Testing : larme fatale
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Testing : larme fatale
Pote à Pote Dossier : LE TESTING juil. - août - sept. 09 3 Analyse Testing : larme fatale ! Le Testing ou test de situation est utilisé pour la première fois, dans le cadre des premières études sur la discrimination au logement aux Etats-Unis puis en Angleterre entre les années 50 et 60. « Importé » en France par SOS Racisme à la !n des années 90, pour mettre au grand jour les discriminations dans l’accès aux loisirs, le testing reste malgré les limites pointées par les universitaires et les tribunaux, l’instrument le plus ef!cace dans la lutte contre les discriminations. C’est en 1955 et en 1971, dans le sud de la Californie, puis entre 1974 et 1975 à Détroit, qu’ont été menées les premières recherches, à petite échelle, basées sur la méthode du testing. C’est le département américain du logement et du développement urbain qui, en 1977, est à l’origine de la première grande étude appelée « Housing Market Practices Survey » pour identi!er les discriminations contre les African Americans dans l’accès au logement. Cette étude, désormais connue sous le sigle HMPS, a démontré l’existence d’une discrimination dans les domaines de la vente et de la location de logement, contre les African Americans à travers plus de 3 264 testings menés dans 40 zones urbaines. Cette étude, menée à Dallas en 1979, a ensuite mis en évidence la discrimination envers les hispaniques et plus particulièrement ceux à la peau foncée. Le test de situation a ensuite été utilisé pour identi!er les pratiques discriminatoires de sociétés de taxis qui refusaient des clients noirs ou refusaient les courses vers des quartiers habités en grande majorité par des populations noires. L’Angleterre puis d’autres pays européens, ont ensuite utilisé le testing pour prouver l’existence de discriminations dans les domaines de l’accès à l’emploi et aux services. Le Testing connaît « son heure de gloire » en France à travers les opérations, organisées par SOS Racisme, à la !n des années 90 à l’entrée des boîtes de nuit des grandes villes du pays. Ces opérations ont permis de lancer une ré"exion universitaire, jusqu’alors inexistantes, sur la ques- tion de la discrimination et sur les moyens de la mettre en évidence. La justice a ensuite été amenée à se prononcer sur cette méthode de recherches de preuves jusqu’au fameux arrêté de la Cour de Cassation, du 11 juin 2002, qui marque le début de reconnaissance juridique du testing. Les différents procès et travaux universitaires américains et français ont montré, au !l du temps, certaines limites de la pratique du testing comme la question de la non prise en compte de toutes les situations possibles ou le biais induit par la constitution des équipes de tester et l’isolation des critères testés. L’étude de la situation américaine soulève des questions en France qui n’ont pas encore trouvé de réponse. Le Testing aux Etats-Unis s’appuie sur des données ethniques qui permettent de dé!nir précisément le groupe victime de la discrimination. Les américains parlent de « protected class » pour désigner les personnes, appartenant à des groupes susceptibles d’être victimes de discriminations sur la base de l’origine, du sexe ou tout autre élément différenciant. Si la législation en France est précise sur les critères pouvant être source de discrimination, elle ne reconnaît pas pour autant l’existence de groupes ethniques. La comparaison entre les condamnations de discriminations suite à des opérations de testing, aux Etats-Unis et en France, révèle également une grande disparité dans les sanctions prononcées par les tribunaux. En effet, les grands procès pour discrimination aux Etats-Unis donnent lieu à des condamnations allant souvent au-delà du million de dollars d’amende, quand en France les condamnations n’excèdent que très rarement les quelques dizaines de milliers d’euros. Les tribunaux américains ajoutent le plus souvent à ces peines d’amendes, de fortes peines d’amendes destinées à !nancer les organismes de lutte contre les discriminations. Il apparaît également, au regard de cette comparaison, une approche différente du testing par les appareils judiciaires français et anglo-saxons. Si en France le juge convoque son intime conviction, en matière pénale, les tribunaux anglo-saxons s’appuient essentiellement sur les résultats des testings pour statuer sur les cas de discriminations. Près de dix ans après, son essor en France, le testing reste l’outil le plus ef!cace pour mettre à jour les pratiques discriminatoires mais il ne reste qu’un outil dont l’ef!cacité dépend grandement de sa prise en compte par la justice française. L’appareil judicaire français ne mène pas systématiquement les enquêtes complémentaires qui peuvent l’aider à prendre sa décision et se réfugie trop souvent derrière des manquements dans la constitution de la preuve. Elle n’utilise pas l’étendue des possibilités que lui offre la loi pour condamner les pratiques discriminatoires. Ces condamnations seraient autant de messages forts envoyés à la société sur la conception que nous nous faisons de la justice sociale, élément indispensable pour la construction d’une société qui reconnaît et protège toutes ses composantes. . Vus Make 1. African Americains est le terme employé pour désigner les noirs américains ayant au moins un ancêtre issu d’Afrique Subsaharienne. Le terme désigne également les Américains issus descendant de migrants en provenance des Caraïbes, d’Amérique centrale ou du Sud. 4 Pote à Pote Dossier : LE TESTING juil. - août - sept. 09 Analyse La force probante du « testing » dans le procès pénal français En droit pénal français, le non-respect du principe d’égalité est sanctionné par le délit de discrimination prévu à l’article 225-1 du Code Pénal. Aux termes de cet article, constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes physiques à raison de certaines de leurs caractéristiques propres, notamment leur origine raciale. « Traitement inégal fondé sur l’application d’un critère illégitime », le délit de discrimination se caractérise par l’extrême complexité de sa preuve. En effet, la discrimination est une infraction qui implique la mise en évidence d’un mobile illégitime (le sexe, l’origine ou l’appartenance religieuse), comme critère fondant le refus d’accès à un service ou à une prestation (logement, loisirs, emploi). Et l’on sait à quel point un mobile, élément par nature subjectif et intrinsèque à l’âme de l’individu, est dif!cile à prouver. Toutefois, cette dif!culté est atténuée par le principe de la liberté de la preuve prévue à l’article 427 du Code de Procédure Pénale qui dispose que « hors les cas où la loi en dispose autrement les infractions peuvent être établies par tout mode de preuve et le juge décide d’après son intime conviction ». En France, cette méthode a d’abord été admise par la Cour de Cassation dans un arrêt de la Chambre criminelle en date du 12 septembre 2000, *SOS Racisme contre le Pyms de Tours *, et con!rmée par le très célèbre arrêt du 11 juin 2002 de la même Chambre *SOS racisme contre 4 discothèques de Montpellier*, avant d’être, en 2006, légalement consacré dans le système juridique français, à l’article 225-3-1 du Code Pénal. Comment procède t-il alors ? Comment décide t-il de condamner ou de ne pas condamner une personne (physique ou morale) sur la base d’un testing ? C’est l’arrêt de la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation en date du 12 octobre 2004 qui répond à ces questions. La Cour de Cassation, en effet, estime que la Cour d’Appel, dont l’arrêt est soumis à sa sagacité a justi!é sa décision en considérant que, si « le testing constitue un moyen de preuve admissible, dont il convient d’apprécier la force probante », pour qu‘il permette de convaincre le tribunal il faut que des constatations soient faites pour « établir que les auteurs du refus n’avaient aucun autre motif objectif d’agir ainsi qu’ils l’ont fait et n’avaient pu être animés que par une volonté de discrimination ». C’est pour cette raison que le juge s’assure, lors de l’appréciation de la force probante du testing, que les différents testeurs sont intervenus dans des conditions quasiidentiques. . Madou Koné Interview : Malek Boutih « Le testing ? Déplacer le combat antiraciste vers les pratiques discriminatoires » Entretien avec Malek Boutih, Président de SOS Racisme de 1999 à 2003. Quels étaient les enjeux lorsque SOS Racisme a lancé les premiers testings ? Il s’agissait de faire émerger des preuves pour obtenir une décision de justice, et ainsi déplacer le combat antiraciste d’une lutte idéologique globale à une lutte contre les pratiques discriminatoires. Pour que les individus qui en sont victimes s’emparent de ce combat de défense des droits. Pourquoi avoir commencé par les boîtes de nuit ? Il y avait un symbole : l’exclusion des boîtes de nuit c’est la matrice de l’isolement de certaines populations : les ados. Cela leur inculquait une certaine forme de rapports sociaux, à un âge où l’apprentissage de ces rapports construit la personne. Cela leur apprenait à ne pas s’habituer au mélange, et cela apprenait aussi du coup à ceux qui ne les rencontraient pas à ne pas s’habituer à eux. Qui