maghreb - Département d`information et de communication

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239
Le Maghreb (mot arabe signifiant « le Couchant ») regroupe quatre pays à l’extrémité nord-ouest de
l’Afrique, soit l’Algérie, le Maroc, la Mauritanie et la Tunisie. Trois de ces pays sont membres officiels
de la Francophonie et participent à ce titre aux Sommets de la Francophonie. Ils ont tous pour langue
officielle l’arabe.
Le Maroc, ancien protectorat français (1912-1956), comprend une bonne proportion de francophones.
C’est le 4e pays francophone au monde pour le nombre de locuteurs.
La Tunisie, ancien protectorat français (1881-1956), a une population pour près d’un tiers francophone.
La Mauritanie a un pourcentage de francophones moins important que dans les autres pays du Maghreb.
L’Algérie, française de 1830 (prise d’Alger) à 1962, n’adhère pas aux structures officielles de la
Francophonie et ne participe donc pas aux Sommets. L’arabe est la seule langue officielle. L’Algérie est
le second pays francophone au monde pour le nombre de francophones. Les 30 % de francophones réels
et les 30 % de francophones occasionnels, auxquels s’ajoutent les émigrés francophones, représentent
un total d’environ 18 millions de personnes.
Ces quatre pays accordent une place importante au français dans l’enseignement, les médias écrits et
électroniques, ainsi que dans diverses productions culturelles (musique, théâtre, cinéma et littérature).
ON PEUT CONSULTER
MAHER ABDELMOULEH et Guy FEUER : Partenariat Euro-méditerranéen. Promotion ou instrumentalisation des Droits de
l’Homme. L’Harmattan, Paris, juin 2010, 235 pages, 22€
KARIMA BERGER : Eclats d’islam. Albin Michel, Paris, mars 2009, 263 pages, 15€
MOKHTAR LAKEHAL : L’Emancipation contrariée du Maghreb. L’Harmattan, Paris, décembre 2009, 258 pages, 24€
ABDELWAHAB MEDDEB : Pari de civilisation. Le Seuil, Paris, août 2009, 209 pages, 16€
JEAN-MARIE MIOSSEC et Christian JAMBET (dir) : Terrains et échelons de la gouvernance. Expériences en France et au Maghreb. L’Harmattan, Paris, septembre 2009, 414 pages, 36€
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MAGHREB
240
MAGHREB
Algérie
Maroc
Mauritanie
Tunisie
Nom officiel
République
algérienne
démocratique
et populaire
Royaume du Maroc
République islamique
de Mauritanie
République
tunisienne
Superficie km2
2.381.741
446.550
1.030.700
163.610
Alger
Rabat
Nouakchott
Tunis
Oran, Constantine,
Annaba
Casablanca, Fès,
Marrakech, Tanger
Nouâdhibou, Adel
Bagrou, Rosso, Bogué
Sfax, Gabès, Sousse,
Kairouan, Bizerte
République
présidentielle
Monarchie
constitutionnelle
République
présidentielle
Régime parlementaire
Chef d'Etat
depuis le
Abdelaziz Bouteflika
28/04/1999
Roi Mohammed VI
30/07/1999
Mohamed Ould Abdel Aziz
05/08/2009
Moncef Marzouki
12/12/2011
Chef de gvt
Abdelaziz Bouteflika
Abdelilah Benkirane
28/04/1999
29/11/2011
Moulaye Ould
Mohamed Laghdaf
14/08/2008
non membre
-
membre
1981
membre
1980
Capitale
Principales villes
Régime
depuis le
Statut à l'OIF
depuis
Langue(s) off.
Hamadi Jebali
14/12/2011
membre
1970
arabe
arabe
arabe
arabe
Locuteurs français
11.200.000 est.
10.366.000
429.000
6.639.000
Fête(s) nationale(s)
1er novembre/5 juillet
30 juillet
28 novembre
20 mars/7 novembre
35.406.303
32.309.239
3.359.185
10.732.900
Moins de 15 ans
24,2%
27,8%
40,4%
23,2%
Plus de 65 ans
5,2%
6,1%
3,5%
7,5%
Indice de fécondité
1,74
2,19
4,22
2,02
Mortalité infantile
pour 1000 naissances
24,90
26,49
58,93
24,98
Espérance de vie
75 ans
76 ans
62 ans
75 ans
Population urbaine
66%
58%
41%
67%
Alphabétisation
69,9%
52,3%
51,2%
74,3%
Tél. mobile % hab.
92,58%
98,82
81,72
103,55
Usagers internet
13,27%
40,89%
2,23%
32,61%
IDH (rang /169)
96
130
159
94
POPULATION
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ECONOMIE
PIB en Mds USD
183,4
101,8
4
48,9
PIB par hab. USD
7.200
5.100
2.200
9.500
Monnaie
dinar
dirham
ouguiya
dinar tunisien
Valeur d'1 ¤ été 2012
99,13
11,01
355
1,98
% croissance
2,9%
4,6%
5,1%
0%
% inflation
4%
1,9%
6,5%
3,7%
% chômage
10%
8,9%
30% (est. 2008)
18%
12%
56,5%
31,5%
16,6%
32,2%
51,2%
17,8%
37,6%
44,7%
10,6%
34,6%
54,8%
Etats-Unis,
Italie, Espagne,
Canada, France
France, Espagne,
Italie, Royaume-Uni
Chine, France,
Italie, Espagne
France, Italie,
Allemagne,
Espagne, Libye
Principaux fournisseurs
France, Italie, Chine
France, Espagne,
Italie, Etats-Unis
France, Chine,
Espagne, Etats-Unis
France, Italie,
Allemagne,
Espagne, Libye
Site officiel
www.elmouradia.dz
www.pm.gov.ma
www.mauritania.mr
www.ministeres.tn
STRUCTURE ÉCONOMIQUE
Agriculture
Industrie
Services
Principaux clients
Sources : Organisation internationale de la Francophonie, The World Factbook 2012, MAE et www.xe.com
MAGHREB
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INTRODUCTION GENERALE
VINGT ANS DE VIE MAGHREBINE AVEC L’AFI
Avec cette édition de l’Année Francophone Internationale, cela va faire vingt ans que j’assume la
chronique maghrébine dans ces pages, d’abord
tout seul, en remplacement de Jean Déjeux, mort
en octobre 1993, puis avec l’aide précieuse de mes
collègues et amis Hamid Nacer Khodja pour l’Algérie et Ahmed Ismaïli pour le Maroc. Si bien que
cet annuaire est aujourd’hui, sans aucun doute,
le seul instrument permettant de mesurer année
après année, à l’aune des événements politiques,
économiques et culturels survenus dans cette
région, son évolution de tout au long du dernier
quart de siècle.
Or, de la «décennie noire» en Algérie (19932003) à la toute récente «Révolution de jasmin» en
Tunisie, en passant par la disparition du Roi Hassan II au Maroc (1999), des événements politiques
d’une extrême importance ont touché le Maghreb
durant ces vingt dernières années - et à travers ce
qui s’y est passé et s’y passe encore - ont considérablement affecté les relations bi ou multilatérales
avec le monde arabo-musulman, bouleversant la
diplomatie dans l’espace méditerranéen, redéfinissant les formes et les directions de la Coopération et plaçant la France, ancien colonisateur et
BIBLIOGRAPHIE SELECTIVE MAGHREB
1-Romans, nouvelles, poésie:
AMROUCHE, Jean, Chants berbères de Kabylie, Paris-Alger,
L’Harmattan, Editions Zyriab, 2011, 266 p. Préface de
Mouloud Mammeri, édition bilingue de Tassadit Yacine
AMROUCHE, Jean, Sous le feu la cendre, Paris, Non Lieu, 2012.
Poèmes. Préface de Tassadit Yacine.
BEL Hadj Yahia, Emna, Jeux de rubans. Tunis, Elyzad, Comar d’Or, 2012
BELLIL Dalila, Nos pères sont partis, Paris, Encres d’Orient,
2011. Roman épistolier. L’émigration vue par deux
femmes, Soltana et Dahbia. .
BENHASSEN, Souhayr et Bessis, Sophie, Bourguiba. Tunis, Elyzad, 2012.
BENMALEK, Anouar, Tu ne mourras plus jamais, Paris, Fayard,
et Alger, Casbah Editions, 2011, 179p. Un roman pathétique dédié à sa défunte mère.
BOUCHAREB Rachid, La troisième moitié de soi, Paris, Editions L’Harmattan 2011
Recueil de 23 nouvelles sur les dernières années de
l’Algérie.
BOURAOUI, Nina, Sauvage, Alger, Barzakh, 2012.Roman
BRAHIMI Denise, La Dernière rencontre Camus-Sénac, Paris,
Marsa, 2011. Théâtre.
premier partenaire économique, dans une position
inédite et souvent inconfortable - il n’est pour en
juger que d’apprécier les tâtonnements du gouvernement Fillon au tout début de la révolution
en Tunisie, ou encore le malaise qui durant cette
dernière année, a entouré la célébration du Cinquantenaire de l’Indépendance en Algérie.
Les révolutions qui ont récemment touché la
Tunisie, l’Egypte et la Lybie, les tentatives de récupération salafiste par la voie démocratique dans
ces mêmes états, ou de manière plus violente dans
le sud Soudan et au nord du Mali, le fait qu’en dépit
de certaines prédictions le Royaume du Maroc
et la République algérienne n’aient été atteints,
sinon de façon très marginale, ni par des troubles
populaires, ni à travers les résultats de certaines
élections - cela ne peut être compris qu’en tenant
compte de cette évolution au Maghreb durant le
dernier quart de siècle: statut de la monarchie au
Maroc et expérience douloureuse d’une guerre
civile et de religion dans l’Algérie de la fin du
XXème siècle.
Faisant allusion aux élections à venir en Tunisie
comme en Algérie (et aussi en Egypte d’où sont
venus depuis plus d’un siècle, la plupart des courants sociaux et culturels qui ont agité le Maghreb
et le Machrek), mon introduction à la chronique de
l’année précédente était intitulée «L’Année de tous
les espoirs et de toutes les craintes». On mesurera
dans les articles consacrés à chaque pays la justesse et l’actualité de cette prédiction. }
CANESI, Michel et Rahmani, Jamil, Alger sans Mozart, Paris,
Naïve, 445 p. Roman. Une histoire d’amour sur fond de
soixante-ans d’histoire algéro-française. DJELFAOUI Abderrahmane, La mer vineuse (disait l’aveugle),
Alger, L. de Minuit, 2012, préface de Hamid Nacer-Khodja. Poésie.
