Jean-Claude BEACCO, L`approche par compétences dans l

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Jean-Claude BEACCO, L`approche par compétences dans l
Éducation et Sociétés Plurilingues n°32-juin 2012
Jean-Claude BEACCO, L’approche par compétences dans
l’enseignement des langues. Enseigner à partir du Cadre européen
commun de référence pour les langues, Paris, Didier, 2007.
Gabrielle VARRO
Partant du principe que la maîtrise des langues est un ensemble structuré de
compétences diverses – la connaissance d’une langue (étrangère ou non)
«n’étant pas un tout indissociable mais un ensemble d’éléments» – J.-C.
Beacco affirme qu’il y a autant de méthodologies d’enseignement que de
compétences identifiées. L’originalité de cet ouvrage est de se reporter au
Cadre européen commun de référence pour les langues (CECRL) du point
de vue de la méthodologie d’enseignement, alors que «le Cadre» a été et
continue d’être surtout sollicité pour l’évaluation, puisqu’il permet de
construire une échelle commune.
L’approche par compétences développée ici n’est pas réservée à
l’enseignement des langues: reconnaître et développer la souplesse,
l’adaptabilité, la capacité d’actualiser ce que l’on sait dans une situation
sociale donnée est de la compétence en acte.
L’auteur concède (nous prévient) que les jeunes enseignants auront du mal
à se faire à cette approche, parce qu’ils pratiquent généralement une
approche globalisante (qu’il appelle «globaliste»), une méthode
d’enseignement unique et englobante, à l’opposé de l’approche par
compétences préconisée ici.
Dans le chapitre 1, il passe en revue les méthodologies d’enseignement des
langues encore vivaces aujourd’hui, et il avance qu’aujourd’hui la
didactique des langues et du FLE, en passant des centres de recherches non
universitaires aux universités, aurait négligé les questions d’enseignement.
Le chapitre 2 décrit l’approche globaliste dans l’enseignement du français
et des langues – une des nouveautés de ce livre est de considérer les deux
ensemble – c’est-à-dire la méthodologie «ordinaire» (la plus répandue),
généralement non prise en compte car non théorisée, qui se rattache à la
tradition ancienne «grammaire-traduction». Elle s’est imposée comme la
plus naturelle, parce qu’elle permet de prendre en charge l’imprévu de la
classe de langue (toujours coincée entre planification et improvisation).
Ladite méthodologie est si banale qu’elle semble naturelle et malléable,
capable d’absorber toutes les techniques. Elle est par conséquent très
difficilement modifiable, parce qu’il n’y a pas d’opposition frontale.
G. Varro, Compte rendu de Jean-Claude Beacco 2007
Le chapitre 3 en arrive à l’approche communicative qui vise à intégrer «la
compétence à communiquer langagièrement» dans l’apprentissage guidé,
qui articule les moyens linguistiques avec leurs règles d’usage sociales en
fonction des situations, ce que les approches globalistes formelles
«laissaient à l’auto-apprentissage en situation réelle» (p. 57). Il y a une
version «basse» de l’approche communicative, qui est une variante de
l’approche globaliste, où les objectifs, les activités et les compétences sont
peu structurées. Dans les manuels de niveau 1, elle aboutit à «une
dérégularisation généralisée» (p. 68). Face à ce «laisser-faire
méthodologique», l’approche par compétences - version «haute» de
l’approche communicative - conduirait à un enseignement informé des
acquis de l’héritage didactique, cohérent, et enfin rigoureux!
Les composantes de la «compétence à communiquer langagièrement» sont
présentées au chapitre 4 et avec elles, nous rentrons dans le vif du sujet.
L’objectif est l’adéquation de la production verbale aux contextes sociaux,
ce qui implique des savoirs différents, à identifier. Des quatre compétences
identifiées, trois sont verbales (grammaire, sociolinguistique et discursive)
la dernière, «non-langagière», est «stratégique»; autrement dit, elle relève
d’une compétence cognitive générale. La version «haute» de l’approche par
compétences est donc le résultat de la mise en place de compétences
sectorielles multiples (p. 77), dont chacune vise une connaissance
particularisée de la communication en langue-cible selon les besoins pour
la communication verbale.
Les quatre «savoir-faire» (skills) – parler, lire, écrire, écouter – sont le plus
souvent englobés dans un «modèle vivace mais non-communicatif». Le
CECRL – apprendre, enseigner, évaluer – est le référentiel pour les
composantes de la compétence. C’est ici que les difficultés commencent,
pourrions-nous dire, parce que les différentes compétences/composantes
(sociolinguistiques et pragmatiques notamment) sont en soi complexes
(composites). Et l’auteur de se demander jusqu’où on peut les distinguer
«sans les dissocier» (p. 89).
Nous arrivons, avec le chapitre 5, aux composantes d’une méthodologie par
compétences spécifiques, aux relations de la composante visant la maîtrise
des genres de discours avec la compétence grammaticale/formelle et la
composante culturelle et interculturelle du langage. C’est la composante
discursive qui est ici privilégiée, à l’orée de la construction d’une
méthodologie par compétences spécifiées.
Les genres de discours (compétence pragmatique et texte dans le
CECRL) sont les formes de communication dans une situation sociale et
dans une communauté de communication données. Le «répertoire
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G. Varro, Compte rendu de Jean-Claude Beacco 2007
discursif» dans une classe de langue est d’emblée plurilingue et
pluriculturel. La composante stratégique – psycho-cognitive (par exemple
déduire, discriminer, calculer, comparer…etc.) – est toujours présente.
La compétence culturelle et interculturelle possède une composante
ethnolinguistique – la capacité à identifier le «vivre ensemble verbal» (p.
115); une composante actionnelle: «savoir-agir», une composante
relationnelle – attitudes et savoir-faire verbaux qui donnent lieu à une
communication interculturelle; une composante interprétative – la
capacité à donner du sens et à rendre compte; et une composante
interculturelle, qui est proprement déontologique, donnant lieu à des
attitudes positives, à une posture de compréhension/acceptation (de
l’autre).
Dans le chapitre 6, c’est l’enseignement de l’interaction qui est mis au
premier plan mais l’auteur nous rappelle qu’il s’agit d’indications, pas de
méthodologie toute prête à l’emploi… dans la perspective communicative,
parler, c’est interagir oralement (approche actionnelle). Des éléments de
méthodologie pour l’enseignement de l’interaction occupent une vingtaine
de pages (144-166) du chapitre 7, des éléments de méthodologie pour
l’enseignement de la réception/compréhension, une quarantaine de pages
(167-207), et au chapitre 8, des éléments de méthodologie pour
l’enseignement de la production occupent également une quarantaine de
pages (208-248).
Le chapitre 9 porte sur la cohésion méthodologique et l’articulation des
compétences, où il s’agit de relier l’exposition à la langue aux activités
d’enseignement.
J.-C. Beacco conclut en soulignant qu’il ne s’agissait pas pour lui de
donner une fois pour toutes «la bonne manière» d’enseigner mais d’élargir
le répertoire méthodologique des enseignants de langue. L’élargissement,
voire même la richesse que nous y avons trouvée, réside essentiellement
dans l’inclusion de la compétence plurilingue et interculturelle,
indissociable de l’apprentissage de toute langue, comme visée explicite
proposée aux enseignants dans leur classe dès aujourd’hui.
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