plus est, la boîte renvoie à la sexualité, avec tous ses fantasmes d’envahissement, de « vol des femmes », etc. A l’époque, la voie de la Justice était privilégiée à la négociation ou aux chartes... Pourquoi ? Chaque individu doit avoir des outils pour se défendre. Il était anormal que les gens s’adressent à SOS Racisme pour cela : ils auraient dû pouvoir aller directement devant la Justice. Il est anormal que ces droits soient traités à part. Cela renvoie à une société d’équité plus que d’égalité, avec des groupes, des lobbies, une mosaïque où le rapport de force domine. Il fallait sortir de ça, et créer des précédents faciles à utiliser, ce que nous avons permis, puisque maintenant, un témoignage suf!t pour provoquer une instruction, comme l’a reconnu un arrêt de la Cour de Cassation. De même, la pratique du testing a été validée par un autre arrêt. Il y a un nouveau clivage entre les progressistes et les conservateurs. Les uns ne sont pas moins racistes que les autres mais les premiers doivent aider les individus à s’émanciper, y compris de leurs groupes initiaux. Il faut sortir d’une logique d’assistanat politique. Mais c’est dif!cile puisque, du coup, les individus peuvent échapper aux appareils qui dirigent manifestations et pétitions... Les collectivités devraient ouvrir des bureaux de défense des droits pour permettre aux gens de lutter, plutôt que de négocier des chartes ou des labels. . Propos recueillis par Erwan Ruty Pote à Pote Dossier : LE TESTING juil. - août - sept. 09 Un testing François Masson, Conseiller d’insertion d’une mission locale pour l‘emploi de Paris reçoit, le 16 novembre 2000, une offre d’emploi du Restaurant du Bal du Moulin-Rouge : « Cherche commis de salle âgé de 18 à 22 ans, débutant, acceptant de travailler de 17 heures à 1 heure du matin ». L’entretien téléphonique qui suit met en évidence des discriminations "agrantes... F.M : Bonjour Mme Beuzit, François Masson de la mission locale de Paris Centre, je ne sais pas si vous vous rappelez ? Je vous avais contacté il y a quelques mois [...] parce que vous m’aviez faxé une offre d’emploi, concernant un commis de salle, vous vous rappelez ? Non ? Mme Beuzit : Oui, oui... F.M : Moi, j’avais une personne qui parlait plusieurs langues, mais en!n maintenant vous me dites que c’est complet ! [...] Par exemple, moi, j’ai quelqu’un qui parle quatre ou cinq langues mais par contre il n’est pas Français. Ca pose problème ? F.M : Il est Sénégalais. Ils ne peuvent pas ? Mme Beuzit : Des gens de 18-22 ans, avec notions d’anglais. F.M : A la cuisine ou à la plonge ? F.M : Vous ne m’aviez pas parlé de cette histoire de langue parce que j’avais envoyé des jeunes, et ils m’avaient dit, après avoir vu Vladimir, qu’il fallait parler plusieurs langues. L’anglais suf!t ? Mme Beuzit : Oui (rires) [...] Mme Beuzit : [...] Il faut également une bonne présentation car ça on ne l’a pas noté non plus. C’est indispensable. F.M : [...] C’est-à-dire ? Qu’il ait quoi ? Un costume ? Mme Beuzit : Il y a des gens qui peuvent être en costume mais qui n’ont surtout pas l’allure. Vous voyez ce que je veux dire ? F.M : Non, pas très bien, ça veut dire quoi ? [...] Interview : Gwénaële Calvès TESTING, entre outil d’évaluation et technique probatoire Gwénaële Calvès, professeur de droit et ancienne directrice scienti!que du Centre d’Analyse Stratégique, expose pour Pote à Pote les différentes formes que peut revêtir un testing. vail... Pour mener une enquête, elle a mieux que le testing. Vous faites une distinction entre testing scienti!que et testing judiciaire. Pouvez-vous revenir sur cette distinction ? Mme Beuzit : Oui, qu’est ce qu’il est ? F.M : Je vous appelle pour savoir s’il y avait toujours des possibilités et si vous pouvez me rappeler le pro!l des postes. Mme Beuzit : A la cuisine ou à la plonge on prend des Sénégalais. F.M : Je récapitule : 18-22 ans, notions d’anglais, type européen. Mme Beuzit : Ça il ne faut pas le mettre dans l’annonce évidemment on n’a pas le droit. F.M : Oui d’accord, mais pourquoi des Européens ? C’est par rapport à qui ? C’est dû à quoi ? [...] Mme Beuzit : Il faut une bonne entente pour mettre dans la brigade 80 à 100 personnes ; il ne faut pas mélanger tout le monde. F.M : Je vous remercie. 5 Anny Balta : Quel bilan tirez-vous de l’opération de testing organisée, en 2007, par le Centre d’analyse stratégique? Gwénaële CALVÈS : Cette opération de testing a été menée à petite échelle, selon une méthodologie différente de celle que préconise le Bureau international du Travail. L’idée était d’ouvrir la discussion, pour que d’autres équipes de chercheurs viennent confronter leurs approches ainsi que leurs méthodes. L’opération a été menée à des !ns scienti!ques uniquement, dans le cadre d’un programme de recherche sur l’expérimentation en sciences sociales. Mais notre testing, peutêtre parce qu’il était piloté par un service du Premier Ministre, a déclenché un débat beaucoup plus large sur les moyens de mesurer et de combattre les discriminations. Selon vous, pourquoi il n’y a pas davantage de testings effectués par la puissance publique ? Parce que ce n’est pas le rôle de la puissance publique ! Le testing, c’est un instrument qu’utilisent soit les scienti!ques, soit les militants. Pour les scienti!ques, c’est un outil supplémentaire pour l’analyse de la discrimination. Pour les militants, c’est un moyen pour établir la preuve d’une discrimination. Quant à la puissance publique, si elle veut établir la réalité d’une discrimination, elle dispose de moyens autrement plus puissants que sont la police, la gendarmerie, l’inspection du tra- Dans le cadre du testing scienti!que, il s’agit d’évaluer ponctuellement le taux de discriminations dans un secteur donné. L’objectif n’est pas d’épingler qui que ce soit pour discrimination, mais de lancer un coup de sonde dans une branche d’emploi particulière, ou sur le marché du logement dans tel endroit. Avec le testing judiciaire, l’objectif n’est pas du tout le même : il s’agit de pré-constituer une preuve pour permettre la condamnation d’un délinquant. Il faut qu’un des deux membres du couple de « testeurs » existe réellement, et accomplisse jusqu’au bout la démarche de recherche d’emploi, ou de logement. Alors que dans le cadre du testing scienti!que, tout est inventé : les personnages sont purement !ctifs, ce qui permet de mieux contrôler l’expérience. . Propos recueillis par Anny Balta 6 Pote à Pote juil. - août - sept. 09 Dossier : LE TESTING - EMPLOI BIT Testing à l’emploi, première ! Il y a trois ans, les premiers testings à l’embauche mettaient en lumière les discriminations à l’emploi de manière incontestable. Le débat devenait incontournable. 2006 : le Bureau International du Travail (BIT) commande une étude sans précédent à l’association ISM Corum, basée à Lyon. En quelques mois, l’association se charge d’organiser des testings à l’emploi dans six régions de France, autour de Lille, Paris, Lyon, Marseille, Nantes et Strasbourg. Un dé! qu’ISM Corum relève avec engouement. « C’était une grande première en France. L’organisation a été énorme. Il a fallu louer des locaux partout en France, recruter des comédiens acceptant de démarcher les entreprises, embaucher des superviseurs... », se rappelle Christian Arnaud, le président d’ISM Corum. Le choix : cibler les métiers en tension, peu quali!és, comme la restauration, la vente, l’hôtellerie. « Des métiers soumis à une forme d’ethnicisation », selon Christian Arnaud. Il se souvient : « Les résultats en ont surpris plus d’un : quatre fois sur cinq, les candidats blancs étaient retenus, et cette discrimination touchait toutes les branches ». Au total, ce sont 2440 tests qui sont réalisés à l’échelle nationale. Et il n’existe pas de différence entre les régions. Pour la première fois, les testings introduisaient une méthode quasi scienti!que pour mesurer les discriminations. D’après Christian Arnaud, « la prise de conscience est lente, mais au moins la discussion fut alors ouverte. Et les mentalités désormais évoluent ». . Rym Ben Ameur Société MILEGUY Discrimination à l’embauche : le courage a fini par payer Toute décision d’un employeur en matière d’embauche doit être prise en fonction de critères professionnels et non sur des considérations d’ordre personnel fondées sur des éléments extérieurs au travail : origine, nationalité, sexe, religion, race, patronyme, apparence physique... C’est au mépris de ces règles qu’un chef d’entreprise de Noyarey en Isère (38360) a été condamné pour discrimination à l’embauche. Les faits remontent au mois de septembre 1999 lorsque Farid, un jeune d’origine marocaine, a un entretien d’embauche pour un emploi d’aide-menuisier avec le patron de la SARL MILEGUY qui a transmis l’offre d’emploi à l’ANPE. Aucune quali!cation n’est demandée pour ce poste dont il est précisé qu’il peut déboucher sur un emploi de menuisier après formation. L’entretien tourne court alors que le jeune homme possède les quali!cations requises pour occuper un poste d’aide-menuisier. Dépité, le jeune Farid va voir M. Lahcine, conseiller à la mission locale, qui l’aide dans ses recherches d’emploi. Celui-ci appelle alors le patron de la PME pour connaître les motifs de son refus. « Je veux pas de bougnoules, pas de bicots, pas