FILALI, Azza, Ouatan. Tunis, Elyzad. Comar d’Or 2012
GRINE, Hamid, Camus dans le narguilé, Paris, Après la Lune,
2011. Roman. (réédition sous un autre titre de Parfum
d’absinthe, Alger, Alpha, 2010).
KHADRA, Yasmina, L’Equation africaine, Paris, Grasset et
Constantine, Medias Plus, 2011, 327 p. Un médecin allemand est prisonnier de pirates somaliens.
KHADRA, Yasmina, Les Chants cannibales, Alger, Casbah
Editions, 2012. Recueil de 12 Nouvelles.
KHEN Amine, Arabian Blues, Editions MLD, Saint Brieuc,
2012. Poèmes. Préface de René Depestre, 80 p
LAROUI Fouad, La Vieille dame du Riad, Julliard, 2011.
LEFTAH Mohamed, Le Dernier Combat du capitaine Ni’mat,
Editions de la Différence, 2012
MANAÏ, Yamen, La Sérénade d’Ibrahim Santos. Tunis, Elyzad, 2012
MERAHI, Youcef, La pétaudière, Alger, Casbah Editions,
2011. Roman sur les mœurs électorales sur fond de violence islamique dans un village de Kabylie.
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Guy DUGAS
Université Montpellier 3, directeur de
l’IRIEC
[email protected]
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MAGHREB
MAGOUDI, Ali, Un Sujet français, Albin Michel, Paris 2011,
roman. Un homme à la recherche de son père.
M’RABET Fadéla, Le café de l’imam, Alger, Délimen, 2011,
122 p. Récit nostalgique d’une féministe
NEDALI, Mohamed, Triste jeunesse, Casablanca, Le Fennec,
2012. Roblès Emmanuel, Les Hauteurs de la ville. Paris,
Le Seuil, 2012 (rééd).
SANSAL, Boualem, Rue Darwin, Paris, Gallimard, 2011, Sixième roman de l’auteur sur l’histoire durant un demisiècle d’une famille algérienne, de la guerre d’Algérie
à nos jours.
2-Essais:
AMEYAR, Hafida, Annie Fiorio-Steiner. Une vie pour l’Algérie, Alger, Association Les Amis de Abdelhamid Benzine, 2011, 190 p.
AMHIS-OUKSEL, Djoher, L’exil et la mémoire’’, une lecture
des romans de Taos Amrouche, Alger, Casbah Editions,
2011, 123 p.
BOUIGNANE, El Mostafa : Des Houris et des hommes, Editions Marsam, Rabat, 2010.
BRUN Catherine et Penot-Lacassagne Olivier, Engagements
et déchirements, Les Intellectuels et la guerre d’Algérie,
Paris, Gallimard-IMEC, 2012, 260 p. Catalogue de l’exposition produite par l’Imec et présentée à l’abbaye d’Ardenne du 16 juin au 14 octobre 2012.
DUGAS, Guy, Emmanuel Roblès et l’Oranie hispanique, Paris, L’Harmattan, 2012.
FELLOUS, Colette, Meddeb, Abdelhawab et Wolinsky,
Georges, Dégage ! Une révolution, Paris, Phébus, 2012.
GRACIET, Catherine et Laurent, Eric : Le Roi prédateur, Le
Seuil, 2012.
JAMZALI, Wassila dir., Histoires minuscules des révolutions
arabes. Ouvrage collectif. Montpellier, Chevrefeuille
étoilé, 2012
KAOUAH, Abdelmadjid, Quand la nuit se brise, anthologie de
poésie algérienne, Paris, Points, 2012.
KHELOUZ, Nacer, Le Roman algérien des années 1920: Entre
fiction et réalité politique, L’Harmattan, 2011.
LAGARDE, Dominique, Algérie, la désillusion, Paris, Express
Roularta Editions, 2011. Recueil des articles de l’hebdomadaire L’Express publiés depuis cinquante ans.
LAROUI, Fouad, Le Drame linguistique marocain, Le Fennec,
Casablanca, 2010. MOATI, Serge, Dernières nouvelles de Tunis. Paris, Michel
Lafon, 2011.
ALGERIE
Hamid NACER KHODJA
Université de Djelfa, Algérie
[email protected]
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POLITIQUE
Sur le plan national, les réformes annoncées par le
président Bouteflika en avril 2011 ont abouti à de
nouvelles lois sur les partis politiques, l’information,
les associations, lesquelles ont été accueillis avec
circonspection par la presse et l’opposition politique
mais saluées par des gouvernements occidentaux.
L’événement le plus important est le renouvellement le 10 mai 2012 de la première chambre
du parlement, l’Assemblée Nationale Populaire.
Cette élection législative (scrutin proportionnel à
un tour) s’est caractérisée par l’augmentation du
nombre de députés qui passe de 389 à 462, et ce
eu égard aux données du recensement de la population de 2008, et le retour du Front des Forces
Socialistes (FFS) de Hocine Aït Ahmed qui revient
dans l’arène électorale après 10 ans de boycottage.
Les résultats ont assuré une large victoire du FLN
et de son allié le RND, un revers des islamistes tandis
que 145 femmes ont été élues. Les résultats donnés par le conseil constitutionnel, après les recours
introduits par certains partis, sont les suivants :
1
2
3
4
Front de Libération Nationale (FLN):
Rassemblement National
Démocratique (RND):
Alliance de l’Algérie Verte (AAV):
Front des Forces Socialistes (FFS):
208
68
46
27
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14
15
16
17
18
19
20
Parti des Travailleurs (PT):
Indépendants:
FNA:
Addala:
MPA:
PFJ:
PNSD:
FC:
AHD:
ANR:
FNJS:
UFDS-ElIttihad:
RA:
RPR:
MNE:
FM:
24
18
9
7
1
1
4
3
3
3
3
3
2
2
2
2
Pour un nombre d’électeurs inscrits de
21.645.841, moins de dix millions de votants ont
été recensés (43,14% de participation, et le nombre
de bulletins nuls a été très élevé: 1.704.047).
Au niveau international, le renversement du
régime du colonel Kadhafi a conduit à une recrudescence d’armes illégales et d’actes terroristes
au Sahel, ce qui a contraint les Etats riverains à
coordonner leurs actions en organisant notamment plusieurs rencontres politiques de haut rang.
Les rébellions de Touaregs du Nord Mali séparatistes contre le gouvernement central ont suscité
une intervention diplomatique de l’Algérie - qui
dispose de 1000 km de frontières avec ce pays
- pour le respect des accords d’Alger du 4 juillet
MAGHREB
243
DEUX DISPARITIONS DE LEADERS HISTORIQUES
Ahmed Ben Bella
Né le 25 décembre 1916
à Maghnia (Tlemcen), il
meurt à Alger le 11 avril
2012. Homme politique et
référence du nationalisme
algérien, Ben Bella a participé dans le corps
expéditionnaire français aux campagnes d’Italie, de France et d’Allemagne et fut décoré par
le Général de Gaulle. Conseiller municipal de
sa ville natale du PPA-MTLD de Messali Hadj de
1945 à 1949, il participe au casse de la poste
2006. Ces rébellions ont abouti le 22 mars 2012 à
un coup d’Etat militaire au Mali, et, le 6 avril 2012,
à l’indépendance du Nord de ce pays, l’Azawed,
proclamé par le MNLA (Mouvement National de
Libération de l’Azawed), proche des islamistes et
de l’AQMI (Al Quaïda au Maghreb Islamique) qui
a enlevé sept diplomates algériens du consulat
de Gao. Le coup d’Etat comme la partition ont été
rejetés en bloc par une grande partie de la communauté internationale. ECONOMIE ET SOCIETE
Au 1er janvier 2012, l’Algérie compte 37,1 millions
d’habitants, alors qu’elle a été de 36,3 millions
en janvier 2011, avec un taux d’accroissement de
2,04 en 2011 (source Office Nationale des Statistiques). La hausse du SMIC est passée de 15.000
à 18.000 DA à compter du 1er janvier 2012, avec diverses revalorisations des pensions de retraites dont
le montant ne saurait être inférieur à 15.000 DA.
En avril 2011, il y a eu le premier recensement
économique (hors agriculture) par l’ONS dont les
premiers résultats publiés en février 2012 révèlent les données suivantes: le secteur tertiaire
(commerces de gros et de détail, services, transport)
représente 90% des activités et est aux mains de
très petites entreprises familiales. Les 10% restants
à l’industrie se caractérise par essentiellement des
unités agroalimentaires, la fabrication des produits
d’Oran en 1949. Arrêté, jugé et condamné à
7 ans de prison, il s’évade en 1952 pour se
réfugier au Caire. Un des chefs historiques
du FLN ayant déclenché la guerre d’Algérie le
1er novembre 1954, il est arrêté le 22 octobre
1956 (avec quatre de ses compagnons) par les
autorités françaises qui ont détourné son avion.
Prisonnier en France, il est libéré à l’indépendance de l’Algérie en 1962 et rentre à Alger où il
est désigné président du conseil du nouvel Etat.
En septembre 1963, après l’adoption de la première constitution du pays, il est élu président
de la République. Le 19 septembre 1965, il est
renversé par un coup d’Etat du colonel Houari
Boumedienne, emprisonné jusqu’en juillet
1979 puis assigné à résidence jusqu’à octobre
1980. En 1981, il s’exile en Suisse où il fonde
un parti d’opposition, le MDA (Mouvement pour
la Démocratie en Algérie). A la faveur du multipartisme instauré en 1989, il revient à Alger
le 27 septembre 1990. Il est progressivement
réhabilité. Son décès a suscité une émotion
mitigée, mais le chef d’Etat a eu droit à des
funérailles nationales en présence du président
Abdelaziz Bouteflika et des présidents et chefs
de gouvernement du Maghreb (Maroc, Tunisie,
République Sahraouie). Un deuil national de
huit jours a été également décrété.
métalliques et l’habillement. On remarque aussi très
peu d’entreprises de BTP dans un pays en chantier.
L’enquête de l’ONS a fait ressortir l’exécrabilité du
climat des affaires en Algérie. La récurrente question liée au foncier et au crédit, les lenteurs administratives et la disponibilité d’une main-d’œuvre
qualifiée ont été les principales préoccupations
des opérateurs économiques. Quant au secteur de
l’informel, en particulier l’agriculture, il représente
50 à 60% de l’économie.
La récolte céréalière pour la campagne 20102011 a été de 42 millions de tonnes, soit une
baisse par rapport à la précédente (45 millions).
La facture alimentaire ne cesse d’augmenter.
