
échantillon de crachats expectorés spontanément sous
observation ; à partir de cet échantillon, 39 (26%)
ont été diagnostiqués comme TP à bacilloscopie positive. Les 111 patients restants, chez qui une TP à bacilloscopie négative avait été confirmée, ont accepté
des techniques invasives : leur âge moyen était de
36 ans (extrêmes 18–71), 58% étaient de sexe masculin et 84 patients (75,6%) connaissaient leur statut
VIH : 75 (89%) étaient séropositifs pour le VIH et
presque tous étaient au stade 3 ou 4 de la maladie.
Chez toutes les recrues, les résultats récents de l’examen des crachats expectorés spontanément avaient
été négatifs au laboratoire de l’hôpital. La durée médiane entre le résultat négatif et le recrutement a été
de 4,5 jours (extrêmes 1–21).
Chez 18 des 111 patients recrutés, le diagnostic de
TP à bacilloscopie et/ou à culture positives a été confirmé grâce aux méthodes renforcées de recueil des
expectorations et à la culture mycobactérienne. Les
caractéristiques cliniques, y compris l’âge, les antécédents de TB, la prévalence du VIH et les symptômes
ont été similaires entre ces 18 patients et les 93 où le
diagnostic de TP n’avait pas été confirmé. Une confirmation du diagnostic de TP a été plus probable chez
les patients signalant un contact TB dans le ménage
(odds ratio [OR] 3,4 ; IC 95% 1,16–10 ; P = 0,017).
Chez neuf des 18 diagnostics, celui-ci a été acquis
par la culture de l’échantillon de crachats expectoré
spontanément. L’inclusion des méthodes renforcées
de recueil des crachats n’a obtenu au total que neuf
diagnostics complémentaires de TP. L’expectoration
assistée par physiothérapie a détecté cinq de ces neuf
nouveaux cas, l’expectoration provoquée quatre des
neuf, le tubage gastrique quatre des neuf et le LBA
3
deux des neuf. Le diagnostic de TP à bacilloscopie
et/ou à culture positive a été acquis chez 15 des 18 patients (83,3%) sans nécessiter un lavage gastrique ou
un LBA.
Un grand nombre de pays à ressources limitées recourent seulement à l’examen microscopique des crachats pour le diagnostic de TP, et en général les cultures mycobactériennes ne sont pas disponibles. Grâce
à l’emploi de techniques renforcées de recueil des crachats, on a pu diagnostiquer sept cas supplémentaires
à bacilloscopie positive sur les 111 patients confirmés
précédemment comme à bacilloscopie négative. L’expectoration assistée par physiothérapie a détecté cinq
de ces nouveaux cas à bacilloscopie positive sur sept,
l’expectoration provoquée quatre/sept, le lavage gastrique trois/sept et le LBA trois/sept. Deux des cinq
nouveaux cas à bacilloscopie positive détectés à partir d’expectoration assistée par physiothérapie ont été
également positifs à la culture du crachat expectoré
spontanément.
Diagnostic par les méthodes de recueil
d’échantillons
La Figure met en évidence le gain diagnostique supplémentaire obtenu grâce aux échantillons prélevés
par les différentes méthodes de recueil utilisées dans
l’ordre d’accroissement du caractère invasif, c’est-àdire l’expectoration spontanée suivie de l’expectoration assistée par physiothérapie, l’expectoration provoquée, le lavage gastrique et finalement le LBA. On
a tracé deux lignes, une montrant uniquement les résultats du frottis et l’autre considérant ensemble les
résultats des frottis et des cultures. Le Tableau met en
évidence le nombre de procédures pratiquées sur les
111 patients qui ont été retenu pour les méthodes invasives (puisqu’il avait été démontré qu’ils avaient
une bacilloscopie négative sur l’échantillon expectoré
spontanément), ainsi que le nombre de résultats à
Figure Nombre de diagnostics de TP confirmés par les frottis
(ligne continue) et par les frottis et la culture (ligne discontinue)
en utilisant des échantillons obtenus par des techniques de plus
en plus invasives. TP = tuberculose pulmonaire ; LBA = lavage
broncho-alvéolaire.
