DECENTRALISATION DES SYSTEMES DE SANTE

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DECENTRALISATION DES SYSTEMES DE SANTE
DECENTRALISATION DES SYSTEMES DE SANTE
Définitions
Le terme décentralisation au sens général, décrit tous types de transfert de compétences ou
d'activités (actions, planification, choix et décisions, gestion, supervision) vers la périphérie.
En sciences administratives, ce terme a toutefois une signification précise et désigne en fait
une dévolution très importante du pouvoir politico-administratif du niveau central vers les
institutions politico-administratives locales qui disposent alors d’une réelle autonomie de
décision et de gestion. Pour être réellement effective, une décentralisation du pouvoir
implique :
- un véritable pouvoir de décision exercé par des structures dotées de personnalité juridique et
évoluant dans un cadre légal
- les ressources financières nécessaires : l’état central assure une redistribution équitable du
revenu global et délègue des responsabilités en matière fiscale
- des mécanismes de participation populaire clairs et équitables : procédures électorales bien
définies, représentation équilibrée dans les organes politico-administratifs, ...
Le terme déconcentration 1 est utilisé pour décrire des transferts partiels d'activités ou de
compétences administratives ou gestionnaires des ministères, dans un système organisé et en
partie géré à partir du centre. La dévolution implique en outre le transfert de droits et de
pouvoir, et donc plus d'indépendance par rapport au pouvoir central qu’en cas de simple
déconcentration.
En matière de santé, une décentralisation complète n’est pas fréquente même dans les pays
fortement décentralisés. La plupart du temps, on trouvera toutes sortes de variantes de
déconcentration .
La déconcentration peut être de type vertical, si l'autorité directe reste au niveau central ou à
un niveau supérieur,
PEV , planning familial, programme contre lèpre et tuberculose, ... dans de très
nombreux pays; système de santé du Lesotho ou du Ghana, où les soins de santé
élémentaires (éducation sanitaire, prévention, premiers soins) sont organisés jusque
dans les villages par un service vertical, collaborant avec chaque niveau mais rendant
des comptes à sa propre hiérarchie.
ou de type horizontal intégré si le niveau périphérique détient le pouvoir de coordination et
l’autorité immédiate sur les activités et les ressources, le niveau central ne gardant alors
qu’une autorité technique.
En fait, la réalité est souvent très complexe et on trouve une grande diversité de
combinaisons.
La délégation consiste à confier des responsabilités gestionnaires, pour des fonctions bien
définies, à des organismes d'utilité publique qui ne font pas directement partie de
l'administration et qui sont gérés de façon plus ou moins autonome (conventions avec l'Etat
qui participe au conseil d’administration et désigne parfois le responsable); ils peuvent être à
leur tour totalement centralisés ou fortement décentralisés.
- Etablissements publics nationaux en Côte d'ivoire (Instituts d'Hygiène Publique,
Hôpitaux universitaires)
1
Mills A. et al. "La décentralisation des systèmes de santé : concepts, problèmes et expériences de quelques
pays" - OMS 1991
- Seguridad social en Amérique latine
- Centrale nationale d'achats et distribution de médicaments au Tchad
La privatisation par contre transfère les fonctions administratives de l'état à des organismes
privés dans le cadre des lois du pays et sur base de conventions spécifiques.
- Gestion des zones de santé confiée à des églises et des asbl en RDCongo
- Formations sanitaires communautaires gérées par des associations privées au Mali
et à Abidjan
Avantages et inconvénients
La plupart des systèmes de santé centralisés du tiers-monde ont abouti à une faillite complète,
pour différentes raisons :
* des "responsables" surtout préoccupés de sauvegarder leur pouvoir et leurs propres
privilèges ou privilégiant leur région ou leurs amis sans souci de répartition équitable;
corruption à tous les niveaux
* inaccessibilité des services centraux (transport, hébergement, communications, coût)
* faillite de l'état à la suite de circonstances mondiales (chute du cours des matières premières,
conditions du marché, ...), et nationales (détournement, fraude, corruption, baisse de la
production, épuisement du milieu, chute du pouvoir d'achat, guerres, ...) avec faillite de tout
le système : salaires impayés, plus de médicaments, etc.
* gaspillages et pertes de recettes par manque de responsabilisation-sanction à la périphérie;
difficultés du contrôle centralisé dans les grands pays peu équipés en moyens de transport et
de communications
* passivité des acteurs et des bénéficiaires, habitués à tout recevoir sans devoir faire preuve
d'initiative ou avec interdiction d'initiative (régimes totalitaires).
La décentralisation, à l’opposé, est souvent considérée de façon théorique comme un facteur
important de démocratie et de responsabilisation; malheureusement, les études de cas
démontrent que c’est loin d’être évident dans la pratique et qu’il est essentiel de tenir compte
du contexte et des jeux de pouvoir en présence2.
Parmi ses avantages potentiels :
- la décentralisation permet, dans les limites de la loi, de choisir le personnel, de le
récompenser ou de le sanctionner en fonction de son travail et donc de maintenir sa
motivation et son rendement dans des limites raisonnables
- elle responsabilise davantage les acteurs de la santé car ils ont le bénéfice direct de leur
travail: leurs efforts de bonne gestion sont directement récompensés par des meilleures
recettes pour améliorer l'outil de travail et des revenus pour améliorer leur qualité de vie. De
