Luiz Inácio Lula da Silva ExPresidente da República Federativa do

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Luiz Inácio Lula da Silva ExPresidente da República Federativa do
 Luiz Inácio Lula da Silva Ex­Presidente da República Federativa do Brasil Vendredi, le 26 août 2016 São Paulo, Brésil Je m'adresse à vous pour vous faire part de la gravissime situation politique et institutionnelle que vit le Brésil, pays que j’ai eu l’honneur de présider de 2003 à 2010. Je prends la liberté de vous écrire au nom du respect et de l'amitié qui existent entre nous, et dont je suis très reconnaissant. Je m'enorgueillis d'avoir réussi, en dépit de la complexité inhérente aux grandes démocraties et des problèmes chroniques du Brésil, à unir mon pays autour d'un projet de développement économique et d' inclusion sociale, qui a permis au Brésil de faire un grand saut historique en termes de croissance de la production, de redistribution de la richesse, de lutte contre la pauvreté et d'accès à l'éducation. Nous avons réussi, par des moyens pacifiques et démocratiques, à exclure le Brésil de la carte de la faim dans le monde selon l’ONU, àdélivrer de la misère plus de 35 millions de personnes qui vivaient dans des conditions inhumaines, et à élever le revenu et les standards de consommation de 40 autres millions de personnes, à travers un processus de mobilité sociale inédit dans notre histoire. Luiz Inácio Lula da Silva Ex­Presidente da República Federativa do Brasil En 2010, commeon le sait, la présidente Dilma Rousseff, également issu du Parti des travailleurs, et qui avait consacré sa vie à la lutte contre la dictature militaire, à la démocratie et à la défense des droits de la population pauvre de notre pays, m'a succédé. En dépit d'un contexte international défavorable, la présidente Dilma est arrivée à maintenir le pays dans la voie du développement et à consolider les programmes sociaux émancipateurs tout en poursuivant la réduction des énormes inégalités matérielles et culturelles qui persistent dans la société brésilienne. En 2014, la présidente Dilma a été réélue par 54 000 000 de voix, en battant une puissante coalition de partis, d'entreprises et de médias qui prêchaient un recul historique du pays,avec lla réduction des grands programmes d’inclusion sociale, la suppression des droits élémentairesdes classes populaires et laprivatisationd’actifs publicsconstitués au prixdu sacrifice de nombreuses générations de Brésiliens. La coalition vaincue dans les urnes en 2002, 2006, 2010 et 2014, n'a pas accepté sa défaite, et une fois le résultat proclamé, s'est employée à le contester par tous les moyens légaux possibles, sans toutefois obtenir les résultats voulus. Une fois épuisées les voies de recours légales, au lieu d'accepter la décision souveraine du peuple, et de reprendre son légitime travail d'opposition en se préparant pour les élections suivantes – comme le PT l'a toujours fait à l'occasion des élections perdues – les parties vaincues et les grands groupes de médias se sont insurgés contre le règles mêmes du Luiz Inácio Lula da Silva Ex­Presidente da República Federativa do Brasil régime démocratique et ont commencé à saboter le gouvernement et à conspirer pour s'emparer du pouvoir par des moyens illégitimes. Tout au long de l'année 2015, ils ont saboté de façon systématique les efforts du gouvernement pour redéfinir la politique économique en vue de résister à l'impact croissant de la crise internationale et de reprendre la voie d'une croissance durable. Ils ont créé une atmosphère artificielle d'impasse politique et institutionnelle, dont les effets ont été profondément nocifs à la vie du pays, en contaminant l'environnement des affaires et en instillant un sentiment d'insécurité chez les producteurs et les consommateurs, ce qui a dissuadé les décisions d'investissements. Poussés par la volonté de compromettre la viabilité du gouvernement, ils ont misé contre le pays et sont même arrivés à faire adopter par le parlement un ensemble de mesures dépensières et irresponsables destinées à mettre en danger la stabilité fiscale. Et, finalement, ils n'ont pas hésité à enclencher un procès de destitution inconstitutionnel et totalement arbitraire contre la présidente de la République. Dilma Rousseff est une femme intègre dont l'honnêteté professionnelle est reconnue même par ses adversaires les plus acharnés. Elle n'a jamais été accusée d'un seul acte de corruption. Rien ne peut justifier, dans son action gouvernementale, ni même de façon lointaine, un procès destitution d'un mandat que le peuple brésilien lui a librement conféré. La Constitution brésilienne est catégorique à ce sujet : sans l’existence d'un crime de responsabilité, aucune mise en accusation ne peut être proférée. Et aucun – absolument aucun – acte de la présidente Dilma ne Luiz Inácio Lula da Silva Ex­Presidente da República Federativa do Brasil peut être considéré comme un crime de responsabilité. Les procédures comptables utilisées comme prétexte pour la destitution de la présidente sont identiques à celles qui ont été adoptées par tous les gouvernements précédents et par son vice­président Michel Temer à l'occasion quand il était amené à assurer l'interim de la présidente quand celle­ci voyageait. Et ces procédures n'ont jamais conduit à la condamnation d' aucun dirigeant, et moins encore n'ont servi de justification pour les destituer. Il s'agit donc d'un processus strictement politique, qui viole frontalement la Constitution et les règles du régime présidentiel, au moyen duquel le peuple choisit directement le chef de l’Etat et du gouvernement tous les quatre ans. Les forces conservatrices veulent obtenir par des moyens détournés ce qu’elles ne sont pas arrivées à obtenir de façon démocratique: empêcher la continuité, le progrès et l’avancement du projet de développement et d'inclusion sociale mis en œuvre par le PT. En imposant le programme politique et économique battu aux urnes, ils veulent à tout prix assumer