d’arabes, pas de pots de yaourt. Je veux des Paul et des Rémi, des biens français » répondit-il, au chargé de mission locale, qui avait fait écouter la conversation au jeune Farid par le moyen du haut parleur équipant le téléphone. Le refus d’embauche de Farid est incontestablement lié à son origine ethnique. Cette discrimination a été con!rmée par des appels téléphoniques adressés au patron de MILEGUY postérieurement à l’appel du conseiller de la mission locale. Ces appels ont été réalisés par SOS Racisme qui a recours à trois volontaires ayant des noms à consonance diverse : Miled SIEFF, Farid et Boris VASSEAUX. Au premier appelant qui s’était présenté, comme n’ayant aucune quali!cation dans le bois, l’employeur a opposé un refus catégorique ; au second qui fait état d’une expérience, dans le domaine de la menuiserie, il a indiqué que ce n’était pas urgent. Au troisième qui s’était présenté, comme n’ayant ni expérience ni diplôme, l’employeur lui a !xé un rendez-vous le jour même. Le 20 mars 2000, le Tribunal de Grande Instance de Grenoble a condamné le patron de la PME pour refus d’embauche fondé sur l’origine vraie ou supposée du candidat (voir articles 225-1 et 225-2 du Code pénal). C’est à juste titre que la Cour d’appel de Grenoble a con!rmé le jugement rendu en première instance dans un arrêt rendu le 18 avril 2001. En dé!nitive, deux enseignements peuvent être tirés. Comme l’a souligné Samuel THOMAS, viceprésident de SOS Racisme, « les employeurs savent dorénavant qu’ils seront condamnés par les tribunaux dés lors que les victimes auront eu le courage de faire appel à la justice ». Pour cela, compte tenu du caractère pernicieux de la discrimination à l’embauche, il faut que tous ceux qui aident les jeunes dans leur recherche aient aussi le courage, comme M. Lahcine de dénoncer les faits de cette discrimination lorsqu’ils en sont témoins. . Adriano Mendy Pote à Pote Dossier : LE TESTING - EMPLOI juil. - août - sept. 09 7 Interview croisée Testing de Hervé Bedou, Abdoulaye Marega, Monsieur Cissé Discriminés, révoltés mais engagés, voici les témoignages de quelques « Testeurs de République ». Comment avez-vous subi la discrimination ? tort. Conclusion, ils ne voulaient pas de moi. Hervé Bedou : J’ai répondu par téléphone à une annonce parue dans le Parisien. La société Arès cherchait des agents de sécurité pour l’aéroport de Roissy Charles de Gaulles. L’entretien téléphonique a tourné au vinaigre lorsque la recruteuse m’a dit qu’une carte d’électeur (induisant la nationalité française ndlr) était obligatoire pour avoir le poste. Qu’est-ce qui vous a amené à vous défendre ? Abdoulaye Maréga : La mission locale, de mon quartier, m’a présenté l’annonce du Moulin Rouge qui recherchait des commis de salle. Quand je les ai appelé pour postuler, ils m’ont répondu qu’il n’y a pas de gens de couleur en salle. Seulement en cuisine ! Cissé : Je voulais être mécanicien pour un garage mais ils m’ont dit que j’avais le même nom de famille que quelqu’un qui leur avait fait du Hervé Bedou : La révolte ! J’ai travaillé sans encombre, dans le secteur, et c’était trop facile de les laisser faire... » Abdoulaye Marega : J’étais indigné et je suis allé jusqu’à leur bureau pour qu’ils m’affrontent face à face. Je trouve que ce comportement minoritaire doit être sanctionné. Si ça continue, ça peut contaminer la société. Cissé : Mon nom de famille est mon identité, je ne peux pas le renier ou accepter que l’on me rejette sur ce critère. Comment s’est passé le testing ? Hervé Bedou : J’ai immédiatement rencontré l’équipe de SOS Racis- me. Après qu’ils aient véri!é mes dires, en effectuant un testing par téléphone, je suis allé au siège de la société Arès, muni d’une caméra cachée, et accompagné par les équipes de TF1. La dame de l’accueil m’a sorti le même argumentaire de visu, comme si c’était normal. où tout se sait. Je pense qu’il est important que la société française ouvre les yeux. Si ça ne m’était pas arrivé, j’aurais cru à une légende. Abdoulaye Marega : Nous avons fait une caméra cachée, il y avait des médias et j’étais furieux de voir qu’ils étaient catégoriques même en face à face. Cissé : L’affaire est encore en cours. Tout citoyen devrait s’impliquer. Il faut des procès pour que ça n’arrive plus. Abdoulaye Marega : J’ai gagné et ce type de lutte me plait. C’est dur mais il n’y a que la solidarité qui peut faire avancer la société. . Propos recueillis par Médina Koné Cissé : On a à nouveau fait appel à SOS Racisme et la réponse était la même. C’est incroyable d’entendre que c’est un phénomène banalisé. Quelles conclusions tirez-vous de votre procès ? Hervé Bedou : Cela a mis du temps mais j’ai gagné mon procès. Je n’ai eu aucune représailles professionnelles alors que c’est un petit milieu Interview : Djamel Benia « La situation est plus grave que nous ne l’avions imaginée » Djamel Benia, responsable de l’ADICE (Association pour le développement des initiatives citoyennes et européennes). Quelles conclusions avez-vous tiré de cette campagne? L’ADICE a participé à la campagne de testing, lancée par le Bureau International du Travail (BIT), en 2006. Comment s’est déroulée cette opération? À la demande du BIT et de l’association ISM Corum, nous nous sommes occupés des testings sur la région Nord. Nous avons donc fait appel à des comédiens pour démarcher plus de six cents entreprises. Deux des candidats étaient Français de souche, les deux autres d’origine arabe. À chaque fois, nous adaptions les CV à l’entreprise visée. Les candidats avaient toujours le même pro!l, les mêmes quali!cations, excepté bien sûr, l’origine ethnique. Le constat a été alarmant ! Les candidats français avaient cinq fois plus de propositions d’entretiens sur les postes quali!és que les testeurs maghrébins, et trois fois plus sur les postes non quali!és. Notre conclusion? La situation était encore plus grave que nous ne l’avions imaginée. Nous avions des soupçons mais pas encore de preuve de l’étendue du phénomène des discriminations dans l’emploi. Le testing est-il considéré comme !able? Pour la première fois, on ne se contentait pas de se baser sur le ressenti des personnes discriminées. Nous avons apporté des chiffres, des faits, des preuves. Selon moi, cette méthode est scienti!que et c’est, jusqu’à aujourd’hui, la meilleure manière d’alimenter le débat de manière objective. Quelle a été la réaction des pouvoirs publics? Alors même que la commande émanait de l’Etat, il n’y a pas eu de réelle prise en compte de nos conclusions. Je crois que l’urgence n’a pas été suf!samment mesurée... . Propos recueillis Rym Ben Ameur 8 Pote à Pote Dossier : LE TESTING - EMPLOI juil. - août - sept. 09 Programme PACTE Testing des agences ANPE En novembre et décembre 2008, SOS Racisme a teste plusieurs agences ANPE soupçonnes de discrimination en fonction de la nationalité. Suite aux "agrants délits des plaintes ont été déposées. Les discriminations constatées par SOS Racisme concernaient des recrutements en CDD pour le dispositif PACTE de jeunes sans bac ages de 16 a 25 ans. PACTE est en quelque sorte une !lière d apprentissage pour accéder a la fonction publique. Dans sa volonté de lutter contre le chômage des jeunes sans baccalauréat, l’Etat français a, par l’ordonnance n°2005-901 du 2 août 2005 (articles 3, 4 et 5), institué une nouvelle voie de recrutement dans l’emploi public de la catégorie C par un contrat de droit public de 24 mois donnant vocation à être titularisé et dénommé PACTE. Une circulaire prise immédiatement après l ordonnance du premier mi- nistre stipulait que ce dispositif visait directement les jeunes des Zones Urbaines sensibles et que les jeune étrangers qui demandent la nationalité française pourraient en béné!cier avant même d être naturalises (voir Pote a Pote n 124). Le recrutement sans discrimination, a été con!e de manière exclusive a l’ANPE. La contrepartie de cette exclusivité était censée être une parfaite connaissance et un total respect de la loi et des circulaires. Deux testings de SOS Racisme ont permis d’épingler des agences ANPE, qui avaient réserve les contrat PACTE, aux seuls titulaire de la nationalité française ou celle d un état membre de l union européenne, au moment du dépôt de leur candidature, ce qui est une interprétation erronée des textes applicables. Ainsi, après avoir envoye des C.V identiques, les candidats au PACTE ont appelé les ANPE en charge des recrutements pour demander des éclaircissements sur les conditions de nationalité. Les agents ANPE ont ainsi été enregistres quand ils indiquaient aux jeunes candidats non européens qu il n examineraient pas leur candidature, quand bien même ils étaient en cours de naturalisation. de préciser aux procureurs que les agents ANPE encourent en cas de discrimination des peines supérieures a celles applicables a un cabinet de recrutement prive des l’or qu ils agissent avec une délégation de service public. . Issakha NDiaye SOS Racisme a donc déposé plusieurs plaintes en prenant la peine Interview : Yves Desjacques « Il faut faire exploser toute barrière à l’entrée en entreprise » Yves Desjacques, Directeur des Ressources Humaines du groupe Casino, nous explique comment, pour la première fois en France, une entreprise s’est auto testée. Comment s’est