même, ils ont tout intérêt à tenir compte des souhaits de la population et donc à développer
le dialogue avec celle-ci.
- elle encourage la responsabilité des décideurs en rapprochant ceux-ci de la population
- elle améliore la qualité de planification en rapprochant la population des structures de
décision et suivi et en lui permettant de choisir ses propres priorités
- elle améliore l’engagement et la responsabilisation de la population locale dans les projets
de développement et dans leur suivi
2
Siddiquee NA “ Théories de la décentralisation de l’Etat ” - Alternatives Sud IV(1997)3:23-40
- elle aide à mobiliser les ressources locales, incite la population et le personnel à surveiller
leur usage et à limiter les gaspillages
- elle permet une meilleure coordination
- elle permet aux plus pauvres d’acquérir l’expérience de l’exercice de la démocratie politique
et contribue ainsi à plus d’équité
- elle maintient la stabilité politique par une plus grande participation de tous les groupes
sociaux avec diminution des tensions entre classes
Mais, dans la pratique, on peut observer malheureusement de nombreux effets pervers :
- la décentralisation ne supprime pas les abus de pouvoir et peut même aggraver ceux-ci car
elle donne de nouveaux champs de pouvoir aux petits potentats locaux qui peuvent être très
réticents au changement si celui-ci menace leurs privilèges ; la démocratie n'est pas
nécessairement mieux exercée dans des milieux traditionnels analphabètes que dans les
capitales urbaines riches en intellectuels contestataires.
- l’éparpillement de l’autorité centrale rend les projets plus vulnérables aux abus des pouvoirs
locaux trop dispersés que pour pouvoir être surveillés
- création de nouvelles élites politiques n’ayant pas la notion de responsabilité publique
- détérioration de la qualité technique de l’administration par manque de compétences et
d'expérience et par vision très étroite du pouvoir
- pour avoir le même niveau de compétence partout, la décentralisation coûte nettement plus
cher car elle implique une décentralisation des compétences cliniques et gestionnaires et de
la polyvalence, et donc la multiplication des postes de cadres et des équipements
(équipements professionnels mais aussi logements, moyens de transport, écoles, ...). La
décentralisation des activités et responsabilités sans décentralisation des compétences est
inéquitable car elle revient à abandonner le sort des populations périphériques dans des
mains peu compétentes tandis que ceux qui vivent dans les grandes villes continuent à
concentrer l'avantage de toutes les compétences.
Dans le secteur de la santé, la décentralisation est apparue comme la recette miracle pour
améliorer les services, et elle suscite les mêmes réactions excessives que celles qui ont animé
peu avant les débats entre partisans des approches horizontales ou verticales.
Or, ce n'est qu'un moyen parmi d'autres, et ici comme ailleurs, il convient d'éviter tout
dogmatisme et d'adapter à chaque problème et à chaque contexte le juste dosage qui permettra
d'atteindre un maximum d'efficacité pour un coût acceptable. Pour cela, il convient donc de
faire la part des avantages et inconvénients de chaque approche, en fonction des objectifs
visés, des moyens disponibles, des caractéristiques du contexte et de la sensibilité des acteurs
et bénéficiaires directement concernés.
Le juste milieu consisterait peut-être à organiser des services centralisés lorsque cela apparaît
plus efficace ou plus économique, mais en laissant aux acteurs de la périphérie la liberté de
n’y recourir que s'ils les jugent plus avantageux que ce qu'ils pourraient organiser eux-mêmes.
Les bénéficiaires du service doivent eux aussi pouvoir s'exprimer et leurs aspirations doivent
être prises en compte dans l'organisation du système.
L'union fait la force... si les partenaires y consentent librement et gardent chacun la possibilité
d'influencer le projet commun.
Au Rwanda, diverses ONG se sont regroupées en association pour assurer un système
d'approvisionnement centralisé (BUFMAR) dont elles sont membres associés.
Au CongoRDC, certains districts de santé se sont parfois spontanément associés
(soutien logistique et financier) pour faire fonctionner le niveau régional lorsque celuici répondait à leurs attentes ; d'autres se sont associés pour organiser leur
approvisionnement en vaccins
Des services centraux organisés ou soutenus par la base ont plus de chance d'efficacité que
ceux imposés du dessus et sur lesquels la base n'a pas de prise ni d'influence.
Mais pour cela, il faut que la base soit motivée et donc consciente des problèmes et de ses
capacités à les résoudre; elle doit également être compétente, éduquée et informée, et libre de
s'exprimer et de prendre des initiatives.
Objectifs et choix entre centralisation et décentralisation
Dans le secteur de la santé, les mesures de décentralisation (ou centralisation) doivent avoir
pour objectif d'améliorer le bien-être de la population.
Dans chaque cas particulier, il faudra s’assurer que la déconcentration d’une activité ou
fonction a bien pour effet d’améliorer les services de santé : la qualité et l'efficacité technique
de l'offre, l'efficience du système (faciliter la mobilisation des ressources ou en améliorer
l'utilisation), l' accès aux services, l' équité, la solidarité , la continuité, l'utilisation des
services .Cette dernière sera renforcée par une meilleure prise en compte de la demande et du
contexte et par une réelle participation des bénéficiaires aux choix de priorités et de méthodes,
au fonctionnement et à l'évaluation des services.
1. Qualité et efficacité technique

