Comment rayonner et inspirer ceux qui nous entourent?

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Comment rayonner et inspirer ceux qui nous entourent?
Comment rayonner et inspirer ceux qui nous entourent?
Quel mieux-être peut apporter le leadership transformationnel?
Les «chuchoteurs», ces hommes ou femmes
– dont on a beaucoup entendu parler depuis le film
«L’homme qui murmurait à l’oreille des chevaux»
– réussissent à créer avec l’animal une relation
particulière permettant d’obtenir de ce dernier une
collaboration volontaire, exempte de domination et
de violence. Voilà qui fait rêver! Et c’est un fait –
surprenant – de voir un homme et un cheval marcher
côte à côte comme deux camarades se rendant en un
endroit convenu sans que l’un ne tienne l’autre par le
licou. Qu’est-ce qui donc motivent ainsi un être plutôt
«civilisé» et un autre plutôt «sauvage» à avoir envie
de faire des choses ensemble et avec plaisir?
À l’exemple des chuchoteurs, pouvons-nous pratiquer
un leadership qui, bien qu’il nous semble magique,
repose en fait sur un modèle simple à comprendre
et à appliquer. Animé par une indéniable curiosité,
le chuchoteur observe et adopte à l’égard de son
interlocuteur le comportement spécifique d’un cheval
leader de la horde. Le cheval avec lequel il entre en
contact et qui jusqu’alors n’avait jamais vu un homme
de près, le considère comme tel car il reconnaît un
langage familier, le comprend et le suit de son bon
gré. Le génie du leader consiste donc à s’accorder
à la structure de pensée de son partenaire et à
l’utiliser pour le guider. C’est le principe du leadership
transformationnel : d’abord s’accorder, puis guider
vers un objectif commun.
Ce type de leadership investit l’espace qui sépare
deux interlocuteurs, individus ou groupes. Si nous ne
mesurons pas la distance qu’il y a naturellement entre
deux, c’est-à-dire la facilité avec laquelle il est possible
de ne pas se comprendre, de ne pas s’entendre, nous
pouvons nous perdre au milieu d’un territoire qui nous
dépasse. On dit qu’un message est conçu à 100%,
émis à 80, perçu à 70, compris à 50, retenu à 25 et
reproduit à 10%. Le leadership transformationnel est
un modèle de communication qui couvre une grande
partie de ce territoire continuellement exploré mais
rarement cartographié.
Un modèle de communication
+
-
Langage
Non verbal
Verbal
Position
Basse
Haute
Relation
Complémentaire
Symétrique
Logique
Circulaire
Linéaire
Mouvement
Action (initiative)
Réaction
«L’art de la communication consiste, pour un individu, à être en
mesure de se placer dans la partie gauche du tableau un petit peu
plus que son interlocuteur, car il est impossible de s’y maintenir
constamment».
«Guide du voyageur perdu dans le dédale des relations humaines»
Jacques-Antoine Malarewicz, ESF éditeur
1. Langage non-verbal et langage verbal
«Il n’est pas possible de ne pas communiquer». Nous
avons tous vécu l’expérience de nous trouver une fois
ou l’autre dans un ascenseur ou une salle d’attente
avec une ou plusieurs personnes inconnues. On
ne peut certainement pas dire qu’il n’y a pas de
communication même si (et surtout si) aucun mot
n’est échangé. Il n’est pas jusqu’au souffle de notre
respiration qui n’ait un sens dans cette situation. Tout
est manifestement langage: les tenues vestimentaires
et les accessoires, l’espace entre les personnes, les
mouvements, les odeurs, les gestes, les bruits et bien
sûr l’absence de paroles. Et cette communication qui,
certes, se situe à un niveau infra, n’en est pas moins
réelle ni intense, vous en conviendrez! On évalue,
suivant les auteurs, une proportion de 10 à 20%
de langage verbal pour 80 à 90% de langage nonverbal saisi dans une interaction. Edward T. Hall dans
son ouvrage de référence parle de «La dimension
cachée». Les signaux non-verbaux que nous émettons
proviennent de niNiveau culturel
veaux
différents.
Plus le niveau est
Niveau interactionnel
interne plus ils
échappent à notre
Niveau individuel
contrôle.
2. Position basse et position haute
Si vous avez rendez-vous avec votre supérieur et
que celui-ci arrive en retard, les positions hautes et
basses sont bouleversées par rapport aux positions
hiérarchiques. Et ce bouleversement n’est pas
dépourvu de sens dans l’interaction qui s’ensuit.