Cependant, le ministère de l’agriculture qui a donné ces chiffres a annoncé en janvier une croissance
agricole 2011 en hausse de l’ordre de 10,6% (25,3
millions de tonnes), contre 8,5 en 2010. Mais la
production locale couvre 70% des besoins.
Par ailleurs, le taux d’inflation est passé à 4,5%
en 2011 contre 3,9 % en 2010 (Office National des
Statistiques) et le pouvoir d’achat connait une
érosion accrue par la dévaluation (‘’dépréciation’’
selon la terminologie officielle) du dinar de l’ordre
de 10% en 2012. Le taux de chômage est de 8,5%
en 2011 selon l’organisation internationale du
travail, soit le plus faible des pays du Maghreb.
Mais le taux reste élevé pour les jeunes dont les
différentes formules utilisées à leur égard restent
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Abdelhamid Mehri
Né le 3 avril 1926 à El Harrouch (Skikda), décède le 30
janvier 2012 à Alger. Il était
une des figures marquantes
du mouvement national,
avec entre autres la fonction d’ancien ministre
du GPRA (1959-1962), ministre de l’information et de la culture en Algérie indépendante
(mars 1979-mars 1984), ambassadeur dans
plusieurs pays dont en France entre 1984 et
1988, et figure politique d’envergure depuis
octobre 1988 (SG du FLN entre 1988 et 1996),
dans l’opposition depuis.
244
MAGHREB
CULTURE
Le nouveau billet de 2000 dinars algériens.
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précaires, 10, 9%. Le nouveau billet de banque de
2000 dinars n’a pas réglé le problème du manque
de liquidités dans les postes et banques dans un
pays où tout se paye cash et où le paiement électronique vient d’être timidement introduit.
Cependant, la position financière de l‘Algérie
a été renforcée en 2011, avec l’accumulation de
182,22 milliards USD de réserves de change et la
baisse de sa dette extérieure à 4,40 milliards USD
(Source Banque d’Algérie). Dans un rapport du FMI
de 2012, l’Algérie devient, après l’Arabie Saoudite, le second plus gros détenteur de réserves de
change de la région MENA (Moyen Orient Afrique
du Nord). Les estimations du FMI prévoient une
évolution favorable des réserves de change du
pays, en dépit des turbulences de la zone euro et
de la baisse du cours des hydrocarbures dont on
annonce régulièrement des découvertes y compris
dans le nord du pays et les premières explorations
du gaz de schiste, source d’énergie non conventionnelle. Au titre de l’exercice 2011, les chiffres
du commerce extérieur se présentent comme suit:
exportations 76,8 milliards de dollars, importations 20,2 milliards de dollars avec un accroissement des dépenses alimentaires, solde: 19,6
milliards de dollars (source Douanes Algériennes).
Timimoun, capitale des déserts du monde (lcc Taguelmoust).
D’autres faits sont à souligner: l’inauguration du
métro d’Alger en novembre 2011, le deuxième en
Afrique après celui du Caire; quant au phénomène
des kidnappings, apparu en 2005, il s’est accentué.
La célébration de la décennie des déserts et de
la lutte contre la désertification 2010-2020 a été
organisée à Timimoun (Algérie), choisie comme
capitale des déserts du monde pour sa riche biodiversité. Il est à souligner que, d’une part, plusieurs
régions de l’Est algérien sont menacées par la désertification, et, d’autre part, la moitié de l’Afrique
est menacée; si le rythme de dégradation se poursuit, le continent risque de perdre les deux-tiers de
ses terres arables à l’horizon 2025.
L’année 2012 a été d’une extrême fécondité.
‘’Tlemcen, capitale de la culture islamique en 2011’’
a été clôturé en avril 2012. D’un montant de 125
milliards de dinars, le bilan présenté par le ministère de la culture est le suivant: 280 livres ont été
édités, 32 documentaires produits, 12 colloques
internationaux organisés et des dizaines de pièces
théâtrales représentées.
En dépit de la promulgation de la nouvelle loi
sur l’information en janvier 2012, plutôt décriée
par la presse écrite privée, le paysage audiovisuel algérien ne connaît pas encore de télévisions
privées, malgré les chaînes ‘’offshore’’ émettant
par satellites à partir de Londres ou des pays du
Proche-Orient.
L’Ambassadeur de France, accompagné du wali
(préfet) d’El Tarf, a inauguré le 23 janvier 2012
une plaque commémorative placée à l’entrée de
la maison natale de Camus à Dréan (ex-Mondovi). La célébration/commémoration de la fin de
la guerre d’Algérie ou de l’Indépendance de ce
Tlemcen, capitale de la culture islamique.
pays a suscité de nombreuses manifestations et
parutions d’ouvrages au niveau des deux pays.
Citons particulièrement la commémoration du cinquantenaire de la mort de Frantz Fanon, Mouloud
Feraoun et Jean Amrouche. Autre fait à retenir:
le conseil national des Arts et des Lettres, une
institution chargée notamment de la délivrance
de la carte d’artiste, a été installé officiellement
le 5 avril 2012 à Alger.
En matière littéraire, la trilogie « Algérie » de
Dib a été traduite en arabe (Alger, Sedia, 2011)
après la Syrie et Le Liban, mais les dialogues sont
en arabe dialectal. C’est là une originalité car c’est
la première fois que les deux langues arabes, la
scripturale et la vernaculaire, cohabitent en un
heureux travail de (re)création.
Sous le titre ‘’Le Contraire de l’amour’’, une
trentaine de pages du ‘’Journal’’ de Mouloud Feraoun (qui a été réédité en août 2011 aux Editions
du Seuil, dans la collection ‘’Points’’) a fait l’objet
d’une adaptation théâtrale par Dominique Lurcel
au Festival d’Avignon 2011. Ce monologue a été
présenté avec succès à Alger le 26 octobre 2011
puis dans d’autres villes de France.
Retenons aussi la mise en scène par Kherredine Lardjem des entretiens de Kateb publiés sous
le titre ‘’Le poète comme un boxeur’’, au Centre
MAGHREB
ALGERIE
GEOGRAPHIE
Deuxième plus grand pays d’Afrique, occupé à près de
85 % par le désert (Sahara). Seulement 3 % des terres
sont cultivées.
Grandes ressources pétrolifères.
HISTOIRE
1830 Prise d’Alger : début de la colonisation française.
1954-1962 Guerre franco-algérienne, qui prend fin
avec les accords d’Evian (18 mars) et l’indépendance
(1er juil.).
1963 Ahmed Ben Bella, président.
1965 Coup d’Etat de Houari Bou-médiène.
1979 Chadli Bendjedid lui succède.
1988-1991 Montée du FIS (Front islamique du salut),
qui l’emporte aux municipales de 1990. Aux législatives
de 1991, le FIS va vers la majorité absolue ; le processus
électoral est interrompu. Début du terrorisme.
1992 Assassinat du président Boudiaf.
1995 Liamine Zéroual est élu président de la
République. Les assassinats se succèdent malgré la
répression.
1996 Référendum constitutionnel renforçant les
pouvoirs du président.
1999 Démission du président Zéroual. Abdelaziz
Bouteflika, lui succède, et obtient 98,5 % de « oui » au
référendum sur la concorde civile.
2002 Agitations violentes en Kabylie.
Elle a reçu deux prix pour son film ‘’Mollement,
un samedi matin’’, lequel narre les tribulations
d’une jeune femme aux prises avec un paumé et le
fonctionnement de la société algérienne. Il a été
diffusé le 24 janvier 2012 sur les chaînes de télé
françaises France 3 et Arte.
Un autre film documentaire de 30 mn sur Germaine Tillion a été réalisé et projeté à Alger (mai
2012) par Yacef Saadi, un des personnages historiques de ‘’La Bataille d’Alger’’. Quant au film
‘’Le Repenti’’, de Merzak Allouache, racontant
le parcours d’un repenti bénéficiaire des lois de
l’amnistie et de la concorde civile, il a reçu le prix
«Label Europa Cinémas» décerné à la Quinzaine
des réalisateurs du Festival de Cannes (mai 2012). Enfin, il convient de retenir la disparition du
journaliste francophone Abdou Benziane (19442011). Signant Abdou B, le défunt a été le fondateur de l’unique revue bilingue de cinéma et
de télévision, Les Deux Ecrans (1978-1983) et
directeur de la télévision algérienne (1990-1991
et 1993-1994) qu’il a rénovée. Il était une figure
talentueuse de la vie culturelle algérienne.
SPORT
Durant la saison sportive 2011-2012, le sport algérien n’a cessé de reculer, sinon de s’enliser. Aux
10 èmes Jeux africains de Maputo (Mozambique)
de septembre 2011, l’Algérie s’est classée à la
cinquième place, devancée par l’Afrique du Sud, le
Nigeria, l’Egypte et la Tunisie. Elle n’a brillé qu’en
boxe où elle a réussi une performance exceptionnelle de 7 médailles dont 3 en or, soit la meilleure
équipe du tournoi. L’Algérie a terminé également
à la cinquième place au classement général des
12èmes Jeux arabes de Doha (Qatar) avec un total de
88 médailles dont 16 en or, loin derrière l’Egypte,
la Tunisie, le Maroc et le Qatar. Ce sont les plus
mauvais résultats enregistrés lors participation
précédentes à ces Jeux régionaux. Aux derniers
championnats d’Afrique de judo organisés en mai
2012 à Agadir (Maroc), aucun résultat notable
n’a été enregistré. Enfin, aux jeux olympiques de
Londres 2012, seulement deux judokas ont été
qualifiés pour y participer, de même que l’équipe
nationale féminine de volley ball.
Le marasme du sport algérien est encore
aggravé par les marchandages de match et des
arbitrages scandaleux qui ont généré des actes
de violences et de vandalisme dans les stades,
particulièrement après les rencontres de football.
Ce dernier sport s’est vu aussi éclabousser par
des révélations de pratique de dopage de certains
joueurs internationaux de la décennie 1980 – âge
d’or du football algérien - dont la progéniture
souffre de déficiences physiques.
