lire le compte-rendu au format PDF
Transcription
lire le compte-rendu au format PDF
Déjeuner du mardi 22 novembre 2005 à 12h45 au Cercle de l’Union Interalliée (33, rue du Faubourg Saint-Honoré – Paris 8e) sur le thème « La HALDE : lutte contre la discrimination et promotion de l’égalité » autour de M. Louis Schweitzer, président de la HALDE Liste des participants : Nadia Amiri, conseillère technique au cabinet du ministre délégué à la Promotion de l’égalité des chances Viviane Apied, conseillère du président de l’Assemblée nationale Gérard Bapt, député de la Haute-Garonne Nora Barsali, conseillère du ministre délégué à la Promotion de l’égalité des chances Thomas Bobtcheff, administrateur à la commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale Chantal Bourragué, députée de la Gironde Paul Boury, président de Boury & Associés Christine Boutin, députée des Yvelines, représentée Isabelle Caputo, secrétaire générale adjointe du groupe UMP de l’Assemblée nationale Monique Cerisier-ben Guiga, sénatrice des Français établis hors de France Jean-Paul Charié, député du Loiret Michel Charzat, député de Paris Anne Derré, conseillère technique du ministre de l’Emploi, de la Cohésion sociale et du Logement Marc Dubourdieu, directeur général de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité Thierry Duclaux, conseiller du ministre de la Justice Pierre Fonlupt, vice-président du SETT Frédéric Fougerat, délégué général de l’Institut Vedior pour la diversité et l’égalité des chances Denis Jacquat, député de la Moselle Gilles Lafon, président du SETT Jean-Marie Le Guen, député de Paris Isabelle Lombard, directrice de la communication et de l’organisation régionale du SETT Lionnel Luca, député des Alpes-Maritimes Ghislain Missonnier, directeur des relations institutionnelles d’Adia Rachid Mokran, conseiller technique du ministre des PME, du Commerce, de l’Artisanat et des Professions Libérales Frédéric Noyer, directeur général de Randstad Interim Christian Pedeux, secrétaire général d’Adecco Gonzague de Pirey, conseiller technique du Premier ministre Jean-Luc Préel, député de la Vendée Alain Régnier, conseiller du Premier ministre François Roux, délégué général du SETT Sophie Sanchez, directrice des ressources humaines du groupe Synergie André Santini, député des Hauts-de-Seine Irène Tharin, député du Doubs Dominique Tian, député des Bouches-du-Rhône André Vallet, sénateur des Bouches-du-Rhône Michel Villac, conseiller technique de la ministre déléguée à la Cohésion sociale et à la Parité Ce compte rendu, rédigé à titre indicatif, est destiné aux participants. Pas de reproduction sans autorisation. Gilles Lafon Merci à tous de votre présence aujourd’hui pour cette réunion de notre Cercle Emploi et Société et particulièrement à notre invité Louis Schweitzer, président de la HALDE (Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité). Je rappelle que ce Cercle a pour vocation de rassembler des parlementaires et des professionnels de l’emploi que sont les chefs d’entreprises de travail temporaire pour évoquer des questions liées à l’emploi. Si la lutte contre les discriminations est au cœur de l’actualité, elle est considérée depuis longtemps comme une problématique essentielle pour notre profession. En tant qu’acteur majeur du marché de Renseignements : Boury & Associés • 5, rue de Milan • 75319 Paris cedex 09 Tél. : 01 44 91 55 10 • email : [email protected] l’emploi, le travail temporaire est doublement concerné par les questions de discrimination : - en veillant à ce que les processus de recrutement ne soient pas discriminatoires ; - en luttant contre les discriminations directes, indirectes voire non-intentionnelles. Le SETT a formalisé son engagement en faveur de la lutte contre la discrimination par l’accord signé le 3 février 2005 avec le Premier ministre, la DPM et le FASILD visant à prévenir les discriminations dans le travail temporaire et la charte d’engagement de la profession signée le 18 novembre 2005 en présence de Gérard Larcher. La notion de compétences doit passer avant toute autre chose. Dans cet objectif, Louis Schweitzer, je vous laisse la parole afin de nous parler des objectifs et des enjeux de la HALDE. Louis Schweitzer Merci, je suis content d’être ici : les entreprises de travail temporaire sont de bons élèves dans la lutte contre la discrimination. En outre, le travail temporaire est un bon passage vers l’intégration. Je commencerais mon exposé en présentant la HALDE, ses objectifs, puis le dialogue qui suivra nous permettra d’aborder les questions de fond. Nous sommes une autorité administrative indépendante, composée d’un collège de onze membres choisis pour cinq ans, non-renouvelables. C’est une institution jeune, le collège a été nommé le 8 mars 2005 : dresser un bilan de son action serait donc prématuré. C’est une directive européenne qui suggère qu’une institution contre les discriminations soit créée dans chaque Etat européen. La spécificité française est que la HALDE se pose contre toutes les discriminations (sexe, apparence, physique, religion…). Sur le plan de la mission et des activités de la HALDE, nous avons choisi de travailler à partir de requêtes individuelles. Cela nous permet de nous ancrer dans le réel : nous avons déjà été saisis de 1 000 réclamations et sommes sur une base annuelle de 3 000. C’est beaucoup et peu à la fois : - beaucoup car seulement quarante affaires par an étaient jugées par le passé, mais peu au regard du nombre de discriminations triées par lieu et motif. 50 % des discriminations sont constatées dans le cadre de l’emploi, 35 % des motifs sont fondés sur l’origine, 15 % sur les handicaps. En ce qui concerne la procédure, il suffit de nous écrire une lettre. Si nous sommes compétents, nous traitons le problème. Pour traiter ces sujets, nous avons des pouvoirs d’instruction, de médiation, de recommandation et nous pouvons saisir le Parquet. Même si nous parvenons à traiter les 3 000 cas qui nous sont présentés, nous aurons apporté une toute petite contribution, et ce de différentes manières : - - - à partir d’un cas particulier, nous définissons une action générale. Par exemple, une discrimination récente que nous avons suivie, relative à l’âge, nous avons écrit aux journaux et aux organismes professionnels pour sensibiliser les gens à ces questions. Avec quarante sanctions par an, cela ne pousse pas à respecter la loi. Nous avons le droit de donner des sanctions : il s’agit de mettre en place un mécanisme de sanctions qui ne soit pas reporté à plusieurs années. Il faut en faire de la publicité pour faire une distinction entre bonnes et mauvaises pratiques : il faut susciter la signature de conventions et d’accords avec des organismes professionnels. Je cite l’exemple de la mise en place d’une réflexion sur la manière d’associer les entreprises à la lutte contre les discriminations. Certaines pratiques sont directement ou indirectement discriminatoires comme c’est le cas des dissertations à traiter sur la littérature du XVIIe siècle dans les concours administratifs : poser ce genre de sujet ne permet pas de juger justement du professionnalisme, et fait fi du milieu social d’origine. Enfin, le rôle des recommandations est déterminant. Notre rapport annuel à paraître en avril montre ce que l’on accomplit pour arriver à mieux faire respecter la loi, au besoin par une modification de la loi. Je ne me fais pas d’illusions ; dans cinq ans nous n’aurons pas mis fin aux discriminations en France, mais j’ai une double ambition : - que chaque personne sache qu’il y a une alternative à la résignation ; - que l’on obtienne une rupture de pente, comme pour la sécurité routière. Quand l’action se montre déterminée, elle peut être efficace. Chantal Bourragué Une étude récente est parue sur le comportement des établissements financiers espagnols et français relatifs à l’accès au financement de la vie des ménages qui s’installent. Dans ce domaine, la France n’a pas assez avancé, pourquoi la discrimination persiste ? André Vallet J’ai deux questions : comment allez-vous vous faire connaître ? Et en ce qui concerne votre saisine, est-ce par des particuliers ou des associations ? Et si ce sont des associations, lesquelles sont les plus actives ? En outre, j’ai été interpellé sur la question des sanctions : il est nécessaire qu’il y ait une suite au dossier que vous instruisez, quelle est la moyenne des réponses de la justice ? 