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The International Journal of Tuberculosis and Lung Disease
Tableau Nombres de chacune des procédures pratiquées et nombres d’échantillons à bacilloscopie positive et à bacilloscopie
et /ou culture positives obtenus chez les 111 patients retenus dans l’échantillonnage invasif*
Expectoration
spontanée
(n = 111)
Frottis positif,
n (%), (IC 95%)
Frottis et /ou culture positifs
n (%), (IC 95%)
0
9 (8,1), (3,8–14,8)
Expectoration
assistée par
physiothérapie
(n = 109)
Expectoration
provoquée
(n = 111)
Lavage
gastrique
(n = 91)
LBA
(n = 71)
5 (4,6), (1,5–10,4)
4 (3,6), (0,9–9,0)
3 (3,3), (0,6–9,3)
3 (4,2), (0,9–11,9)
10 (9,2), (4,4–16,2)
13 (11,7), (6,4–19,1)
10 (11), (5,4–19,3)
6 (8,5), (3,2–17,5)
* Trente-neuf patients chez qui une bacilloscopie positive avait été obtenue par répétition de l’expectoration spontanée n’ont pas été inclus.
LBA = lavage broncho-alvéolaire ; IC = intervalle de confiance.
bacilloscopie positive ou de résultats à bacilloscopie
e/ou à culture positive (ainsi que leurs IC à 95%) que
chacune des méthode avait obtenu. Nous n’avons pas
été à même de pratiquer l’ensemble des techniques
sur l’ensemble des 111 patients en raison de limitations d’équipement et/ou de personnel (deux expectorations assistées par physiothérapie, cinq lavages
gastriques et 18 LBA), par suite d’un refus de consentement (13 lavages gastriques, 14 LBA) et en raison
de mauvais état de santé du patient (trois lavages gastriques et huit LBA). On n’a pas noté de différences
significatives dans les taux de détection obtenus par
les différentes méthodes car les IC à 95% se superposaient pour chacune des méthodes. On a décelé des
lésions de sarcome de Kaposi dans l’arbre bronchique
de six des 71 patients (8,5%) qui avaient subi une
bronchoscopie ; les résultats TB n’ont été positifs
chez aucun de ces patients.
Toutes les lames signalées comme positives par le
microscopiste de l’étude ont été confirmées comme
positives lors du réexamen à Liverpool ; aucune lame
positive supplémentaire n’a été mise en évidence. Les
cultures mycobactériennes provenant de six des patients à culture positive ont été soumises à la détermination de l’espèce. Il s’agissait dans tous les cas du
complexe Mycobacterium tuberculosis.
DISCUSSION
La détection des cas de patients atteints de TP par
l’examen des frottis est un élément essentiel pour la
stratégie de lutte antituberculeuse, en particulier dans
les pays à endémie VIH comme le Malawi.6 On dispose de diverses méthodes pour obtenir des échantillons chez les patients suspects de TP, bien que leur
degré d’accessibilité varie entre les pays plus pauvres
et plus riches. Nous avons comparé les rendements
diagnostiques des crachats obtenus en utilisant des
méthodes d’agressivité croissante chez les patients chez
qui le diagnostic clinique de TP à bacilloscopie négative avait été porté. Nous n’avons pas trouvé de différences significatives dans les taux de détection de ces
diverses méthodes.
Sur les 150 patients diagnostiqués comme TP à bacilloscopie négative par le service de l’hôpital, chez
57 (38,7%) le diagnostic final de TP confirmé par
frottis et/ou culture a été porté, un résultat en accord
avec des études antérieures d’origine africaine.5 Par la
simple amélioration de la qualité du recueil des crachats expectorés spontanément et de l’examen microscopique, nous avons détecté 39 cas (26%) à bacilloscopie positive. Par l’utilisation des méthodes
renforcées de recueil des crachats, nous avons détecté
sept cas supplémentaires à bacilloscopie positive. Au
total, on a trouvé 46 cas à bacilloscopie positive dont
44 (95,7%) pouvaient être détectés par l’utilisation
de la seule expectoration spontanée ou assistée par
physiothérapie. Il s’agit d’un fait encourageant pour
un contexte comme le Malawi où les méthodes plus
invasives ou plus sophistiquées de recueil des crachats
ne sont que rarement disponibles.