décidé l’auto testing au sein du groupe Casino ? On avait signé en 2005 un accord avec les organisations syndicales sur la question de la lutte contre les discriminations. Dans cet accord, il était prévu de réaliser un testing de nos pratiques de recrutement en faisant appel à une structure extérieure. Par l’intermédiaire de ISM CORUM, nous avons adressé à 700 de nos établissements (cafétéria, supermarchés, entrepôts, services du siège,... ) des CV par paires et, avec globalement le même parcours, qui se différenciaient uniquement par l’origine supposée du candidat. Nous avons ensuite communiqué publiquement les résultats de cette analyse. Et ces résultats, quels étaient-ils ? Les résultats ont montré que le candidat de référence (gaulois) était contacté, dans 81 % des cas et seulement à 50% pour le candidat minoritaire ; ce qui est statistiquement signi!catif. La différence de traitement est forte pour la candidature sur les postes d’employés et elle s’estompe et disparaît sur les postes de cadres. Par ailleurs, plus l’expérience du candidat est faible, plus la discrimination est forte, et inversement. La différence de traitement est donc en fonction de l’expérience, le degré de discrimination n’est ni minoré ni majoré par le sexe du candidat. En!n, il n’y a aucune différence entre l’origine supposée du candidat minoritaire c’est-à-dire que le taux de réponse est sensiblement le même qu’il soit d’origine africaine, maghrébine ou antillaise. Quels dispositifs ont été mis en place pour renverser ces logiques ? Une fois ces résultats obtenus, jugés clairement insatisfaisants, nous avons pris des mesures comme l’extension et la généralisation du recrutement par la méthode de simulation. Dans ce cadre là, on teste comment le candidat agit en situation réelle. Nous avons également créé un réseau de cinquante correspondants en France. En effet, une politique de lutte contre les discriminations nécessite des relais d’actions sur l’ensemble du territoire national. Troisième axe, nous avions pris un certain nombre d’engagements de recrutement, dans le cadre du « Plan Espoir Banlieue », et il faut les tenir. Aujourd’hui, avec 1442 recrutements de jeunes de moins de 26 ans on se place au-dessus des objectifs. Quelle était la !nalité de l’opération ? Il faut faire exploser toute barrière à l’entrée en entreprise. L’objectif c’est vraiment d’être le re"et de la diversité de façon résolue. A ce titre, un nouvel auto testing est prévu d’ici un an et demi ! . Propos recueillis par Karim Omarjee Pote à Pote Dossier : LE TESTING - LOGEMENT juil. - août - sept. 09 9 Location « L’enregistrement de conversation téléphonique : preuve de la discrimination au logement » Gilles B. et Malika H., jeune couple d’universitaires, s’étaient vus refuser en septembre 2001 la location d’un appartement. En effet, lors d’une conversation téléphonique enregistrée par SOS Racisme, l’agent immobilier leur avait simplement déclaré : « je suis obligée de respecter les données du propriétaire sinon je perds des clients (...) Sur ce dossier, je ne peux pas louer à des gens de couleur ». L’agent immobilier exécutant et le propriétaire donneur d’ordre ont été condamnés, en première instance et en appel - con!rmé en cassation -, pour discrimination dans l’attribution d’un logement. Les juges1 ayant considéré que l’agent n’avait pas pu prendre, seul, l’initiative et le risque d’écarter Malika H. ni interpréter ou extrapoler les consignes du propriétaire. Dans une autre affaire, M. Abdelakrim2. s’était vu refuser la vente d’un pavillon. Également, enregistrée par SOS Racisme, la propriétaire n’avait pas hésité à déclarer à la victime « ce n’est pas parce que vous êtes maghrébin, mais parce que vous êtes musulman ». Les juges saisis par citation directe de SOS Racisme ont donc retenu la culpabilité de la propriétaire, mais ont prononcé la relaxe de l’ancien Maire de Montfermeil Président de l’association « France Debout » - faute d’élément objectif permettant d’établir qu’il aurait use de son autorité pour convaincre la propriétaire de refuser de vendre son bien a un musulman. Ces deux affaires nous apprennent deux points essentiels : en premier lieu, les juges ont été convaincus par la force probante de l’enregistrement des conversations téléphoniques réalisé par les victimes. En effet, fait à l’insu des prévenus, il avait permis d’établir parfaitement leur culpabilité, les victimes ayant pu les faire avouer. Les propriétaires mis en cause ont également fait l’objet de condamnation. Les juges ont ainsi reconnu que le donneur d’un ordre discriminatoire, ayant eu pour conséquence d’écarter les demandeurs au logement en raison de leur origine, s’était bien rendu coupable du délit prévu et réprimé par l’article 225-1 du Code Pénal. En!n, dans le cadre de ces deux affaires, on ne peut que déplorer la faiblesse des réparations accordées à SOS RACISME. L’association n’a reçu que 750 euros dans la première affaire et 1 euro ( !) dans la seconde à titre de dommages et intérêts. Pour autant, il ne fait aucun doute que d’autres candidats au logement, ont été discriminés dans la fourniture de bien puisque d’une part, le propriétaire de l’appartement possédait plusieurs biens et que la propriétaire du pavillon a clairement fait savoir qu’elle ne vendrait pas aux « Arabes musulmans ». Un autre combat en perspective... . Emilie Perrier 1. Cour d’Appel de Toulouse, le 5 octobre 2004 et Cour de cassation 7 juin 2005 2. Cour d’Appel de Paris, 6 juin 2006 Agence Lebihan Un testing simple comme un coup de fil Suite à un testing, une agence immobilière sera jugée le 1er septembre prochain pour discrimination raciale. Après une longue instruction, Valérie Le Bihan et Rose Demay, toutes deux salariées de l’agence « Le Bihan » de Nanterre, vont en!n être jugées, après une longue procédure, devant le tribunal correctionnel pour discrimination raciale au logement. Retour sur les faits. L’affaire débute par une annonce publiée, en novembre 2002, concernant un T3, situé à Courbevoie (92), et disponible à la location le mois suivant. Monia Djebali intéressée par cet appartement, contacte l’agence a!n de le visiter. Après avoir indiqué toutes les informations nécessaires, état civil et situation professionnelle, elle obtient un rendez-vous. Or quelques heures avant le rendez-vous, elle reçoit un appel lui annonçant que !nalement, l’appartement a été loué. Annulation assez surprenante pour Monia qui pensait remplir toutes les conditions nécessaires à la location de cet appartement. Intriguée, elle demanda alors à l’une de ses collè- gues de travail de postuler à son tour. Seule différence, elle porte un nom à consonance française. À sa grande surprise, elle obtient un rendez-vous pour visiter le même l’appartement. Face à cet acte manifeste de discrimination, Monia contacte l’association SOS Racisme pour mener une action pénale à leur encontre. Le 20 novembre 2002, l’association organise un « testing » pour compléter son dossier, en vue d’une déposition de plainte pour discrimination raciale. L’opération est assez simple. Dans un premier temps, l’agence immobilière est contactée par Samir Bellili. La même employée, lui répond que l’appartement situé à Courbevoie, est déjà loué et lui propose un autre appartement. Ensuite, c’est au tour de Samuel Thomas, vice-président de l’association, de prendre contact avec l’agence. Il obtient sans dif!culté un rendezvous pour visiter l’appartement en question. Par la suite, Valérie Le Bihan, contactée par une journaliste du quotidien « Le Parisien », reconnaîtra les pratiques discriminatoires : « on est obligé de suivre les conditions des propriétaires. Il y a des propriétaires qui ne veulent pas de personnes d’origine étrangère et ils sont catégoriques là-dessus [...] On a un portefeuille à gérer et si on refuse, on perd le client. » Le 21 mars 2003, l’association SOS Racisme porte plainte auprès du Procureur de la République contre l’agence immobilière Le Bihan pour discrimination raciale au logement. La procédure est alors classée sans suite au motif que l’infraction était insuf!samment caractérisée. Finalement, l’association dépose, le 16 octobre 2006, une plainte avec constitution de partie civile pour discrimination raciale dans l’attribution d’un logement privatif. Le 6 janvier 2009, le juge d’instruction, sur réquisition du procureur a décidé de renvoyer l’employée de l’agence et sa directrice devant le Tribunal Correctionnel de Nanterre. L’audience aura lieu le 1er septembre prochain. . Siham Amidou 10 Pote à Pote juil. - août - sept. 09 Dossier : LE TESTING - LOGEMENT LOGIREP Sous couvert de “mixité sociale”, la discrimination s’opère Poursuivie en 2005 par SOS Racisme suite à un testing, la société HLM LOGIREP vient d’être mise en examen en juin 2009 pour !chage ethnique des locataires et discrimination raciale. À l’origine des faits en juillet 2005, un litige entre M.Tieboyou – modeste salarié de la RATP – et LOGIREP – un des plus gros bailleurs d’Île-de-France qui gère 30 000 logements. Dans ce remake de David et Goliath, le déséquilibre des forces s’est fait sentir au moment où, le géant du HLM a invoqué par courrier l’article 56 de la loi de 1998 contre l’exclusion, pour refuser l’attribution du logement social pourtant