Faire du testing en toute légalité
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Faire du testing en toute légalité
FICHE PRATIQUE N°11 www.animafac.net LUTTE CONTRE LES DISCRIMINATIONS ET LES INÉGALITÉS Faire du testing en toute légalité Un CV remisé pour cause de nom à consonance étrangère, une promotion refusée à une future mère de famille ou à un salarié homosexuel... Ces discriminations rythment trop souvent la vie quotidienne des « minorités ». Les associations disposent aujourd’hui d’un moyen pour les débusquer : le testing. La méthode du testing, qui consiste à reproduire artificiellement une situation propice à la discrimination pour voir comment réagit une structure soupçonnée de pratiquer des « préférences coupables », aurait été inventée à Paris en 1939. Des étudiants antillais refusés dans une boîte de nuit du Quartier latin, le Victoria, auraient décidé de vérifier si cette fin de non recevoir était vraiment due à leur couleur de peau en envoyant successivement des couples blancs et noirs. Rapportée par un journal américain, la méthode a connu un vif succès aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne avant d’être réimportée en France dans les années 1980-1990 par le MRAP et SOS Racisme. 1. CONNAÎTRE LA LOI Les magistrats ont mis du temps à accepter le testing comme preuve. En 2000, la Cour d’appel de Montpellier avait été saisie après un testing dans des discothèques de l’Hérault. La Cour avait statué que les résultats obtenus n’avaient pas « valeur de preuve en justice car l’opération s’était déroulée sans aucune intervention d’un officier de justice ou d’un huissier de justice ». Il s’agissait donc d’un mode de preuve « qui n’offre aucune transparence et n’est pas empreint de la loyauté nécessaire à la recherche de preuves en procédure pénale et porte atteinte aux droits de la défense ». Aujourd’hui légalisé, le testing est officiellement reconnu comme une arme de lutte contre les discriminations, notamment en matière d’emploi. Organisées et capables de mobiliser des « testeurs », les associations sont évidemment les mieux placées pour réaliser ce type d’expériences. La Cour de Cassation, par un arrêt rendu le 11 juin 2002, a donné tort à la Cour d’appel de Montpellier et statué que le testing pouvait être reçu en justice en application du principe de liberté de la preuve (art. 427 du Code de procédure pénale). Mais attention, pour qu’un testing soit reconnu comme preuve par les tribunaux et qu’il soit efficace, il doit répondre à quelques règles. Commençons par nous pencher sur ce que dit la loi. Les juges sont cependant restés longtemps réticents à admettre les résultats du testing. La loi du 31 mars 2006 sur l’égalité des chances a cependant fini par les convaincre. Elle a en effet permis 1 de légaliser « la pratique des vérifications à l’improviste aussi appelées testing comme moyen de preuve d’éventuelles discriminations ». Cette légalisation s’est traduite par un article inséré dans le Code pénal (art. 225-3-1) selon lequel les délits de discrimination « sont constitués même s’ils sont commis à l’encontre d’une ou plusieurs personnes ayant sollicité l’un des biens, actes, services ou contrats (...) dans le but de démontrer l’existence du comportement discriminatoire dès lors que la preuve de ce comportement est établie ». H Pour en savoir plus sur les conditions de validité des tests, reportez-vous à la circulaire du 26 juin 2006, disponible sur www.halde.fr/IMG/pdf/1665-2.pdf 1. ORGANISER UN TESTING aSe baser sur un échantillon représentatif L’important est que vos résultats ne puissent pas être mis en doute. Plus le nombre de tests sera important, moins il prêtera à contestation. Si vous testez, par exemple, une discothèque, envoyez le plus grand nombre possible de groupes. Refuser l’accès une fois à un couple maghrébin ne prouve rien. En renvoyer dix et accepter de faire entrer dix européens a valeur de preuve. Il faut vous prémunir de toute contestation en diversifiant et en multipliant vos preuves. Il sera donc important pour vous de mobiliser un grand nombre de bénévoles. Pour cela, n’hésitez pas à rendre l’opération festive en organisant, par exemple, un repas ou une fête après l’opération. aIsoler les variables FICHE PRATIQUE DÉFINIR VOS OBJECTIFS 2 Le testing peut avoir plusieurs finalités. Il peut par exemple servir à confondre une entreprise soupçonnée de discrimination. C’est à cette fin qu’il a été utilisé dans les discothèques de l’Hérault ou lors de tests menés auprès d’agences immobilières. Mais il peut également permettre de dénoncer des discriminations généralisées menées à l’encontre d’une ou plusieurs minorités. L’Observatoire des discriminations de Paris I (Cergors) a ainsi mené une large étude sur les discriminations à l’emploi auprès de plus de 300 entreprises. Le premier type de testing est sans doute le plus adapté aux associations. Tout d’abord parce qu’il implique de mobiliser moins de moyens, mais également parce qu’il permet de se concentrer sur une minorité et les discriminations spécifiques auxquelles elle est confrontée, ce qui s’adapte mieux aux luttes particulières de chaque structure. Pour prouver que les candidats sont rejetés pour leur appartenance ethnique ou religieuse, leur sexe ou orientation sexuelle, il faut que ces variables expliquent seules les décisions du testé. Dans le cadre de son