Tout ce qui nécessite des compétences ou des technologies spécialisées sera mieux
exécuté par des spécialistes centralisés; eux-mêmes seront d'autant plus compétents dans
leurs activités s'ils peuvent voir et traiter un grand nombre de cas (interventions
spécialisées; ophtalmologie, dermatologie, affections rares et difficiles à diagnostiquer, ...)

L'information scientifique est difficile à se procurer en périphérie; la lecture prend du
temps et l'analyse critique nécessite des compétences; la pré-digestion et la diffusion des
informations sera donc mieux assurée et à moindre coût par un service central, pour autant
que les canaux de diffusion périphérique soient fonctionnels.

La décentralisation de la gestion des finances et du matériel sera souvent peu efficace si le
personnel ou le comité de gestion en périphérie manque totalement de compétences dans
ce domaine. Il en est de même pour la qualité des soins si le personnel placé en périphérie
est précisément le moins compétent et le moins qualifié alors que son isolement justifierait
qu’il soit polyvalent et capable de discernement dans les références.

La mise au point de modules de formation spécialisés, de stratégies de prise en charge et
d'outils de gestion nécessite du temps et des compétences; s'il est important que les acteurs
participent à leur élaboration et à leur évaluation pour mieux les adopter ensuite, le travail
peut être préparé au niveau central par des spécialistes.

Il est souvent impossible pour une petite institution de santé de disposer de compétences
multiples en matière de réparation et maintenance des bâtiments, équipements et
véhicules. Par contre, de tels spécialistes, des stocks de pièces de rechange et des ateliers
peuvent fonctionner à coût acceptable s’ils desservent plusieurs entités à la fois.

