les holdings dans le viseur du fisc

Transcription

les holdings dans le viseur du fisc
TAX
ALERT
LES HOLDINGS DANS LE VISEUR DU FISC
MARS 2016
L’article 29 de la Loi de finances rectificative pour
2015, passé relativement inaperçu, modifie
pourtant sèvèrement les articles 119 ter et 145 du
Code général des impôts. Ainsi,il remet en cause les
exonérations fiscales d’impôt sur les sociétés sur
les dividendes des holdings françaises et de
retenues à la source (« RAS ») sur les distributions
de dividendes aux holdings étrangères. Cette
mesure est entrée en vigueur pour les exercices
ouverts à compter du 1er janvier 2016.
1°) Menace de RAS sur les dividendes aux
holdings de l’Espace Economique Européen
L’article 119 ter du CGI dispose qu’une filiale
française n’a pas à effectuer de retenue à la source
(RAS) sur les dividendes distribués à une société
mère résidente d’un autre Etat membre de l’Espace
Economique
Européen 1
sous
conditions
notamment, qu’elle soit détenue à hauteur de 5%
au moins et qu’elle soit passible de l’impôt sur les
sociétés dans son pays d’implantation. La Loi de
finances rectificative pour 2015 transpose la
directive 2015/121 du 27 janvier 2015 qui
introduit une nouvelle clause anti-abu. Sont
désormais exclus de l’exonération de retenue à la
source, les produits « distribués dans le cadre d'un
montage ou d'une série de montages qui, ayant été
mis en place pour obtenir, à titre d'objectif principal
ou au titre d'un des objectifs principaux, un
avantage fiscal allant à l'encontre de l'objet ou de la
finalité du (texte), n'est pas authentique compte
tenu de l'ensemble des faits et circonstances
pertinents ». Le caractère authentique du montage
sera apprécié selon le texte « in concreto » et au
regard des « motifs commerciaux valables qui
reflètent la réalité économique ».
1
L’EEE (Espace Economique européen) rassemble 31 Etats
européens : les 28 Etats membres de l’Union Européenne (UE),
et trois des quatre Etats membres de l’Association européenne
de libre-échange (Islande, Norvège et Liechtenstein).
www.kramerlevin.com
2°) Menace sur les holdings françaises
L’article 145 du CGI prévoit quant à lui une
exonération d’impôt sur les sociétés (IS) à 95% pour
les holdings, dites sociétés mères, à raison des
dividendes reçus de filiales françaises ou
étrangères sous conditions, notamment qu’elles
détiennent notamment au moins 5% des titres
desdites filiales. La loi de finances rectificative
introduit là encore une clause anti-abus. Le régime
fiscal favorable des sociétés mères français ne sera
plus applicable « aux produits des titres de
participation distribués dans le cadre d’un montage
ou d’une série de montages définis au 3 de l’article
119 ter du CGI ». Là encore, l’exonération d’IS à
95% des dividendes reçus par une holding pourrait
être remise en cause par la même clause anti-abus
dès lors que la situation n’aurait pas « in concreto »
des « motifs commerciaux valables qui reflètent la
réalité économique » ou encore que le montage de
holding qui aurait été mis en place avec l’objectif
notamment de bénéficier du régime mère et filiale
(par exemple différer l’appréhension de dividendes
à l’IRPP en interposant une holding), ne serait pas
« authentique, compte tenu de l’ensemble des faits
et circonstances particulières ».
3°) D’un point de vue pratique le risque…
… de la formulation de cette clause anti-abus peut
enrainer l’imposition des dividendes reçus par (i)
toutes les holdings françaises de leurs filiales
françaises ou étrangères, surtout les holdings
patrimoniales françaises des groupes ou
professionnels (taxation du dividende à 100% à
l’IS), mais aussi des RAS sur les dividendes versés
(ii) aux multinationales, voire aux holding des
familles et entrepreneurs français qui comme les
groupes étrangers délocalisent leurs profits après
IS vers des holdings étrangères, luxembourgeoises
par exemple (en droit interne, RAS de 30% à 75%
sauf application d’une convention internationale).
