10000 BIO - n°72 - Roche Diagnostics
Transcription
10000 BIO - n°72 - Roche Diagnostics
MÉD I CA LI SATI O N H É M AT O L O G I E Hyperlymphocytose révélatrice d’une coqueluche chez un nourrisson Sandrine PUYRAIMOND, laboratoire d’Hématologie, Etablissement Français du Sang de Bourgogne Franche Comté-Besançon L ’hyperlymphocytose définie par un nombre de lymphocytes sanguins supérieur à 4,0 x 109/l, est une caractéristique physiologique de l’hémogramme de l’enfant jusqu’à l’âge de 5 ans. Elle doit être bien entendu interprétée en fonction de l’âge : supérieure à 11 x 109/l chez le nouveau-né, à 10 x 109/l à 1 an et à 8 x 109/l à 5 ans). Elle peut devenir très importante, dépassant largement les valeurs normales admises pour l’âge de l’enfant, notamment au cours de syndromes infectieux. Cas clinique Hyperlymphocytose sur frottis Fanny S., nourrisson de 2 mois, est hospitalisé dans le service de pédiatrie en raison d’un tableau clinique associant quintes de toux, anorexie et vomissements sans fièvre. L’hémogramme met en évidence une hyperleucocytose majeure (leucocytes à 55,01 x 10 9/l) avec une importante hyperlymphocytose (77,5 % des leucocytes soit 42,6 x 109/l) et une discrète myélémie (1,7 %) sans neutropénie (17 % de polynucléaires neutrophiles soit 9,4 x 109/l). L’étude du frottis sanguin montre que cette hyperlymphocytose est composée de petits lymphocytes matures mais au noyau très atypique : noyau clivé ou encoché ou lymphocytes binucléés. En outre, les cellules hyperbasophiles sont très rares comme le suggère le scattergramme du XE2100. L’importance de l’hyperlymphocytose et les caractéristiques morphologiques des lymphocytes conduisent à suspecter fortement une coqueluche. Le clinicien aussitôt avisé rapporte l’existence d’un contage familial (toux sèche, rebelle et tenace chez le père) et l’absence d’immunisation de l’enfant contre cette infection (une seule vaccination à un mois de vie). De plus, la CRP (C-Reactive Proteine) est normale et la radiographie pulmonaire montre un syndrome interstitiel bilatéral. Le diagnostic de coqueluche est alors retenu et un traitement antibiotique par macrolides est aussitôt débuté. Le diagnostic de certitude est apporté, quelques jours plus tard, par biologie moléculaire (PCR positive dans le sang), les sérologies pour la recherche des agents Mycoplasma pneumoniae et Chlamydiae trachomatis sont négatives. L’évolution est favorable en quelques jours avec une diminution de la fréquence des quintes et une reprise alimentaire orale, et le retour à domicile envisagé après une hospitalisation de dix jours. Très rares cellules hyperbasophiles Myélémie Lymphocytose Scattergramme du DIFF de l’automate XE J O U R N A L D ’ I N F O R M A T I O N 23 B I O MÉD I CA L E - N ° 72 - S E P T E M B R E 2005 MÉD I CA LI SATI O N H É M AT O L O G I E Sur ces photos prises à l’objectif 100 : lymphocytes clivées voire binuclées Discussion augmentation importante du nombre de lymphocytes, la démarche diagnostique doit amener, par une analyse fine du frottis sanguin, à vérifier d’une part l’absence de lymphoblastes (et donc à écarter l’hypothèse d’une leucémie aiguë lymphoblastique), et d’autre part à s’assurer qu’il s’agit bien de petits lymphocytes matures. Le frottis ne montre pas de cellules hyperbasophiles (rendant peu probable une infection virale à virus d’Epstein-Barr, cytomégalovirus ou rubéole). Les lymphocytes observés apparaissent avec une chromatine mature et un noyau d’aspect très atypique tel que nous l’avons montré et qui est très en faveur d’une coqueluche. D’autres infections bactériennes sont plus rarement mises en cause (brucellose, syphilis, rickettsiose) et ne s’accompagnent pas de telles anomalies morphologiques des lymphocytes. L’association d’une hyperlymphocytose (de 15 à 145 x 109/l) et d’une éosinophilie dans un contexte pseudo-grippal doit faire évoquer la maladie de Carl-Smith. Il convient de rappeler que les hyperlymphocytoses des hémopathies lymphoïdes chroniques (leucémie lymphoïde chronique, lymphome malin de faible grade) n’existent pas chez l’enfant. La coqueluche est une toxi-infection très contagieuse due au bacille de Bordet et Gengou (Bordetella pertussis) et responsable d’une trachéo-bronchite peu ou non fébrile. Cette maladie, exceptionnelle chez l’adulte depuis la vaccination, s’observe essentiellement chez le nourrisson avant 2 ans mais surtout avant 6 mois. Mais à cet âge, le tableau clinique est rarement typique : simples accès de toux sèche, quintes atypiques, vomissements et anorexie, et les complications en particulier respiratoires et neurologiques en font toute la gravité (le risque de manifestations pulmonaires graves semble même plus élevé lorsque l’hyperlymphocytose causée par cette infection est importante). Ainsi, dans un tel contexte, les analyses biologiques sanguines ont un grand intérêt diagnostique car elles évoquent le diagnostic et conduisent à la réalisation d’examens de confirmation. Dès l’apparition des quintes de toux plus ou moins caractéristiques, l’hémogramme met en évidence une hyperleucocytose supérieure à 15,0 x 109/l, parfois d’aspect leucémoïde (c’est-à-dire supérieure à 40,0 x 10 9/l) avec une hyperlymphocytose dominante (60-90 %), une polynucléose traduisant une surinfection bactérienne. En présence d’une telle hyperleucocytose comportant une J O U R N A L D ’ I N F O R M A T I O N Contact : [email protected] 24 B I O MÉD I CA L E - N ° 72 - S E P T E M B R E 2005