la FMC

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la FMC
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la FMC
du généraliste
n° 22 90
vendredi 1 4 mai 2 0 0 4
JOUBERT/PHANIE
dossier
Anomalies de la lignée
blanche : cas cliniques
c a h i e r
d é ta c h a b l e
Les anomalies de la lignée blanche
sont fréquentes en médecine générale.
Une recommandation de l’Anaes
en 1997 a pointé les valeurs seuils
et les variations physiologiques de
l’hémogramme. Nous vous proposons
trois cas cliniques qui rappellent combien
la démarche diagnostique en hématologie
se fonde sur un raisonnement
méthodique et combien est importante
la collaboration avec le cytologiste.
Par le D R PASCALE NAU DI N-ROUSSELLE, d’après
un entretien avec le P R D. BORD ESSOU LE
(service d’hématologie clinique, C HU de Limoges)
objectifs
> Quelles significations donner à deux cas
d’hyperleucocytose au-delà de 60 ans ?
> Interpréter un syndrome mononucléosique
Sommaire
PAT H O LO G I E
E N Q U E ST I O N S
Énurésie nocturne
de l’enfant P. VI
UNE HYPERLYMPHOCYTOSE
ASYMPTOMATIQUE
Ce jeune retraité de 64 ans consulte pour un
examen systématique. Il est en excellente forme,
asymptomatique et son examen clinique est
normal. La numération formule sanguine (NFS)
montre :
>
– hémoglobine (Hb) : 14 g/dl
– volume globulaire moyen (VGM) : 92 µ3
– leucocytes : 15 000 x 106/l
– neutrophiles : 25 %
– lymphocytes : 70 %
– monocytes : 5 %
– plaquettes : 325 000 x 106/l
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– sur le frottis : présence
VOISIN/PHANIE
FMC
dossier fmc anomalies de la lignée blanche :
cas cliniques
la digestion, entraînent une hyperleucocytose mais à polynucléaires neutrophiles et non
une hyperlymphocytose. Effectivement, dans un vaisseau sanguin, 50 % des polynucléaires
se répartissent dans le pool circulant et 50 % dans le pool de
Analyse de
margination (adhérents à la
la numération
paroi vasculaire, pour initier
C’est la démarche première et
Le tabagisme induit
leur migration à travers la paroi
fondamentale. « Ne faites pas
une hyperleucocytose à polynucléaires
endothéliale pour gagner les
d’hypothèse diagnostique avant
neutrophiles.
tissus extravasculaires). En stid’avoir analysé la numéramulant la production endogène d’adrénaline et
tion », indique le Pr Bordessoule. Toutes les lignées
de stéroïdes, l’effort physique « démargine » les
sanguines doivent être examinées successivement :
neutrophiles de la paroi et induit une fausse hyperla lignée rouge, la lignée blanche, les plaquettes.
leucocytose par polynucléose neutrophile. À l’in> Chez le patient, il n’y a pas d’anémie et le chiffre
verse, certains patients peuvent présenter une
de plaquettes est normal.
fausse neutropénie par excès de margination. Un efIl existe une hyperleucocytose et les pourcentages
fort modéré (100 m de course) ou une injection de
de la formule leucorticoïdes (test à l’ethiocholanolone) fait migrer
cocytaire sont in1. valeurs seuils
les leucocytes marginés vers la lumière vasculaire,
versés. À ce propos,
de l’hémogramme (source : Anaes 1997)
cet effet est temporaire et réversible (la NFS se
ce sont les valeurs
normalise en quelques heures).
absolues
des
difféAnémie
Homme
Hb < 13 g/dl
Femme
Hb < 12 g/dl
> Le tabagisme
rents types de leuFemme enceinte Hb < 11 g/dl
L’hyperleucocytose induite par le tabac est la plupart
cocytes que l’on
À la naissance
Hb < 13,5 g/dl
du temps une polynucléose neutrophile, et ce n’est
doit
interpréter,
et
0 à 6 ans
Hb < 11 g/dl
que très exceptionnellement, et uniquement chez
jamais
les
pourcen6 à 14 ans
Hb < 12 g/dl
3
la femme, qu’une hyperlymphocytose à lymphocytes
tages.