réservé par la RATP. “Il y a déjà beaucoup de personnes d’origine africaine ou antillaise” Ainsi, par lettre LOGIREP indiquait à l’agent RATP, célibataire, sans enfants et béné!ciaire d’un salaire de 1700 € par mois, que le logement lui était refusé pour préserver la « mixité sociale ». L’odieuse manipulation de cette loi a été révélée, lors de l’entretien téléphonique, qui a suivi l’envoi du courrier. Lors de cette conversation enregistrée, l’employée de LOGIREP expliquait à Frédéric TIEBOYOU que c’était son origine ivoirienne qui menaçait l’équilibre de la Tour : « sur cette tour-là, ça pose un problème, iI y a déjà beaucoup de personnes d’origine africaine ou antillaise. On est obligé d’appliquer cela, notamment à Nanterre, parce que ce sont déjà des tours qui vivent très mal, on a beaucoup de problèmes et on essaie de mixer un peu toutes les origines et tous les revenus » a ajouté l’employée. Cet argument n’a pu trouver grâce aux yeux du demandeur dont la situation familiale et professionnelle était au contraire susceptible de renforcer la mixité sociale dans cette tour, ni aux yeux de SOS Racisme qui combat les politiques de quotas à caractère raciste d’organismes HLM. Pour se défendre, LOGIREP s’est empressé de « charger » son employée qui avait expliqué à 18 reprises lors du testing que c’était l’origine ivoirienne de Frédéric qui posait problème. Mais à ce rythme là, il y a de quoi soupçonner l’application stricte d’une politique maison et non le comportement marginal d’un salarié. Le fichage ethnique comme mise en œuvre d’une politique de discrimination organisée La preuve d’une politique d’entreprise, de strict contrôle de l’origine des locataires est venue de la découverte d’un système de !chage ethnique. SOS Racisme constatait de son côté que depuis de nombreuses années, les statistiques de peuplement de LOGIREP distinguaient les locataires selon les catégories : Afrique, Maghreb, DOM TOM, Europe. Les investigations menées au cours de l’instruction permettaient quant à elles de mettre à jour un système de !chage ethnique notamment des français originaires des DOM TOM ou du Maghreb. Ainsi en juin 2009, au lendemain d’une perquisition du 18 mai, LOGIREP a révélé à la presse avoir été mise en examen pour « mise ou conservation en mémoire informatisée, sans le consentement exprès de l’intéressé de données à caractère personnel, laissant apparaître directement ou indirectement ses origines ethniques ou raciales ». Pour ceux qui se défendaient de ne recenser que des éléments d’état civil, l’inculpation est dure à encaisser. Le procès de LOGIREP devrait avoir lieu dans quelques mois et devrait contribuer à rappeler à l’ordre plus d’un organisme HLM. SOS Racisme conseille de préparer les aspirines car en cas de condamnation, si les amendes sont généralement ridicules[1], le dé!cit en terme d’image contribue largement à saler l’addition. Le recours collectif, une solution possible L’existence d’un recours collectif, dans ce domaine, permettrait à tous les individus concernés d’obtenir réparation. Il s’agit maintenant d’élever le débat au niveau parlementaire pour que cesse en!n ces coutumes pétainistes. Ainsi, David ne se battra plus jamais seul.... . Jérémie Saiseau Jurisprudence L’expérience judiciaire grenobloise en matière de testing A Grenoble, des expériences judiciaires en matière de testing dans les domaines de l’emploi et du loisir ont été nombreuses et surtout riches d’enseignements. Tout d’abord, il convient de mettre en évidence que le premier testing téléphonique à l’embauche fut organisé à Grenoble. En l’espèce, il s’agissait de prouver la discrimination du patron de la Menuiserie Mileguy à Noyaret, en Isère. Le patron de ladite société avait publié une offre d’emploi pour un poste d’aide menuisier. L’ANPE avait transmis cette offre d’emploi à un conseiller d’insertion à la mission locale, lequel avait trouvé un candidat potentiel. Le gérant avait refusé d’embaucher le candidat en raison de ses origines raciales, en énonçant : «Je ne veux pas de bicots, pas de bougnoules, pas de pots de yaourts... Je veux des Paul et des Rémi, des bien français ». Avisé de cette situation par le conseiller à la mis- sion locale, SOS Racisme a décidé d’organiser un testing téléphonique. Depuis le bureau de la Mission locale, trois candidats avaient ainsi décliné leurs noms, prénoms, pro!ls et compétences à l’entrepreneur. Celui-ci avait écarté la candidature du premier testeur, Ahmed, pour manque de quali!cations, puis, il avait indiqué à un autre candidat dénommé Karim titulaire d un CAP, qu’il devrait le recontacter d’ici trois semaines. Etrangement, il proposait à Boris sans aucune quali!cation, un rendez-vous dans l’après-midi tout en lui promettant l’emploi. Ce testing enregistré con!rmait le comportement discriminatoire préalablement dénoncé, et il fut reconnu recevable à titre de preu- ve devant la Cour d’Appel de Grenoble. Le PDG de la Société Mileguy fut condamné à 2 mois de prison avec sursis et 1500 € d’amende par la Cour d’Appel de Grenoble le 18 avril 2001. L’autre expérience judiciaire grenobloise en matière de testing que l’on peut relever touche un autre domaine : ici c’est le comportement discriminatoire de physionomistes à l’entrée d’une discothèque qui est mis en exergue. Dans la nuit du vendredi 28 Janvier 2005 au samedi 29 janvier 2005, l’association SOS Racisme organisait une opération de « testing » concluante dans trois discothèques de l’agglomération grenobloise parmi lesquelles l’« Ambiance Café ». Dans cette affaire, le point fort à relever était la présence comme témoin de moralité d’un adjoint au maire de la ville lors de l’opération. En l’espèce, la juridiction prît en compte les propos rapportés par ce dernier qui, il faut le souligner au regard de ses fonctions, a la qualité d’of!cier de police judiciaire en vertu de l’article 16 du code de procédure pénale. Le 17 Janvier 2008, la Cour d’Appel de Grenoble est ainsi venue con!rmer la condamnation prononcée par le TGI de Grenoble le 23 juin 2006 qui avait reconnu les portiers coupables du délit de complicité de discrimination raciale. . Anny Balta Pote à Pote Dossier : LE TESTING - LOISIRS juil. - août - sept. 09 11 Interview : Tony Gomez « Pour les patrons de boîtes de nuit, pratiquant la discrimination, le testing a eu un effet boomerang » Connu comme le « loup blanc » dans le monde de la nuit, Tony GOMEZ, Responsable du carré VIP et associé au « Queen », revient sur ses 33 années de nuit et nous explique en quoi les testings, pratiqués par SOS racisme à l’entrée des discothèques, ont considérablement contribué à la prise de conscience de la réalité des discriminations et à l’évolution des mentalités » dans la profession. Voilà 33 ans que vous êtes dans le milieu de la nuit, comment avez-vous vécu son évolution ? J’ai, en effet, ouvert ma première boîte de nuit en 1976 et j’ai donc pu être au cœur de l’évolution de ce phénomène de société que sont les discothèques. A cette époque, toute personne qui sortait était considérée comme marginale ! En réalité, les établissements étaient très souvent le re"et d’une classe sociale, un produit de luxe réservé à une élite de privilégiés, où le mot discrimination n’existait pas. Rappelons tout de même que la nuit est le premier milieu à avoir fait tomber les barrières sociales, religieuses, raciales, sexuelles,... Cette mixité a donc toujours été présente dans le monde de la nuit. Dans le même temps et, c’est là le paradoxe, on s’est retrouvé obligé, 20 ans après, de pratiquer le testing pour montrer l’existence de la discrimination raciale à l’entrée de certains établissements. af"ux de réponses idiotes, illustré d’ailleurs par le fameux sketch de Maxime : « Pas de baskets », et aux fameuses opérations de testing à l’entrée des discothèques initiées par SOS Racisme. solidarité s’est installée entre tous ceux qui, comme moi, considèrent le racisme comme étant une absurdité ! . Propos recueillis par Yasmine Oudjebour Comment l’expliquer alors ? La première raison, à mon sens, c’est la démocratisation du monde de la nuit avec l’émergence des discothèques. On a donc commencé à aller en boîte de nuit comme on va au cinéma puisque le principe c’était : « Tu payes ton entrée, tu rentres » ; le mot « sélection », « état d’esprit », « concept de genre » n’existaient plus.... Puis, d’un seul coup on s’est retrouvé face à un dilemme auquel on n’avait jamais pensé : « Même si tu payes ton entrée, tu ne rentres pas ! ». On a assisté alors, à cet Et ces opérations de testing, ont-elles permis une prise de conscience aux professionnels de la nuit ? En 1999, cette idée de SOS Racisme de pratiquer le testing nous a réellement mis, nous professionnels, face à une réalité, celle de la discrimination. Pour les patrons de boîtes de nuit, pratiquant la discrimination, le testing a eu un effet boomerang. En fait, ces derniers craignaient à la fois d’être montrés du doigt, de se faire épingler et surtout d’être sanctionnés. Parallèlement à cela, une véritable © Jean-Pierre Marion Témoins Ces journalistes qui ont osé filmer les testings. SOS racisme fête les dix ans de la première campagne anti-discrimination : « La discrimination tue les talents ». Son arme : les testings à l’entrée des discothèques