1 C`est la première fois ce soir que Sophie Koch se produit à l

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1 C`est la première fois ce soir que Sophie Koch se produit à l
C’est la première fois ce soir que Sophie Koch se produit à l’Arsenal de Metz. La
mezzo-soprano, tout auréolée de sa nomination dans la catégorie « artiste lyrique de
l’année » aux récentes « Victoires de la musique classique » en février dernier, nous
parle de sa carrière et de ses projets. Interview.
« JE SERAI DANS L’AFRICAINE DE MEYERBEER AVEC ALAGNA A BERLIN … »
Georges Masson : « Bien que née à Versailles, vous vous rapprochez en quelque sorte de
votre berceau familial. N’est-il pas indiscret de vous demander d’où sont originaires vos
ancêtres ? »
Sophie Koch : « Ma grand-mère est née en Alsace et mon grand-père à Metz. Mais je
connais très peu la région lorraine et alsacienne où je ne viens pas souvent, sauf que je me
suis rendue une fois à l’Opéra du Rhin à Strasbourg. »
G. M. : « Le programme que vous avez choisi, pour Metz, porte sur les deux Richard :
Strauss et Wagner. Vous avez une attirance pour l’opéra allemand. Comment l’expliquezvous ? »
S.K. : « Quand j’ai commencé à approfondir la littérature allemande, sa poésie, sa musique,
et que j’avais une certaine facilité à parler cette langue, j’ai été littéralement fascinée par
cette culture, peut-être en raison de mes ascendances, -de sang allemand et français-, et
que j’en ai aimé aussitôt l’art musical et son répertoire d’opéra. »
G. M. : « Est-ce la raison pour laquelle les maisons d’opéras d’Outre-Rhin vous ont invitée
dès le début de votre carrière ? »
« MOZART M’A OUVERT LES PORTES… »
S.K. : « Il a fallu d’abord les convaincre de mes capacités à en chanter les rôles. Mais, de
par mon nom, leurs directeurs m’ont très vite considérée comme une des leurs, une « Koch
l’Autrichienne » ou une « Koch l’ Allemande » par exemple ! Il faut dire aussi qu’ à mes
débuts, j’ai chanté Mozart, et ce, pendant quinze ans. Cela m’a ouvert les portes de toutes
les institutions lyriques. »
G. M. : « Que vous a apporté Jane Berbié, de laquelle vous tenez les fondamentaux de l’art
lyrique qui vous ont conduits vers cette carrière ? »
S.K. : « Cette grande mozartienne m’a appris d’abord à chanter des rôles conçus pour plaire
à certains auditeurs. A partir de là, elle m’a fait revenir à cette façon de chanter qui consiste
à ne pas maltraiter son organe, à en assouplir la rondeur, la ligne vocale qui peut préparer
les écarts. Pour Mozart, oui, mais aussi pour Rossini, dans le Barbier ou Cenerentola pour
leur côté mezzo-soprano falcon. Jane Berbié est pour moi une référence. »
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G. M. : « Aucun lyricophile n’a oublié le triomphe que vous avez remporté à votre prise de
rôle, en 2O1O, de Charlotte dans Werther de Jules Massenet, avec pour partenaire Jonas
Kaufmann dans le rôle-titre. En quoi ce jalon a-t-il marqué votre parcours ? »
S.K. : « J’ai d’abord connu des succès à Berlin, Vienne et Munich, -c’était en 2OO5-, et
surtout en 2006 où la presse était plus présente. Pour Werther, à Paris, aborder un rôle
auprès d’un ténor aussi connu, c’est une chance, d’autant que Jonas Kaufmann attire
l’attention des médias, de la radio, de la télévision, de la presse en général. C’était pour moi,
un bon coup de projecteur. »
G. M. : « Lorsque vous avez découvert le Ring de Wagner dans la mise en scène de Patrice
Chéreau avec Pierre Boulez, réalisé dans les années 1974 et rediffusé dans les suivantes,
qu’en avez-vous retiré ? »
« …BIENTOT KUNDRY DANS PARSIFAL »
S.K. : « Comme beaucoup de spectateurs qui ont, bien après sa première diffusion,
découvert cette œuvre à la télé, j ai été captivée ; j’en ai apprécié la dramaturgie, très
moderne, contemporaine. Ce sujet actuel nous concernait tous directement. »
G. M. : « Est-ce Richard Strauss dont vous avez interprété un des rôles dans Ariane à Naxos
et dans Le Chevalier à la rose, qui vous a conduit sur la voie de Richard Wagner ? »
S.K. : « En fait, je n’ai, de Strauss, qu’interprété deux rôles ; ils étaient faits pour moi : celui
du Compositeur dans Ariane à Naxos et celui d’Octavian dans Le Chevalier à la rose. Or, si
on veut atteindre Wagner, il faut en avoir les aptitudes vocales. On ne sait pas à l’avance si
on est prêt pour le rôle de Brangäne, la suivante d’Iseut dans Tristan et Iseut. L’an dernier, à
Paris, j’étais Vénus dans Tannhäuser. Cette année, je chante dans La Walkyrie à Munich.
On m’a proposé le Ring tout entier, mais je n’en ai retenu que le Reingold et Le Crépuscule
des Dieux. Je préfère ce qui est difficile car je possède ainsi tout ce que j’aime. Je trouve
que le Reingold n’est pas très intéressant en ce sens qu’on écoute le discours des autres.