Pour plusieurs problèmes, l'approche, pour être efficace, doit être globale et cohérente
(lutte contre les maladies infectieuses :vaccinations, trypanosomiase, onchocercose,
polio,..; réglementations anti-pollution chimique ou physique, réglementation de l'usage
des médicaments, équipements et ressources humaines, ...) et les mesures doivent
nécessairement être prises au niveau national et même international. Toutefois,
l'application trop rigide de règles et de standards dans des contextes très différents peut
avoir des effets désastreux.
A l'Est de la RD Congo, un schéma national imposait le retour à des cures de 3
jours de chloroquine alors que la résistance y était déjà bien installée et que
l'usage était depuis longtemps de prolonger le traitement pendant 5 jours avec
une dose constante.

La motivation du personnel par contre sera meilleure s'il doit rendre des comptes au
niveau local qui peut directement le récompenser ou le sanctionner. De même si les
revenus du personnel sont directement influencés par le recouvrement des coûts, il sera
davantage stimulé à améliorer l'offre.

En cas d'inefficacité de services centraux, c'est l'entièreté du système qui en pâtit; pour
motiver leurs responsables. Pour pallier la faillite de l’état, les services centraux
d’approvisionnement peuvent être "délégués" (contrats à durée déterminée avec l'état) à
des associations privées sans but lucratif à utilité sociale, la périphérie gardant la
possibilité de les utiliser ou de se débrouiller sans eux si elle les juge peu efficients et
l'Etat gardant la possibilité de confier le contrat à d'autres si ils ne donnent pas satisfaction

La décentralisation du recrutement du personnel de santé peut favoriser un choix plus
adéquat mais également des "nominations de faveur" inadéquates, difficilement
contrôlables loin du niveau central.

L'application rigide de règles standardisées élaborées au niveau central peut être
inappropriée et inadaptée dans des contextes hétérogènes.

Dans un contexte dynamique la décentralisation du processus3 décisionnel permet
d'utiliser la connaissance intime du milieu (implicite et souvent difficile à objectiver dans
des critères descriptifs) et de diversifier ainsi les expériences en innovant hors des
« standards »
2. Efficience et ressources
Economie d'échelle (en matière d'argent, de temps, d'énergie, de compétences ) et usage
efficient des ressources
3
Hurley J. et al. " Geographically decentralized planning and management in health care : some informational
issues and their implications for efficiency" - Soc.Sc.Med. 1995 - 41(1) pp 3-11

Organiser les vaccinations ou les consultations prénatales pour un grand nombre de mères
à la fois au centre de santé est plus rentable en temps, énergie et argent que de se déplacer
dans les villages pour un nombre très limité de bénéficiaires, surtout si les distances sont
peu importantes.

Tout le système des soins de santé primaires est basé sur une pyramide de référence où
l'on centralise d'autant plus les compétences et équipements (diagnostic, traitement ou
suivi ) que ceux-ci sont spécialisés et coûteux.

Organiser la référence de façon efficace est souvent financièrement inabordable en
périphérie; un véhicule central appelable par un bon système de communication sera
beaucoup plus efficient.

De même pour l’approvisionnement en médicaments et vaccins. Les achats groupés de
produits permettent d'avoir de meilleurs prix, surtout si le volume de patients concerné
dans chaque entité ne justifie que des quantités limitées à la fois. On peut également
limiter en se regroupant le coût, le temps et les efforts nécessaires pour des commandes
compliquées nécessitant l'inventaire du marché, des appels d'offre, la recherche de devises,
des autorisations d'importation, des transports avec précautions particulières (produits
inflammables ou toxiques, chaîne de froid) des procédures de dédouanement.

Par contre, lorsque les procédures sont ennuyeuses et lourdes, il sera nécessaire d'avoir
une forte motivation pour les faire avancer et aller jusqu'au bout et celle-ci est toujours
plus grande lorsque le résultat profite directement à celui qui fait l'effort , donc en bout de
parcours au niveau décentralisé. Celui qui est directement pénalisé dans son travail par le
manque de médicaments ou de matériel sera plus motivé pour trouver des solutions
rapides que celui qui règle les problèmes à distance pour des tierces personnes sans être
directement confronté avec la demande du malade.