et une forte présence dans les médias. Les journalistes qui ont couvert cette campagne racontent. « À l’époque, on ne parlait pas des discriminations », se souvient Yves Junqua, journaliste à France 2. Il y a dix ans, il travaillait en indépendant pour Arte. Quand il entend parler des testings à l’entrée des discothèques, il pense que c’est le moment d’ouvrir les yeux du public. « Dans les années 80-90, le racisme minait la société française. J’ai voulu montrer qu’un truc aussi innocent que danser, faire la fête avec ses amis était fermé à des personnes en raison de leur origine ». Les résultats de ces testings provoquent un malaise. De nombreuses discothèques sont prises en "agrant délit de discrimination au faciès. Une humiliation pour les jeunes qui ont accepté de participer à l’expérience, et une claque pour les journalistes témoins de ces scènes. Yasmine Oujdebour, responsable à l’époque de la com- munication à SOS, ironise : « Beaucoup de journalistes pensaient que la discrimination n’existait pas. On leur a dit de venir assister à un testing et de décider ensuite de l’intérêt d’en parler. Résultat : la plupart ont ouvert les yeux et se sont bougés pour convaincre leurs rédactions ». Comme Zinedine Boudaoud, qui a couvert l’événement pour France 3. « Je connaissais déjà le phénomène de discrimina- Les excuses bidons «C’est une soirée privé, circulez s’il vous plaît» « C’est un club privé » « Trop grand nombre de clients ce soir » « C’est sur invitation ici » « Désolé y’a trop de mecs ce soir » « Désolé y’a trop de !lles ce soir » « Y’a un problème là...ça sera pas pour ce soir ni pour ici» « Désolé ça ne va pas être possible » « Revoyez votre tenue et tentez votre chance la prochaine fois » tion et je le trouvais scandaleux, insupportable », martèle-t-il. Il se félicite : « SOS a gagné des points avec ces testings. Ils ont réussi à faire condamner beaucoup de boîtes de nuit... et à faire comprendre que la discrimination est un délit ». . Rym Ben Ameur 12 Pote à Pote juil. - août - sept. 09 Dossier : LE TESTING - LOISIRS Interview croisée Ils ont dit non aux discriminations de jour comme de nuit... Aujourd’hui, le citoyen lambda et les entreprises s’approprient la méthode du testing initiée par SOS Racisme. Depuis sa campagne « les discriminations tuent les talents » lancée en 1999, l’association mène de nombreuses opérations notamment devant des discothèques pour alerter l’opinion publique. Sarah Anzilotti, citoyenne et témoin d’actions discriminantes, Machiatta Ismaël, militante à SOS Racisme plaignante, et Rachid Baloul, militant à SOS Racisme et plaignant racontent leur engagement de « Testeurs de République » en discothèque. Pourquoi vous êtes vous engagés dans les testings ? Sarah : L’un de mes proches me parlait de cette nouvelle technique de lutte contre les discriminations qui serait vraiment utile pour la société, ça m’a plu, je me suis engagée Machiatta : Je suis responsable du pôle juridique de Sos Racisme à Grenoble. Accueillir les gens, les écouter,... est une chose mais s’engager sur le terrain est complètement différent. Je voulais aller plus loin. Rachid : J’ai fait partie des pionniers du testing en 1999. La présidence innovante de Malek Boutih amenait une dynamique à laquelle j’ai voulu participer. Qu’est ce qui vous a le plus marqué ? Sarah: : Deux groupes se rendaient dans la même boîte à des moments différents. Le premier était composé de noirs et maghrébins, bien habillés, on lui refusa l’accès à la boîte. Quand mon groupe composé de blancs, dont certains étaient habillés en jean et basket se sont présentés, on nous a accueilli sans nous poser de questions ... (Sarah marque un temps d’arrêt, ses yeux s’embuent puis elle reprend après une courte pause) Je me sentais vraiment mal quand le premier groupe a su qu’on était passés. Machiatta : Je ne sors jamais mais pour l’occasion, mon groupe était très bien habillé. Quand la discothèque « Ambiance Café » nous a refoulé, je suffoquais de colère et d’incompréhension... Rachid : Que ça fasse jurisprudence et que ça change la mentalité des victimes qui se sont habituées aux actes discriminants. Pourquoi était-il important que vous alliez jusqu’au procès ? Sarah : Parce que mon témoignage était un soutien important aux plai- gnants. Machiatta : D’un point de vue juridique il faut créer des exemples. Ca sert à d’autres... Au niveau personnel, je voulais que les patrons soient obligés d’affronter leur lâcheté. Rachid Machiatta Rachid : Pour apporter ma modeste contribution à la République. Qu’est ce que ça a changé dans la société française selon vous ? Sarah : Le testing est connu et appliqué de manière plus large. Machiatta : Grâce aux médias qui ont suivi nos affaires, il y a une véritable pression sur les sociétés. Sarah « Je me sentais Rachid : Les valeurs républicaines : liberté, égalité, fraternité deviennent possibles avec ce type d’actions. vraiment mal quand le premier groupe a su qu’on était passés. » Propos recueillis par Médina Koné Sarah . Commissariats Ces agents de police qui refusent d’enregistrer les plaintes sont hors la loi ! Dans toute la France, des citoyens se sont portés volontaires pour devenir « Testeurs de République ». Pour ces personnes, il leur paraît inadmissible que la France ne soit pas la même pour tous. Ibrahim Keita Sorel, Président de l’association Banlieue du Monde n’a jamais baissé les bras face au refus d’enregistrer les plaintes de certains of!ciers de police... S’engager dans un testing de night-club n’est pas une mince affaire : il faut s’organiser en groupes « test », affronter l’implacable vigil ou physionomiste, digérer les raisons abominables justi!ant l’« apartheid » dans l’accès au droit aux loisirs, ne pas se faire démasquer, veiller tard et en!n faire les démarches légales qui permettent de valider un testing. La première consiste à déposer une plainte mais pour Ibrahim Keita Sorel, l’accueil d’un commissariat du 8ème arrondissement de Paris fut purement et simplement scandaleux. Alors qu’il venait de terminer une opération fastidieuse au cours de laquelle, plusieurs établissements (Le Queen notamment) sur l’avenue des ChampsElysées, avaient été testés par son groupe métissé, c’est un agent récalcitrant qui leur proposa d’abord de déposer une main courante sans valeur juridique qui les a reçus. Puis il tenta pour les décourager, de les envoyer de collègue en collègue durant plus d’une heure. Cet accueil indigne de représentants de l’Etat censés protéger tous les citoyens sans distinction avait pour objectif de décourager les testeurs à une heure tardive (5h du matin). Seulement, c’était sans compter sur l’entêtement dont faisaient preuve Ibrahim et ses troupes. Sans se laisser impressionner, Ibrahim narra sans relâche l’action qu’il venait de mener et irrita les agents qui ne s’attendaient pas à affronter la détermination du groupe. Pour conclure, ils envoyèrent Ibrahim et un agent devant le Queen pour tester les faits par eux- mêmes. Après avoir demandé au physionomiste : « êtesvous raciste ? » l’agent af!rma qu’il s’agissait de simagrées... Malgré ces rejets d’enregistrement des demandes, des procès ont eu lieu et les plaignants ont pu obtenir gain de cause. Comme l’indique Ibrahim « il ne faut jamais se laisser intimider. Même si la plainte n’est pas enregistrée, il faut porter plainte auprès du Tribunal et se constituer partie civile. La médiatisation, autour de nos testings, a permis à de nombreux commissariats de comprendre notre démarche et les blocages sont de plus en plus rares. Il faut aller au bout de la démarche malgré la fatigue et les tentatives d’intimidation ! ». . Médina Koné Pote à Pote Dossier : LE TESTING - LOISIRS juil. - août - sept. 09 13 Sanctions Fermeture administrative d’un établissement de nuit en cas de délit de discrimination raciale. La fermeture administrative s’entend comme la décision prise par une autorité administrative à l’encontre d’une personne morale qui, de par ses activités, commet un trouble à l’ordre public. Cette mesure qui peut se traduire par une fermeture totale d’un établissement, pour une durée dé!nie, peut également revêtir la forme d’un retrait de l’autorisation de fermeture tardive de l’établissement délivrée par l’autorité administrative. Pratiquer la discrimination raciale à l’entrée d’une discothèque devrait pouvoir entraîner une telle sanction au même titre que lorsqu’il s’agit, pour un maire, de fermer un bar en raison des nuisances sonores occasionnées. Un comportement discriminatoire ne constitue t-il pas, à lui seul, un trouble à l’ordre public ? Pour autant, force est de constater que cette sanction a du mal à entrer dans les mœurs en matière d’infraction à connotation raciste. Serait-ce pour des raisons économiques ou pour d’autres motifs? Quoiqu’il en soit, on peut citer en la matière, sous l’impulsion de SOS Racisme, deux précédents datant de 2000 et 2001 à Reims et à Tours. Par décision du 1er août 2000, le sous préfet de Reims avait, en effet, refusé de renouveler l’autorisation, au-delà des horaires légaux, permettant à la discothèque « l’Aquarium » d’ouvrir ses portes. Cette décision se fondait sur un testing physique qui révélait le comportement discriminatoire de la boîte ainsi que sur l’attitude d’un