Deux lueurs sont à souligner à ce sombre tableau:
d’une part, du 12 au 14 mars 2012, retour d’une
épreuve populaire avec l’organisation du tour cycliste
de l’Algérie du nord, avec la participation de 118 coureurs de 15 nations; d’autre part, plusieurs Algériens
ont été nommés aux commissions permanentes de la
Fédération International de Football. }
L’A N N É E F R A N C O P H O N E I N T E R N A T I O N A L E · 2 0 1 2 -2 0 1 3
Culturel Français d’Alger, devenu l’Institut français
depuis le 1er janvier 2012. Signalons que l’Algérie
a adhéré au réseau des instituts culturels des Etats
membres de l’Union européenne, l’EUNIC (European Union National institut For culture). Des écrivains algériens continuent toujours
d’être distingués: le romancier algérien Yasmina
Khadra, dont l’adaptation du roman Ce que le jour
doit à la nuit (Julliard, 2009) par Alexandre Arcady
sera sur les écrans en septembre, a été récompensé par la fondation américaine Time For Peace
qui lui a décerné le 26 janvier 2012 son prix littéraire lors d’une cérémonie au siège du Parlement
européen à Bruxelles (Belgique). Le poète Amin
Khan, pour le même recueil Arabian blues (SaintBrieuc, Editions MLD, janvier 2012) a obtenu en
juin 2012 deux prix: le premier Prix Méditerranée
de la Poésie Nikos Gatsos et le Prix François Coppée attribuée par l’Académie française.
Dans le domaine cinématographique, l’année
est entamée en janvier 2012 par la sortie réussie public et medias- du film documentaire ‘’El Gusto’’,
de la réalisatrice Safinez Bousbia, 30 ans, racontant l’histoire des anciens élèves-musiciens juifs,
chrétiens et musulmans de Cheikh El Anka, maitre
du chaâbi, une musique populaire algérienne de la
Casbah d’Alger. Le festival international du court
métrage de Clermont-Ferrand, une référence en
la matière, a couronné en février 2012 une jeune
réalisatrice algérienne, Sofia Djama, 32 ans.
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246
MAGHREB
MAROC
L’A N N É E F R A N C O P H O N E I N T E R N A T I O N A L E · 2 0 1 2 -2 0 1 3
Ahmed ISMAÏLI
Professeur honoraire,
université de Meknès
[email protected]
Un Premier ministre controversé
Né en 1954 à Akkari, un quartier populaire de la
capitale et dans une famille proche de l’Istiqlal,
Benkirane s’inscrira à l’Ecole Normale Supérieure
de Rabat après avoir suivi sans succès des études
POLITIQUE
d’ingénieur. Il devient professeur de physique et
membre, dans les années 70, de la Chabiba IslaLa classe politique marocaine se mobilise à la
veille des élections législatives anticipées en rai- miya (Jeunesse islamique), un mouvement passason de l’agitation qui secoue le pays suite au prin- blement rétrograde. Dix ans plus tard, il participe
temps arabe. Ainsi, un front de refus regroupant
à une manifestation contre la condamnation à
le mouvement du 20 février, le Parti Socialiste
mort de ses amis impliqués dans l’assassinat de
Unifié (PSU), le Parti d’Avant-garde Démocra- l’ingénieur, journaliste, avocat et syndicaliste de
tique et Socialiste (PADS), la Voix Démocratique
gauche Omar Benjelloun, perpétré le 11 décembre
(gauche radicale) Al Badil al hadari, Alternative 1975. En 1981, il fonde Al Jamaa al islamiya, qui
Civilisationnelle (constituée d’islamistes et
devient Réforme et renouveau, et rejoint Abdelkrim
d’anciens gauchistes), et Justice et Bienfaisance
El Khatib, autre figure de l’islamisme marocain.
(islamistes plutôt antimonarchistes) décide, dès Viscéralement anticommuniste, il tente de parfin septembre 2011, de ne pas se rendre aux urnes. tir en Afghanistan pour participer aux côtés des
Ces opposants estiment en effet que les membres
moujahidin à la lutte contre les Soviétiques, alliés,
de la commission chargée d’élaborer
à l’époque, du régime marxiste instauré à Kaboul. A présent, il semble
la nouvelle Constitution devraient
être élus, au lieu d’être désignés
oublier ce pays envahi notamment
par le Palais qui garde pratiquepar les forces américaines.
ment toutes ses prérogatives. En
Au début des années 90, El Mosrevanche, une alliance entre huit
tafa Ramid, l’un de ses lieutenants,
actuellement ministre de la Justice
partis (baptisée G8) sous la direction de M. Salaheddine Mezouar,
et des libertés, établit une relaministre des Finances, se lance dans
tion régulière avec Driss Basri, le
la campagne le 5 octobre 2011 pour
redoutable ministre de l’Intérieur
maintenir le statu quo et barrer le
de Hassan II. Chargé de rédiger un
rapport sur la mouvance islamique,
chemin aux islamistes du PJD (Justice et Développement). Il s’agit
Ramid élabore un document assez
d’un conglomérat d’éléments dispacritique vis-à-vis de Justice et Bienrates qui n’ont rien de commun au Abdelilah Benkirane, chef du
faisance qui conteste la légitimité de
niveau idéologique: conservateurs, trentième gouvernement maro- la monarchie marocaine.
« progressistes » et islamistes qui cain depuis l’indépendance.
En 1997, Basri reçoit El Khatib,
avaient quitté le PJD.
Benkirane, Saadeddine El Othmani
Monarchiste et conservateur, lui aussi, tout (actuellement ministre des Affaires étrangères) et
en se situant dans l’opposition depuis douze
Lahcen Daoudi (l’actuel ministre de l’Enseigneans, ce même PJD parvient à réaliser un score
ment supérieur, de la Recherche scientifique et
historique le 25 novembre 2011, où le taux de
de la Formation des cadres) et leur suggère de
participation s’élève à 45 % des 13,5 millions
présenter des candidats pour les élections légisd’électeurs. Il passe en effet de 47 à 107 sièges
latives, dans quelques circonscriptions. Les amis
sur 395 à la chambre des représentants. Il est
de Benkirane obtiendront, malgré les restrictions
suivi de l’Istiqlal (nationaliste, 60 sièges), imposées, quatorze sièges au Parlement. Abderle PAM (proche du Palais, 47 sièges), l’USFP rahmane Youssoufi, leader socialiste et chef du
(socialiste, 39 sièges) et de divers partis de
gouvernement d’alternance sous Hassan II, leur
droite: Mouvement Populaire (32 sièges) et
proposera un ministère. Cette offre sera dédaiUnion Constitutionnelle (23 sièges)
gneusement rejetée.
Conformément à la nouvelle Constitution, le roi
Au lendemain des cinq attentats suicides du
charge le secrétaire général du PJD, M. Abdelilah 16 mai 2003, perpétrés par une dizaine d’islaBenkirane, le 3 janvier 2012, de former le 30e gou- mistes radicaux, originaires d’un bidonville de
vernement marocain depuis l’Indépendance. La
Casablanca (41 morts et une centaine de blesnouvelle équipe compte une seule femme, Mme
sés), certaines voix réclament l’interdiction du
Bassima Hakkaoui, ministre de la Solidarité, de la
PJD. Mais quelques années après la tempête, en
2007, Mohamed VI reçoit El Othmani.
Famille et du Développement Social. Une véritable
Les adversaires de Benkirane le trouvent popurégression dans la mesure où le gouvernement
précédent comprenait sept dames.
liste, démagogue, réactionnaire, opportuniste,
MAGHREB
MAROC
GEOGRAPHIE
Pays au relief diversifié (montagnes, riches plaines,
désert) ; double ouverture maritime : Méditerranée
et Atlantique. Agriculture, tourisme, mines (3e pays
producteur de phosphate).
HISTOIRE
VIIIe-XVe s. Conquête par les Arabes qui imposent l’islam
aux Berbères. Les dynasties arabes et berbères se
succèdent.
1830-1912 Pénétration européenne.
1912 Protectorat français. Le maréchal Lyautey, résident
général (1912-1925).
1956 (3 mars) Indépendance. Le sultan Mohammed V
devient roi.
1962 Couronnement du roi Hassan II, chef d’Etat et
commandeur des croyants.
1979 Occupation par le Maroc de l’ensemble de l’ancien
Sahara espagnol, contestée par le Front Polisario qui a
l’appui de l’Algérie.
1992 (sept.) Révision de la Constitution.
1993 Elections législatives.
1996 Révision constitutionnelle visant au
bicaméralisme, voté en 1998.
1999 (23 juil.) Mort d’Hassan II. Son fils Mohammed VI
lui succède.
2000 Entrée en vigueur de l’Accord d’Association
avec l’UE.
2002 (sept.) Elections législatives. Driss Jettou, nouveau
premier ministre.
2003 (mai) Une loi anti-terroriste est votée.
certaine, notamment auprès des classes défavorisées. Mais il a dilapidé ce capital de sympathie
à force d’opportunisme, de compromissions et de
corruption. Le déclin du parti est sans doute lié
aussi à la répression policière et à l’effondrement
du Bloc socialiste.
Contrairement à l’USFP, l’Istiqlal et les dirigeants du PPS (communistes) consentent à se
rallier au PJD, en dépit de l’indignation de l’aile
gauche de ce parti allergique aux islamistes. Ainsi, ne parvenant pas à adopter une position commune au sujet de la participation au gouvernement
Benkirane, la Koutla (Bloc National composé de
l’Istiqlal, de l’USFP et du PPS) éclate. On assiste
également à la désintégration du G8 qui subit un
échec cuisant aux élections législatives. Quant au
mouvement du 20 février, il continue à manifester
sporadiquement nonobstant le retrait de Justice
et Bienfaisance qui constituait le plus gros de ses
troupes, et en dépit des agressions perpétrées
par des bandes de jeunes se disant monarchistes.
Persuadés que la liberté d’expression est menacée, les intellectuels et les artistes expriment leur
inquiétude, d’autant plus que des publications
étrangères ont été censurées (L’Express, El Païs, Le
Nouvel Observateur) sous prétexte qu’elles « portaient atteinte aux valeurs sacrées » du pays. Pour
les syndicalistes, même le droit de grève est remis
en cause par le nouveau gouvernement.
Mais avant même la mise en place de la nouvelle équipe, le roi procède à la nomination de
nouveaux ambassadeurs et s’entoure de nombreux conseillers, dont Fouad Ali El-Himma, ami
d’enfance du monarque, régulièrement décrié par
le mouvement du 20 février. Il fait appel aussi
à d’anciens ministres tels que Taïeb Fassi-Fihri
(Affaires étrangères) et Yassir Zenagui (Tourisme).
Selon certains observateurs, le vrai pouvoir continuera à être exercé par le Palais.
Campagne anti-corruption
Le gouvernement Benkirane fait de la lutte contre la
corruption et l’économie de rente l’une de ses priorités. Dans cette perspective, il publie la liste des
détenteurs de licences de transport: des sportifs,
des artistes, d’anciens combattants, mais aussi des
individus impliqués dans l’enlèvement et le meurtre
du militant de gauche, Mehdi ben Barka. On presse
le même gouvernement de divulguer également les
noms de ceux qui raclent les carrières de sable et
le fond de la mer avec leurs chalutiers.
