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ASPERGER AMITIÉ • Association de type Loi du 1er juillet 1901 • Créée en juin 2010 à l’initiative de Miriam Sarbac, l’association regroupe plus de 100 familles, dans l’objectif de : • Les écouter et les orienter. • Tenter d’apporter des réponses à leurs questions et à leurs problématiques quotidiennes. • Leur proposer des activités de loisir propices à la socialisation et des ateliers d’habiletés sociales. Une population particulière, les personnes avec Asperger ou autisme de haut niveau. Postulat de départ Très peu de littérature est consacrée à la vie affective des personnes avec autisme ou Asperger, comme si ce n’était pas une préoccupation pour cette population et leur famille. Or, le syndrome d’Asperger n’empêche pas de vivre une existence pleine : carrière professionnelle, vie amoureuse et familiale, cercles amicaux et loisirs. Ici, nous parlerons de la vie amoureuse, affective et sexuelle qui fait partie de la qualité de vie. Prise en compte de la réalité Les manifestations du syndrome, les particularités du profil cognitif des personnes avec Asperger, les déficits plus ou moins importants en terme de compétences sociales… rendent parfois ce chemin plus difficile, demandent des adaptations, parfois des accompagnements. Situations rencontrées Dans nos groupes d’adultes, nous rencontrons des personnes qui se trouvent à différents stades de ce cheminement. Nous allons également parler de l’expérience menée au Canada par Isabelle Hénault, notamment ses ateliers d’éducation sexuelle. Le syndrome d’Asperger est caractérisé par une altération des compétences destinées à créer et entretenir des relations sociales, une difficulté à comprendre ses propres émotions et celles d’autrui mais aussi les codes sociaux. Ce que l’on prend souvent à tort pour un évitement volontaire des relations sociales. Pourtant les personnes porteuses de ce syndrome, pour la plupart, ont le désir d’avoir des relations sociales : • Volonté de se faire des amis • Désir d’avoir une vie amoureuse, sexuelle et familiale • Inquiétude de rester célibataire et d’être isolé • Souhait d’autonomisation par rapport à la famille Le désir d’avoir une sexualité est plus difficile à reconnaître que celui de rencontrer une "âme sœur" avec qui partager sa vie affective et intellectuelle. Le désir sexuel existe bien chez les personnes avec Asperger, même s’il est parfois plus difficile à exprimer. Jeunes adultes • • • • • • • Comment ils abordent le sujet La question couve à longueur de temps Fuite - évitement du sujet - changement de sujet Gêne, sentiment de déprime, voire endormissement Déclarations de désintérêt (intellectuel) démentie par l'investissement en pensée (et par le corps). Sentiment d'en être exclu par principe Provoque parfois des déclarations violentes Jeunes adultes • • • • • • • Les difficultés qui se posent Maîtriser l’excitation, les sentiments et émotions sans en être débordé. Identifier les situations efficaces de séduction (jeu vidéo !). Reconnaître et admettre le besoin de l’autre (consentement). Assertivité difficile (confondue avec de l’agressivité). Représentation très difficile de la relation sexuelle. Problème de l'âge et de la maturité réelle. Jeunes adultes La peur • De mal s’y prendre : entamer une conversation, la relancer, peur du temps de latence dans les réponses, d’intégrer un groupe… • Peur accrue du ridicule, liée à des expériences précédentes douloureuses. • Une demande de tendresse/d’affection confondue avec de la faiblesse en dehors du cercle protecteur de la famille. • Peur d’être vulnérable face à l’autre, peur de l'intimité. Peur du rejet ou d'être envahi. Peur d'être engagé, d'être blessé, manipulé, moqué. • La sexualité inquiète, elle implique des choses nouvelles et non maîtrisées. L’éducation sexuelle « ordinaire » autour du respect de l’autre et de soi ne suffit pas mais se doit d’être plus explicite. La puberté Peut être une période où l’anxiété augmente pour les personnes avec autisme ou le syndrome d’Asperger car elle entraîne une perte de contrôle face aux changements physiologiques et psychologiques. L’équipe d’I. Hénault propose des cours d’éducation sexuelle dès 7-8 ans, pour parler d’anatomie, différencier ce qui est montrable ou pas, évoquer les changements à venir. Pour les plus grands, elle propose des ateliers où les changements pubertaires sont précisément décrits, par exemple les érections spontanées, les menstruations… tout en expliquant les comportements possibles ou pas en société, comme toucher ses organes génitaux. Ce qui se comprend spontanément pour la population générale nécessite beaucoup plus de précisions pour la population avec autisme. L’accès à la vie amoureuse et sexuelle Implique aussi une prise en compte des désirs réciproques de l’autre… ou de comprendre qu’ils ne le sont pas ! Difficile de s’en assurer lorsqu’on décode difficilement les signes non verbaux. On peut proposer à la personne autiste de s’assurer verbalement du consentement de son/sa partenaire : « es-tu d’accord pour que je t’embrasse ? » Engager une relation amoureuse implique aussi d’être intéressant pour l’autre, de pouvoir inhiber certains comportements, de renoncer à des sujets de conversation qui n’intéressent que soi. Généralement, cela ne peut pas se faire spontanément compte tenu des particularités cognitives des personnes