portier qui avait lancé une bombe lacrymogène sur un étudiant d’origine camerounaise souhaitant entrer dans l’établissement. Dans cette affaire, si seuls les horaires habituels de la boîte furent rétrécis, l’enjeu était important vu que la discothèque pouvait, ainsi, déplorer un considérable manque à gagner ! Une autre affaire mais cette foisci, à Tours, avait mis en exergue le prononcé d’une fermeture administrative d’un établissement de nuit. En l’espèce, Nabil MARZOUK s’était vu refuser l’entrée de l’établissement « Les 3 Orfèvres ». Ce dernier avait estimé qu’il s’agissait là d’une discrimination raciale. A la mi-décembre 2001, ayant appris que le parquet avait décidé de poursuivre le patron, le préfet d’Indre et Loire avait pris une décision de fermeture administrative à l’encontre de la discothèque pour une durée de 8 jours. Le 20 Février 2001, le Tribunal Administratif d’Orléans avait, cependant, donné tort au préfet en annulant son arrêté de fermeture administrative faute « d’incidents subséquents au refus d’entrée ou de manifestations violentes de nature à engendrer des troubles à l’ordre public ». Ce que l’on peut toutefois relever, c’est que si, en l’espèce, l’arrêté de fermeture administrative a été annulé, cette décision a eu le mérite à l’époque d’être envisagée par le Préfet. Aujourd’hui, si conformément à la loi en vigueur il est possible par la voie administrative de contraindre un établissement à fermer ses portes dans ce contexte, on déplore que cette sanction soit purement théorique. En la matière pourtant, trois autorités sont compétentes : Le Maire, le Préfet et le Ministère de l’Intérieur. En vertu des articles L2212-2 et L2215-1 du code général des collectivités territoriales, le maire en ce qu’il assure la police municipale et le préfet, en cas de mise en demeure sans résultat du maire, ont le soin de réprimer les atteintes à la tranquillité publique et le maintien du bon ordre dans les endroits où il se fait de grands rassemblements d’hommes ». Par ailleurs, le code de la Santé Publique (CSP), en ses articles 3332-15 2°et suivants, vient souligner le rôle autonome du représentant de l’Etat dans ces mêmes conditions. Il est même précisé, à l’article 3332-15 3° du CSP, que « lorsque la fermeture est motivée par des actes criminels ou délictueux et, qui sont en relation avec la fréquentation de l’établissement ou ses conditions, la fermeture peut être prononcée pour six mois et dans ce cas, la fermeture entraîne l’annulation du permis d’exploitation visé à l’article L3332-1-1 ». En!n, conformément à l’article L3332-16 CSP, le Ministre de l’Intérieur peut, dans les cas prévus au 1° et au 3° de l’article L.333215, prononcer la fermeture de ces établissements pour une durée allant de trois mois à un an. Au regard de ces textes, il apparaît que l’arsenal législatif existe pour frapper les auteurs de discrimination raciale là où ça fait mal ! Le prononcé d’une sanction de fermeture administrative serait, dans ce contexte, incontestablement dissuasif et surtout constructeur d’un meilleur lendemain car, comme avait déjà pu l’énoncer en 2000 Malek Boutih alors, Président de SOS Racisme, “ Si on n’arrive pas à danser ensemble, comment pourra-t-on vivre ensemble ? ”.. . Anny Balta 14 Pote à Pote juil. - août - sept. 09 Dossier : LE TESTING - LOISIRS Cap d’Agde La liste de la honte. Suite a une opération de testing, des agences immobilières et des hôtels du cap d’Agde sont actuellement poursuivis pour discrimination en prenant soin d’enregistrer les conversations. Dans un second temps, les testeurs se sont rendus en caméra cachée dans les hôtels du cap d’Agde accompagnés d’une équipe de France 3. Les testings enregistrés révélaient que les agents immobiliers et les hôteliers prétendaient être pleins lorsque Mohamed ou Mamadou sollicitaient une location, tandis qu’aux même dates et pour les mêmes budgets des appartements étaient proposés à Philippe. En juillet 2003, une employée de l’of!ce de tourisme d’Agde révélait à SOS Racisme que la discrimination raciale battait son plein au cap d’Agde, à tel point que l’of!ce avait dressé une liste tenue à jour depuis 1995 des agences immobilières qui ne voulaient pas de «noms à consonance maghrébine ». En 2003 c’est pour un tiers des agences du cap d’Agde que l’of!ce procédait à un !ltrage raciste des clients à leur envoyer. Pour consolider les preuves de cette discrimination, un testing était alors organisé avec l’équipe militante de la Maison des potes de Narbonne et le comité SOS Racisme de Montpellier. Dans un premier temps, les testeurs, depuis le local de la maison des potes de Narbonne et en présence d’une journaliste de Libération ont téléphoné successivement les agences immobilières et des hôtels du cap d’Agde Au lendemain du testing SOS Racisme déposait plainte auprès du procureur de la République en lui transmettant toutes les preuves rassemblées. Mais après une enquête bâclée, en mai 2004 le procureur classait sans suite cette affaire. Finalement c’est par le biais d’une citation directe qu’en avril 2006, grâce au génie de Me Guillaume TRAYNARD et Me Philippe GIRARD, SOS Racisme prenait la responsabilité de faire comparaître et condamner l’of!ce du tourisme et la responsable du service des réservations. Pour pouvoir faire juger les agents immobiliers et les hôtels par contre, une enquête sérieuse que le parquet n’avait pas fait faire, devait être menée pour identi!er les personnes, auteurs des infractions de discrimination pour le compte de ces entreprises. Pour obtenir cette enquête, SOS Racisme a dû déposer une nouvelle plainte avec constitution de partie civile après que la Cour d’Appel de Montpellier ait, le 12 décembre 2006, con!rmé la condamnation de la responsable du service des réservations de l’of!ce du tourisme du cap d’Agde et relaxé l’of!ce. Actuellement, au Tribunal de Grande Instance de Beziers, un juge d’instruction doit notamment confronter les salariés et les gérants des hôtels et des agences du cap d’Agde avec les enregistrements des testings effectués en août 2003. Pour SOS Racisme, peu importe le temps que cela prendra, l’ensemble des auteurs de ces discriminations devront être jugés et condamnés . Héléna Bondo. Foot Testing du PSG 10 ans après. En 1999, SOS Racisme expérimentait la méthode du testing avec le club de la capitale, retour sur un testing qui avait convaincu les dirigeants de l’époque d’agir. C’était il y a 10 ans. Déjà à l’époque, certains supporteurs du PSG, faisaient déjà parler d’eux. Les actes de racisme et de violence se multipliaient au Parc des Princes. SOS Racisme avait alors décidé de s’attaquer au Kop Boulogne, sanctuaire des intolérants. La rumeur de l’époque voulait qu’une personne de couleur ne puisse pas y accéder : trop dangereuse pour elle et son intégrité physique pourrait être mise à mal. Mamadou Gaye avait pris le risque de participer à cette opération testing. Il se rappelle : « A l’époque, on savait qu’il y avait des discriminations à l’entrée et l’on savait que l’extrême droite envoyait des recruteurs dans la tribune. D’où le double problème, d’abord avec la présence de skinheads dans la tribune, et ensuite avec l’existence de rami!cation politique directe avec le FN ». L’une des premières dif!cultés rencontrées fut l’achat du billet. En effet, la billetterie refusa de vendre à Mamadou un billet pour la tribune du Kop de Boulogne, prétextant ne pas vouloir le mettre en danger. Un autre militant, lui blanc de peau, se présente alors au guichet et ne rencontre aucune résistance à l’achat de son billet. Maître Montézume, Huissier de Justice présent, constate les faits. Finalement, muni d’un billet, Mamadou passe les barrières de sécurité. Mais devant les grilles du Kop de Boulogne, il se voit refuser l’accès à la tribune. Reconnaissant sa responsabilité, le PSG demande à SOS Racisme de l’aider à faire face au racisme de certains supporteurs. Un accord né entre le club et l’association, où le Paris SG s’engage, en effet, à diffuser un clip, réalisé par SOS Racisme jouant sur les clichés racistes. Un plan de sécurité est aussi décidé, en collaboration avec la préfecture visant à terme à éradiquer le racisme de la tribune du Kop de Boulogne. Depuis, d’autres faits-divers sont malgré tout, venus entacher l’image du club francilien. La tentative d’assassinat de Jacques Chirac en 2002 par Maxime Brunerie, un membre de la tribune Boulogne, puis la mort d’un supporteur suite à une rixe contre un supporteur israélien en 2006, montrent bien que le problème n’est pas totalement résolu. Il est encore temps pour les dirigeants parisiens d’agir sous peine de voir cette minorité active frapper une nouvelle fois et parler de nouveaux drames auxquels le Paris Saint Germain ne pourra plus se dissocier. . Karim Omarjee. Pote à Pote Dossier : LE TESTING - MÉTHODOLOGIE juil. - août - sept. 09 15 Devenez Testeurs de République... par Anny Balta Méthodologie du testing emploi : Testing courrier - Faîtes 2 CV et 2 lettres de motivation plus ou moins similaires en fonction du poste à pourvoir dans l’entreprise. Les noms de famille doivent êtres visibles et l’un à consonance extra-européenne et l’autre à consonance européenne. Attention, l’identité du testeur susceptible d’être discriminé doit toujours