En attendant, le nouveau ministre de l’Enseignement supérieur étale au grand les irrégularités
et scandales qui ont entaché le mandat de son prédécesseur Ahmed Akhchchine, ancien gauchiste
devenu ultérieurement haut responsable du PAM
(Authenticité et Modernité). De même, la Cour des
Comptes diffuse un rapport accablant sur certains
hauts responsables politiques et administratifs.
Coupable de détournement de fonds et de dilapidation des deniers publics, l’ancien ministre
socialiste Khalid Alioua sera jeté en prison au
même titre que Abdelhamid Benalou, ex-PDG de
L’A N N É E F R A N C O P H O N E I N T E R N A T I O N A L E · 2 0 1 2 -2 0 1 3
provocateur, bavard et impulsif. Il demeure, cependant, assez habile, souvent prêt à reculer pour
mieux sauter. Il a le sens de la communication et
insiste inlassablement sur sa volonté de gagner la
confiance du monarque, même si celui-ci aurait,
selon les révélations de wikiLeaks, mis en garde les
Américains contre tous les islamistes. Il convient
de rappeler ici que, de son côté, le premier ministre
sortant, Abbas El Fassi (Istiqlal), répétait invariablement que son programme était celui du roi.
Ajoutons que pendant l’élaboration de la nouvelle
Constitution, Benkirane s’opposait farouchement
au principe de liberté de conscience. Il mettait
l’action sur la question de l’identité nationale.
Les socialistes refusent de participer au gouvernement Benkirane. Driss Lachgar, l’un des
ténors de l’USFP se plaît désormais à comparer
l’arrivée au pouvoir des islamistes, dans divers
pays de la région, à la faveur du printemps
arabe, à celle des fascistes en Europe entre les
deux Guerres. Difficile, cependant, de prendre
M. Lachgar au sérieux: il s’était hâté d’accepter
le portefeuille de ministre des Relations avec le
Parlement le 4 janvier 2010 après avoir reproché
longtemps à ses amis socialistes d’adhérer à un
exécutif résolument conservateur. Il convient de
rappeler ici que jusqu’aux années 90, l’USFP, appelé autrefois l’UNFP, bénéficiait d’une popularité
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MAGHREB
L’A N N É E F R A N C O P H O N E I N T E R N A T I O N A L E · 2 0 1 2 -2 0 1 3
l’Office National des Aéroports, et Tawfik Ibrahimi,
ex-PDG de la société de navigation Comanav, responsables, eux aussi, de manœuvres douteuses. Il
s’agit également de mener une guerre sans merci
contre les caisses noires. Ainsi, l’ex-ministre de
l’Economie et des Finances et ennemi juré du PJD,
Salaheddine Mezouar, est montré du doigt. En plus
de son salaire, il se faisait octroyer une prime mensuelle de 88000 dirhams par le trésorier général
du Maroc, qui percevait, à son tour, une prime
complémentaire de 32000 dirhams par mois,
puisés dans un mystérieux « fonds particuliers ».
Controverse sur les chaînes de tv
En avril 2012, Mustapha El Khalfi, ex-directeur du
journal Attajdid (Renouveau) et actuel ministre
de la Communication expose publiquement les
nouveaux cahiers des charges des deux chaînes
publiques marocaines, instruments de propagande saturés de publicité. Les adversaires de ce
projet n’en retiendront que la volonté d’accorder
plus de place à la religion et à l’arabe classique.
Or, M. El Khalfi a au moins le mérite de lancer le
débat sur deux institutions souffrant de maux
multiples: opacité, gaspillage et programmes
d’un niveau plutôt affligeant. Les attaques contre
M. El Khalfi fusent de partout. A commencer par
certains membres du gouvernement de coalition
où des ministres, tels que Nabil Benabdallah (PPS),
reprochent à leur confrère de n’avoir consulté personne avant de présenter son projet. L’Istiqlal et
le Mouvement Populaire manifestent eux aussi
leur mécontentement. Les critiques émanent également de certains responsables de la seconde
chaîne comme l’inamovible PDG du pôle audiovisuel (Faiçal Laraïchi), la directrice de l’information (Samira Sitaïl), et un troisième directeur qui
sort curieusement de l’ombre (Salim Cheikh). Ils
insistent sur la tolérance et la diversité culturelle
du Maroc. Des fonctionnaires qui refusent de se
soumettre aux instructions de leur ministre de
tutelle. Du jamais vu.
Larbi Messari, ancien ministre de la Communication qui a échoué lui aussi lamentablement
à réformer les deux chaînes, parle d’un puissant
lobby, hostile à tout changement. Il rappelle que
ce même lobby, qui se pique d’ouverture et de tolérance, a poussé, il y a quelques années, une foule
fanatisée à organiser une manifestation d’une rare
violence contre le défunt Journal hebdomadaire,
une publication francophone et progressiste, accusée d’avoir reproduit une caricature du Prophète.
Soufflant le chaud et le froid, Benkirane prononce
un discours devant les sympathisants de son parti
pour dénoncer avec véhémence l’entourage du roi.
Oubliant son hostilité au mouvement du 20 février,
il affirme que le « printemps arabe » ne s’est pas
encore achevé, et que les monarques s’entourent
souvent d’éléments dangereux qui leur portent
préjudice et les abandonnent précipitamment, en
cas de péril. Il sera convoqué au Palais et finira par
minimiser l’affaire des cahiers des charges. Première défaite du nouveau gouvernement.
Quelques jours plus tard, M. Ahmed Ghazali,
qui n’a pas prévu la tempête, sera démis de ses
fonctions de président de la HACA (Haute Autorité de la communication audiovisuelle). Le roi le
remplacera par Mme Amina Lamrini et M. Jamal
Eddine Naji, deux anciens gauchistes.
Toujours le contentieux avec l’Algérie
Par ailleurs, les socialistes reprochent à Benkirane son incapacité de tirer le meilleur profit de
la nouvelle Constitution. Ainsi, contrairement à
l’esprit de la loi fondamentale, il laisse le Palais
se tailler la part du lion au niveau de la nomination des hauts fonctionnaires. En effet, ce dernier
désigne les directeurs de dix-sept institutions
vitales comme l’OCP (Office Chérifien des Phosphates), la RAM (Royal Air Maroc), l’ONCF (Office
National des Chemins de Fer)...
Sur le plan diplomatique, le nouveau gouvernement s’efforce d’améliorer les rapports du
royaume avec ses voisins. Ainsi, dès le début de
février 2012, le Maroc reçoit le président tunisien,
M. Moncef Marzouki, dans l’espoir de réchauffer
les relations entre Rabat et Alger, rouvrir les frontières et ressusciter l’UMA (Union du Maghreb
Arabe), cadavre inerte depuis 1994.
Dans cette perspective, El Othmani, ministre
des Affaires étrangères, se rend en Algérie d’abord
en janvier, puis en avril 2012 à l’occasion des obsèques d’Ahmed ben Bella. Il est accompagné de
Benkirane, El Fassi-Fihri et Aït Idder, militant de
gauche et grande figure du nationalisme marocain.
A leur retour, un communiqué officiel apprend aux
Marocains que cette délégation a quitté précipitamment Alger pour protester contre la présence
de certains membres du Polisario à la cérémonie.
Les Algériens rétorquent qu’au cours des funérailles de Hassan II à Rabat, en juillet 1999, le président Bouteflika s’est retrouvé en face du premier
ministre israélien. Il a été obligé de lui serrer la
main. Mais la délégation algérienne n’a pas claqué
la porte, même si Alger n’entretenait pas de relations diplomatiques avec Tel-Aviv. De nouveau,
le ton monte entre les deux pays du Maghreb.
On peut se demander dans ces conditions si la
réconciliation est toujours à l’ordre du jour.
Cependant, vers la fin de février 2012, trois
membres du Polisario intègrent le Conseil National
du PAM, le parti le plus proche du Palais. La même
formation politique élit comme secrétaire général
M. Mustapha Bakkoury, technocrate, financier
notoire et ancien PDG de la Caisse de Gestion et
de Dépôt (CGD) chargée de conserver et de gérer
d’énormes ressources d’épargne. Au début du mois de mars 2012, M. El Othmani
part à la tête d’une délégation aux Etats-Unis pour
reprendre les habituelles et stériles négociations avec
le Front Polisario. Le Maroc se sent d’ailleurs obligé
de se procurer de nouvelles armes. Dans ce domaine,
il est classé second en Afrique, juste après l’Algérie.
En avril, un malentendu surgit entre le royaume
et l’ONU au sujet du rôle de la MINURSO (Mission des Nations Unies pour l’Organisation d’un
MAGHREB
la politique à court terme du gouvernement. Il
met en évidence le déficit budgétaire, le déséquilibre chronique de la balance commerciale (qui
atteint 112 milliards en août 2011), désapprouve
l’augmentation des salaires et les recrutements
immodérés dans la fonction publique. Il attire
l’attention également sur la hausse des importations (+20,7%) concernant notamment les denrées alimentaires, les produits manufacturés et
les hydrocarbures (+26%).
Afin de remédier à cette situation, le nouveau
gouvernement s’attaque, en premier lieu, au problème de la Caisse de Compensation, véritable
gouffre qui absorbe 52 milliards de dirhams en
2011 (3,4 milliards consacrés à la farine et au blé
tendre, 5 milliards au sucre et 43 milliards aux
hydrocarbures), et qui profite essentiellement
aux plus riches. Il décide d’augmenter le prix de
l’essence, du gasoil et du fuel industriel. Il envisage également de fournir, d’une manière directe,
des allocations aux couches les plus démunies
de la population, bien que cette option semble, à
première vue, difficile à mettre en œuvre.
Par certains côtés, la politique économique du
royaume peut paraître volontariste. Ainsi, dès 2007,
Référendum au Sahara Occidental) qui entend
contacter librement les Sahraouis et leurs associations. Rabat dénonce aussi l’attitude de l’envoyé
personnel du secrétaire général des NationsUnis pour le Sahara, l’Américain Christopher
Ross, suspect de déborder le cadre de sa mission.
Toutefois, Mme Hillary Clinton effectue, en
février 2012, une visite officielle au Maroc où
elle s’entretient avec le conseiller du roi, El FassiFihri, avant El Othmani, et pose la première pierre du nouveau bâtiment de
l’ambassade des Etats-Unis, un projet
estimé à un milliard de dirhams.
