Holding Animatrice
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Holding Animatrice
ACTUALITÉ FISCALITÉ Holding Animatrice : une exonération d’ISF préservée Une récente décision du tribunal de grande instance est assez rassurante sur l’exonération d’ISF des holdings. n N ombreux sont les groupes de sociétés aujourd’hui gouvernés par une holding animatrice. Les sociétés holdings animatrices effectives de leur groupe sont celles qui participent activement à la conduite de sa politique et au contrôle des filiales et rendent, le cas échéant et à titre purement interne au groupe, des services spécifiques administratifs, juridiques, comptables, financiers ou immobiliers. Ces sociétés utilisent ainsi leur participation dans le cadre d'une activité industrielle ou commerciale qui mobilise des moyens spécifiques. Ces holdings s'opposent aux holdings passives qui sont exclues du bénéfice de l'exonération partielle comme simples gestionnaires d'un portefeuille mobilier. Comme principal avantage, les titres d’une société holding animatrice soumise à l’IS peuvent être qualifiés de biens professionnels et exonérés d’ISF notamment : 1) si les titres détenus par le foyer fiscal représentent 25 % des droits de vote ou si leur valeur excède 50 % du patrimoine imposable de celui-ci ; 2) si l’un des membres du foyer fiscal exerce dans la société l’une des fonctions de direction prévues par la loi et ; 3) si cette fonction de dirigeant donne lieu à une rémunération normale qui représente plus de la moitié des revenus professionnels du dirigeant (BOI-PAT- Emmanuel Laporte ISF-30-30-40-10-20130218 n°140 et 220). Une institution menacée par un durcissement du contrôle fiscal Malgré son installation dans le corpus fiscal français, la holding animatrice est aujourd’hui menacée par le contrôle fiscal ; son usage pour l’ISF nécessite précision et conscience des aléas. Lors d’une conférence de l’Institut des Avocats Conseils Fiscaux (IACF) du 10 juin 2013 par exemple, des membres de l’administration avaient annoncé plusieurs réserves à l’exonération d’ISF des titres de holding animatrice : en cas de contrôle, une holding ne serait pas considérée comme animatrice (et l’exonération d’ISF serait totalement remise en cause) si la holding était en situation de co-animation avec une autre société ou si elle détenait indirectement des biens immobiliers d’exploitation ou, de façon troublante, si la holding était en possession d’une ou plusieurs participations minoritaires (même parmi d’autres participations majoritaires animées). L’administration semble ainsi considérer que l’article 885 O quater du CGI avait d’abord fixé le principe selon lequel sont exclus de toute exonération les titres de holding ayant pour activité principale la gestion de leur propre patrimoine ; et que de fait, l’exonération des titres de holding animatrice serait une forme de tolérance ad- 42 GESTION DE FORTUNE – n° 260 – Juin 2015 / avocat au Barreau de Paris / Laporte Avocats Paris ministrative dont l’application justifierait une interprétation stricte. Une telle analyse est contestable à bien des égards. Le fait que ce mode d’organisation ait pris sa source dans la doctrine administrative n’est pas un motif justifiant à lui seul des durcissements incessants de politique de contrôle : le contribuable doit être protégé par la garantie contre les changements de doctrine (articles L80 A et suivants du LPF) mais aussi par les principes de sécurité juridique et de confiance légitime dans l’application des règles fiscales. La holding animatrice ayant aussi été définie par plusieurs décisions de la Cour de cassation s’imposant à l’administration, il ne peut plus être affirmé que cette exonération serait uniquement d’origine administrative. D’ailleurs, la holding animatrice a également été consacrée par la Loi pour les besoins de plusieurs dispositifs fiscaux (notamment pour la réduction « ISF PME » de l’article 885-OV bis du CGI, pour la réduction « IR Madelin » de l’article 199 terdecies-OA du CGI ; par la loi de finance pour 2014 concernant l’abattement majoré applicable aux plus-values de cessions de titres de « PME »). Même si ces textes légaux ne visent pas le régime ISF des biens professionnels, ils devraient inspirer aux services de contrôle discernement et bienveillance. Or, une remise en cause de