Valeska Huber, Channelling Mobilities. Migration

Transcription

Valeska Huber, Channelling Mobilities. Migration
Francia­Recensio 2015/3
19./20. Jahrhundert – Histoire contemporaine
Valeska Huber, Channelling Mobilities. Migration and Globalisation in the Suez Canal Region and Beyond, 1869–1914, Cambridge (Cambridge University Press) 2013, XIII–365 p., 24 b/w ill., ISBN 978­1­107­03060­2, GBP 65,00.
rezensiert von/compte rendu rédigé par
Jacques Frémeaux, Paris
Cet ouvrage ne constitue pas une nouvelle histoire générale du canal de Suez, qui viendrait s’ajouter aux travaux récents de Caroline Piquet et d’Hubert Bonin, mais il n’en est pas moins intéressant et utile. Valeska Huber s’intéresse en effet à la manière dont l’ouverture de la voie d’eau a influencé les transferts humains, soit en créant de nouveaux flux, soit en modifiant les anciens. Les déplacements de personnes sont étudiés, à l’exclusion des transferts de matières ou de capitaux, à la lumière d’une problématique originale, rappelée (parfois avec un peu trop d’insistance) tout au long des pages du livre, mais très opérante. Cette approche consiste à interroger les différentes formes de passage en montrant que les modes d’exploitation du Canal, destiné, au départ, à rapprocher les hommes et à accélérer leurs déplacements, ont aussi conduit à les contrôler (d’où le titre qu’on pourrait traduire par »canaliser les mouvements«). Des vitesses différentielles se sont introduites à travers la diversité des traitements, en fonction de l’origine ethnique et de la qualité sociale des passagers. On a vu également apparaître des accommodations nécessaires avec les pays environnants, et avec les modes de déplacement en pratique chez ces derniers. C’est, au total, un ensemble de mouvements qui se constituent ainsi à partir du nouvel axe. Il n’est pas interdit de donner un aperçu très schématique de l’ensemble de l’ouvrage. Le Canal de Suez représente, pour des générations de coloniaux, la limite entre l’Occident et l’Orient, une limite à partir de laquelle commencent, pour beaucoup, à se dissiper les illusions orientalistes, mais que remplacent d’autres préjugés, notamment la répugnance pour un monde jugé cosmopolite, dangereux et interlope dont Port­Saïd, en particulier, représente la quintessence. Par ailleurs, la nouvelle artère voit passer les navires de guerre et les transports de troupes à destination ou au retour de l’Asie. C’est un moyen facile de mesurer les efforts des puissances coloniales, mais c’est aussi le risque de voir ces contingents déserter, s’agiter, voire se mutiner au passage. Les populations locales exigent aussi l’attention, qu’il s’agisse des caravanes qui se dirigent vers l’Arabie, des navires légers qui font le cabotage entre mer Rouge et Méditerranée, et enfin des travailleurs employés à l’entretien de la voie d’eau. Il convient, enfin, de traiter les cas des indigents bloqués, faute de moyens, à Port­Saïd ou à Suez, mais aussi des passagers clandestins, ou bien des délinquants en fuite. Les risques que représentent ces mouvements ne passent pas inaperçus. Le Canal de Suez est un Lizenzhinweis: Dieser Beitrag unterliegt der Creative­Commons­Lizenz Namensnennung­Keine kommerzielle Nutzung­Keine Bearbeitung (CC­BY­NC­ND), darf also unter diesen Bedingungen elektronisch benutzt, übermittelt, ausgedruckt und zum Download bereitgestellt werden. Den Text der Lizenz erreichen Sie hier: https://creativecommons.org/licenses/by­nc­nd/4.0/
des lieux sur lesquels se concentre l’attention de la société internationale: il convient d’élaborer des règlements de circulation égaux pour toutes les puissances, de se mettre d’accord pour réglementer les conditions de pèlerinage, pour réprimer le trafic des esclaves et la traite des blanches, et enfin appliquer des règles destinées à protéger l’Europe des épidémies. L’historienne montre bien comment cette communauté d’effort est d’abord et avant tout, l’œuvre de ce qu’on nomme alors »le conseil des puissances«, tout en préfigurant la Société des Nations de l’après­guerre. Elle observe combien la position prédominante de la Grande­Bretagne est loin de lui donner une position exclusive, en dépit de l’instauration du »Veiled Protectorate« de 1882. Au quotidien, toutes les opérations de vérification et d’application de règlements de plus en plus précis font l’essentiel du travail des consuls européens, en liaison avec les autorités égyptiennes. La mise en œuvre des contrôles fait l’objet de mesures différentielles. La possibilité de voyager sans passeport, souvent évoquée par les laudateurs de la »Belle Époque« comme symbole de la liberté de déplacement au XIXe siècle, ne s’applique, en fait, qu’aux représentants des élites, en majorité, mais non en totalité, Occidentaux. Les autres catégories doivent pouvoir justifier de documents produits par les autorités des pays d’origine, et destinés à s’assurer de leur honorabilité et de leur solvabilité en cas de rapatriement. Les dispositions les plus strictes s’appliquent sans doute aux pèlerins de la Mecque, dont les puissances coloniales redoutent qu’ils ne transmettent ou rapportent des mots d’ordre hostiles à l’ordre établi autant que des germes épidémiques. Ce sont en effet les exigences prophylactiques qui pèsent le plus lourdement sur le trafic, pour éviter toute contamination entre les navires en provenance d’Orient et le territoire égyptien, qui pourrait tout aussi bien contracter que transmettre la contagion. Le Canal de Suez lui­même n’est pas sans relation avec l’environnement. Il ne pourrait exister sans la main­d’œuvre venue d’Égypte, les cadres méditerranéens, Italiens, Grecs et Maltais. Les navires qui y relâchent comptent sur les équipes de dockers chargeurs de charbon (coal heavers) pour s’approvisionner en combustible. La sécurité éloignée est assurée par le Camel Corps chargé de surveiller les tribus bédouines du désert environnant. Enfin, Port­Saïd et Suez sont au centre d’un réseau de relations par courrier et par télégraphe, en particulier avec d’autres ports qui sont des relais comparables, notamment Naples à l’ouest, et surtout Aden à l’est. Au total, Valeska Huber livre ici une somme d’indications précieuses, avec une heureuse alliance de considérations générales et de détails concrets. Si ce n’est pas, à proprement parler, la vie quotidienne du Canal de Suez qui revit à travers ces pages, ce sont, du moins, toutes les mises en contact qu’a suscitées l’ouverture de la nouvelle voie qui sont évoquées ici. Même si l’historienne ne s’attarde pas sur ce point, elle fournit un éclairage significatif sur la manière dont les impératifs de la modernité capitaliste (en particulier sous la dimension de la gestion du temps) retentissent sur un milieu extra­occidental. On ne peut que recommander la lecture de cette très remarquable synthèse Lizenzhinweis: Dieser Beitrag unterliegt der Creative­Commons­Lizenz Namensnennung­Keine kommerzielle Nutzung­Keine Bearbeitung (CC­BY­NC­ND), darf also unter diesen Bedingungen elektronisch benutzt, übermittelt, ausgedruckt und zum Download bereitgestellt werden. Den Text der Lizenz erreichen Sie hier: https://creativecommons.org/licenses/by­nc­nd/4.0/
des interfaces entre les mondes, à la jonction du XIXe et du XXe siècle. On aimerait aussi que ce type d’approche puisse être conduit jusqu’à nos jours, alors qu’on s’apprête à commémorer les cent cinquante ans du Canal de Suez.
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