L’utilisation de la culture mycobactérienne et des
méthodes renforcées de recueil de l’expectoration nous
a permis de diagnostiquer une TP à bacilloscopie et/
ou à culture positives chez 18 (16,2%) des 111 patients confirmés antérieurement comme à bacilloscopie négative ; 54 (93%) de ces 57 cas de TP confirmés comme à bacilloscopie et/ou à culture positive
ont été détectés sans nécessiter de lavage gastrique ou
de LBA. La Figure illustre que, dans ce groupe de patients, le rendement diagnostique supplémentaire en
cas de TP confirmée diminue rapidement lorsque l’on
utilise des méthodes plus invasives et plus coûteuses.
Chez 93 patients, nous n’avons pas pu établir un
diagnostic final ferme expliquant leur toux chronique.
D’autres causes habituelles chez les patients séropositifs pour le VIH dans ce contexte comportent la
pneumonie à Pneumocystis jirovecii, le sarcome pulmonaire de Kaposi, la pneumonie bactérienne et les
infections à salmonelles non-typhiques. Les lésions
du sarcome de Kaposi ont été observées dans l’arbre
bronchique de six des patients (8,5%) de cette étude
chez qui une bronchoscopie avait été pratiquée.
Le pouvoir statistique de cette étude peut avoir été
insuffisant pour la détection de différences dans les
taux de détection des différentes méthodes de recueil
de crachats, et le nombre de patients confirmés comme
atteints de TP que nous avons détectés aurait pu être
supérieur si nous avions recouru à l’expectoration
provoquée plus d’une fois chez chaque patient.7 En
outre, on n’a pratiqué le LBA que dans le lobe moyen
droit, sans tenir compte de la localisation de la maladie
Diagnostic de la TB pulmonaire
sur le cliché thoracique, ce qui peut avoir causé un
plus faible rendement.
Il a été démontré antérieurement que l’amélioration
de la qualité des crachats augmentait le rendement de
l’examen microscopique des crachats. Dans une étude
provenant du Pakistan chez les femmes ayant bénéficié de directives sur la façon de produire un bon
échantillon de crachats avant de fournir l’échantillon,
les chances de positivité ont été plus grandes que chez
les contrôles.8 Dans une autre étude provenant d’Indonésie, la formation des patients préalable au recueil
des crachats a entraîné un taux de détection de 15,1%
supérieur par comparaison avec le groupe contrôle.9
A côté de la qualité obtenue de l’échantillon de crachats, d’autres facteurs peuvent avoir contribué à
l’accroissement du rendement diagnostique provenant
d’échantillons répétés produits spontanément. Ceuxci comportent la qualité de l’examen microscopique,
la progression de la maladie entre le premier prélèvement de crachats au sein du système de santé de routine ainsi que la répétition des prélèvements dans
l’étude. La concentration de l’expectoration par l’eau
de Javel et la centrifugation avant l’examen microscopique augmentent la sensibilité par comparaison avec
l’examen microscopique direct du frottis ;10 dans une
étude d’une cohorte séropositive pour le VIH, on a signalé une augmentation de sensibilité de 11%.11 Dans
cette étude, l’examen microscopique a été pratiqué
dans un laboratoire de recherche utilisant des produits
concentrés alors que l’examen microscopique initial
a été pratiqué sur des frottis directs dans un laboratoire hospitalier très actif où un certain nombre de
contraintes compromettaient la qualité de l’examen
microscopique.12 La durée médiane entre le résultat
du crachat négatif provenant du laboratoire hospitalier et celui du recrutement a été brève, se situant à
4,5 jours (extrêmes 1–21) ; pour cette raison, la progression de la maladie doit avoir été limitée dans la
plupart des cas, mais peut avoir expliqué la détection
de quelques uns des cas supplémentaire à bacilloscopie positive dans l’étude.