2 Louis Schweitzer Sur le comportement des établissements financiers tout d’abord. C’est vrai, la discrimination est plus dure à débusquer dans ce secteur particulier que dans d’autres. Dans les assurances, la discrimination est autorisée. Les banques ont le droit de définir un certain nombre de critères pour réduire les risques qu’elles prennent. Il n’existe donc pas encore de réponse précise à votre question, mais cette situation est inadmissible. Monsieur, je réponds maintenant à vos questions. Quand une discrimination a lieu, elle ne peut être sanctionnée à chaque fois. Notre notoriété est encore faible, c’est pourquoi nous tâchons de nous faire connaître dans la presse lue par le plus grand nombre, dans la presse gratuite par exemple. Nous devons surtout résoudre les problèmes pour nous faire connaître et pour ne pas souffrir du syndrome « allô victimes ». Concernant les sanctions, je n’ai pas de statistiques car nous sommes trop jeunes. Pour l’instant, quarante affaires par an étaient sanctionnées par les tribunaux, en incluant les appels à la discrimination tels que les propos haineux, mais ce n’est pas un objectif des tribunaux aujourd’hui. Un pouvoir de sanction autonome est donc bien nécessaire à la HALDE. Notre saisine ne se fait quasi exclusivement que par des particuliers, les associations souhaitant plutôt conserver leur fonds de commerce. Monique Cerisier-ben Guiga Je souhaite m’exprimer à propos des classes moyennes issues de l’immigration. Les discriminations relatives au type ethnique, au patronyme… sont très fréquentes. A quel niveau de formation se plaint-on de discrimination à l’embauche ? Et pour le logement nous sommes même face à une discrimination multiple, plurielle. Lionnel Luca Dans le cadre des cours que je dispense, le cabinet d’assurance qui embauchait une de mes élèves d’origine maghrébine n’a pas souhaité la conserver dans sa structure arguant du fait qu’elle ne correspondait pas au profil de la clientèle. Quels moyens avez-vous de responsabiliser la population d’une manière générale, et pas seulement les entreprises ? Louis Schweitzer Oui, nous avons des cas de discriminations multiples. Elles peuvent se présenter dans des situations différentes :une situation simple caractériserait une personne d’origine maghrébine ou de plus de quarante ans. Une situation plus compliquée serait une femme issue de l’immigration. C’est un vrai sujet, nous avons décidé de lancer une étude sur la multidiscrimination. Je ne connais pas les statistiques sur les discriminations liées au niveau de formation. Le problème est que les gens éprouvent des difficultés à trouver des preuves. Je cite l’exemple de ce diplômé de l’Ecole des mines d’origine maghrébine qui se voit refuser des entretiens jusqu’à ce qu’il modifie son patronyme pour en choisir un français sur son CV. La méritocratie républicaine veut que celui qui travaille soit intégré. Or, ce type d’exemple montre que parfois cela ne marche pas. Nous devons faire du testing et pousser les entreprises à faire de l’autotesting auprès de ses recruteurs. A la question, « c’est pas moi qui suis raciste, ce sont mes clients », j’ai trois réponses à apporter : 1. Ce n’est jamais une excuse, c’est un motif : on ne peut se cacher derrière qui que ce soit. 2. Dans certains cas c’est une excuse. 3. Dans d’autres, des acteurs, comme par exemple la FNAIM ou le SETT, s’engagent à entamer une démarche pédagogique visant à réduire les réticences des propriétaires à louer à des étrangers. Rachid Mokran Je suis conseiller technique auprès de Renaud Dutreil, ministre des Petites et Moyennes Entreprises, du Commerce, de l’Artisanat et des Professions libérales. Je souhaiterais faire un petit rappel historique. J’ai une expérience de trente ans de vie dans les quartiers : j’ai constaté une logique de stigmatisation, et la nation française dit un « nous » qui n’existe pas. Le regard des Français sur l’immigration déconstruit les immigrés ainsi que les enfants d’immigrés en créant une logique de violence. Cela entraîne un développement de la culture de la méfiance. Comment la HALDE, sur la question de la pédagogie et de l’information des acteurs (élus, patrons…) va-t-elle mener son action ? Et quels types d’actions ? Quel travail de fond avez-vous imaginé pour qu’une relation de confiance, « gagnant-gagnant », se