La Tribune - Michel et Augustin

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La Tribune - Michel et Augustin
LA TRIBUNE
Pays : France
Périodicité : Quotidien
Date : 02/04 AVRIL 16
Page de l'article : p.9,10,11,1
Journaliste : Philippe Mabille /
Marina Torre
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L'ENTRETIEN
« LE BON MOMENT POUR LANCER UNE
ENTREPRISE, C'EST MAINTENANT » MICHEL
ET AUGUSTIN
P R O P O S R E C U E I L L I S PAR P H I L I P P E M A B I L L E ET MARINA T O R R E
Pour leur succès fulgurant aux Etats-Unis où, d'ici à la fin de 2016, les « trublions du goût »
seront distribués dans près de 12.000 Starbucks, mais aussi pour l'originalité de leur
marketing viral et leur défense du « Made in France », La Tribune a décidé de remettre un
prix spécial « Entrepreneurs de l'année 2015 » à Michel de Rovira et à Augustin PaluelMarmont, de Michel et Augustin. Entretien exclusif.
En orchestrant un « buzz » sur les réseaux sociaux, les Français Michel & Augustin ont mis en
scène leur entrée fracassante chez Starbucks. En juin 2015, au terme d'une campagne acharnée et
avec le soutien de leurs « fans » sur Twitter et Facebook, deux responsables de la communication
de la jeune marque de biscuits et desserts se sont invités chez Howard Schultz, le patron de la
chaîne de cafés. Le groupe américain, qui les avait déjà repérés, a fait plus que répondre à leur «
coup » de communication, il leur a ouvert en grand les portes d'un marché difficile d'accès en
distribuant leurs produits dans plus de 7.000 points de vente. Augustin Paluel-Marmont et Michel de
Rovira accomplissent ainsi un rêve d'entrepreneurs en s'exportant vite et loin. Le premier est parti à
Brooklyn pour le réaliser. Le second reste à Boulogne-Billancourt pour piloter les autres activités de
l'entreprise. C'est là, dans leurs locaux baptisés « Bananeraie » où flottent des effluves de chocolat
Tous droits réservés à l'éditeur
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et de madeleine, qu'ils nous livrent quelques-unes de leurs recettes.
LA TRIBUNE - Michel et Augustin a connu une forte accélération de sa stratégie
d'internationalisation. Comment l'avez-vous organisée ?
MICHEL DE ROVIRA ET AUGUSTIN PALUEL-MARMONT - Nous avons longtemps été frileux.
Nous voulions d'abord montrer un cas d'école en France avant de disperser nos forces ailleurs.
Après avoir eu les bons signaux en France, nous avons commencé à tester des marchés et lancé
nos produits dans une vingtaine de pays, en commençant par les plus proches, notamment La
Belgique et la Suisse. Puis nous avons ciblé un certain nombre de pays plus éloignés, en particulier
l'Asie. Nous avons plutôt visé des villes : Hong Kong, Shanghai, Tokyo, Dubaï...
Nous avons testé la collaboration directe avec des enseignes, travaillé avec un agent, un
distributeur, un transitaire à Rungis.
Actuellement, votre déploiement international s'accélère surtout aux États-Unis. Pourquoi
avoir choisi ce marché très concurrentiel ?
Après une étude approfondie, nous avons choisi un marché où il y a de grandes métropoles, des
enseignes de distribution de qualité équivalentes à Monoprix, et un goût pour la gastronomie
française. Nous avons hésité entre le Japon et les États-Unis. Le choix s'est porté sur ce dernier
pour des raisons pratiques : il faut douze jours de bateau pour traverser l'Atlantique tandis que pour
le Japon, il faut 40 jours. Les niveaux d'exigence et de normes sont un petit peu plus légers aux
États-Unis.
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Nous avons démarré là-bas comme nous l'avions fait à Paris, en démarchant les points de vente
les uns après les autres : des épiceries fines, des fromagers... Cela correspond à notre stratégie
d'implantation : commencer dans des villes, sur un créneau « premium », uniquement avec des
biscuits, et positionner la marque en touchant un public prescripteur. Si cela fonctionne, nous
tentons de reproduire ce succès dans d'autres villes. Cette approche est un peu similaire à celle
d'Uber dans le transport de personnes.
// faudra que toute la chaîne de production et de logistique suive. Comment faites-vous face
à une montée en puissance d'une telle ampleur ?
C'est là où nous sommes ravis qu'il se soit déjà passé six mois entre l'annonce de notre entrée
chez Starbucks et la réalité de ce lancement. Nous avons commencé dans 25 points de vente à
Manhattan. C'était facile, nous avions les stocks sur place. Puis on est passé à 400 en octobre,
pour ensuite arriver à 7624 en janvier. Il fallait que tout soit prêt fin novembre dans les entrepôts de
Starbucks. Cela supposait d'avoir terminé la production presque un mois plus tôt pour tenir compte
de la livraison et des délais administratifs. Cette montée en puissance progressive nous a permis
de planifier la fabrication dans des quantités plus importantes chez nos partenaires à Montauban
[Le groupe Rouit, NDLR].