«
L’inversion
Microcytose
Adulte
VGM < 82 µ
3
binucléés a été observée.
de
formule
»…
est
< 2 ans
VGM < 70 µ
3
> La digestion
une
formule
sans
2 à 6 ans
VGM < 73 µ
3
6 à 14 ans
VGM < 80 µ
Elle est suivie d’une hyperleucocytose modérée mais
plus.
3
constituée uniquement de polynucléaires neutro–
Ainsi,
les
neutroMacrocytose
VGM > 98 µ
Hypochromie
CCMH < 32 %
philes. C’est la raison pour laquelle il est recomphiles, malgré un
Polyglobulie
Homme
Hb > 17 g/dl
mandé d’effectuer les bilans sanguins à jeun.
pourcentage faible
(+ hématocrite > 50 %)
> Les infections virales peuvent être responsables
à 25 %, sont norFemme
Hb > 16 g/dl
d’une hyperlymphocytose, mais uniquement chez
maux en valeur
(+ hématocrite > 45 %)
l’enfant ou l’adulte très jeune. Chez l’adulte et le
absolue : 3 750 X
Réticulopénie
Réticulocytes
6
sujet âgé, la présence d’une hyperlymphocytose est
10
/l.
< 20 000 x 106/l
pratiquement toujours en faveur d’une hémopathie
–
Les
lymphocytes
HyperRéticulocytes
6
lymphoïde maligne. Cette anomalie chez un enfant
sont
augmentés
à
réticulocytose
> 120 000 x 10 /l
Le nombres de réticulocytes s’apprécie en fonction du taux d’Hb
est pratiquement toujours bénigne et réactionnelle
10 500 x 106/l.
Leucocytes
(valeurs absolues)
soit à une origine infectieuse (coqueluche surtout),
– Les monocytes
Neutropénie
< 1500 x 106/l
soit postvaccinale. La tuberculose, mais aussi toutes
sont
normaux
à
Polynucléose
> 7000 x 106/l
les infections à germes à croissance intracellulaire
750 x 106/l.
neutrophile
6
telles la brucellose, la typhoïde, les salmonelloses et
Il
s’agit
d’une
hyÉosinophilie
> 400 x 10 /l
6
plus largement tous les micro-organismes qui ne
perleucocytose
par
Basocytose
> 100 x 10 /l
Lymphopénie
< 1 500 x 106/l
peuvent se diviser qu’à l’intérieur des neutrophiles
hyperlymphocytose
Lymphocytose
> 4000 x 106/l
et des monocytes (parasites, mycoses) s’accomisolée
(tableau
1).
Monocytopénie
< 200 x 106/l
pagnent habituellement d’une neutropénie. Les
Monocytose
> 800 x 106/l
lymphocytes tueurs (CD3+, CD8+) détruisent par
Les hypothèses
Analyser les variations des différents types de leucocytes
cytotoxicité directe les cellules infectées.
diagnostiques
et non celles de la leucocytose totale
6
La primo-infestation VIH induit un syndrome mo> L’effort
Thrombopénie < 150 000 x 10 /l
Thrombocytose > 400 000 x 106/l
nonucléosique, c’est-à-dire de « grandes cellules
L’effort physique,
bleutées » correspondant à une réaction de lymcomme le stress et
d’ombres de Gumprecht
Le contrôle, quinze jours plus
tard, montre : leucocytes 14 500
x 106/l, lymphocytes 75 %, soit
10 875 x 106/l.
II
numéro 22 90 vendredi 1 4 mai 2 0 0 4
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FMC
:
Espérance de vie
Idem population
du même âge
Intermédiaire (7 ans)
Médiane : 18 mois
DR
phocytes T cytotoxiques d’allure pléiomorphe,
2. llc – classification de binet
hétérogène et intensément basophiles donnant
Stade Syndrome tumoral
Hématopoïèse
%
l’allure « bleutée » à ces cellules. Cet aspect est très
A
< 3 aires
Hb > 10 g/dl – Plaquettes 63
différent des lymphocytes normaux qui sont des
lymphoïdes atteintes
> 100 000 x 106/l
cellules très monomorphes, de petite taille d’allure
B
> 3 aires
mature avec un cytoplasme très réduit, non basolymphoïdes atteintes
30
phile et un noyau condensé.
