interviewer c`est savoir écouter… et interrompre

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interviewer c`est savoir écouter… et interrompre
JOURNALISME RADIO EN PÉRIODE ÉLECTORALE
INTERVIEWER C’EST SAVOIR ÉCOUTER…
ET INTERROMPRE
Les politiques, comme les journalistes, mais souvent mieux avertis que les professionnels de
l’information eux-mêmes, sont aussi des spécialistes du discours et de la communication.
Avec eux, l’art de l’interview s’avère naturellement difficile. Les pièges à éviter sont nombreux.
Raison supplémentaire pour apprendre à en maitriser les techniques (préparation, formulation
des questions, reformulation, relances, etc.) mais aussi à considérer deux attitudes nécessaires
trop peu apprises ; elles sont valables quel que soit l’interlocuteur et le sujet de l’interview :
savoir écouter et savoir interrompre.
AU PREALABLE
PRATIQUER L’ECOUTE ACTIVE
Toute interview nécessite, pour le journaliste
comme pour la personne interviewée, une
discussion, un entretien ou un simple échange
préliminaire avant l’enregistrement ou le direct.
Cette première étape permet au journaliste de
se documenter sur le sujet ou sur la personne,
de recueillir ou de recouper des informations, de
présenter les objectifs de l’interview et les règles
du jeu de l’exercice proposé, afin de décider des
meilleures questions à poser.
Trop souvent, celui qui pose des questions a du
mal à se concentrer sur les paroles de l’autre,
trop préoccupé à trouver et à formuler les
questions suivantes. Bien au contraire, celui qui
aura bien préparé son interview et saura écouter
l’autre de manière active pourra exploiter au
mieux ses réponses.
Sans oublier la recherche de proximité avec
l’interlocuteur. Attention toutefois à ne pas
confondre une certaine forme de complicité
utile à la réussite d’une séquence d’interview
et une attitude qui serait de connivence sur
les questions les plus délicates ou pointues de
l’entretien.
J’ai pris l’habitude de prévenir les gens
avant de commencer l’interview. Je leur
dit toujours (avec le sourire !) qu’il y a
au moins une chance sur deux que je
leur coupe la parole pendant l’entretien.
Certains sont un peu étonnés mais,
après ça, je n’ai aucun problème en
cours d’enregistrement, ni après !
Prisca K. (Radio Ny Antsika, Antalaha
Madagascar).
Ainsi, pendant l’interview, l’écoute active est
une attitude et une pratique (gestuelle, visuelle
et verbale) qui permet d’augmenter la qualité
de la communication. Elle doit permettre à
l’interlocuteur de se sentir réellement entendu,
compris, accompagné, mis en confiance.
L’écoute active exige des attitudes particulières
et souvent inhabituelles à l’interviewer. Par
exemple : hocher la tête, sourire, grimacer, lever
le doigt, faire un signe de la main, utiliser des
formules verbales d’accompagnement (« oui,
bien sûr », « je comprends, mais encore… »,
« par exemple »). Ce sont des signaux forts
adressés utilement à son interlocuteur pour lui
indiquer ce que l’on attend de lui.
L’écoute active permet également de repérer les
non-dits et les rétentions dans le discours afin
d’inciter l’interlocuteur à les exprimer.
RESPECTER LA BONNE DISTANCE
PHYSIQUE
Une bonne communication – et donc ici une
interview réussie – dépend plus qu’on ne le
croit habituellement de la disposition des
corps (mieux vaut se parler face à face ou
légèrement de côté) et de leur proximité. Il
s’agit de se placer correctement, en fonction
des nécessités qu’impose la prise de son, mais
aussi de la distance idéale à trouver face à son
interlocuteur1. Les rapports à la distance sont
différents d’une culture à l’autre et d’un individu
à l’autre. Le plus souvent, il suffit d’être attentif
aux réactions de la personne interviewée quand
on s’en approche trop pour trouver la meilleure
distance possible. Il s’agit de trouver le juste
milieu pour éviter d’apparaître distant ou intrusif.
SAVOIR COUPER LA PAROLE
En situation d’interview, les règles habituelles
de la politesse ne sont pas toujours de mise
car elles doivent s’appliquer avant tout
aux auditeurs absents physiquement et
non prioritairement à la personne que l’on
interroge. Ainsi, à la condition d’en décider
opportunément, il faut savoir interrompre son
interlocuteur, parfois avant même la fin d’une
phrase. Par exemple lorsqu’on s’aperçoit
qu’un mot ou une expression ne seront pas
compris par les auditeurs ou quand un propos
nécessite immédiatement un éclaircissement,
une explication, une vérité, un complément, au
risque d’être oublié, de perdre de son intérêt ou
de sa pertinence. Souvent, un simple adverbe
peut suffire : « comment ? », « pourquoi ? », « par
exemple ? » etc.
Dans le cas des interviews de responsables
politiques (RP), ces situations sont courantes.
Elles sont souvent le fait d’une stratégie réfléchie
ou acquise et donc de techniques rhétoriques
utilisées par ces derniers. Exemples : quand
un RP répond à une question qui ne lui a pas
été posée, quand un RP refuse de répondre
à une interrogation, quand un RP attaque
calomnieusement ou insulte un adversaire,
quand un RP utilise la langue de bois ou encore
quand il retourne la question du journaliste vers
ce dernier.
L’interview politique n’est pas un match de boxe mais c’est un art difficile qui s’apprend.
Pour cela, le journaliste doit bien considérer son rôle à la hauteur de sa mission. Pendant la
durée de l’exercice, il est là pour mettre sa technique et son savoir professionnel au service
de l’information la plus juste des auditeurs-citoyens (et électeurs) à qui il s’adresse et non au
service de son interlocuteur, quel que soit son rang, ou à lui-même.
On appelle « proxémie » ou « proxémique » cette approche anthropologique élaborée dans les années 1960 par le britannique E.T. Hall
analysant la distance s’établissant entre des personnes communiquant entre elles.
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