A DECOUVRIR... I. Graine maudite

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A DECOUVRIR... I. Graine maudite
A DECOUVRIR...
Le Monde Diplomatique – Manière de voir N° 113 / Octobre - novembre 2010
Là où le Brésil va... par Renaud Lambert
I. Graine maudite
En inaugurant, en 1964, le premier des coups d’Etat de la région, qu’on appellera
« modernes », les militaires brésiliens précèdent — mais vont aussi aider — leurs
homologues en Bolivie, au Chili, en Uruguay ou en Argentine. Sous l’égide de
l’anticommunisme — élargi à la gauche modérée — et de la lutte antisubversive
prônée par les Etats-Unis, ces derniers conspirent déjà pour mettre en place les
dictatures sud-américaines des décennies 1960 à 1980 qui, méthodiquement,
décapiteront leurs oppositions respectives.
Depuis la seconde guerre mondiale, les gouvernements brésiliens avaient tenté de
rompre la dépendance du pays vis-à-vis des marchés financiers. Confronté à un
secteur privé rachitique, l’Etat jouait le rôle de « sage-femme » et favorisait
l’émergence de « champions nationaux » là où le capital brésilien n’avait pas estimé
rentable de s’aventurer. A partir de 1964, sous prétexte de garantir la « sécurité
nationale », la dictature intensifie la démarche : régressions salariales et répression
syndicale permettent de socialiser le coût de ce développement volontariste de
sociétés peu rentables dans un premier temps.
Le « miracle économique » qui s’ensuivra - largement célébré - comporte donc sa
part d’ombre : aux côtés de la dette économique qu’il engendre, et que le Brésil
continue de payer, il jette les bases d’inégalités sociales parmi les plus importantes
du monde.
Idéologie de l’interdépendance et de la sécurité
A. B
- « Affaire Ballarin », le sang versé en commun - Jean Ziegler
- L’Eglise catholique face à la junte militaire - Charles Antoine
- Revers du « miracle » économique - Yves Hardy
- Quand le prolétariat s’organise - Michaël Lowy et Gilberto Mathias
- La Constituante contre l’économie - Julia Juruna
II. Urgence sociale
La « Nouvelle République » promise par l’élection de Tancredo de Almeida Neves
ne pouvait commencer plus mal : malade, opéré le jour même de la passation des
pouvoirs, celui-ci meurt peu après. C’est finalement un pur produit de l’ancien
régime militaire, M. José Sarney, qui accédera à la présidence, le 15 mars 1985.
Nouveau traumatisme quand, en décembre 1992, M. Fernando Collor de Mello, le
premier chef d’Etat élu au suffrage universel direct depuis 1960, doit démissionner,
accusé de « corruption passive et forfaiture ». En mars 1993, son successeur Itamar
Franco reçoit une « carte de la faim » qui montre que trente-deux millions de
Brésiliens vivent dans l’indigence et déclare le pays en « état d’urgence sociale ».
En dehors de la consolidation démocratique, la « Nouvelle République » affronte en
effet une crise sans précédent.
La dette extérieure atteint des zones
stratosphériques. Aucun des plans mis en œuvre ne parvient à sortir le pays de
l’hyperinflation et de la récession. Annoncé par le ministre des finances Fernando
Henrique Cardoso en 1994, le plan Real est le premier qui obtiendra des résultats.
Et propulsera son auteur à la présidence en octobre de la même année. Mais à quel
prix...
Si le Fonds monétaire international et la Banque mondiale se félicitent de la
politique néolibérale menée à Brasília, chaque jour, le tissu social se déchire un peu
plus. Habitants des favelas, enfants des rues, indigènes, paysans sans terre n’en
pourront bientôt plus du statu quo.
- Trente-deux millions de gamins dans la rue - Michel Raffoul
- Dette d’hier... - Ignacy Sachs ...et dette d’aujourd’hui - R. L.
- Mainmise sur l’Amazonie - Patrick Postal
- Les Indiens et la « sécurité nationale » - Denis Ruellan
- Marqués pour mourir - Maurice Lemoine
- Une religion de l’émotion - André Corten
- Huit années qui ont laminé le pays - Emir Sader
- Irruption des mouvements noirs - Damien Hazard et Pascal Alain Kali
III. Les années « Lula »
« Le marché doit comprendre que les Brésiliens ont besoin de manger trois fois par
jour et que beaucoup de gens ont faim », déclare M. Luiz Inácio Lula da Silva,
immédiatement après son élection, en 2002. Mi-chèvre mi-chou, sa politique
sociale se traduira certes par une augmentation des revenus pour un grand nombre
de pauvres, mais sans affecter les vingt mille familles qui régissent le Brésil,
toujours aussi riches, et sans mécontenter le fameux marché, qui saluera sa
conversion au « réalisme ».
Le Brésil de « Lula » ne s’en inscrit pas moins dans la vague de gauche qui,
bousculant l’Amérique du Sud, marque sa volonté d’indépendance et son refus de
l’unilatéralisme traditionnellement imposé par les Etats-Unis. Solidaire de ses
voisins les plus remuants - Bolivie, Equateur, Venezuela -, il participe activement
aux efforts entrepris par tous pour l’intégration du sous-continent.
En 2002, deux cent quarante et une des cinq cents plus grandes entreprises
d’Amérique latine étaient mexicaines ; cent trente-six brésiliennes. En 2009, le
classement n’affiche plus que cent dix-neuf sociétés mexicaines contre deux cent
vingt-six brésiliennes. Mieux : le chiffre d’affaires moyen de ces dernières a
augmenté de 42 % en 2009, contre 4,5 % pour les autres entreprises de la liste.
Figurant dans le club des puissances émergentes, membre du G20, le Brésil aspire
désormais à un siège au Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies.
- Porto Alegre teste la démocratie participative - Bernard Cassen
- Musique et peuple mêlés - Jacques Denis
- Viva Brasil ! - Ignacio Ramonet
- Le gâchis - I. R.
- « Pétrole vert » contre réforme agraire - Philippe Revelli
- Sans terre mais non sans voix - Christophe Ventura
- Un géant toujours aussi dépendant - R. L.
- Infiltré au cœur de la police - Raphael Gomide
- Prisons, du désastre social aux mafias - João De Barros
- Brasília oublie le « complexe du chien bâtard » - Lamia Oualalou
- Quel bilan social pour « Lula » ? - Geisa Maria Rocha
Iconographie
Ce numéro est accompagné de photographies de Daniel Mielniczek et de croquis
de Géraldine Garçon réalisés lors d’un voyage au long cours en Amérique latine
durant l’année 2009.
En couverture, photo extraite d’un reportage de Daniel Martins, « Favela Ninjas »,
réalisé à Rio de Janeiro en 2009.
Biographies
Lamia Oualalou
Juscelino Kubitschek
Getúlio Vargas
Fernando Henrique Cardoso
Luiz Inácio Lula da Silva
José Serra
Dilma Rousseff
Extraits littéraires
« Pra não dizer... », de Geraldo Vandré
« Tristes Tropiques », de Claude Lévi-Strauss
« Le Sucre et la Faim », de Robert Linhart
Cartographie
Philippe Rekacewicz, avec Agnès Stienne et Niéves Lopez Izquierdo
Une nation aux multiples fractures
Enjeux vitaux au sein de la forêt amazonienne
A la source du « miracle »...
Documentation
Olivier Pironet
Chronologie
Essais
Sur la Toile
http://www.monde-diplomatique.fr/

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