De son côté, arrivé au Maroc au
début de mars 2012, Alain Juppé, ministre français des Affaires étrangères,
approuve clairement le projet d’autonomie du Sahara proposé par Rabat.
La socialiste Martine Aubry lui emboîtera le pas et discutera avec le roi et
le premier ministre de la situation
politique et économique du royaume.
Après sa défaite aux élections prési- Le projet de TGV marocain ne rallie pas tous les suffrages.
dentielles françaises, Nicolas Sarkozy
atterrit avec sa compagne à Marrakech. Ulcérés
Renault-Nissan a signé des accords avec l’Etat mapar ses positions de plus en plus similaires à
rocain en vue d’édifier une usine de production
celles du Front National, beaucoup de Marocains
automobile dans la région de Tanger. En vertu de
se réjouissent de sa débâcle. Reste à savoir quelle
ces accords, le pays devait exporter 400 000 voiposition adoptera M. Hollande vis-à-vis de la ques- tures par an. De même, la première ligne de TGV au
tion épineuse du Sahara. Signalons à ce propos que
Maroc est inaugurée le 29 septembre 2011, en présence de Mohamed VI et de Nicolas Sarkozy. Mais
Mohamed VI est le premier chef d’Etat à être reçu
par le nouveau président français.
de nombreux militants de la société civile s’élèvent
contre ce programme considéré comme excessivement onéreux pour un pays où le taux de chômage
ECONOMIE
D’une manière inattendue, Abbas el Fassi, le pre- et d’analphabétisme reste particulièrement élevé,
mier ministre sortant, retire à la dernière minute, et où des secteurs de la plus grande importance,
le projet de loi de finances censé être débattu au
comme la santé et l’enseignement public, manquent
Parlement, et ce, afin de permettre à Salaheddine
cruellement de moyens.
Par ailleurs, lors d’une visite officielle à Rabat
Mezouar, à la fois ministre de l’Economie et chef
du Rassemblement National des Indépendants, de
le 24 novembre 2011, l’émir du Qatar laisse ense consacrer à la campagne électorale. La même
tendre que son pays projette d’investir plusieurs
loi de finances sera adoptée sans modification
milliards dans le tourisme au Maroc, un secteur
notable en mars 2012.
qui commence à souffrir énormément de la crise
Mais déjà en septembre 2011, Abdelatif Jaouhari, économique mondiale.
gouverneur de la Banque Centrale, présente son
D’autres secteurs sont, au contraire, en plein
rapport pour l’année 2011 où il évoque la situa- essor. Ainsi, les bénéfices de Maroc Télécom, qui
tion critique de l’économie marocaine et réprouve
se développe aussi bien dans le royaume que
L’A N N É E F R A N C O P H O N E I N T E R N A T I O N A L E · 2 0 1 2 -2 0 1 3
Renault s’est implanté à Tanger.
249
L’A N N É E F R A N C O P H O N E I N T E R N A T I O N A L E · 2 0 1 2 -2 0 1 3
250
MAGHREB
d’autres pays africains (Mauritanie, Mali, Gabon, mouvement du 20 février, comparaît, en présence
Burkina Faso), atteignent 8 milliards de dirhams. de plusieurs sympathisants, devant un tribunal de
Le nombre des abonnés au téléphone portable
Casablanca. Dans ses clips, ce militant de vingtaugmente considérablement (29 millions en 2012, quatre ans se permet de critiquer ouvertement le
soit une progression de 12% par rapport à 2011). pouvoir. Libéré après avoir purgé une peine de
Dans le domaine des phosphates également, les
quatre mois de détention, il sera remis en prison.
résultats obtenus sont particulièrement satisfaiCependant, la société civile se montre souvent
sants (16,3 milliards de dirhams correspondant vigilante. En effet, des associations féministes se
à un production totale de 28 millions de tonnes).
mobilisent suite au suicide d’Amina Filali, mariée
En revanche, l’accord de pêche entre le royaume
de force, conformément à une loi contestée, à son
et l’Union Européenne n’est pas renouvelé. Les
violeur. Beaucoup de militants estiment que ce
bateaux de pêche européens sont alors priés de
dernier devrait être plutôt poursuivi en justice.
quitter les eaux territoriales marocaines. Néan- De son côté, le collectif « Démocratie et modernité »
moins, l’UE offre au Maroc en avril 2012 la somme
relance le débat sur la laïcité et la liberté de culte.
de 80 millions d’euros destinés à l’accompagnement
socioéconomique du pays.
CULTURE
Signalons également la tenue du Salon Interna- L’invité d’honneur du Salon International de l’Edition
tional de l’Agriculture à Meknès en avril 2012, dont
et du Livre, qui ouvre ses portes le 10 février 2012,
l’invité d’honneur est le Canada. Mais la campagne
est l’Arabie Saoudite. D’autre part, l’arrivée au pouagricole s’annonce assez médiocre en raison du
voir des islamistes, qui parlent de « culture propre »,
déficit pluviométrique, même si des précipitations
suscite beaucoup d’inquiétude chez les intellectuels
tardives semblent bénéfiques pour les arbres frui- et les artistes. M. Boulif, l’un des ministres proches
de Benkirane a bien donné le ton
tiers. M. Aziz Akhnouch, ministre
en déclarant à la presse qu’il ne
de l’Agriculture annonce en avril
voulait pas être obligé de se voiler
qu’il prévoit au niveau des récoltes
céréalières 48 millions de quintaux.
la face en regardant, en famille, un
Mais beaucoup de prévisions sont
film marocain.
revues à la baisse. Pendant la camCependant, les festivals se
pagne électorale, le PJD promettait
multiplient, alors que de plus en
plus de salles obscures ferment
un taux de croissance de 7%. Selon
les dernières estimations, il serait
leurs portes, faute de clients. Au
de l’ordre de 2%.
lieu d’aller au cinéma, beaucoup
Notons enfin que Mme Meriem
de Marocains préfèrent, en effet,
Bensalah, directrice des eaux
suivre les émissions des chaînes
minérales d’Oulmès, est élue
satellitaires ou regarder des
le 16 mai 2012, présidente de
films DVD chez eux.
la Confédération Générale des
Le Festival International du
Entreprises du Maroc (CGEM).
Film de Marrakech a eu lieu en
Ainsi, les patrons sont apparem- Mort à vendre, primé à Berlin.
décembre 2011, celui du court
ment favorables à la parité genre
métrage à Tanger en janvier
au sein de leur confédération. 2012. Parmi les récents longs métrages dont on
a beaucoup parlé cette année, on peut citer Omar
m’a tuer de Roschdy Zem (l’histoire du jardinier
SOCIETE
A l’instar d’autres pays arabes, le Maroc connaît
marocain accusé d’avoir assassiné sa patronne
une certaine agitation. Ainsi, des affrontements
française), Les Hommes libres d’Ismael Ferroukhi
(des Musulmans ont protégé des Juifs en France,
se produisent entre les forces de l’ordre et des
diplômés chômeurs le 4 janvier 2012 à Taza, à l’Est
pendant l’Occupation), La Source des femmes de
du royaume. Plusieurs blessés et de nombreuses
Radu Mihaileanu (la condition féminine et la résisvoitures brûlées. Ne parvenant pas à être recrutés
tance du second sexe à la tyrannie masculine).
Les metteurs en scène marocains ont réalisé de
dans la fonction publique, des diplômés chômeurs
s’immolent, dans différentes régions du pays, par nombreuses œuvres au cours des deux dernières
années. Quelques exemples: Un Film de Mohamed
le feu. D’autres incidents éclatent en février 2012
dans d’autres villes comme Tanger, Agadir et Achouar (la difficulté de trouver un sujet pour une
Marrakech et Meknès, souvent après la démolition œuvre cinématographique), The End de Hicham Lasd’habitations illégales. Des émeutes ont lieu à
ri (les mésaventures surréalistes d’un marginal proBouayyach, au Nord du Maroc. Les manifestants
tégé par un commissaire tortionnaire et sordide),
seront sérieusement condamnés. Les Mains rudes de Mohamed Asli (le petit peuple
Le gouvernement décide par ailleurs de sévir recourt à des combines pour s’en sortir), Le Retour
contre certaines formes de contestation. Ainsi, du fils d’Ahmed Boulane (les obstacles rencontrés
incarcéré depuis le 9 septembre 2011 après avoir par un enfant de couple mixte), Andalousie, mon
été accusé de coups et de blessures par un membre
amour de Mohamed Nadif (une bande de filous roule
de la jeunesse royale, Mourad Boulghouat, surnom- des candidats à l’immigration clandestine), Road to
mé El Haqed (Le Rancunier), ouvrier et chanteur du
Kaboul de Brahim Chakiri (les épreuves burlesques
MAGHREB
de jeunes rêvant de s’enrichir en partant illégalement à l’étranger), Agadir Bombay de Myriam Bakir
(le problème de la prostitution traité sous forme de
comédie), Un Marocain à Paris de Saïd Naciri (impécunieux, un jeune maghrébin se rend en France
où il s’égare au milieu des trafiquants de drogue).
D’autre part, Les Etoiles de Sidi Moumen, roman
de Mahi Binebine portant sur les attentats terroristes de Casablanca, a été adapté à l’écran par
Nabil Ayouch sous le titre Les Chevaux de Dieu.
Mais le film qui semble obtenir le plus de succès
est Mort à vendre de Faouzi Bensaïd (trois personnages face à la cruauté de la vie). Primé au Festival International du Film de Berlin et au Festival
National du Film de Tanger, il a est projeté au cours
de la séance de clôture du Festival International
du Film de Marrakech.
Dans le domaine de la musique également, de
nombreux festivals ont été organisés: Gnaoua à
Essaouira, au sud du Maroc, Jazz à Tanger (septembre 2011), musiques sacrées à Fès. Mais celui
de Mawazine Rythmes du Monde est fort contesté,
fondamentalement par le mouvement du 20 février
qui le trouve ruineux (60 millions de dirhams,
d’après le quotidien Akhbar al yawm), et propose
d’organiser plutôt des séances de lecture dans
des lieux publics. A Rabat, la police dispersera, à
coups de matraque, les trouble-fête en leur intimant
l’ordre d’aller lire chez eux.
SPORT
Le 13 novembre 2011, deux équipes nationales
sont déclarées gagnantes de la Coupe du Trône:
le CODM de Meknès et le MAS de Fès. Le même
jour, l’Espérance de Tunis reçoit le Widad de Casablanca et marque un but à zéro. A l’issue du match,
251
les forces de l’ordre tunisiennes rouent de coups
les supporters marocains.