Par contre, mon rôle dans La Walkyrie est plus court mais plus captivant. J’envisage, plus
tard, d’incarner Kundry dans Parsifal. Mais il est aussi d’autres rôles que j’aborderai avec
délectation, parmi lesquels la Didon des Troyens d’Hector Berlioz ou les opéras de Glück. »
G. M. : « Au programme du concert de ce soir, vous avez inscrit les Wesendoncklieder. Que
représentent-ils pour vous ? »
S.K. : « Ce cycle a été une chance pour moi, car, de par ses références thématiques,
notamment à Tristan et Iseut, ils font écho à toute la ligne des opéras de Wagner. Déjà, au
Conservatoire, j’avais fait une étude comparative entre les cycles de Lieder, en mettant en
parallèle ceux de Wagner et ceux de Mahler. Cela m’avait beaucoup aidé. »
G. M. : « Quand vous aurez épuisé le répertoire wagnérien écrit pour votre tessiture, pensezvous, ainsi que vous l’avez exprimé, qu’il est difficile de revenir à un répertoire antérieur ? »
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S.K. : « J’évoque par-là, l’époque de mes débuts où je chantais Mozart et Rossini par
exemple. Ils sont davantage dans la volubilité et mon instrument n’est plus tout à fait adapté
à cette musique plus vocalisante. Voilà pourquoi cela m’est difficile »
G. M. : « Vous avez apprécié des metteurs en scène comme Benoît Jacquot qui vous a
guidée dans Werther et comme Nicolas Joël qui vous a soutenue, à Toulouse comme à
Paris. Que pensez-vous de certains metteurs en scène actuels qui interprètent à leur façon
des opéras du répertoire classique ou romantique et qui dénaturent les synopsis ? »
« JE N’AIME PAS LES CONTRESENS DANS LES MISES EN SCENE… »
S.K. : « Je n’ai pas d’apriori. J’aime les productions conservatrices comme celles d’avantgarde, du moment où ces mises en scène sont intelligentes, qu’elles ne relèvent pas du
contresens, ceci pour un simple faire valoir. Quand on va vers un contresens, il faut du
courage pour mettre son nom sur l’affiche ! J’aime Les Contes d’Hoffmann mis en scène par
Robert Carsen, parce qu’il est resté fidèle au livret. Il est très personnel et pertinent, toujours
respectueux du texte, peut-être légèrement provocateur, mais il reste cohérent. C’est ce que
j’apprécie.»
G. M. : « Vous aspirez à aborder des rôles de soprano. Pour quelles raisons ? »
S.K. : « Je considère que dans cette tessiture il y a les deux niveaux : l’un plus central,
l’autre plus aigu. Le mezzo-soprano est hybride et oscille entre les deux. J’ai un aigu à l’aise
mais pas trop soprano. J’essaie des rôles, j’étudie, je compare, je m’exerce, … il y a toujours
des surprises. Ainsi, on m’a proposé L’Africaine de Meyerbeer. J’ai écouté la partition. Si on
ne m’avait pas proposé un rôle de soprano, je n’y aurais jamais pensé. Aussi vais-je le
tenter, avec Roberto Alagna à Berlin en 2O15 ».
G. M. : « Après avoir chanté Mignon, Le Roi d’Ys, vos projets futurs s’orientent-ils plus
particulièrement vers le répertoire français ? »
S.K. : « Oui, beaucoup. L’an prochain , je chanterai dans Alceste de Lully, puis, La Favorite
de Donizetti, dans sa traduction française ce qui est nouveau. Durant la saison 2O13-2O14,
j’aurai un rôle dans Les Troyens de Berlioz, que j’interpréterai à Cologne, Vienne et Chicago.
Et, surtout, en 2O15, Le Roi Arthus d’Ernest Chausson très peu représenté et qui est
nouveau pour le public et les chanteurs. Toutefois, je n’abandonne pas mes rôles passés :
cela fait quatorze ans que j’ai joué, un peu partout, Le Chevalier à la rose de Richard
Strauss. J’en serai Octavian à nouveau à Covent Garden pendant la saison 2O13-2O14. Je
ne lâche pas non plus Wagner puisque je serai dans Rienzi cette saison dans la production
de Philippe Jordan. Et puis, j’ai des contrats jusqu’en 2O17… »
G. M. : « Question annexe : Vous être marraine de Coline Opéra qui met en exergue vos
dons de simplicité, de générosité, d’amitié. Quels rapports avez-vous noués avec cette
institution caritative ? »
S.K. : « J’avais chanté au concert fondateur de Coline Opéra en 2O11 où fut donné Norma à
Nice et à la Salle Pleyel à Paris., puis en 2O12 avec Le Roi d’Ys. J’ai été choisie comme
marraine au milieu de nos meilleurs amis, par le président Galliot. J’avais déjà donné des
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récitals à l’époque de Colline en Ré, où la fondation a vu le jour et qui souhaitait être plus
ambitieuse. J’insisterai sur l’importance de s’investir dans le caritatif. Au début, l’opération
était sans prétention. Puis , je me suis produite en récital avec Natalie Dessay. Nous ne
sommes pas dans le même environnement que dans celui des représentations lyriques
traditionnelles. Ici, l’ambiance est plus chaleureuse. On sait que l’on défend une cause bien
définie. Et l’on donne intégralement notre cachet à celle-ci… »
Propos recueillis par Georges Masson
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