Dans un système centralisé, la gratuité des services de base a souvent une faible efficience
par manque de responsabilisation des acteurs et des bénéficiaires (gaspillages, pertes),
encore renforcé par l'absence de sanction des comportements laxistes ou abusifs.

De plus, tout le système pâtira d'un dysfonctionnement éventuel (« tous les oeufs dans un
même panier ») , alors que si l'approvisionnement est décentralisé, chacun peut se
débrouiller au mieux de son côté indépendamment du fonctionnement au niveau central.

Si le personnel et la population ont un intérêt direct à la bonne gestion des ressources
(salaires améliorés, prix abaissés) ils seront plus motivés pour éviter les gaspillages.

La gestion des ressources sera mieux assurée si plusieurs activités déconcentrées sont
intégrées sous une direction commune décentralisée au niveau périphérique : utilisation
pour plusieurs activités d'un véhicule, bâtiment ou équipement d'un programme vertical.

La décentralisation des compétences est généralement plus coûteuse que le système
centralisé car si on veut qu'elle se fasse de façon équitable et sans perte de qualité, elle
nécessite un nombre beaucoup plus élevé de personnel qualifié et polyvalent, tant en
matière de soins que de gestion. Ceci implique un coût salarial direct et indirect
(logements, écoles, déplacements, ...) et un coût de fonctionnement (moyens plus
sophistiqués : salle d'opération, labo, RX, frigo, ...) plus élevé.
Mobilisation des ressources

Le recouvrement des coûts sera d'autant plus efficace si le personnel qui l'assure peut en
bénéficier pour améliorer ses conditions de travail et son salaire. Elle permettra de
disposer directement sur place de moyens financiers permettant le fonctionnement. Cet
effet est évidemment perdu si les recettes sont entièrement versées au trésor public.

Plus le système est décentralisé sur le plan financier, moins il y a de solidarité et plus le
coût par malade est élevé. Toutefois, des systèmes mixtes de recouvrement des coûts et de
subsidiation partielle par le niveau central (personnel, équipements, subsides, ...) peuvent
pallier cet inconvénient.

La centralisation permet une mobilisation plus importante de ressources car répartie sur
l'ensemble de la population, et aussi plus équitable car liées aux revenus (taxe sur les
revenus) ou à la consommation (TVA) des personnes.