C
Quel que soit le nombre
Hb < 10 g/dl – Plaquettes 7
> L’hyperlymphocytose physiologique ou « banale »
d’aires lymphoïdes atteintes < 100 000 x 106/l
n’existe pas.
– La leucémie lymphoïde chronique (LLC) paraît
– lymphocytes B normaux : CD19+, CD5-, CD23-. Ils
donc le diagnostic le plus vraisemblable. Il s’agit
expriment fortement à leur surface des immunod’un stade A dans une forme débutante myélosanguine sans syndrome tumoral hématopoïétique
globulines ;
– lymphocytes de LLC : CD19+, CD5+, CD23+ et
(tableau 2).
expriment très faiblement une immunoglobuline
La LLC est la première cause d’hyperlymphocytose après 60 ans. C’est la leucémie la plus
monoclonale (la malignité est l’expansion d’un clone
de cellules identiques) : c’est ce que nous appelons
fréquente chez l’adulte. On doit y penser devant toute
« une monotypie de surface » ;
hyperlymphocytose traînante de l’adulte. C’est une
– lymphomes du manteau : CD19+, CD5+, CD23-,
maladie plus cumulative que proliférative, du fait de
mais il en existe beaucoup d’autres variétés.
l’inhibition de l’apoptose : les lymphocytes ne meuCet examen permet d’affiner le diagnostic de bon
rent pas et leur longue durée de vie leur permet de
nombre d’hémopathies lymphoïdes.
s’accumuler dans l’organisme. Les chimiothérapies
sont peu efficaces sur ces lymphocytes mûrs.
La LLC se définit par l’accumulation dans le tissu
Que faire ensuite ?
lymphoïde d’un clone de lymphocytes mûrs de phéPierre présente une LLC de stade A découverte
notype déterminé (B dans 95 %
fortuitement.
des cas ; T dans 5 % des cas),
« Nul besoin de l’adresser en
Ombres de Gumprecht
issus d’un clone médullaire.
hématologie, sous réserve d’un
Les lymphocytes quittent la
bon phénotypage initial : l’absmoelle, passent dans le sang et
tention thérapeutique est la
infiltrent les aires lymphoïdes
règle à ce stade (consensus in(les ganglions, qui sont des
ternational). Le généraliste
« garages à lymphocytes », expeut être ferme, même s’il n’est
plique le Pr Bordessoule, mais
pas facile de dire au patient
aussi la rate). Cliniquement, il
pourquoi on ne “fait rien” alors
existe une polyadénopathie
qu’il “a une leucémie” », exhomogène (touchant simulplique le Pr Bordessoule.
tanément plusieurs aires ganglionnaires) bilatérale et syque sont les ombres
métrique, une splénomégalie
de gumprecht ?
ou une hypertrophie amygdalienne.
Les ombres de Gumprecht sont des noyaux écrasés
de lymphocytes lors du frottis sanguin. Elles témoignent
Comment confirmer le diagnostic ?
d’une fragilité excessive des lymphocytes de la LLC
« Si elle est faite par un bon cytologiste, précise le
par rapport aux lymphocytes normaux. Il s’agit d’une
description ancienne, mais qui, pour les biologistes avertis,
Pr Bordessoule, une étude attentive de la morphogarde une valeur de signe indirect de LLC.
logie des lymphocytes couplée avec l’étude cytofluorométrique des lymphocytes sanguins permet
d’éviter le recours au myélogramme pour porter
le diagnostic. »
Le diagnostic doit être confirmé par l’immunophénotype des lymphocytes périphériques. À partir d’un simple prélèvement sanguin au laboratoire,
on identifie le clone de lymphocytes par cytofluorométrie. L’expression des antigènes membranaires
sur les lymphopathies est spécifique :
Il est important, avant de prendre la décision
de le laisser en abstention thérapeutique, de
vérifier le test de Coombs, électrophorèse des
protides pour dépister et suivre les deux risques
majeurs des LLC : l’anémie hémolytique autoimmune et les risques de complications infectieuses
(zona). Un suivi attentif de ces patients est numéro 22 90 vendredi 1 4 mai 2 0 0 4
III
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Frottis sanguin montrant
une hyperlymphocytose.
nécessaire car 6 % des cas sont
associés à un cancer.
