4-mesures et chiffres

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4-mesures et chiffres
Comment mesure-t-on les discriminations ? 1/2
Les mesures objectives :
1/ Mesurer des écarts entre deux populations, « toutes choses égales
par ailleurs »
Mesurer statistiquement l’existence de discriminations consiste à évaluer les inégalités de traitement de deux
populations, « toutes choses égales par ailleurs ». Par exemple, l’inégalité salariale entre les sexes doit être
mesurée en comparant un groupe d’hommes et un groupe de femmes présentant le même niveau de qualification,
d’expérience, d’ancienneté, de temps de travail et occupant le même type de poste. De même, l’accès à l’emploi des
personnes handicapées doit être envisagé à sexe, âge et diplôme équivalents.
2/ Le test de situation ou « testing »
Le testing est une méthode de détection d’une discrimination lors d’un processus de sélection (embauche, accès au
logement…). Il s’agit de comparer le traitement de deux personnes présentant un profil identique, hormis le critère
testé potentiellement discriminant et prohibé par la loi (l’âge, l’origine réelle ou supposée, etc.).
Il existe deux catégories de testing :
1 - le test de nature statistique ou sociologique dont l’objectif est d’établir des tendances à partir de moyennes et de
pourcentages sur « le constat d’un traitement défavorable »* ;
2 - le test à finalité judiciaire visant à prouver un comportement délictueux précis, attribué à une personne déterminée.
Depuis la loi du 31 mars 2006 pour l'égalité des chances, le testing constitue une preuve juridique dans le cadre des affaires de
discrimination. Cependant, la circulaire du 26 juin 2006** a clairement précisé qu’une condamnation ne pourrait pas être
prononcée à la suite d’un test où la personne qui a été traitée défavorablement se serait présentée sous une fausse identité et
avec de fausses caractéristiques.
* Burnier F. et Pesquié B. (2007), « Test de discrimination et preuve pénale », La Doc. française | Horizons stratégiques - n°5 pages 60 à 67.
** Circulaire du 26 juin 2006 relative à la présentation des dispositions de la loi n° 2006-396 du 31 ma rs 2006 pour l’égalité des chances relatives à la lutte contre les
discriminations et du décret n°2006-641 du 1er juin 2006 relatif aux transactions proposées par la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité.
Comment mesure-t-on les discriminations ? 2/2
Les mesures subjectives :
3/ Les échelles d’attitude permettent de mesurer les dispositions et opinions d’une population
vis-à-vis des discriminations*. A titre d’illustration, l’étude menée sur l‘homophobie dans le sport aquitain** a
confirmé l’hypothèse d’une forte homophobie dans les disciplines masculines. Ainsi, l’intensité des attitudes
négatives envers les personnes homosexuelles est corrélée à certains facteurs sociodémographiques et au
type de sport pratiqué (Anthony Mette, 2011).
4/ Les baromètres d’opinion sur la perception des discriminations
visent à mesurer les discriminations ressenties ou observées par un groupe de population. Depuis 2008,
l’institut CSA*** réalise un sondage d’opinion pour la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et
pour l’égalité (HALDE)**** et l’Organisation internationale du travail (OIT) sur la perception des
discriminations au travail. Les résultats de 2010 montrent que la grossesse et la maternité sont les motifs les
plus cités par les salariés du secteur privé comme du secteur public. L’origine ethnique demeure cependant
le premier motif cité par les salariés du secteur privé.
Pour quel usage ?
La prise en compte de ces informations dans la mise en œuvre des politiques publiques permettent de lutter
contre les inégalités.
*
**
Augry, Hennequin, Karakas, (2007) ; « mesure de la diversité et de la discrimination : un apport limite des outils de recherche », XVIIIème congrès de l’AGRH.
État des lieux de l’homophobie dans le sport aquitain, réalisé par le cabinet MB pour la Direction Régionale de la Jeunesse, des Sports et de la Cohésion
Sociale (DRJSCS Aquitaine) en 2011. Au total, 922 acteurs sportifs ont été interrogés au cours de la saison 2010/2011.
*** Perception des discriminations au travail: regard croisé sur les salariés du privé et agents de la fonction publique, baromètre 2010 Halde – OIT.
**** Aujourd’hui dissoute dans le Défenseur des droits.
Chiffres clés 1/2
Si les discriminations produisent des inégalités, ces dernières ne sont pas uniquement la
conséquence de discriminations, d’autres facteurs entrent en ligne de compte (le niveau de
qualification, le temps de travail…)
L’origine supposée ou réelle
La probabilité de retrouver un emploi au bout de dix-huit mois est, toutes choses égales par
ailleurs (sexe, âge, formation, qualification, région, statut du dernier emploi), inférieure de
10 points pour les étrangers non européens* par rapport aux Français d'origine mais est
supérieure de 5 points pour les étrangers d'origine européenne (en particulier grâce à une
forte mobilisation du réseau des relations personnelles pour les Portugais, Espagnols ou
Italiens).
A niveau de vie équivalent, les personnes d’origine supposée française (hommes de 28 ans
au nom évoquant une origine de France métropolitaine) ont quatre fois plus de chances
d’obtenir un appartement que les candidats d’origine maghrébine ou africaine**.
*
Périmètre : taux de retour à l'emploi d'une cohorte de nouveaux inscrits à l'ANPE au cours du deuxième trimestre 1995.Source: « Chômeurs étrangers et
chômeurs d'origine étrangère », C. CANAMERO, G. CANCEILL, N. CLOAREC, Premières synthèses, n°46-2, DARE S, novembre 2000.