mette en place ? Dominique Tian L’Etat n’est pas exempt de toute critique : la limite d’âge pour les concours administratifs est déjà une première discrimination. L’Etat n’embauche pas non plus de handicapés : l’Education nationale refuse même de répondre aux questionnaires qui lui sont adressés à ce sujet. Louis Schweitzer Au fond vous dites : « la société invente un nous qui n’existe pas ». En voulant lutter contre la discrimination, nous créons des « nous » dont nous ne voudrions pas qu’ils existent. Les techniques de quotas, qui définissent les gens par des origines – et 3 c’est pour cette raison qu’il ne faut pas s’y résoudre – créent des « nous » qui n’existent pas. Pour ce qui est de l’Etat, vous avez raison, mais sur un point vous avez tort : toutes les limites d’âge ont été abolies sauf chez les militaires et dans certaines études qui nécessitent suffisamment de temps pour les rembourser. Sur ce point, l’Etat a progressé. J’ajoute, en revanche, que j’ai appris la situation de certains médecins étrangers en arrivant à la HALDE : ils ont des diplômes non-reconnus, mais travaillent tout de même et sont payés trois fois moins. C’est une situation inacceptable : soit ils ont la compétence et sont payés en conséquence, soit ils ne l’ont pas et ils ne travaillent pas. Nous avons une certaine image de l’État comme une puissance tutélaire : s’il donne le mauvais exemple, qui va donner le bon ? questions et les traiter de manière collective sans statistique ? Jean-Paul Charrié Je partage ce que vous venez dire. Je voudrais que vous abordiez un autre sujet : les mentalités ne peuvent évoluer que par la communication. Les différences sont une source d’enrichissement et non une entrave. J’ai entendu que vous aviez un budget de 10 millions d’euros, avec cinquante à soixante employés : ne manquez-vous pas d’un budget « communication » ? Jean-Marie Le Guen Je maintiens qu’il y a un problème marketing de recrutement. Ghislain Missonnier Quelle est votre position sur le CV anonyme ? Louis Schweitzer Sur la communication, c’est effectivement un aspect important. Mais la HALDE n’a pas le monopole de la lutte contre la discrimination, les associations doivent conserver leur part de responsabilités. Vous avez raison de dire qu’il y a de la communication à réaliser, mais elle doit s’accompagner d’actions : nous n’avons pas l’intention d’être conceptuel. Concernant le CV anonyme, ce n’est pas la panacée, mais il mérite d’être testé. S’il est efficace, tant mieux, sinon il sera abandonné. Il n’est en aucun cas généralisable, il faut le laisser aux grandes entreprises lorsque celles-ci externalisent leur recrutement. Enfin, je souhaite réaffirmer que mon objectif est qu’il n’y ait plus de personnes sans recours. Il faut mettre en place un système qui réponde aux attentes. Louis Schweitzer A propos de la discrimination sur les apparences physiques, ces statistiques sont impossibles à mettre en place et ne sont d’aucune aide. Les statistiques créent des groupes qui n’existent pas. Pour ma propre succession et afin d’entraîner un véritable changement j’ai eu recours à un cabinet de recrutement pour organiser ma succession. André Santini (à Jean-Marie Le Guen) Et même s’il y avait eu des populations d’origines ethniques plus diversifiées, comment aurais-tu distingué les personnes d’origine réunionnaise et camerounaise ? Paul Boury Y a-t-il des inspecteurs des finances d’origine ethnique étrangère ? Louis Schweitzer En 1974, il y a eu la première femme inspecteur des finances. La dernière promotion n’est composée que de femmes. Et oui, il y a des représentants de minorités visibles à l’Inspection des finances. Monique Cerisier-ben Guiga Il y a une situation d’urgence. Nous ne pouvons pas discréditer les statistiques sur l’origine ethnique aussi vite. Paul Boury Merci à tous, et merci à notre invité de s’être exprimé avec autant de franchise. Jean-Marie Le Guen Vous vous êtes opposé aux statistiques impliquant des critères d’origine ethnique. Si on regarde la brigade des pompiers de Paris, on constate de fait une ségrégation à l’embauche. Comment faire s’il n’y a pas un certain nombre de statistiques ? Doiton se contenter du travail empirique d’enquête pour s’approprier la réalité ? Comment traiter ces 4