En l’absence de complications,
la surveillance comporte :
– NFS une fois par mois pendant
six mois, puis trois à quatre fois
par an afin de vérifier que le
temps de doublement de la lymphocytose en valeur absolue ne
soit pas inférieur à un an ;
– une fois par an : test de
Coombs, électrophorèse des
protides, cliché thoracique,
échographie abdominale.
UNE ASCITE ET
UNE HYPERLYMPHOCYTOSE
Cette patiente, âgée de 62 ans, consulte pour des
œdèmes des membres inférieurs rebelles aux
diurétiques et une sensation de ballonnement.
En un an, elle est passée de la taille 40 à 42. À
l’examen, l’abdomen est distendu avec une matité
déclive évoquant une ascite, il n’y a pas de syndrome tumoral hématopoïétique. La NFS montre :
– Hb : 13,2 g/dl
– VGM : 92 µ3, pas d’anémie
– leucocytes : 16 000 x 106/l
– neutrophiles : 28 %, soit 4 480 x 106/l
– lymphocytes : 68 %, soit 10 880 x 106/l, hyperlymphocytose
– monocytes : 4 %, soit 640 x 106/l
– plaquettes : 280 000 x 106/l, normales
Les hypothèses diagnostiques
L’hypothèse à soulever est bien celle d’une hémopathie lymphoïde maligne du fait de l’âge de la
patiente et plutôt un lymphome qu’une LLC du fait
du caractère symptomatique de l’histoire clinique.
Les lymphomes malins non hodgkiniens sont des
proliférations monoclonales malignes de cellules
lymphoïdes, à point de départ périphérique. Les
cellules se multiplient dans les aires lymphoïdes,
gagnent les tissus voisins par contiguïté, puis le
sang, et finissent par atteindre la moelle : il s’agit
alors de la « phase leucémique » de lymphome.
Cliniquement, il existe une polyadénopathie inhomogène, uni ou bilatérale mais asymétrique. Mais
les symptômes peuvent varier en fonction de la localisation de départ. D’où l’importance de l’examen
clinique en cas d’hyperlymphocytose. À noter
qu’une cirrhose n’induit pas d’hyperlymphocytose.
Comment confirmer le diagnostic ?
> L’examen attentif du frottis sanguin par un bon
cytologiste, couplé avec l’étude cytofluorométrique
des lymphocytes sanguins, permet de confirmer le
diagnostic, mais n’évitera pas ni le myélogramme
ni la biopsie ganglionnaire. Ce dernier examen précisera la classification du lymphome et permettra
RAGUET/PHANIE
DR
FMC
dossier fmc anomalies de la lignée blanche :
cas cliniques
Analyse de la numération
> Chez cette patiente, il n’y a pas d’anémie et le
chiffre de plaquettes est normal.
> Il existe là aussi une hyperleucocytose à 16 000
x 106/l, constituée par une hyperlymphocytose à
10 880 x 106/l. Il s’agit, comme dans le cas clinique
précédent, d’une hyperleucocytose par hyperlymphocytose isolée biologiquement mais dans un
contexte clinique très différent.
les lymphomes augmentent
de 10 % par an en europe et aux états-unis
Il en existe de nombreuses variétés dont
l’aspect peut être trompeur : syndrome
cave supérieur par compression
médiastinale, ventre pseudochirurgical
des LNH de Burkitt, paralysie faciale
ou confusion mentale rapidement
progressive dans les LNH à grandes
cellules avec fort tropisme cérébro-
IV
méningé, pseudo-ulcère gastrique,
pneumopathie ou hypertrophie des
glandes lacrymales dans les LNH des
muqueuses (MALT), nodules sous-cutanés
et accidents vasculaires cérébraux dans
les LNH intravasculaires. Ce diagnostic
doit être évoqué a priori et confirmé
par la biopsie voire la ponction.
numéro 22 90 vendredi 1 4 mai 2 0 0 4
Bon nombre de diagnostics hématologiques sont
fournis par un examen cytologique attentif.
une étude cytogénétique à partir des lymphocytes
malins à la recherche d’anomalies cytogénétiques
très évocatrices d’un LNH folliculaire comme la
translocation t (14,18), ou la t (11,14) dans les LNH
du manteau, ou la t (11,18) ou anomalie du chromosome 3 dans les LNH de la zone marginale.