** Haute autorité de lutte contre les discriminations (Halde) - ASDO. Année des données : 2006, tests sur 126 annonces par téléphone (411 appels) et 100
visites.
Chiffres clés 2/2
L’apparence physique
Les résultats d’un testing* mené en France, en 2005, démontrent que les candidats présentant
une surcharge pondérale ont deux fois moins de chance d’accéder à un entretien
d’embauche que les candidats présentant ne présentant pas de surcharge pondérale
(toutes choses égales par ailleurs).
Le critère du handicap
A sexe, âge et niveau de diplôme identiques, une personne handicapée** a 3 fois moins de
chances d’obtenir un emploi qu’une personne non handicapée.
L’adresse
En moyenne, résider dans une commune défavorisée réduit de 4 points les chances
d’obtenir un entretien d’embauche***. Cet effet est plus important lorsque les candidats
sont qualifiés ; il varie également selon l’origine des candidats.
L’orientation sexuelle
La comparaison des salaires des travailleurs homosexuels**** à ceux des travailleurs
hétérosexuels possédant exactement les mêmes caractéristiques, montre que les gays
subissent une pénalité forte, aussi bien dans le secteur privé (- 6,2%), que dans le
secteur public, (- 5,5%) en 2009.
*
**
"L'Obèse : l'incroyable discriminé", Observatoire des discriminations, 2005. Méthode : envoi de 2 CV pour chaque annonce ; le premier CV comporte la photo
d’un candidat présentant un physique « standard », le second CV comporte la même photo transformée informatiquement afin qu’il présente un surcharge
pondérale.
Observatoire des inégalités (avril 2011), Mesurer les discriminations : méthodes et résultats, les dossiers de l’observatoire.
*** « Les facteurs de discrimination à l’embauche pour les serveurs en Île-de-France », Dares, septembre 2009.
**** « Moins égaux que les autres ? Orientation sexuelle et discrimination salariale en France », Thierry Laurent et Ferhat Mihoubi, document du Centre d’Études des
Politiques Économiques de l’Université d’Évry-Val d’Essonne, décembre 2009.
Baromètre emploi Adia - Observatoire des
discriminations
Le premier baromètre sur les discriminations à l’embauche mené par l’Observatoire des discriminations en collaboration avec la
société d’intérim Adia, en 2006*, a montré :
.
que le candidat de 48-50 ans recevait 3 fois moins de réponses positives que le candidat de référence (homme de 28-30 ans
« français de souche » par son nom et prénom, sans photo) ;
que le candidat d’origine maghrébine recevait 2.7 fois moins de réponses positives que le candidat de référence
1.8 fois moins pour le candidat handicapé ;
1.5 fois moins de réponses positives pour la candidate ;
enfin 1.4 fois moins de réponses positives pour la variable de l’apparence disgracieuse.
De multiples catégories socioprofessionnelles ont été testées (ouvriers, employés, techniciens,
commerciaux, professions intermédiaires, cadres).
La discrimination à l’égard des seniors au moment du tri des CV se vérifie pour tout type
d’emploi.
Les professions intermédiaires sont plus enclines à accueillir les femmes avec enfant(s) que
les autres professions.
Les handicapés obtiennent de bons résultats sur les postes d’encadrement.
La discrimination sur le critère de l’origine s’avère particulièrement élevée pour les postes de
cadres (un candidat cadre d’origine maghrébine a 6 fois moins de chance d’obtenir de réponses
positives que le candidat de référence).
La région parisienne discrimine 2 fois moins en raison de l’origine que la région Est ou PACA.
Le secteur de la construction est celui qui discrimine le moins en raison de l’apparence
physique, de l’âge et de l’origine. A l’inverse, l’industrie sélection nettement sur ces critères.
Le secteur tertiaire accueille favorablement les personnes en situation de handicap mais est
plus réticent en ce qui concerne les seniors et les
candidats d’origine maghrébine.
* 6 461 CV ont été envoyés durant une année en réponse à 1 340 offres d’emploi
Testing HALDE 2008
En 2007, la Halde a fait réaliser des tests de discrimination à l’embauche* auprès de 15
entreprises du CAC 40 et 5 intermédiaires de l’emploi. Ces tests ont été réalisés entre juillet et
décembre 2007.
Méthodologie
La méthode de « l’audit par couple » a été utilisée. Les tests ont porté sur la sélection de CV des
entreprises avant la proposition d’un entretien d’embauche ; 1 469 offres ont été testées et 5 620
CV ont été envoyés.
Les motifs prohibés testés
L’origine réelle ou supposée (maghrébine ou subsaharienne) et l’âge (plus de 45 ans). Trois
catégories de CV ont été envoyées :
- 2 288 CV pour les candidats dits « de référence » ;
- 1 972 CV pour les candidats susceptibles d’être discriminés en raison de leur origine ;
- 431 CV pour les candidats susceptibles d’être discriminés en raison de leur âge.
Les résultats:
Les candidats susceptibles d’être discriminés du fait de leur origine réelle ou supposée ont 22,7%
moins de chance de se voir proposer un entretien.
Les candidats susceptibles d’être discriminées en fonction de leur âge ont 42,1% moins de chance
d’accéder à un entretien d’embauche.
*Actions de test par envoi de CV, rapport général remis à la Halde, mai 2008.