La centralisation au niveau national d’un grand nombre de cotisants au sein de
groupements mutuellistes, assurances de travailleurs, associations de crédits, etc. permet
également une plus grande solidarité par partage de la dépense de santé sur un plus grand
nombre. etc.
3. Accès et équité4
La centralisation permet la solidarité nationale en redistribuant équitablement des ressources
collectées au prorata des revenus et non sur les seuls malades. Mais ceci implique un pouvoir
central soucieux d'équité, ce qui est loin d'être toujours le cas ; il faut aussi que l'état ait des
revenus suffisants pour payer le fonctionnement du système et qu'il les gère de façon efficiente et
juste. Par ailleurs, si l'état fait faillite, la périphérie est sacrifiée en premier lieu; ceci a été observé
dans de très nombreux pays à système de santé centralisé et gratuit.
L'autofinancement décentralisé a par contre l'inconvénient de supprimer très souvent les
mécanismes de solidarité nationale. La qualité et le coût des services variera pour chaque
communauté en fonction de ses ressources et des compétences techniques et gestionnaires de son
personnel de santé: les plus riches pourront s'offrir des soins sophistiqués de haute qualité, les
pauvres auront des services peu fonctionnels de piètre qualité, ceux qui habitent la ville ou des
régions très peuplées pourront s'offrir des soins à moindre coût que ceux qui habitent des régions
isolées et peu peuplées, etc.
La décentralisation en matière de santé peut entraîner de grandes inégalités
- à Santiago au Chili, les structures publiques de santé sont de niveau très différent d’une
commune urbaine à l’autre;
- au Lesotho, la population des “ health service areas ” de l’Etat est très nettement
privilégiée par rapport à celles des HSA tenues par des ONG qui doivent s’autofinancer
entièrement
4
Collins Ch. and Green A. " Decentralization and primary health care : some negative implications in
developing countries" - Intern. J; Health services 1994; vol 24 (3) : 459-75
La répartition des infrastructures, équipements et personnel de santé est plus équitable si elle est
établie au niveau central sur base de critères objectifs et de normes que si elle est laissée aux
seules initiatives et ressources locales.
Par contre l'allocation budgétaire de fonctionnement sera sans doute plus adaptée aux besoins
et efforts de chacun si elle est décidée par ceux qui connaissent les situations parce qu'ils les
supervisent directement et peuvent apprécier les difficultés contextuelles: faible densité de
population, taux élevé d'indigence, problèmes exceptionnels d'épidémie ou de catastrophe,
rééquilibrage de disparités de départ, etc.
En cas de décentralisation, les inégalités d'accès aux soins en terme de distances (transport des
médicaments, matériel et malades, ...) de ressources et de besoins devraient être prises en compte
et rééquilibrées par une subsidiation proportionnelle dont le coût soit réparti sur l'ensemble des
citoyens en fonction de leurs revenus (impôt).
L'inconvénient d'une centralisation des compétences spécialisées sera de limiter l'accès à
celles-ci de façon souvent inéquitable dans des contextes où la référence est peu fonctionnelle
par manque de moyens de transport, de communications, de ressources financières. La prise
en charge des urgences doit pouvoir être décentralisée.
La centralisation des prélèvements sanguins en Côte d'Ivoire améliore sans doute la
qualité et la sécurité de la transfusion, mais avec pour conséquence que celle-ci n'est
quasi plus accessible en périphérie, la distribution du sang étant très peu fonctionnelle.
Les malades meurent d'anémie pour éviter le risque éventuel de SIDA..
Dans de nombreux pays, la centralisation des interventions chirurgicales dans quelques
centres hospitaliers dotés de spécialistes garantit sans doute une meilleure qualité de
prestation, mais la plupart des patients meurent faute de soins car ils ne peuvent ou ne
veulent pas s'y rendre.
4. Acceptabilité et utilisation des services
Les acteurs et les bénéficiaires seront plus motivés pour résoudre des problèmes et mener des
actions qu'ils ont eux-mêmes identifiés comme prioritaires.
L'écoute de leur demande et de leur perception est plus accessible en périphérie qu'au niveau
central et les décisions prises en périphérie seront donc généralement mieux adaptées et donc
acceptées.
La décentralisation, y compris du processus décisionnel, permet la participation des acteurs et des
bénéficiaires mais ne la garantit pas pour autant, car ceux qui décident, même en périphérie, ne
sont pas nécessairement représentatifs ni soucieux de défendre les intérêts de la population. Ceci
explique l'échec des comités de gestion dans beaucoup de pays.
L'organisation périphérique de plusieurs activités, gérées de façon verticale pour des raisons de
qualité technique, devra néanmoins être intégrée en bout de chaîne en fonction de la commodité du
bénéficiaire (regrouper les activités materno-infantiles de la manière la plus pratique pour les
mamans).
Bibliographie
1. Anne Mills, J. Patrick Vaughan, Duane L.Smith et al. - La décentralisation des svstèmes
de santé : concepts et problèmes - 1991 - OMS. Genève
2. Siddiquee NA - Théories de la décentralisation de l’Etat - 1997 - Alternatives Sud IV3:2340
3. Jeremiah Hurlev, Stephen Birch, John Eyles - Geographically-decentralized planning and
management in health care : some informational issues and their implications for
efficiency- 1995 - Soc.Sci.Med. Vol 41, 3-11
4. Doug Campos - Outcalt, Kelly Kewa, Jane Thomason.- Decentralization of health
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health service at the subdistrict level., 1995 - Soc.Sci.Med. Vol 40, 1091 - 1098
5. Xiang Zheng, Sheila Hillier. -The reforins of the chinese health care system : county level
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6. Pierre-Joseph Laurent. - Développement local, démocratisation et décentralisation L'exemple du Burkina Faso. juin 1996 - La gazette du Sped.
7. Charles Collins, Andrew Green. - Decentralization and primary health care : some
negative implications in developing countries, 1994 - International Journal of Health
Services, Vol 24 (3), 459-475
8. Diana Conyers, Andrew Cassels, Katja Janovskv - Working note : decentralization and
health systems change, a framework for analysis November 1992.