> Cette patiente présente en fait un lymphome B
folliculaire leucémisé à point de départ sous-diaphragmatique. Il s’agit de LNH lentement évolutif
à point de départ fréquemment sous-diaphragmatique expliquant l’importante masse abdomi-
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FMC
:
nale de cette patiente traitée successivement par
un phlébologue pour des œdèmes des membres
inférieurs et une diététicienne pour réduire les
ballonnements abdominaux postprandiaux.
> Une prise en charge spécialisée en hématologie
est indispensable pour rechercher les critères de
gravité, faire le bilan d’extension et proposer un
schéma thérapeutique adapté.
Analyse de la numération
> Cette jeune fille a une anémie modérée normocytaire et une thrombopénie relativement intense
à 60 000 x 106 plaquettes/l.
> Il existe, là encore, une hyperleucocytose à
12 000 x 106/l sans augmentation des neutrophiles
(soit 2 400 X 106/l : normaux), ni des lymphocytes
(soit 3 600 x 106/l). Cette hyperleucocytose est
constituée par des grandes cellules jeunes dont la
nature reste à préciser.
Les hypothèses diagnostiques
> Si les termes « cellules jeunes », « cellules
immatures », « grandes cellules » ou « blastes »
figurent sur un résultat de NFS, il faut éliminer
une leucémie aiguë et particulièrement une leucémie aiguë lymphoblastique (LAL). Ce diagnostic
doit d’autant plus être éliminé qu’il existe
des signes inquiétants comme une splénomégalie
et des adénopathies cervicales associées à
une thrombopénie.
> Un syndrome mononucléosique est l’autre diagnostic à évoquer en premier, car le contexte clinique est très évocateur : l’âge, le séjour linguistique propice aux premiers « baisers », l’angine,
les adénopathies cervicales et l’asthénie importante. La présence d’une splénomégalie et d’une
thrombopénie peuvent se voir dans les formes
graves de primo-infection à EBV.
Grandes cellules jeunes
sur un frottis sanguin.
Syndrome mononucléosique.
Comment confirmer
le diagnostic ?
Causes virales
MNI (85 %),
cytomégalovirus (5 %),
primo-infestation VIH
oreillons,
rickettsiose,
brucellose, typhoïde,
syphilis
Causes parasitaires
Toxoplasmose,
paludisme
Réactions
immunologiques
Immuno-allergiques
(pénicilline,
sulfamides),
greffes,
maladies autoimmunes
Autres causes
infectieuses
Hépatites virales,
rubéole, rougeole,
> C’est l’examen attentif du
frottis sanguin qui permettra sous l’œil d’un bon
cytologiste de différencier un syndrome mononucléosique constitué de grandes cellules hétérogènes hyperbasophiles d’une leucémie aiguë où les
cellules blastiques sont de grande taille monomorphe avec un aspect variable selon le type FAB.
> En cas de doute persistant, le MNI-test permet un
diagnostic très rapide (dans la journée en moins
d’une heure). S’il est positif, il nécessite d’être
confirmé par le Paul-Bunnell-Davidsohn. S’il est négatif, le Paul-Bunnell-Davidsohn doit être refait à
distance, puis la sérologie EBV (virus Epstein Barr).
> Cette patiente présente un syndrome mononucléosique, qui se définit par la présence dans
le sang de grandes cellules
mononucléées (5 à 90 %
de grands lymphocytes
bleutés).
Ces grandes cellules que
les biologistes n’osent classer ni comme des lymphocytes normaux qui sont
de petite taille avec un cytoplasme très peu abondant
non basophile, ni comme
des monocytes grandes cellules au cytoplasme grisé
avec vacuoles, sont en fait
La présence de blastes
est hautement suspecte de leucémie aiguë.
des grands lymphocytes activés de type T cytotoxiques
dirigés contre les lymphocytes B infestés par des
virus ou autre micro-organismes. La mononucléose
infectieuse (MNI) est la cause la plus fréquente
(85 %) des syndromes mononucléosiques, devant
le CMV, la primo-infestation VIH, la toxoplasmose
et des étiologies plus rares : rubéole, rickettsiose. Le
résultat doit être commenté par le cytologiste.