Vers le 20 février 2012, les Lions de l’Atlas
affrontent le onze tunisien à Libreville dans le
cadre de la CAN (Coupe d’Afrique des Nations).
La rencontre se solde par la défaite des Marocains (2 à 0) qui seront battus également par le
Gabon (3 à 2), et éliminés par la suite de la CAN.
Ces déroutes successives poussent le public à
se poser des questions sur le rôle d’Eric Gerets,
l’entraîneur belge de la sélection nationale. La
polémique enfle notamment au sujet de son
salaire faramineux (2.767.617 dh par mois). On
lui reproche même de ne pas payer d’impôts.
Par ailleurs, certaines compétitions sont suivies de scènes de défoulement et de violence.
Ainsi, à la fin du mois de septembre 2011, après
un duel entre la Jeunesse de Mohammedia, venue
du nord du Maroc, et la Mouloudiya de Dakhla, des
centaines de Sahraouis demandent bruyamment
aux autorités de déplacer les habitants du quartier Al Wakali, originaires du nord. La manifestation tourne à l’émeute. Bilan, sept morts.
En février 2012, des mineurs commettent des
actes de vandalisme après un match entre les FAR
(Forces Armées Royales) et le Raja, puissante
équipe casablancaise. Ils agressent des passants
et saccagent des établissements de commerce. Le
1er avril 2012, la confrontation entre une équipe
de Kénitra et le Widad de Casablanca s’achève sur
une bagarre où un jeune trouve la mort.
La victoire des Lions de l’Atlas sur la Libye à
Jeddah, en Arabie Saoudite (3 buts à 1), réconforte, cependant, les Marocains. Elle permet à la
sélection nationale de remporter la Coupe Arabe
des Nations 2012. }
Rédaction
Année Francophone Internationale
[email protected]
POLITIQUE
Dès le début de l'année 2011, la contestation sociale et politique d'une ampleur sans précédent
depuis l'indépendance, dans le contexte des printemps arabes, a gagné de nombreuses villes du
pays, avec des défilés, sit-in, grèves et occupation
d'espaces publics. Mais cette contestation restée
très éparse, même si elle a généré des répressions
locales avec trois morts recensés, une immolation
par le feu, ne s'est pas transformée en révolte généralisée comme en Tunisie ou en Syrie. C'est qu'elle
visait des objectifs bien précis: baisse des prix,
amélioration de la justice, annulation de marchés
publics frauduleux, rétablissement de l'eau potable,
salaire minimum à 73.000 ouguiyas (205€), etc. Et
peinait à générer des relais politiques contre un
président certes issu d'un coup d'Etat mais correctement légitimé par les urnes en 2009, et soutenu
depuis sans beaucoup de failles par tous ceux qui
voient en lui un rempart contre l'AQMI et une garantie contre un effondrement national de type malien.
C'est aussi que le gouvernement a su gérer les
contre-feux: déblocage de 9 milliards d'ouguiyas
pour faire baisser de 30 % le prix des denrées de
première nécessité dans un réseau de boutiques
spécialisées, concessions "libérales" envers la
presse (dépénalisation des délits de presse en
juin, autorisation des médias privés en septembre,
application de l'augmentation des salaires de 10 à
50% obtenue en 2008...) et les jeunes diplômés:
distributions de terres à cultiver, etc.
Et puis les négociations avec l'opposition, à l'automne, aboutissent à des résultats tangibles: reconnaissance des minorités mais aussi de l'interdiction
L’A N N É E F R A N C O P H O N E I N T E R N A T I O N A L E · 2 0 1 2 -2 0 1 3
MAURITANIE
252
MAGHREB
de l'esclavage dans la constitution (voir encadré), criminalisation des coups d'Etat, exclusion
des militaires de la politique,
féminisation du Parlement, augmentation des chaînes de télévision de 2 à 7, des stations de radio
de 2 à 7 également.
Enfin, le pouvoir a marqué
du sceau de la réconciliation
nationale l'arrivée de la dernière
vague de rapatriés mauritaniens
du Sénégal, le 25 mars à Rosso,
ville frontalière. Le chef de l'Etat
Birame Ould Dah, militant inlassable de
sa cause.
MAURITANIE
GEOGRAPHIE
Territoire en grande partie
désertique (90 %). Ressources
minières (fer), agriculture et
pêche. Quatre ethnies : AraboBerbères, Peuls, Wolofs, Soninkés.
HISTOIRE
1902 Xavier Coppolani conquiert
L’A N N É E F R A N C O P H O N E I N T E R N A T I O N A L E · 2 0 1 2 -2 0 1 3
l’intérieur du pays qu’il nomme
Mauritanie.
1903 Protectorat français,
transformée en colonie (1920), puis
en TOM (1946).
1956 Autonomie interne.
1960 Indépendance. Moktar Ould
Daddah dirige le pays (jusqu’en
1978).
1984 Coup d’Etat. Ould Taya
devient président.
1991 Nouvelle Constitution
(multipartisme), suivie de
l’instauration d’un régime
démocratique ; réélections de Ould
Taya (1992, 1997 et 2003).
2005 (août) Coup d’Etat militaire
renversant Ould Taya.
2006 Référendum constitutionnel,
élections législatives et
municipales.
s'était déplacé avec le haut-commissaire des Nations-Unies aux
réfugiés, et a salué une journée historique «destinée à fermer des
plaies ouvertes par les douloureux événements de 1989» (affrontements communautaires violents qui avaient vu fuir des dizaines de
milliers de Mauritaniens d'origine négro-africaine). Une commission interministérielle devrait être chargée de réinsérer dans la vie
publique les anciens fonctionnaires et faire bénéficier ceux qui ont
atteint l'âge de la retraite d'une pension.
ECONOMIE
L'économie mauritanienne connaît une croissance significative, pour
l'essentiel tirée par le secteur minier (fer et or), un peu par le secteur
pétrolier en progression, et a engagé un assainissement progressif
des finances publiques, mais l'envolée des prix alimentaires génère
des difficultés sociales pour lesquelles le gouvernement doit dégager
des moyens importants de lutte contre la pauvreté, en subventionnant les produits de première nécessité. La dette a été allégée par
une annulation en provenance du Koweït, et les créanciers arabes
se montrent patients. En avril 2012, le gouvernement a signé avec
la SIDSP, filiale de la Banque islamique de développement, une
convention lui permettant d'émettre ses premiers bons du trésor
islamiques, et de mobiliser l'épargne non usuraire, dont elle attend
près de 300 millions de dollars en un an.
Mais la préoccupation majeure reste la lutte contre le terrorisme des
extrémistes du Maghreb islamique. La Mauritanie doit accueillir des
dizaines de milliers de réfugiés du nord du Mali, et les conséquences du
déficit pluviométrique de 2011 sur les cultures ou la mort des bovins ne
TOUJOURS LE DENI DE L’ESCLAVAGE
Réalité toujours persistante et toujours niée avec persistance
par les autorités politiques du pays, l’esclavage -dont la Mauritanie n’a hélas pas le monopole- a enrichi l’argumentaire
anti-islamiste qui n’en avait pas besoin. Car c’est au nom du
«viol des valeurs islamiques du peuple mauritanien» que les
autorités ont arrêté un militant mauritanien «historique» de
la lutte anti-esclavagiste, et dix de ses compagnons de lutte.
«Violer les valeurs islamiques», c’était en l’occurrence pour
Birame Ould Dah Ould Abeid, président de l’IRA (Initiative pour
la résurgence du mouvement abolitionniste) organiser une
manifestation contre l’esclavage. Mais il est vrai que Birame,
lui-même musulman, n’est pas né où il fallait, et n’a pas la
bonne couleur de peau. Négro-mauritanien descendant d’esclaves, il a organisé une prière collective du vendredi hors des
mosquées où la question esclavagiste est tabou. Dans l’élan, il
commet l’erreur de brûler en symbole des livres de droit du rite
musulman malikite, qui justifient l’exploitation esclavagiste
et déclinent droits et devoirs du serviteur et du maître. (On se
demande au passage pourquoi de tels livres existeraient s’il
n’y avait pas d’esclavage...). Il a pris la précaution de sauver
toutes les pages où l’on représentait le Coran, mais cela ne
l’exonère pas de la présomption de blasphème.
L’arrestation a donc été immédiate et des manifestations
«spontanées» ont aussitôt surgi. La TV publique passe en
boucle les condamnations de ces actes. Le président luimême invoque la charia. Mais la justice mauritanienne, enfin
saisie, annule le procès pour vice de forme, puisque les accusés risquant la peine de mort pour apostasie, ils ne peuvent
comparaître en flagrant délit. Début septembre, Birame et ses
co-détenus ont été remis en liberté sous caution.
MAGHREB
facilitent pas les choses. Le Mali compte beaucoup
sur l'aide mauritanienne (2.400 kms de frontière
commune) pour stabiliser la situation dans son pays.
Pour attaquer et chasser des villes de Tombouctou,
Gao et Kidal, les combattants d'AQMI, l'appui mauritanien est précieux, et le président Abdel Aziz ne
fait pas mystère de sa volonté d'en découdre, afin
d'éviter « un nouvel Afghanistan ». « Si la communauté
internationale, le Mali, les pays voisins décidaient de
combattre, la Mauritanie ferait partie de ce groupe »,
a déclaré, le 14 avril, le président Abdel Aziz, dans
un entretien radiodiffusé en Europe, tout en ajoutant: « Ces Etats auront pratiquement devant eux une
armée et même un Etat. Avant, ils n'étaient pas très
nombreux, maintenant ils ont conquis pratiquement
253
65 % du territoire malien et ils sont très équipés; avant,
ils se ravitaillaient par petites quantités de carburant,
maintenant, c'est par citernes.»
Les armées malienne et mauritanienne travaillent déjà ensemble, mais un grave incident
est venu perturber cette entente début septembre
2012, lorsqu'à Diabali, au nord de Ségou, un
groupe de seize personnes a été tué par l'armée
malienne, alors qu'il s'agissait de prédicateurs de
la confrérie religieuse de la Dawa, pour beaucoup
mauritaniens. Un communiqué très officiel des
autorités mauritaniennes a dénoncé «la cruauté
de cet assassinat collectif injustifiable de prêcheurs
innocents désarmés, par des hommes en armes, revêtus de l'uniforme de l'armée régulière».
}
TUNISIE
Après la révolte des rues survenue durant l’hiver
2010-2011, qui conduisit à la fuite de la famille
Ben Ali et à la chute du régime que le Président
déchu avait très progressivement mis en place,
c’est vers la Tunisie que tous les regards se tournaient en cette année 2012 qui devait voir la mise
en place, à la suite des élections du 23 octobre
2011, démocratiquement organisées mais qui
ne virent pas les Tunisiens se précipiter vers les
urnes, d’un gouvernement de coalition et d’une
Assemblée Nationale Constituante (ANC) de 217
membres, chargée de rédiger une nouvelle Constitution dans des délais raisonnables.