Le « buzz » autour de Starbucks l'a montré, vous misez beaucoup sur une stratégie de
marketing et de communication fouilles. Avez-vous déjà eu le sentiment d'être allés trop loin
?
Plus qu'une communication fouillée, c'est le reflet de ce que nous sommes : une certaine approche
joyeuse de la vie, une confiance. Le seul angle d'attaque, c'est de raconter de l'intérieur ce qui se
passe dans l'entreprise. Sans être « l'entreprise du bonheur », nous cherchons à voir le verre à
moitié plein plutôt qu'à moitié vide. Cela nous conduit à raconter tout ce qui se passe. Par exemple,
une entreprise a des difficultés à recruter, donc ça nous a amenés à tourner une vidéo dans le
métro. Une entreprise développe de nouveaux produits, et l'un des derniers chez nous ce sont des
biscuits au Beaufort. Donc, nos équipes sont allées dans le Beaufortain à la rencontre des
producteurs.
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Vous avez aussi posé une « Bananeraie » mobile à Bruxelles. Pourquoi « la Bananeraie » ?
Pour un premier projet avec Augustin, nous étions installés chez moi pour travailler et il y avait un
bananier dans mon appartement. Le terme est resté. Aujourd'hui cela a un autre sens. Nous ne
voulions pas de bureaux repliés sur eux-mêmes, mais un lieu d'accueil vivant où il y ait le plus de
passages possible grâce à des initiatives. Nous avons ainsi créé le « bureau dambroise », un
espace vide qui peut servir à un jeune entrepreneur. Il est occupé actuellement par une personne
en reconversion professionnelle.
Vous considérez-vous comme une entreprise « agile » ?
Nous sommes fiers d'avoir été récemment cités dans un classement parmi les dix entreprises les
plus « agiles » en France à côté de Samsung, Google, Skype, Disney, Le ray-Merlin, Spotify,
Uniqlo...
Cette « agilité » peut-elle se décider ou seulement se constater ?
Cela correspond à un souhait de départ. Nous avons eu un responsable commercial qui disait : «
Ce ne sont pas les gros qui mangent les petits, mais les rapides qui mangent les lents ».
Maintenant, notre préoccupation c'est de rester agiles et ne pas s'engoncer dans des processus
opérationnels. C'est bien de se structurer, mais il faut maîtriser ses méthodes de travail plutôt que
les subir.
Comment votre actionnaire majoritaire Artémis, la holding de la famille Pinault, accompagnet-il votre développement, au-delà des enjeux financiers ?
Nous avons la chance d'avoir des actionnaires qui savent suivre des entrepreneurs, leur apporter
leur expertise. Lors de notre installation aux États-Unis, Kering nous a aidé sur des sujets
administratifs, pour trouver des locaux, etc. Notre actionnaire a aussi des participations qui se
rapprochent un peu de nous, notamment dans le vin, qui s'accompagne volontiers de biscuits
salés. Nous avons eu des échanges sur ces sujets.
C'est un actionnaire très adapté qui sait que faire émerger une marque prend du temps, surtout sur
des marchés aussi concurrentiels que les nôtres. Dans un supermarché, on prend soixante à
quatre-vingt-dix secondes pour choisir des biscuits. Naturellement, on attrape toujours le même
paquet. Faire changer une habitude est très difficile.
Votre histoire est celle d'une entreprise créée entre amis, avec toutes les difficultés que cela
peut comporter. Quelle « recette » d'entrepreneurs donneriez-vous à des jeunes qui
souhaitent se lancer ?
La première chose, c'est que le bon moment pour lancer une entreprise, c'est maintenant. Trop de
personnes sont un peu velléitaires et se disent qu'ils seront entrepreneurs après avoir eu une
première expérience professionnelle, quand leurs enfants seront plus grands, quand ils auront mis
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assez d'argent de côté... La deuxième leçon que je tire de notre expérience : c'est quand même
plus sympa à deux ou trois. Réussir à fédérer deux ou trois amis autour d'un projet, c'est aussi un
moyen de faire venir d'autres talents, d'autres compétences. Sur le papier, Augustin et moi avons
un profil similaire. Nous avons fait tous les deux une école de commerce, nous venons du même
lycée. Mais il suffit de passer cinq minutes avec nous pour comprendre qu'Augustin est créatif, très
intuitif, impliqué dans la communication, le marketing, le développement, alors que je suis l'inverse :
plus rationnel.
Troisième point : les chances de succès étant faibles, autant choisir un univers pour lequel vous
avez une vraie passion. Si je fais un bilan des dix dernières années avec Augustin, nous avons
tellement appris, passé de tellement bons moments... que peu importe qu'à la fin ce soit un succès
ou pas.
Nous avons la chance d'avoir un produit très concret, que l'on peut prendre dans la main, triturer,
regarder. Avant, je faisais du conseil et la chose la plus concrète, c'était des diapositives.
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