> La MNI sera finalement le diagnostic retenu pour
cette jeune patiente.
numéro 22 90 vendredi 1 4 mai 2 0 0 4
DR
Cette jeune fille de 14 ans se plaint d’une fatigue
importante. Elle est apyrétique, mais a présenté
une angine, il y a un mois au retour des vacances
scolaires pendant lesquelles elle a effectué un séjour linguistique en Grande-Bretagne. L’examen
retrouve une pâleur, une splénomégalie et
quelques adénopathies cervicales de 2,5 cm de diamètre. Le reste de l’examen est normal. NFS :
– Hb : 11,2g/dl
– VGM : 92 µ3
– leucocytes 12 000 x 106/l
– neutrophiles : 20 %
– lymphocytes : 30 %, pas d’hyperlymphocytose
– 50 % de grandes cellules jeunes : attention
– plaquettes : 60 000 x 106/l.
DR
UN SYNDROME MONONUCLÉOSIQUE
les causes de syndrome
mononucléosique
V
2290-036-038-fmcB 11/05/04 11:03 Page VI
PAT H O LO G I E E N Q U E ST I O N S
FMC
PAR LE D R CATH ERI N E FREYDT, sous la direction scientifique du D R G I LLES ALLOUC H
(clinique de l’enfant, Boulogne-Billancourt)
Énurésie nocturne de l’enfant
Améliorer ou guérir une énurésie, c’est rendre un immense service à un enfant.
avier doit aller en
classe nature pendant
une semaine mais il fait toujours pipi au lit. J’hésite à le
laisser partir, je crains que l’on
se moque de lui. » C’est la première fois que cette mère
évoque l’énurésie de son fils
de 7 ans. J’apprends que l’enfant n’a jamais été « propre »
la nuit, même si sa mère s’inquiète d’un lien avec la naissance d’une petite sœur et
qu’il a acquis la propreté
diurne à 2 ans. Xavier regarde
ailleurs pendant que sa mère
m’explique que les accidents
ont lieu trois à quatre fois par
semaine et que, travaillant,
elle trouve lourde la contrainte
des draps mouillés et parfois
choisit de lui mettre des
couches. Il s’agit d’une énurésie primaire (ENI) isolée chez
un enfant de 7 ans.
Raguet /Phanie
X
Comment orienter l’interrogatoire de la mère et
de l’enfant pour en comprendre l’origine ?
Le diagnostic du type d’énurésie repose bien sur l’interrogatoire de la mère et de
l’enfant, et cet interrogatoire
implique une attitude attentive et bienveillante. Une
énurésie ne doit pas être
banalisée, elle entraîne trop
d’inconfort et de retentissement affectif et familial.
Différents facteurs sont à
rechercher :
> Des antécédents d’énurésie
sont-ils retrouvés dans la
famille ? 74 % des garçons et
58 % des filles énurétiques
ont au moins un des deux parents avec des antécédents
d’énurésie.
VI
> Existe-t-il des troubles urinaires diurnes ? (Attention,
ceux-ci peuvent être discrets
et difficiles à mettre en évidence.) L’enfant a-t-il des impériosités, une pollakiurie,
parfois de petites fuites lorsqu’il est trop concentré sur un
jeu par exemple ? Si oui, il
s’agit le plus souvent d’un état
d’immaturité vésico-sphinctérienne. Normalement, la maturation est achevée vers
5-6 ans mais chez certains
enfants elle peut être retardée.
Les manifestations de ce retard peuvent être exclusivement nocturnes.
> L’enfant a-t-il une production d’urines particulièrement abondante la nuit ? Il
peut s’agir d’une insuffisance
relative de sécrétion nocturne
d’ADH, hormone antidiurétique. De façon physiologique,
la production d’urines la nuit
est moins importante que dans
la journée mais chez un certain nombre d’enfants énurétiques, la production d’urines
est identique nuit et jour. Pour
le déterminer, il suffit de prescrire, pendant une semaine,
de la desmopressine à l’action
très rapide sur ce phénomène,
son efficacité sert alors de test
diagnostique.