enquête sur les discriminations à l’embauche, le Cergors a ainsi utilisé la méthode de « l’audit par couple ». Deux CV sont envoyés à chaque entreprise : celui d’un homme blanc « standard », et un autre parfaitement identique où seule la variable pouvant constituer un critère de discrimination diffère. Pour ne pas éveiller les soupçons, la présentation du CV ainsi que le lieu et la date d’envoi étaient différents. La Halde a également réalisé une enquête avec des méthodes similaires. H Pour en savoir plus : www.halde.fr/Emploi,11043html?page =article_domaine&id_mot=1 ETABLIR UN PROTOCOLE D’ENQUÊTE aIdentifier le responsable Quels que soient vos objectifs, votre protocole d’enquête devra obéir à plusieurs règles pour rester le plus objectif et régulé possible. Pasfacile facilede desavoir savoirqui, qui,du duchargé chargéde de recrutement, recrutement,du duDRH DRH Pas ou encore du PDG, est coupable de discrimination. Dans son ou encore du PDG, est coupable de discrimination. Dans son enquête, le Cergors a ainsi eu du mal à savoir si la décision enquête, le Cergors a ainsi eu du mal à savoir si la décision de ne pas répondre aux minorités venait de l’ANPE ou des entreprises elles-mêmes. Si vous souhaitez confondre une structure et porter ensuite plainte contre elle, il est pourtant primordial d’établir clairement les responsabilités de chacun. Il vous faudra pour cela rechercher des appuis au sein des structures testées. Une agence immobilière de Limoges a ainsi récemment accepté d’aider à «tester» un propriétaire soupçonné de pratiquer des discriminations dans le choix de ses locataires. aFaire constater le délit Cependant, pour que les faits soient suffisants et recevables devant un tribunal, ils devront être correctement et exhaustivement notés ou rapportés. Vous devez donc vous assurer que tous les faits sont au moins enregistrés, à défaut d’être retranscrits par un huissier, et garantir la conservation des pièces qui auront été produites pendant le test. Vous pouvez également faire appel aux services de police. Gratuits, ces derniers peuvent appuyer votre testing par une enquête, à condition que vous leur donniez les éléments suffisants. 3. Donner une suite au testing aPorter plainte Les coupables de discrimination, personnes physiques ou morales, encourent des amendes voire des peines de prison. H Sur le dépôt de plainte, consultez la fiche pratique « Les associations et la justice », disponible sur le site d’Animafac, rubrique « Boîte à outils », « Fiches pratiques». aPratiquer le «naming and shaming» Cette sanction, plus pernicieuse, consiste à publier dans les médias le nom des entreprises reconnues coupables de discrimination. Les retombées pour les finances et la réputation de de ces ces établissements établissements àà vocation vocation commerciale réputation commerciale sont généralement douloureuses, et donc donc dissuasives sont généralement douloureuses, et dissuasives pour leurs leurs concurrents. concurrents. AA vous vous de de rendre rendre votre votre testing testing le le pour plus médiatique possible : alertez les médias en commuplus médiatique possible : alertez les médias en communiquant sur sur le le déroulé déroulé de de votre votre testing testing et et ses ses résultats. résultats. Si niquant Si votre association est déjà relayée par ses médias votre association est déjà relayée par ses médias propres propres (journal, site site Internet...), Internet...), n’hésitez pas àà yy faire faire publier publier les (journal, n’hésite pas les résultats de vos expériences. résultats de vos expériences. FICHE PRATIQUE L’article 225-3-1 du Code pénal reconnaît l’existence d’un délit de discrimination « dès lors que la preuve de ce comportement est établie ». La différence de traitement doit être constatée par des tiers neutres, faisant un constat objectif et rigoureux de ce qu’ils ont personnellement observé. En théorie, rien ne vous oblige donc à faire appel à un officier public ou ministériel (huissier de justice, notaire, avocat au conseil d’Etat, représentant assermenté de la HALDE...). Enfin, pour pour toucher toucher plus plus directement directement encore encore la la clientèle Enfin, clientèle de la la structure structure testée, testée, rien rien de de plus plus efficace efficace que que de de vous de vous poster àà l’entrée l’entrée un un jour jour de de grande grande affluence affluence en en prévenant prévenant poster tousceux ceuxqui quiy entrent y entrent résultats de votre testing. tous desdes résultats de votre testing. Mais Mais attention, n’oubliez pas : avant décision de justice, attention, n’oubliez pas : avant décision de justice, votre votre atesté comme n’importe à la présomption testé droit,a droit, comme n’importe qui, àqui, la présomption d’ind’innocence. nocence. H Des sites ressources : www. halde.fr,www.lacse.fr Qui sont les plus discriminés ? Le sociologue Jean-François Amadieu (Cergors) a mené l’enquête pour le compte de l’Observatoire des discriminations. Et les gagnants sont... les personnes handicapées. Elles n’ont reçu que 5 propositions d’entretien contre 75 pour un homme blanc « standard ». Viennent ensuite les personnes d’origine maghrébine avec 14 réponses positives ; les plus de 50 ans avec 20 ; les candidats au physique disgracieux, 33 ; les habitants du Val-Fourré (un quartier difficile), 45 ; et les femmes, 69. 3