l’exonération d’ISF en cas de pos- FISCALITÉ session de participations minoritaires reviendrait à exiger des holdings qu’elles aient le contrôle capitalistique exclusif de leurs filiales. Une telle approche placerait les services fiscaux à rebours des réalités économiques des groupes de sociétés dont les activités seraient mises à mal. Surtout, elle est d’emblée contraire à la lettre du BOFiP qui exige que les holdings « participent activement » au contrôle des filiales : si les mots ont un sens, participer activement au contrôle ne signifie pas contrôler exclusivement. C’est pourtant à cette interprétation restrictive que s’est livrée l’administration dans l’affaire tranchée par le Tribunal de Grande Instance de Paris le 11 décembre 2014. Un durcissement administratif sanctionné par le TGI de Paris Saisi d’un litige afférent à la présence de participations minoritaires à l’actif d’une holding, le tribunal de grande instance de Paris a jugé que la définition doctrinale (7 S-3323 alors applicable) n’exige pas expressément, pour qu’une société holding soit qualifiée d’animatrice, que l’intégralité des sociétés dans lesquelles elle détient des titres soient effectivement animées par cette dernière. Cette exigence est au demeurant contraire à l'esprit des articles 885 O bis et 885 O ter du CGI, dont l'objectif est d'exclure de l'assiette de calcul de l'ISF ACTUALITÉ Il ne peut plus être affirmé que l'éxonération des holdings serait uniquement d'origine administrative la part de la valeur des titres sociaux correspondant à l'actif nécessaire à l'exercice d'une activité opérationnelle effective. En premier lieu, pour le tribunal, et dans la mesure où l'administration fiscale ne contestait nullement que l'activité principale de la société holding est l'animation effective de l'ensemble de ses filiales sous contrôle effectif, le seul fait que cette société possède également une participation minoritaire dans une société dont elle n'assure pas l'animation n'est pas de nature à remettre en cause sa qualité de holding animatrice. Toutefois, dans la réponse Ducout du 19 mai 2003, il a été indiqué que les règles de détermination du caractère professionnel de l'actif prévues à l'article 885 O ter du CGI s'appliquent aux holdings animatrices comme à l'ensemble des sociétés : selon le tribunal, en second lieu, c'est donc à bon droit que le redevable a exclu de l'assiette de calcul de son ISF la quote-part de la valeur des titres de la société holding correspondant aux participations de cette dernière dans ses filiales animées, et y a inclus la quote-part de la valeur des titres correspondant à la participation minoritaire détenue dans sa filiale non animée (TGI Paris 11 décembre 2014 n°13/06937, 9e ch., 3= sect. : RJF 4/15 n°369). Sans confirmation de principe par un prochain BOFiP, par la Cour de cassation ou par la loi, cette bonne décision ne suffira pas à dissuader les services fiscaux de requalifier une holding animatrice en holding pure en présence de participations minoritaires. Par ailleurs, dans l’affaire ainsi jugée, la participation minoritaire est aussi une participation non animée (et donc taxable), alors que cette assimilation ne va pas de soi : en effet, même minoritaires, des titres qui relèveraient de la définition « BIC » des titres de participation (détention utile et durable), qui feraient l’objet d’un pacte d’actionnaires comportant des stipulations de gouvernance au profit de la holding, et qui seraient par ailleurs accompagnés de conventions entre la holding et la filiale prévoyant le respect de la politique du groupe définie par la holding avec des décisions et des actions prouvées d’animation effective, voire par des services intra-groupes, ne pourraient-ils pas être regardés comme animés et donc exonérés d’ISF ? En quoi l’absence de contrôle capitalistique exclusif empêcherait la holding de « participer activement » à la conduite de la politique du groupe et au contrôle de sa filiale minoritaire ? Toutes les questions ne sont donc pas tranchées par cette décision des juges parisiens ; mais on mesure l’intérêt de ne pas les abandonner aux seules réponses des contrôleurs fiscaux, et de toujours réfléchir à l’opportunité de porter le débat devant les tribunaux même si l’issue en est par nature incertaine. n n° 260 – Juin 2015 – GESTION DE FORTUNE 43