être véritable car s’il devait être victime de discrimination, il faudrait pouvoir l’identi!er ! Une identité imaginaire serait de nature à écarter l’infraction ! Testing sur présentation physique La préparation du testing : - Choisissez des testeurs de même âge environ et de même sexe. - La distinction doit être visible au regard de leur couleur de peau ou de leur accent. - Les candidats doivent être correctement habillés. Ils doivent connaître un minimum le métier pour répondre aux éventuelles questions de l’employeur. - Sur chaque CV, un numéro de téléphone doit être indiqué sur lequel vous êtes joignable ainsi qu’un mail créé pour l’occasion. - Envoyer les CV par mail ou par courrier, plus ou moins en même temps. - Faites 2 CV équivalents, mais pas identiques, pour chaque testeur (de même, l’identité de la personne susceptible d’être discriminée doit être véritable) =>Faites une lettre de motivation pour chaque testeur. Conseils : Assurez vous de préférence que l’entreprise est bien en période de recrutement. =>Munissez-vous d’un moyen d’enregistrement, soigneusement caché, sur chacun des testeurs pour enregistrer et/ou !lmer le testing. (dictaphone, caméra...). Le testing proprement dit : - Le testeur « typé européen » entre en premier dans le commerce, par exemple, et demande à voir un responsable pour lui soumettre son CV. - 5 minutes après que le testeur « typé européen » soit sorti, le testeur de « type extraeuropéen » entre pour déposer son CV. Conseils : Deux accompagnateurs, coordonnant l’opération, doivent être présents dans le commerce pendant toute la durée du testing a!n de véri!er que les CV ne sont pas jetés à la poubelle après le passage des testeurs et pour témoigner de ce qui se passe si une situation imprévue arrivait. Testing par téléphone La préparation du testing - Vous devez anticiper les questions de votre interlocuteur sur votre identité et sur votre pro!l. En fonction du poste à pourvoir vous devez avoir le pro!l adéquat en termes de compétence professionnelle et scolaire. - L’un des testeurs doit avoir un nom à consonance extra-européenne ou un accent et l’autre, un nom à consonance européenne. =>Munissez-vous d’un dictaphone voire d’une caméra pour enregistrer le testing. Le testing proprement dit : - Avant d’appeler, n’oubliez pas d’activer votre dictaphone, d’indiquer votre nom, et précisez l’heure, la date du testing ainsi que le nom de l’entreprise que vous testez. - Le testeur, avec le nom à consonance européenne, doit appeler le premier en déclinant clairement son identité et dire qu’il a vu une offre d’emploi pour tel poste et qu’il est intéressé par celle-ci. - Le second testeur (qui a un nom à consonance extra européenne ou un accent) doit appeler avec 10 à 15 minutes d’intervalles. Il doit décliner clairement son identité (nom, prénom) et dire qu’il est intéressé par le même poste. Conseils : Ne pas hésiter à demander l’identité de votre interlocuteur en prétextant que vous souhaitez garder contact pour suivre l’évolution de votre candidature. Garder la cassette d’enregistrement précieusement. Méthodologie du testing logement : Testing téléphonique La préparation du testing : Vous pouvez décider de tester une agence immobilière ou un particulier. Le testing peut viser un bien spéci!que ou un type de biens au hasard (cette dernière hypothèse spéci!quement prévue quand on teste une agence immobilière ou un propriétaire louant plusieurs biens). En général, seules les agences ou les particuliers soupçonnés de discrimination raciale font l’objet d’un testing. - Avant d’appeler, le testeur « typé européen » met en marche le dictaphone et énonce son identité, la date, l’heure ainsi que le nom de l’agence testée. Le testing proprement dit : - Tout est enregistré lors de la conversation. Il récupère le maximum d’informations concernant la disponibilité et les conditions de location a!n que cela serve de support à l’autre testeur. - Le testeur au nom à consonance extraeuropéenne, active son dictaphone et énon- ce avant son appel son identité, la date, l’heure ainsi que le nom de l’agence testée. - Il s’approprie un pro!l adéquat en termes de ressources et de stabilité d’emploi équivalent à celui de l’autre testeur (voire plus avantageux que le testeur « typé européen ») et sollicite la même agence ou le même particulier pour le même bien ou le même type de biens. La méthode peut être inversée en ce que le testeur typé européen appelle après le testeur typé extra-européen. 16 Pote à Pote Dossier : LE TESTING - MÉTHODOLOGIE juil. - août - sept. 09 Testing sur présentation physique La préparation du testing : Le testing proprement dit : Rechercher les agences immobilières à tester. Le plus simple est d’imprimer une liste sur des sites de location en ligne ou d’acheter les journaux comme Particulier à Particulier. Le testing peut concerner des appartements situés dans des quartiers plutôt côtés (style centre ville) ou bien viser des biens de particuliers soupçonnés d’avoir un comportement discriminatoire. Dès que vous avez trouvé les agences à tester, il faut aller voir les petites annonces en vitrine, pour savoir quels types de logements sont disponibles. - Les deux testeurs qui se présentent séparément à l’agence et à des intervalles proches doivent prétendre impérativement avoir des revenus plus ou moins similaires, une stabilité de l’emploi similaire et être du même sexe. - Chercher des témoins de moralité si possible de notoriété locale (prof, élus, médecin ou journaliste...). =>Il ne faut pas oublier d’enregistrer les échanges par le biais d’un dictaphone ou d’un téléphone performant enregistreur. Dans les meilleures conditions, être doté d’une caméra cachée. La méthodologie du testing loisirs La préparation du testing Le testing proprement dit Après le testing - Rassemblez Huit personnes pour le testing : Deux couples « de type européen » et deux couples « de type extra-européen». - Le premier groupe de testeurs à se présenter à la porte est le groupe de « type extra-européen ». Il doit se placer dans la !le d’attente. Le dictaphone doit être en marche dans la poche de veste ou de chemise de l’un des testeurs. - Les témoins doivent mettre leur témoignage par écrit avec le plus de détails possible. Ils devront notamment préciser : - Appelez 2 personnes qui feront of!ce de témoins de la scène du testing (de préférence un témoin de moralité tel un élu, un journaliste...) - Vous devez être correctement habillés en fonction de la soiréa!n que votre style vestimentaire ne puisse pas être un argument pour vous refuser l’entrée. Les deux groupes de testeurs doivent avoir le même style vestimentaire. - Vous devez vous munir de vos pièces d’identité. =>Chaque groupe de testeurs devra être muni d’un dictaphone lequel sera en mesure d’enregistrer les propos tenus par les videurs ou physionomistes. Le dictaphone devant être porté par le testeur le plus proche du portier. Attention : Avant de partir prenez des photos des groupes, lesquelles pourront attester par la suite que vous étiez tous bien habillés. Faîtes également la photocopie de votre pièce d’identité et munissez vous d’une attestation de témoignage à compléter. - Si ce groupe réussit à entrer dans la boîte, le testing n’est pas constitutif d’une preuve de discrimination. S’il lui est, par contre opposé un refus, il est essentiel que les testeurs de ce groupe mémorisent très exactement le motif de leur refus. - Le deuxième groupe de testeurs doit entrer dans la !le d’attente 5 minutes environ après que le premier groupe soit revenu. Les deux groupes doivent faire semblant de ne pas se connaître. Le dictaphone doit être dans la poche de l’un des testeurs. Conseils : Les testeurs dans la !le d’attente doivent bien se tenir et discuter entre potes, car le moindre écart de conduite peut servir de contre argument à la discrimination lors du procès. (Ex : « Ils ne sont pas rentrés parce qu’ils sentaient l’alcool ») > L’heure de présentation des deux groupes de testeurs devant la boîte. > Le style vestimentaire des autres personnes devant la boîte > Le style de musique dans la boîte > Le nombre de physionomistes devant la boîte et leur description physique > Les propos énoncés par les portiers (« ça ne va pas être possible, c’est une soirée privée, vous n’êtes pas des habitués, c’est complet.....»). > A quel niveau et dans quelle rue étaient les témoins. - Les enregistrements en poche, rendez vous tous au commissariat le plus proche (ou à la gendarmerie) et portez plainte pour discrimination. - Pendant toute la durée du testing, les deux témoins devront être non loin de l’entrée de la boîte, en face ou à côté de la !le d’attente. Comment savoir s’il y a eu discrimination ? A!n d’apprécier s’il y a eu discrimination ou pas, il s’agira de mettre en évidence la différence de traitement opérée entre les groupes de testeurs pourtant placés dans les mêmes conditions. Exemple : On a dit au groupe de testeurs de « type extra-européen » que « ce soir, c’est réservé aux habitués ! » or, l‘autre groupe de testeurs qui vient pour la première fois dans cet établissement a été admis sans dif!culté. Important : le fait que le comportement discriminatoire soit isolé n’a aucune incidence sur la constitution de l’infraction elle-même.