Attorney Advertising
© 2016 Kramer Levin Naftalis & Frankel LLP
TAX ALERT
4°) Il devient donc urgent de réagir car…
… les personnes qui perçoivent indirectement des
dividendes au sein de leurs holdings françaises ou
étrangères, doivent éviter une future remise en
cause par l’administration fiscale de l’exonération
de retenue à la source ou d’IS sur les dividendes
reçus ou versés. Or, l’Administration distingue
traditionnellement entre: « les sociétés dont l’actif
est principalement composé de participations
financières dans d’autres entreprises », savoir
celles « qui ne font qu’exercer les prérogatives
usuelles d’un actionnaire (exercice du droit de vote
et droits financiers » et celles « qui sont les
animatrices effectives de leur groupe, participent
activement à la conduite de sa politique et au
contrôle des filiales et rendent, le cas échéant et à
titre purement interne au groupe, des services
spécifiques administratifs, juridiques, comptables,
financiers ou immobilier », seules ces dernières
ayant une vocation commerciale ou économique.
Cette doctrine de l’administrationconfirme que ces
animatrices « utilisent ainsi leur participation dans
le cadre d’une activité industrielle ou commerciale
qui mobilise des moyens spécifiques ». Dès lors,
pour présenter un motif commercial et économique
valable, la holding animatrice est censée définir de
manière effective la politique d’ensemble du
groupe, en exerçant une réelle influence sur ses
filiales. Dans ce cadre, il peut être utile de mettre
en œuvre un certain nombre de mesures pour
consolider le rôle d’animatrice de votre holding.
5°) D’abord, par exemple, créer au sein de la
holding un comité stratégique…
…ayant notamment pour mission, selon les cas, de
définir avec la direction générale de chaque filiale la
stratégie commerciale, l’organisation des services
administratifs et d’assurer leur fonctionnement
ainsi que leur coordination, et/ou, de conseiller la
ou les filiales sur les décisions de gestion financière
ou comptable, d’assister les filiales dans leur
gestion des ressources humaines, de contribuer à
l’élaboration de toutes recommandations, d’exercer
la direction ou de forunir des services commerciaux,
comptables, financiers, de gestion etc…
NEW YORK
1177 Avenue of the Americas
New York, NY 10036
212.715.9100
SILICON VALLEY
990 Marsh Road
Menlo Park, CA 94025
650.752.1700
6°) Puis, renforcer les liens contractuels qui
unissent la holding et ses filiales…
…grâce à une convention de « services groupe » ou
« d’animation » ou « de conseil en stratégie »
conclue entre la holding et ses filiales imposant aux
filiales l’accord de la holding pour les
investissements, l’acquisition de participations, la
politique commerciale, le développement. Seront
aussi formalisés des échanges écrits confirmant
l’exécution des missions incombant à la holding
ainsi que des comptes rendus internes au groupe
démontrant que les filiales exécutent la politique
définie par la holding et, le cas échéant, les statuts
de la société holding formalisant l’activité
d’animatrice du groupe (Cass. com., 23 nov. 2010,
no 09-70.465, Gratzmuller) et son role de
management des filiales. Enfin, pour les holdings
étrangères plus particulièrement, on veillera de
disposer de substance locale suffisante (locaux,
personnel) de tenir les assemblées et conforter ce
rôle d’animatrice en s’assurant que des prestations
commerciales reflétant la réalité économique et
conformes aux règles sur les prix de transfert . Des
activités de conseil à des tiers, même minoritaires,
pourront aussi selon les cas, renforcer la nature
économique et commerciale de la holding.
7°) Face à un texte aussi subjectif…
…nos ancêtres romains enseignaient pour
l’interprétaion de la loi fiscale que le doute profite
au contribuable (« In dubio contra fiscum »).
Redoutons celle du juge, qui, face à la
vraisemblance du contribuable, confrontée à celle
de l’Administration, choisira la vraisemblance la
plus vraisemblable. Deux précautions valent mieux
qu’une et Charles de Bovelles, philosophe français
(1479-1566) enseignait aussi : « Il faut toujours
deux cordes à son arc ».
Contact
Rémi Dhonneur, Avocat à la Cour de Paris,
Ancien Professeur de Droit Fiscal à l’Université ParisXI Sceaux,
Associé Responsable du Département Fiscal Europe
[email protected]
PARIS
47 Avenue Hoche
75008 Paris
+33 (0)1 44 09 46 00
www.kramerlevin.com