Des travaux sur les rendements diagnostiques par
les différentes méthodes de recueil des crachats varient ; une étude provenant de Nouvelle-Zélande a
montré que les tests sur expectoration provoquée
étaient plus sensibles que le LBA pour la détection de
la TP,13 et une autre étude a trouvé que l’expectoration
provoquée étaient plus sensible que le lavage gastrique
chez de jeunes en Afrique du Sud.14 L’expectoration
provoquée s’est avérée antérieurement améliorer le
diagnostic de la TP chez les enfants et les adultes au
Malawi.3,15 Elle a l’avantage de ne pas exiger une admission hospitalière (comme c’est la cas pour le lavage gastrique) ou un équipement et une expertise sophistiqués, comme c’est la cas pour le LBA), mais elle
exige un équipement (nébuliseur) qui n’est habituellement pas disponible. La technique d’expectoration
provoquée inclut habituellement une physiothérapie
5
thoracique ; une étude chez les enfants en Afrique du
Sud a signalé que la physiothérapie thoracique à elle
seule était aussi efficace que l’expectoration provoquée pour le diagnostic de la TP (données non publiées, S Kara). Nos résultats sont concordants avec
une étude récente au Royaume-Uni qui a comparé de
multiples procédures d’expectorations provoquées et
de tubage gastrique au LBA pour le diagnostic de la
TP chez 107 patients incapables de produire une expectoration spontanée. Environ 3,5% de ces patients
étaient séropositifs pour le VIH. L’étude a conclu que
dans ce groupe de patients, trois échantillons d’expectoration provoquée étaient plus sensibles que trois
échantillons de lavage gastrique, et que la bronchoscopie et le LBA n’amélioraient pas la sensibilité du
diagnostic.16
Nos données suggèrent que dans les pays endémiques à la fois pour la TB et le VIH, comme le Malawi, la meilleure utilisation des ressources limitées
pour la détection des cas de TP à bacilloscopie positive consisterait à améliorer la qualité du recueil des
crachats expectorés spontanément ainsi que l’examen
microscopique. Pour des pays comme le RoyaumeUni, où les services de culture mycobactérienne sont
présents et où l’accès à l’expectoration ou au LBA est
facile, les médecins devraient être conscients du fait
que lors d’une investigation de cas suspects de TP, le
rendement diagnostique supplémentaire obtenu par
le LBA après expectoration provoquée pourrait être
limité. Dans notre étude, la technique simple de physiothérapie thoracique pour aider à la production de
crachats a entraîné cinq diagnostics supplémentaires
à bacilloscopie positive de plus que ceux obtenus par
l’expectoration spontanée. Bien que ceci ne soit pas
significativement supérieur au rendement après utilisation des autres méthodes, la physiothérapie n’exige
ni solution saline hypertonique ni équipement, et elle
n’est pas invasive. Il y aurait lieu de planifier des
études ultérieures en Afrique sub-saharienne pour évaluer son rôle possible dans un contexte opérationnel.
Remerciements
Les auteurs remercient S Kara, physiothérapeute, pour la formation du personnel aux techniques de physiothérapie thoracique et
d’expectorations provoquées. Ils remercient également R Cooke,
l’équipe de l’étude, G Mwafulirwa, R Malamba, N Mthunkama,
M Kunkeyani et G Musowa ainsi que les patients et le personnel
du Queen Elizabeth Central Hospital, Malawi. Cette étude a bénéficié de subsides du Trust Wellcome (WT). D J Bell a obtenu une
bourse de formation WT en Médecine Clinique Tropicale (no.
066681), S M Graham a obtenu une bourse WT (core grant
074124/Z/04/Z), N French a obtenu une bourse d’élaboration de
carrière de WT (no.061230) et S B Gordon a obtenu une bourse
d’élaboration de carrière de WT (no. 061231). Le Wellcome Trust
n’a eu aucun rôle dans la planification de l’étude ni dans l’analyse
des données ou la préparation du manuscrit.
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