avec autisme et nécessite donc un travail autour des habiletés sociales avec notamment la mise en place de jeux de rôles. Jeunes adultes • Quelques exemples • Difficulté à faire une rencontre amoureuse : maladresse dans les interactions et faible estime de soi. (Travail d’habiletés sociales, de réappropriation d’une image positive de soi, de maîtriser la juste distance entre soi et l’autre). • Volonté de faire une rencontre amoureuse, devenue une souffrance, mais attitude d’évitement de toute situation sociale confrontant à l’opportunité d’une rencontre. (Travail sur l’évitement social, l’image de soi, les conceptions erronées de ce qu’est l’autre…). Jeunes adultes • Difficulté à situer son orientation sexuelle de manière assumée, l’homosexualité pouvant ajouter un facteur différenciant éventuellement considéré par la personne comme une difficulté supplémentaire. (Travail de clarification, d’acceptation de soi, sur la distance par rapport au regard de l’autre, rendu difficile par l’actualité). • Inconscience d’une attitude très provocante sexuellement et / ou difficulté à concevoir / percevoir certaines intentions : sans réelle conscience de l’enjeu face aux réactions des autres, de la mise en danger éventuelle. Jeunes adultes • Passage sans précaution d’une rencontre virtuelle à la vie réelle (travail sur l’image de soi, sur les relations homme-femme, d’adaptation progressive aux circonstances et aux types de personnes rencontrées). • Difficultés à entamer des relations via les sites de rencontre, qui mènent à l’abandon de cette voie. Jeunes adultes • Difficulté à pérenniser une relation amoureuse : facilité à engager la relation, mais difficulté à opérer les compromis nécessaires à la faire perdurer. (Travail sur les limites de la confiance accordée à l’autre, sur les attentes le concernant, sur les interprétations parfois biaisées concernant son comportement, et sur l’empathie). • Mélange des problématiques générationnelles, s'occuper de son couple et pas des relations entre les représentants de la génération précédents. Grande proximité avec les parents et idée fausse : je dois intégrer dans mes choix cette loyauté. (ex : l’un des couples de beaux-parents ne veut pas rencontrer l’autre qui se sent blessé… cela interfère sur le jeune couple) Jeunes adultes • Souvent une grande capacité à se représenter le couple et ses implications sociales et affectives à condition d'ouvrir un espace de pensée et d'échange à ce sujet. • Désir de vivre une vie autonome : prendre un appartement, seul ou en co-location, assumer ses choix, son budget… sans toujours maîtriser tout ce que cela implique. Faire face à une inquiétude familiale souvent accrue (travail sur l’organisation, la gestion des priorités, l’affirmation de soi aussi…) Adultes • • Comment ils abordent le sujet : plus directement Les problèmes rencontrés : souvent liés à la parentalité - exemples • Parentalité assumée en séparation de la mère, avec des difficultés à se saisir de l’impact du syndrome, tardivement diagnostiqué, sur la relation de couple, et des questionnements parentaux relativement exacerbés par les spécificités d’Asperger. (Travail psycho-éducatif, d’approfondissement de la connaissance de soi, travail de mise en pratique par le jeu de rôle). • Diagnostic très tardif chez l’un des partenaires, après des années de vie commune et familiale parfois difficile et questionnante : Comment l’annoncer, comment est-ce pris par les enfants ayant grandi… (Travail sur la culpabilité, les déceptions, les difficultés à faire accepter cette différence. Accompagnement dans la mise en place de projets de rapprochement. A défaut de pouvoir tout réparer, se pardonner à soimême, donner du sens pour soi et ses enfants a posteriori). Adultes • Parentalité assumée par deux personnes avec Asperger, qui ne peuvent vivre ensemble pour le moment, avec un accueil en structure pour l’un d’entre eux et l’enfant en bas âge et une vie insérée dans le monde professionnel pour l’autre. (Il est possible d’être parents, et de mener l’éducation d’un enfant non Asperger, en comptant sur la mise en place de certains étayages, par la famille, des éducateurs, des institutions, travail sur le projet de vie, jeu de rôle). • Mais aussi, inquiétude suite à une vie où la rencontre amoureuse ne s’est pas (encore) produite, sentiment accru de différence, isolement et affirmation qu’on est mieux tout(e) seul(e) comme une défense… (Travail sur les représentations, la soit-disant normalité des « autres », les angoisses, partage d’expériences et de stratégies…) En conclusion • Remise en cause des pensées et croyances qui enferment dans la solitude ou amènent à se blesser dans la relation à l’autre. • Expérimentation par le jeu de rôle en milieu « protégé » au sein des groupes dans l’idée d’utiliser les compétences travaillées en milieu « ordinaire ». Intégration progressive de ces nouvelles aptitudes. • Favoriser et multiplier les occasions de rencontres et parfois accompagnement (à distance) de l’évolution de la situation, avec toute la discrétion que cela demande. • Ce n’est pas facile, car ça ne l’est vraiment pour personne, mais cela est possible, compte tenu de certains aménagements qui peu à peu s’intègrent pour qu’une autonomie soit acquise également dans ce domaine. Anne-Katerine Laurent & Jean-François Chica Psychologues - Asperger Amitié www.asperger-amitie.com