le pouvoir et s'approprier du patrimoine national – une démarche qui a déjà commencé avec les réserves de pétrole en eaux profondes – et à déconstruire les droits des travailleurs et des pauvres qui ont été consolidé au cours des treize dernières années. Les mêmes forces qui tentent arbitrairement de destituer la présidente Dilma et de mettre en oeuvre leur agenda impopulaire veulent également criminaliser les mouvements sociaux et, surtout, proscrire l’un des plus importants partis de la gauche démocratique de l’Amérique latine, le PT. Et il ne s'agit pas que d'une rhétorique autoritaire : le PSDB, principal parti d’opposition, à présenté une proposition formelle de radiation du PT de la liste des partis, pour l'interdire. Ils craignent qu'en 2018, à l'occasion Luiz Inácio Lula da Silva Ex­Presidente da República Federativa do Brasil d’élections libres, le peuple brésilien puisse me réconduire au poste de président de la République, pour sauver le projet démocratique et populaire. La lutte contre la corruption, qui est une plaie séculaire au Brésil et dans de nombreux autres pays, et qui doit être combattue en permanence par tous les gouvernements, a été déformée et transformée en une persécution implacable autant politique que médiatique contre le PT. Les dénonciations contre des dirigeants des partis conservateurs sont systématiquement étouffées et classées, tandis que des accusations similaires envers toute personne du PT sont transformées immédiatement, au mépris de l'application régulière de la loi, en une condamnation irrévocablepar la plupart des médias. La vérité est que la lutte contre la corruption au Brésil est devenue plus vigoureuse et efficace sous les gouvernements du PT, en respectant, ce qui n’existait pas auparavant, l’autonomie complète du Ministère public et de la Police fédérale dans l’exercice de leurs pouvoirs : l’expansion du budget, des effectifs, la modernisation technologique de ces institutions et d'autres organes de contrôle ; la nouvelle loi d’accès à l’information et la diffusion des comptes publics sur l’internet ; les accords de coopération internationale pour la lutte contre la corruption et les corrupteurs; et la mise en place de sanctions plus sévères pour ceux qui corrompent et pour les membres d’organisations criminelles. Nous tous, démocrates intéressés au progrès institutionnel du pays, soutenons la lutte contre la corruption. Les personnes qui auraient commis des crimes prouvés devront répondre de ces crimes en accord avec la loi. Mais les juges, les procureurs et les policiers sont également tenus de se Luiz Inácio Lula da Silva Ex­Presidente da República Federativa do Brasil conformer à la Loi et ne peuvent abuser de leur pouvoir à l'endroit des citoyens. Personne ne peut être publiquement condamné (et sa réputation détruite) avant la conclusion d'une procédure régulière et encore moins par le biais de la fuite délibérée d’informations de la part des autorités, à des fins politiques. Une justice discriminatoire et partisane est fatalement injuste. Personnellement, je ne crains aucune enquête. Depuis que j’ai commencé ma carrière politique et, en particulier au cours des deux dernières années, ma vie publique a été passée au crible, mes voyages familiaux, mes appels téléphoniques, le secret bancaire et fiscal – tout cela a été l'objet de toutes sortes d’insinuations, de mensonges et d'attaques publiés comme s'il s'agissait d'une vérité absolue par les grands médias, mais sans qu'aucune déviation de ma conduite n'ait été trouvée ni des preuves d’implication dans n'importe quel acte irrégulierapportées. Si la justice est effectivement impartiale, les accusations portées contre moi ne prospéreront jamais. Ce que je ne peux pas accepter sont les actes d’illégalité flagrante et la partialité exercée à l'endroit de ma personne et de ma famille par les autorités policières et judiciaires. La divulgation à la télévision de conversations téléphoniques sans aucun contenu politique est inacceptable, ainsi que la coercition exercée à l'endroit des détenus pour soulever de fausses allégations contre moi en échange de leur liberté, ou l'audition forcée que j'ai subie, en mars, sans en avoir été avisé préalablement. C'est pour cette raison que mes avocats ont déposé une requête auprès du au Comité des droits de l'homme des Nations­ Unies, rapportant les abus commis par certaines autorités judiciaires en vue de m'éloigner à tout prix de la vie politique du Brésil. Luiz Inácio Lula da Silva Ex­Presidente da República Federativa do Brasil Mon parcours de plus de 40 années d’activisme démocratique qui a débuté au sein de la résistance syndicale au cours des sombres années de la dictature s'est poursuivi pour sensibiliser et organiser quotidiennement la société brésilienne depuis sa base, jusqu'à mon élection comme premier président de la République issu du milieu des travailleurs. C'est là mon plus grand accomplissement et personne ne m'en privera. Les liens de fraternité que j’ai noué avec les brésiliens et les brésiliennes dans les villes et dans la campagne, dans les bidonvilles et les usines, dans les églises, dans les écoles et les universités, et qui ont amené la majorité de notre peuple à soutenir le projet victorieux d'inclusion sociale et la promotion de la dignité humaine, ne sera pas remis en cause par des actions arbitraires. Et rien ne me fera renoncer, comme le savent les leaders du monde entier avec lesquels j’ai travaillé en harmonie et en étroite collaboration – avant, pendant et après mon mandat présidentiel – à mon engagement envers la vie et envers la construction d’un monde sans guerres, sans faim, plus prospère et plus juste pour tous. Je vous remercie d'avance de l'attention portée à ce message et je me tiens à votre disposition, comme je l'ai toujours fait, pour fournir tous les éclaircissements souhaités où pour une réflexion d'intérêt commun. Je réitère mon respect et mon amitié, et je vous salue fraternellement. Luiz Inácio Lula da Silva