> Comment l’enfant dort-il ?
L’enfant énurétique n’est pas
réveillé à temps par sa vessie.
Dans 60 % des cas, les parents
signalent le caractère profond
du sommeil de leur enfant. En
fait, le sommeil de l’enfant
énurétique n’est pas différent
de celui de l’enfant normal, il
s’en différencie par l’existence
d’un seuil élevé : l’allégement
du sommeil consécutif à la
sensation de vessie pleine n’est
pas assez rapide pour que l’enfant se réveille avant la fuite.
en france, 400 000 enfants
de 5 à 10 ans
L’énurésie se définit comme l’émission involontaire
et inconsciente d’urine au cours de la nuit chez un enfant
de plus de 5 ans, indemne de toute affection organique,
urologique, neurologique ou psychiatrique.
On ne parle d’énurésie qu’à partir de 5 ans (6 ans pour
certains). Entre 5 et 10 ans, 10 % des enfants sont concernés,
et deux fois plus les garçons que les filles. Un enfant a 60 %
de risque d’être énurétique si ses deux parents l’ont été,
40 % si un seul l’a été. La prévalence diminue avec l’âge,
le taux de guérison spontanée de l’énurésie est estimé à
15 % par an mais 1 % demeureront énurétiques à l’âge adulte.
Dans 80 % des cas, l’énurésie est primaire, l’enfant n’a jamais
été propre auparavant ou pour de très courtes périodes.
Elle est secondaire pour un enfant ayant eu une période de
propreté nocturne d’au moins six mois.
Une mère de famille sur trois ayant un enfant énurétique
ne consulte pas pour ce problème. Poser simplement la
question de la propreté nocturne lors d’une visite de routine
peut suffire pour amorcer un dialogue et soulager un enfant
et une famille.
numéro 22 90 vendredi 1 4 mai 2 0 0 4
> Est-il constipé ? Une constipation parfois importante est
souvent associée.
> Comment l’enfant vit-il
cette énurésie ? Si des facteurs psychologiques peuvent
intervenir (naissance d’un
autre enfant...), c’est dans les
énurésies secondaires qui ne
représentent que 20 % des
énurésies. L’enfant énurétique
a un profil psychologique normal mais son trouble peut être
responsable d’une anxiété,
d’un sentiment de honte ou
de culpabilité. L’interrogatoire
de l’enfant seul, au cours de
l’examen
physique
par
exemple, vise à dépister cette
souffrance.
> L’énurésie isolée ne nécessite aucun examen complémentaire, l’examen clinique
(urologique, neurologique) et
un test avec une bandelette
urinaire suffisent.
Sous quelles formes fournir des explications ?
Une information claire sur
l’énurésie permet de rassurer
et de déculpabiliser parents
et enfant et motive pour un
traitement. Une enquête récente révèle que 85 % des enfants énurétiques estiment
utile de parler de leur problème à un médecin, alors que
les mères dans leur majorité
ont tendance à le minimiser.
Cette énurésie a souvent des répercussions sur l’intégration sociale et scolaire, ce qui est illustré dans le cas de Xavier qui
craint de partir en classe nature.
Expliquer la cause de l’énurésie et le fonctionnement de
l’appareil urinaire et vésicosphinctérien avec un matériel
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FMC
PAT H O LO G I E E N Q U E ST I O N S
relation
entre l’énurésie et le sommeil
1. Vessie mature
Miction
au réveil
Pression
vésicale
Inhibition
Inhibition
Inhibition
Chez l’enfant
endormi,
la continence
est assurée par
un processus
cérébral inhibiteur
qui maintient
la pression
intravésicale
normale.
Temps
2. Vessie immature
Pression
vésicale
Pas d’inhibition
Pas d’inhibition
Fuite
Fuite
Ce mécanisme
inhibiteur
est insuffisant
chez l’enfant
énurétique
et s’accentue
lors du sommeil
profond.
