La mise en abyme

ARTHUR -dit ART SPIEGELMAN (né le 15 février 1948 à Stockholm)
Le Cartel
Étude
« La mise en abyme »
Deux planches extraites de l’intégrale : « MAUS » Art Spiegelman
« Maus un survivant raconte»
Étude de la planche -Page 171-II-Chapitre Un : «Mauschwitz»
Traduit de l’anglais par Judith Ertel, Lettrage d’Anne Delobel
Éditions Flammarion, janvier 1998.
Brève biographie de l'auteur
Art Spiegelman, (1948-), dessinateur et scénariste de bandes dessinées et
journaliste américain.
Né en 1948, il fait des études d'art à la High School of Art and Design à NewYork. Dans les années 60-70, il publie bandes dessinées et produits de design dans
la mouvance underground. Il fait en 1968 une dépression nerveuse qui le conduit à
l'hôpital psychiatrique (il y fera souvent référence par la suite), et peu après sa
sortie, sa mère Anja se suicide. En 1976, il retourne à New-York et rencontre
Françoise Mouly, qu'il épouse. Avec elle, il publiera le magazine Raw, qui publiera
notamment son œuvre majeure Maus. Il est engagé en 1992 au New-Yorker comme
journaliste. mais démissionne en 2001 en protestation contre le "conservatisme et
la timidité" des médias américains. Il donne aujourd'hui des cours dans plusieurs
universités.
Dans les années 60-70, Art Spiegelman est dans le mouvement underground de
la bande dessinée américaine, qui mélange œuvres à caractère pornographique et
avant-garde artistique. Il demeure avant tout connu de nos jours pour Maus, récit
de la vie de son père avant et pendant la seconde guerre mondiale. Celui-ci est
d'abord paru dans Raw, avant d'être publié dans un premier tome en 1986 et en
1991. Il gagnera pour ce livre le prix Pulitzer, qui récompense le travail
journalistique. Maus est à ce jour la seule bande dessinée à avoir reçu ce prix.
Contexte (historique, social, artistique...)
Le thème, la technique et la composition de Maus sont inspirées de l'avantgarde et du mouvement underground des années 1960-70, dont Spiegelman fut un
des membres avec Dan Clowes et Alan Moore (La Ligue des gentlemen
extraordinaires, Watchmen).
Maus s'ancre bien entendu dans le contexte social et politique de l'Europe avant
et pendant la seconde guerre mondiale, avec la montée du nazisme et la
ghettoïsation et les camps de concentration. Mais le récit fait des retours fréquents
sur le présent de la narration, et même, à partir du second tome, sur l'impact du
premier tome de Maus sur sa vie.
Références
Cadre scolaire : œuvre étudiée dans le cadre de la séquence "Autobiographie
en tous genres", séance sur le mémoire et les rapports entre Histoire et histoire
personnelle, sur le thème de la seconde guerre mondiale.
"Gen d'Hiroshima", de Keiji Nagasawa, manga japonais publié pour la
première fois en France en 1983 (paru en 1973 dans Weekly Shonen Jump)
Analyse de l’œuvre
Formes : ce livre est une bande dessinée, qui appartient au genre biographique.
Cette planche appartient au chapitre 1 intitulé "Mauschwitz". La pagination de cette
planche est de quatre bandes de respectivement 2, 3 et 2 cases (avec une case plus
grande de la forme d'un carré tronqué). Les dessins sont en noir et blanc avec des
nuances de gris.
Techniques : Il s'agit de planches de bande dessinée, de style dit "furry" (=
fourrure : technique traditionnelle aux États-Unis) et réaliste. Les images jouent sur
les contrastes avec un grand souci de détail (y compris d'ordre historique).
Significations : On voit dans cette planche Spiegelman en vacances (nature,
assis par terre, calepin de dessin) avec sa femme. La première case reproduit des
croquis de travail de préparation à la représentation de sa femme, et sert de
déclencheur à une discussion sur la manière de la représenter. Spiegelman y est
représenté sous les traits d'une souris, s'identifiant ainsi aux personnages juifs de
son récit (il est le fils du personnage principal, et assume cette filiation).
Le croquis représente cinq versions de Françoise Mouly, sous la forme de cinq
animaux (élan, chien, grenouille, souris et lapin). Spiegelman cherche, à travers sa
femme, à représenter les Français. Françoise s'identifie d'emblée à la souris, car
mariée à Spiegelman, puis au lapin, pour son caractère mignon. Spiegelman refuse
ce choix pour raisons éthiques, pour ne par sur-valoriser les Français, et Françoise
finit par arrêter son choix sur la souris ("je me suis bien convertie").
Cette planche montre ainsi le processus de création, puisqu'elle montre
Spiegelman en train de dessiner. C'est également une mise en abyme : Spiegelman
se dessine en train de dessiner. Celle-ci est plus subtile encore puisque dès la
deuxième case, Françoise apparaît sous les traits d'une souris, cette apparition
fonctionnant comme une prolepse : Spiegelman s'est donc rendu aux arguments de
sa femme, et va bien la dessiner sous les traits d'une souris (mais pas la même que
celle du croquis : elle va "perdre" ses cheveux). C'est ce que l'on comprend, mais
une fois la dernière case lue, cette planche possédant ainsi une grande unité.
Finalement, cette planche ne règle apparemment pas le problème de la
représentation du Français (Françoise étant ici Juive plutôt que Française).
Cependant, plus tard, un Français prisonnier des camps apparaîtra sous les traits
d'une grenouille (les "mangeurs de grenouille", appellation courante des Français).
Usages : ici, Spiegelman utilise la technique de la mise en abyme, qui prend à
la fois une forme temporelle (la représentation de Françoise au début de la planche
étant le résultat de la discussion de la fin de celle-ci) et spatiale (cases de la bande
dessinée). Celle-ci montre ainsi une interrogation de l'auteur sur son œuvre, ce qui
est une constante de Maus.