Tout à gagner : Savoir-faire, création, innovations

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Tout à gagner : Savoir-faire, création, innovations
Tout à gagner : Savoir-faire, création, innovations
Savoir-faire – création – innovations :
« Pas d’industrie sans les salariés ! »
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I. Au coeur des organisations du travail, il y a les salariés
L’organisation de la production depuis les années 1990 va vers une segmentation des tâches toujours
plus grande. Nous sommes nombreux à avoir été confrontés, à un moment ou un autre dans notre
entreprise, au trop fameux « recentrage vers le cœur de métier ». Expression très perverse, car
derrière l’association de deux mots, au demeurant sympathiques tels que « cœur » et « métier », se
cache une réalité beaucoup moins souriante.
En effet, ce fameux « recentrage » provoque l’éclatement de l’entreprise en une multitude d’entités
sous-traitantes spécialisées dans une partie réduite du travail à effectuer pour arriver au produit final.
Les relations qui se faisaient hier d’un atelier à l’autre, par échanges entre collègues, se font
maintenant entre sous-traitants et donneurs d’ordre, et c’est un contrat commercial et ses clauses
juridiques qui donnent le « la » des relations professionnelles.
C’est le modèle théorisé par le patronat sous le vocable de chaîne de valeur, qui, par cette
segmentation des taches, est censé permettre des gains de productivité au niveau de tous les maillons,
en cherchant le moins-disant en terme de coût.
Oui, mais voilà !! On oublie que les salariés « ne sont pas des machines », qu’outre leur savoir-faire
individuel, il existe un savoir-faire collectif, la plupart du temps ignoré par le management, dans le
meilleur des cas négligé. Ce savoir-faire, immatériel, n’est pas chiffré en termes économiques. Il est
pourtant essentiel à la réalisation de produits de qualité dans des délais donnés. C’est aussi dans cette
organisation collective que la créativité et les innovations peuvent prendre corps, par la coopération
entre les salariés au sein d’une équipe, entre ateliers et services, entre productifs et fonctions
supports…
C’est malheureusement plus difficile dans le cadre d’une relation commerciale entre un donneur
d’ordre et ses sous-traitants, quand cette relation est le plus souvent réduite en France, à des
contraintes économiques imposées par le premier aux seconds, à des questions de prix et
d’interprétation du contrat commercial liant les deux.
II. Consolider le tissu industriel sur les territoires
L’éclatement de la production est également une source de fragilisation du tissu industriel. Les
entreprises sous-traitantes (bien souvent des PME ou TPE), sous la contrainte économique, voient leur
taille se réduire, certaines disparaissent et avec elles les savoir-faire.
La crise a malheureusement accéléré ce processus poussant de nombreuses entreprises à la faillite. Au
point que certains donneurs d’ordre ne trouvent plus de sous-traitant pour réaliser les pièces dont ils
ont besoin.
Il y a donc urgence à préserver notre tissu industriel en déployant des aides aux PME, en incitant
parfois leur regroupement grâce, par exemple, à des outils tels que le Fonds Stratégique
d’Investissement, ou en développant de nouveaux outils tels que l’orientation des fonds de l’épargne
salariale vers l’investissement au profit des PME.
FGMM-CFDT Novembre 2010
Tout à gagner : Savoir-faire, création, innovations
Ceci doit favoriser l’actionnariat de long terme, à caractère d’investisseur industriel, au détriment de
l’actionnariat de court terme, à caractère de spéculateur.
Mais ne nous trompons pas de cible, les investissements ne doivent pas être tournés seulement vers le
haut de gamme ou les activités permettant des progrès environnementaux, ces investissements doivent
concerner également les activités industrielles traditionnelles, qui sont le socle sans lequel
l’industrie ne peut pas se développer et donc prospérer.
Des actions doivent également viser à transformer les relations entre sous-traitants et donneurs
d’ordre, pour une coopération renforcée et une co-conception des produits. Le secteur automobile a
par exemple ébauché un travail sur le sujet. Sans forcément se regrouper, les entreprises opérant sur
une même filière et sur le même territoire doivent développer des moyens mutualisés
d’investissement, de recherche et développement, de formation et de partage des compétences.
III. Anticiper les évolutions, organiser la transmission des savoirs
Cependant, tout ne se passe pas dans la structuration du tissu industriel. À l’intérieur de l’entreprise ou
de l’établissement, les enjeux sont éminemment importants, si l’on veut favoriser la créativité et
l’innovation.
En cela, le développement tous azimuts de nouvelles organisations du travail telles que le LEAN dont
l’objectif principal, vu par nos dirigeants, est de tout rentabiliser au maximum (surfaces, temps,
emplois…) apparaît comme très impropre à favoriser la créativité. Pourtant, dans son concept
théorique, le Lean et les organisations approchantes prévoient une meilleure association des salariés
dans l’amélioration de la réalisation du travail. Dans les faits, lorsque l’on interroge des salariés, ceuxci nous rapportent que s’ils proposent une évolution pour aller plus vite par exemple, ça leur retombe
dessus, car le temps libéré sera utilisé pour leur donner autre chose à faire !
Les dirigeants d’entreprise sont de plus en plus éloignés du travail des salariés. Cet éloignement
provoque chez eux une peur de perdre le contrôle. Pour répondre à cette peur, le travail est de plus en
plus prescrit par des consignes strictes et précises. Ces consignes ne remplissent malheureusement
pas leur office, car la vie réelle est faite d’imprévus et pour que le travail puisse être réalisé il devient
impératif de ne pas respecter les consignes à la lettre.
Le salarié, malgré tout ce qu’on lui fait subir, garde donc cette aptitude à déroger, à s’adapter pour
qu’au final le travail demandé puisse s’effectuer. Revendiquons donc des organisations du travail qui
ne cherchent pas à rassurer les manageurs, mais qui engagent à nouveau à faire confiance aux salariés
dans leur capacité à faire du bon travail. C’est là que l’on retrouvera la voie de la créativité, de
l’innovation qui permettra de retrouver une industrie prospère et décomplexée du coût du travail.
Si l’on considère que les savoir-faire, la créativité ou encore l’innovation sont des biens précieux, tout
doit être fait pour les préserver et les développer. La Gestion Prévisionnelle des Compétences, c’est
prévoir le remplacement de ceux qui s’en vont, organiser dans ce but la formation des salariés appelés
à les remplacer, organiser le transfert de compétences et des savoir-faire. La folle course à la
productivité de l’industrie française amène les entreprises à ne pas embaucher les jeunes (pas assez
expérimentés et donc pas immédiatement hyper productifs), à congédier les anciens (au salaire trop
élevé et au « rendement » qui baisse). Ceci ignore très largement la manière dont se transmettent les
compétences et les savoir-faire, ceci ignore que créativité et innovation riment avec diversité que ce
soit des âges, des cultures, du sexe…
FGMM-CFDT Novembre 2010