DR
Temps
pédagogique (schéma, dessin...)
qui s’appuie sur une description anatomique aide à lever le
sentiment de baisse d’estime de
soi. L’enfant comprend alors
que « ce n’est pas de sa faute »,
qu’il est normal, qu’il s’agit
d’une question de maturation
de ses systèmes de commande
vésicale et d’un sommeil très
profond. Le rassurer sur l’évolution positive de son trouble
entraîne son adhésion et son
implication dans la thérapie. Si
sa motivation n’est pas suffisante, il faut savoir attendre.
Approche psychologique,
traitement médicamenteux, prise en charge comportementale : comment
choisir la bonne stratégie ?
Avant tout, l’attitude attentiste « cela s’arrangera avec le
VIII
temps » doit être formellement combattue. L’ENI peut
être d’origine plurifactorielle
ce qui implique que la réponse
thérapeutique doit être adaptée et ne pas hésiter à associer approche comportementale et éventuel traitement
médicamenteux.
> Certains conseils sont toujours valables : bien boire
dans la journée et peu le soir,
bien vider sa vessie avant de
s’endormir, tenir un calendrier
mictionnel, ce qui permettra à
l’enfant de suivre ses progrès,
participer au change des
draps, éviter une éventuelle
constipation. Ces mesures,
associées à la compréhension
du mécanisme de l’énurésie,
peuvent suffire dans près de
30 % des cas. Le port des
couches est habituellement
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déconseillé mais il faut tenir
compte de la contrainte parfois trop lourde du linge
mouillé.
> La méthode du lever, deux
heures environ après l’endormissement, donne de bons
résultats chez les enfants
ayant une seule miction à
heure fixe.
> L’alarme sonore ou « pipi
stop » très utilisée et avec
efficacité dans certains pays,
l’est peu en France. Un signal
sonore retentit dès les premières gouttes d’urine et
réveille l’enfant qui doit
alors aller aux toilettes. Le
coût de l’appareil, environ
90 euros, non pris en charge
par la Sécurité sociale, et le
réveil de tout l’entourage
familial représentent des
freins. En tout état de cause,
acceptation et coopération de
l’enfant sont requises.
> Deux thérapies médicamenteuses trouvent actuellement leur place (les antidépresseurs tricycliques sont à
proscrire formellement du
fait de leurs effets secondaires
et de leurs interactions médicamenteuses) :
– les anticholinergiques
indiqués dans les énurésies
résultant d’une immaturité
vésicale, avec hyperactivité
du détrusor. Leur efficacité
est aussi importante sur les
éventuels troubles diurnes
(impériosités...). La posologie chez l’enfant de 5 à 7 ans
est d’un demi-comprimé
deux fois par jour, elle passe
progressivement à deux
comprimsé par jour en deux
prises après 7 ans. L’efficacité peut être retardée. Le
traitement, bien toléré, peut
être poursuivi pendant six
mois ;
– la desmopressine (sous
forme de spray nasal à partir de 5 ans ou de préférence
en comprimé à partir de
6 ans) agit en induisant une
augmentation de la réabsorption d’eau par les reins.
Ce médicament est proposé
en cas de polyurie nocturne
faisant suspecter un défaut
de sécrétion d’ADH. La dose
d’attaque est d’un comprimé
le soir, éventuellement augmentée à deux par jour
si l’efficacité est partielle
après un mois. Et l’enfant
doit s’abstenir de boire
deux heures avant la prise
et après celle-ci. Le traitement peut être poursuivi durant six mois.
Actuellement, le traitement
de l’énurésie est efficace dans
70 à 90 % des cas.
troubles psychiques
une conséquence
plutôt qu’une cause
N’envoyez pas les enfants chez le psychiatre comme
cela a longtemps été le cas. La majorité des énurésies
surviennent chez des enfants ayant un développement
psychique normal. Si effectivement dans l’énurésie
secondaire peuvent être retrouvés des événements
affectifs (naissance d’un cadet, divorce...), cela n’est pas
le cas dans les énurésie primaires largement majoritaires.
Les troubles psychiques retrouvés sont le plus souvent
des manifestations réactionnelles face à un handicap dont
ils souffrent avec un sentiment d’échec, une perte d’estime
de soi et une tendance à s’isoler pour éviter des situations
à risque (aller dormir chez un copain, partir en classe verte...).