POLITIQUE
Difficilement organisées en octobre 2011 (plus de
1.500 listes en présence, ce qui suffit à expliquer
la désaffection des citoyens), neuf mois après la
chute du régime, ces élections donnèrent au parti
islamiste Ennadha une majorité relative de 138
sièges, insuffisante pour diriger seul le pays mais
suffisante pour empoisonner durant toute l’année
la vie politique, sociale et culturelle.
Au plan politique, afin que l’Assemblée Nationale
Constituante puisse se mettre au travail dans des
conditions acceptables, ce parti aux valeurs religieuses marquées dut s’allier à deux formations de
centre gauche, aux valeurs nettement plus laïques, le
Congrès pour la République (CPR, 29 sièges), formation du Président de la République Moncef Marzouki,
élu le 11 décembre 2011 au sein des députés de la nouvelle Assemblée Nationale, et le Forum Démocratique
pour le Travail et les Libertés (FDTL, 20 sièges), plus
connu sous le nom de Ettakatol, formation du Président de l’Assemblée nationale, Mustapha Ben Jaafar.
Etat de fait qui conduit depuis un an à une
fragile et délicate gouvernance à trois têtes, dominée par Ennadha qui détient les postes-clés de
l’Exécutif: Premier Ministère avec Hamadi Jebali,
et divers portefeuilles majeurs dont celui des
Affaires étrangères avec Rafik Abdesallem, gendre
de Rached Ghannouchi, le charismatique leader
d’Ennadha qui, en coulisse tire bien des ficelles.
Si bien que de nombreux observateurs n’hésitent
pas à poser la question: qui dirige aujourd’hui
la jeune Tunisie née de la révolution de jasmin ?
Depuis un an, pas une semaine en effet sans lutte
d’influence entre les trois grands partis, sans conflit
politique, au sein d’un gouvernement dont les
Ministres ne cessent de valser, comme à l’extérieur
où les syndicats «historiques» comme l’UGTT tentent de se faire entendre; sans grève de fonctionnaires en conflit ouvert avec leur hiérarchie; sans
troubles à l’ordre public dans les rues, les écoles ou
Hamadi Jebali, premier
ministre tunisien.
Rached Ghannouchi, leader
d’Ennnadha et gouvernant
de l’ombre.
les universités... En somme, la Tunisie jugulée de Ben
Ali n’a pas encore laissé place à une Tunisie libérée,
seulement et pour le moment à une Tunisie empêtrée.
Ce contexte permettra-t-il de déboucher, après l’élaboration sans cesse reportée d’une nouvelle Constitution et les nouvelles élections législatives prévues
au printemps 2013, sur un régime étatique serein et
juste, répondant aux aspirations du peuple tunisien ?
L’A N N É E F R A N C O P H O N E I N T E R N A T I O N A L E · 2 0 1 2 -2 0 1 3
Guy DUGAS
Université Montpellier 3, directeur de
l’IRIEC
[email protected]
254
MAGHREB
ECONOMIE
Il est bien évident que c’est
l’ensemble de la vie économique
et culturelle qui se ressent de
telles incertitudes. A commencer par l’activité touristique,
première source de revenus et
d’emplois de la République tunisienne depuis l’Indépendance:
après une baisse catastrophique
de plus de 40% des entrées en
2011, ce qui a généré une augmentation de plus de 10% du
chômage dans le secteur de l’hôtellerie et de l’accueil, les résultats semblent un peu meilleurs
un an plus tard, les Tour opérateurs européens ayant consenti
des tarifs sans précédents sur
les séjours dans le pays. Mais
il ne faut pas oublier que le premier client touristique en apport
de devises était ces dernières
années le voisin libyen - dont le
L’A N N É E F R A N C O P H O N E I N T E R N A T I O N A L E · 2 0 1 2 -2 0 1 3
TUNISIE
GEOGRAPHIE
Pays essentiellement plat,
montagnes au N.-O. ; mines
(phosphates), tourisme, textile.
Activités économiques concentrées
dans le nord et les zones côtières.
HISTOIRE
VIIe-XVIe s. Conquête arabomusulmane, dynasties orientales
puis berbères.
XVIe s. Domination ottomane.
1881-1956 Protectorat français.
1956 (20 mars) Indépendance.
1956-1987 Habib Bourguiba,
président? ; modernisation du pays.
1970 Adhésion à L’Organisation
internationale de la Francophonie
1987 Le premier ministre Ben Ali
destitue Bourguiba et prend la
tête du pays.
1995 (17 juillet) Accord de
partenariat entre la Tunisie et
l’Union européenne.
1999 Le président Ben Ali est réélu
avec plus de 99 % des suffrages.
2002 Réforme constitutionnelle
acceptée à plus de 99 %.
2004 La Tunisie remporte la Coupe
d’Afrique des nations.
2004 Réélection du président Ben
Ali (94,49 % des voix). Le Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD) remporte 80 % des
sièges de la Chambre des députés.
Fin juillet à Carthage, le président Marzouki reçoit le secrétaire à la défense US Léon
Panetta (lcc Erin A. Kirk-Cuomo).
peuple se ressent de sa propre révolution, qui a suivi de quelques
semaines à peine celle de Tunisie. Il semble évident que les conventions de libre-échange existant depuis une dizaine d’années entre
les deux pays doivent à présent être révisées, dans un contexte de
grande confusion à Tripoli, d’où proviennent quantité de réfugiés
et d’armes transitant en direction des pays du Sahel.
Satisfait par l’amélioration ressentie au premier semestre de
cette année, le Ministre du Tourisme augure d’un retour à des résultats équivalents à ceux de 2010 dès l’année prochaine, en promettant une restructuration du secteur touristique permettant plus
de régularité dans les flux et une plus grande diversification des
destinations - le tourisme tunisien étant jusqu’alors un tourisme
estival et de plages. Mais rien n’est moins certains, car, comme le
montre a contrario la belle santé du tourisme et de l’immobilier au
Maroc, ce secteur reste toutefois très dépendant de la confiance
placée par les opinions publiques occidentales dans la vitalité et
la stabilité du pays-hôte.
Par bonheur, les autres secteurs de l’économie nationale se
portent relativement bien, notamment l’agriculture qui bénéficie
actuellement, comme dans les pays voisins, de bonnes conditions
climatiques. Ceci conduit le FMI, qui envisageait pour le pays un
taux de croissance légèrement supérieur à 2%, à revoir à la hausse
ses prévisions en annonçant qu’un taux de 2,7% lui paraissait
envisageable dès 2012.
SOCIETE
Cette conjoncture économique encourageante n’empêche toutefois
pas le citoyen tunisien de demeurer très frileux en matière d’acquisition de biens propres, lui qui s’était ces dernières décennie lancé
avec délice dans l’achat de biens de consommation: une récente
enquête a montré que les consommateurs tunisiens se montrent
réticents, à près de 90% en moyenne, à tout nouvel achat mobilier
ou immobilier. Pour justifier cette frilosité, ils évoquent à près de
59% des problèmes de financement et pour 21% l’incertitude quand
à l’évolution de la conjoncture. Le reste des répondants, soit près de
20%, prétendent ne pas ressentir actuellement de besoin d’achat.
Il faut dire, en guise d’explication possible, que les plus graves
incertitudes demeurent au plan social: des grèves sectorielles, des
manifestations parfois sanglantes ou violemment réprimées (un jeune,
atteint par une balle, est encore décédé à Sousse au mois de juin
2012) ne cessent d’éclater ici ou là, conduisant à la restauration du
couvre feu dans certaines régions. Le chômage reste extrêmement
important, en particulier chez les jeunes, en dépit d’une politique
très volontariste du Gouvernement promettant la création de plus de
100 000 postes en 2012. Et plus que tout, la confiance tarde à venir du
fait des tergiversations du monde politique et de la multiplication des
affaires: contrôle des blogs et de la presse, montée de la xénophobie,
procès incompréhensibles faits à certains fonctionnaires ou serviteurs
de l’Etat, limogeage du directeur de la Banque Centrale de Tunisie,
un homme pourtant reconnu pour son intégrité et ses compétences...
MAGHREB
SPORT
Tout comme les deux pays voisins, la Tunisie
peine à montrer ses possibilités lors des Jeux
Olympiques: seuls à ce jour le nageur Oussama
Mellouli, médaille de bronze dans le 1.500m nage
libre, et l’équipe nationale de hand-ball, qualifiée
pour les quarts de finale ont permis de voir flotter
sur Londres le drapeau national.
Il est vrai qu’au Maghreb comme ailleurs, c’est
vers le football, sport populaire entre tous, que
convergent tous les regards et toutes les attentions.
En 2010-2011, et pour la troisième saison consécutive, c’est l’Espérance Sportive de Tunis qui l’a
emporté en championnat. Forte de sa participation satisfaisante à la dernière Coupe d’Afrique
des Nations (CAN) où elle n’a été éliminée qu’en
quart de finale et après prolongations par le Ghana,
l’équipe nationale désormais dirigée par Sami
Trabelsi, ancien capitaine de la sélection lors de
la Coupe du monde 1998 tente actuellement de se
qualifier pour la CAN 2013 en Afrique du Sud. }
L’A N N É E F R A N C O P H O N E I N T E R N A T I O N A L E · 2 0 1 2 -2 0 1 3
Coupables de graves dégradations de biens
et même d’atteintes aux personnes, les fauteurs
de troubles salafistes donnent le sentiment de
bénéficier d’une quasi impunité et de sérieux
appuis dans les milieux politiques et judiciaires.
Les dysfonctionnements dont ils se sont rendus
coupables, l’année universitaire durant, au sein
de l’université de la Manouba, où ils ont séquestré le personnel administratif, perturbé les cours
et les examens ne se retournent-il pas contre les
autorités universitaires elles-mêmes ?
En dépit des dénégations répétés d’Ennadha,
il n’en faut pas davantage pour alimenter toutes
les spéculations quant au contenu de la prochaine
Constitution, au statut de la Tunisienne, au port de
voile et autres aménagements de la sharia - dont
il paraît néanmoins acquis qu’elle ne figurera pas
dans la prochaine Constitution. Il n’empêche: au
sein de la société civile, jeune et dans son ensemble fidèle aux acquis bourguibiens, le débat
reste vif, parfois même explosif.
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