Celui qui est mis ou qui se met en position haute
est celui qui, dans l’interaction, démontre qu’il a
raison, qu’il comprend mieux, qu’il est le plus fort en
quelque sorte, tandis que celui qui est en position
basse est celui qui cherche à persuader l’autre qu’il
ne comprend pas, qu’il n’est pas à la hauteur, qu’il
ne peut pas faire ce qu’on attend de lui. Même si
apparemment la position haute signifie la force et
l’initiative, relationnellement elle est la plus fragile
car celui qui la tient dépend davantage de l’autre.
A l’extrême, c’est la relation maître-esclave. Un
proverbe chinois dit: «Plus le singe monte à l’arbre,
plus il montre ses fesses»! La position basse est en
fait la position du pouvoir. Quel est le plus sûr moyen
de vous faire porter par quelqu’un dans la rue? Vous
évanouir! Vous pousserez ainsi les autres à vous
secourir et ainsi à occuper la position haute. C’est
vous qui exercez un pouvoir (indirect) sur les autres.
3. Relation complémentaire et relation symétrique
«Tout comportement (aussi absurde qu’il puisse
m’apparaître) a une intention positive (du point de vue
de son auteur)». Celui qui, dans l’échange, rivalise
pour obtenir la position haute ou la position basse
place la relation sur un axe symétrique avec un risque
d’escalade évident. C’est la forme d’interaction la
plus stérile. Passé un certain stade, les informations
échangées ne servent plus qu’à alimenter la rivalité
et n’ont plus grand-chose à voir avec un échange
fructueux d’arguments ou d’opinions. Si je considère
que mon interlocuteur n’appartient pas au même
monde que moi, alors notre collaboration est vouée
à l’échec.
À l’inverse, la relation complémentaire est la plus
constructive car elle cherche à mettre en œuvre
des moyens communs pour atteindre un objectif
commun.
Une belle escalade symétrique commencée face à
face à la table de réunion (ou de la salle à manger)
peut, comme par magie, trouver un épilogue heureux
dans le côte à côte de la voiture.
4. Logique circulaire et logique linéaire
Le jeu interactionnel ne répond pas à une logique
linéaire, c’est-à-dire à un lien de cause à effet
direct comme par exemple : s’il le froid commence
à se faire sentir dans la pièce, je vais tourner le
thermostat sur «plus chaud» (changement de type
1). Nous sommes des êtres complexes qui vivent
sur plusieurs niveaux simultanément. Appliquer une
logique linéaire à l’humain tend à réduire la relation
avec autrui à de la mécanique. Dans ce système
complexe, une cause produit un effet qui devient une
cause qui produit un effet qui devient une cause qui...
C’est la logique circulaire. Voir un porc rempli de ce
qui restait de victuailles dans la ville jeté par-dessus
les remparts de Carcassonne assiégée depuis des
mois a décidé Philippe le Bel et ses troupes à lever
le camp (changement de type 2). L’action ne vise pas
directement le résultat mais elle contribue à créer par
enchaînement en impliquant plusieurs niveaux de
l’interaction les conditions propices à sa réalisation.
Une requête avec explication verbale de la part des
assiégés n’aurait eu, on s’en doute en l’occurence,
aucun effet. Si les mots s’ordonnent selon une
logique linéaire, les faits, eux, le font selon une
logique circulaire. Les explications ne servent le plus
souvent qu’à les trahir et à nous desservir.
5. Action et réaction
Le risque d’enlisement dans une interaction tient
souvent au fait que nous avons toujours une longueur
de retard par rapport à notre interlocuteur. Nous
attendons qu’il fasse quelque chose pour y réagir. Et
c’est comme si nous étions condamnés à ne servir
qu’à remettre le train sur les rails pour qu’il arrive à
bon port! Prendre l’initiative nécessite une vision claire
(et donc anticipée) de l’objectif à atteindre aussi bien
sur le plan organisationnel que sur le plan relationnel.
Il s’agit de découper cet objectif en actions réalisables
et d’agir en recyclant continuellement les réponses
que ces actions produisent.
En résumé, si je parviens à utiliser et à décoder le
langage non-verbal, à me maintenir un peu plus que
mon interlocuteur dans la position basse, à établir la
relation sur un axe complémentaire et à développer les
événements selon une causalité circulaire, j’agis plus
que je ne réagis. Je garde l’initiative de l’interaction
et j’augmente ainsi les chances d’atteindre l’objectif
commun visé.
Ainsi je rayonne et j’exerce une influence positive sur
ceux qui m’entourent, que ce soit au travail ou à la
maison.
C’est bien-là ce qui caractérise un leader.
Jean-Marc Berger
Décembre 2012