Histoire des arts L`auteur et le contexte

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Histoire des arts L`auteur et le contexte
Histoire
des
arts
XXe s à notre époque
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Art, Espace, Temps
Arts, Etats & Pouvoir
Arts, Mythes & Religions
Arts, Techniques, Expressions
Arts Du Visuel
Thématiques artistiques
Art, Créations, Cultures
Arts, Ruptures, Continuité
Référence artistique
CARTEL
Titre : Maus
Artiste/Auteur : Art Spiegelman
Date de publication :
- 1er volume de Maus. Un survivant raconte
(Maus : A Survivor's Tale) en 1986.
- 2nd volume de Maus : Et c'est là que mes
ennuis ont commencé (from Mauschwitz to the
Catskills) en 1991.
- 1ère publication dans le magazine RAW de 1981
à 1991.
Nature de la production : BD
Planches : 290 (planches étudiées 14, 34-
35, 84-85, 157, 169, 185-186, 201, 218,
230-232, 244-245, 257)
Techniques : noir et blanc
L’auteur et le contexte
I. Art Spiegelman
- Né le 15 février 1948 à Stockholm (Suède). Ses parents, des polonais juifs rescapés d'Auschwitz, s'installent aux USA
quand il est enfant.
- Est considéré aujourd'hui comme l'un des grands représentants du comics underground américain depuis les années
1960.
- Consécration avec Maus, BD pour laquelle il obtient un Prix Pulitzer spécial en 1992, récompense hors du commun
(seul auteur de BD à avoir obtenu cette récompense internationale)
- Réalise des BD et des illustrations et entre au New Yorker (célèbre hebdomadaire littéraire et artistique) en 1993.
- Grand défenseur de la bande dessinée en tant que média, ex : publie À l'ombre des tours mortes en 2004 (y raconte
son expérience des attentats du 11 septembre 2001 et leurs conséquences avec une critique de la politique de George
W. Bush).
- Obtient le Grand Prix du festival international de la BD d'Angoulême en 2011.
- En janvier 2012, il publie Meta Maus, sorte de « making off » de Maus.
- Il est le président du festival d'Angoulême 2012.
II. Le contexte :
A. Contexte artistique : tradition du comics underground américain des années 1960 : présente une critique sociale et
politique, différent du comics traditionnel mettant en scène les exploits de super-héros comme Spiderman ou Captain
America.
B. Contexte de Maus : deuxième guerre mondiale, régime nazi et solution finale (antisémitisme, déportation, camp de
concentration : Auschwitz)
ANALYSE DE L’ŒUVRE
Introduction :
 Présentation de l'auteur : sa « petite histoire » dans l'Histoire.
 Présentation de l’œuvre : dates de publication, résumé.
Problématique : en quoi cette œuvre combine-t-elle
BD autobiographique, témoignage historique et œuvre de mémoire ?
I. Une BD autobiographique
A. Le contexte historique de la BD : la Shoah
- Art Spiegelman décide de raconter l'histoire de ses parents, des polonais juifs, de 1939 à 1945 (contexte
deuxième guerre mondiale, régime nazi, antisémitisme, solution finale avec persécutions et extermination
des juifs).
- La couverture et la première vignette du tome 2 soulignent ce contexte : la référence à la croix gammée,
le néologisme « mauschwitz », l'étoile de David, le numéro de matricule, les barbelés, le vêtement du
prisonnier, la tour en arrière-plan) = histoire centrée sur l'univers concentrationnaire d'Auschwitz.
B. Un récit autobiographique : l'histoire du père d'Art Spiegelman
- L'expérience des camps est vue à travers l'histoire des parents d'Art Spiegelman, Anja et Vladek dont on
suit le périple des premières persécutions au camp de concentration : l'auteur mêle ainsi autobiographie
familiale et témoignage historique posant la question de la transmission de la mémoire.
- L'importance de l'histoire dans l'Histoire apparaît aux planches 14 (insiste sur sa volonté de raconter
l'histoire de la famille dans le dialogue avec le père) et 201 (il mêle chronologie, histoire privée et Histoire :
montre le devoir de mémoire et son besoin de comprendre suite au suicide de sa mère en 1968).
C. Une réappropriation stylistique : le style d'Art Spiegelman
Dans ce cadre, le choix de la BD a un sens : la représentation par le biais de la BD avec le choix de
personnages sous forme d'animaux permet une mise à distance des événements, alors que le choix du noir et
blanc et d'un graphisme sobre (peu de détails, trait dur et épais, utilisation de hachures et d'aplats noirs
pour les effets d'ombre et lumière) a une valeur symbolique : le style mime la violence du récit.
II. Un témoignage historique
A. Le travail de documentation d'Art Spiegelman
- La BD présente un vrai souci de vérité et de réalisme : il s'agit de rendre son récit autobiographique le
plus conforme possible à la réalité historique.
- À cet égard, on peut comparer les représentations des camps avec les photographies réalisées à
Auschwitz pendant la guerre, par ex : le portail d'entrée d'Auschwitz avec l'inscription en allemand
« Arbeit macht frei » (= le travail rend libre), l'insertion de cartes, la vue en plongée du camp d'Auschwitz
reprenant une photo aérienne, le plan du crématorium s'inspirant des plans originaux...
B. Une démarche d'historien
- La BD présente deux récits imbriqués l'un dans l'autre : le récit du travail de reconstitution d'Art
Spiegelman et le récit des souvenirs de son père.
- De nombreuses vignettes mettent en scène l'auteur dans ce travail de recherche et souligne qu'il adopte
une démarche d'historien : il interroge les témoins directs (son père), prendre des notes, respecte la
chronologie, interroge d'autres témoins (Mala, sa belle-mère) pour comparer et recouper les informations,
récupère des documents d'époque (la photo de son père ou le journal de sa mère par exemple).
III. Une œuvre de mémoire
A. Le choix de la mise à distance : le zoomorphisme
- Pour transmettre son témoignage historique, Spiegelman utilise un code narratif très précis. En effet,
pour ses personnages, il a recours au zoomorphisme : chaque « nationalité » est représentée par une race
d’animal (les Juifs en souris - Maus = souris en allemand- / les Allemands par des chats / les Français par
des grenouilles / les Américains par des chiens / les Polonais par des porcs etc)
- L'utilisation du zoomorphisme couramment utilisé dans les dessins animés et les BD est aussi une
référence aux images de propagande nazie qui dépeignaient les Juifs comme des souris et les Polonais
comme des porcs. Cela permet d'accentuer la bestialité du traitement des souris par les chats.
B. Le devoir de mémoire : raconter et décrire l'extermination des juifs à Auschwitz
- La BD raconte l'itinéraire de Vladek et Anja : des premières persécutions au camp de concentration en
passant par la vie au ghetto. Ils tentent de fuir, sont dénoncés, et finalement déportés à Auschwitz.
- Le processus de déshumanisation est présenté de manière graduelle : d'abord, la simple référence au
Pogrome avec des juifs expulsés ou obligés de vendre leur magasin aux allemands (planches 34-35), puis une
montée de la violence rendue dans les 3 vignettes présentant la pendaison de Juifs (planches 84-85) et
enfin la cruauté dans les camps marquée par l'agressivité dans les expressions des chats.
- Les planches racontant la survie de Vladek dans les camps décrivent le processus de déshumanisation
jusqu'à la disparition totale dans les fosses crématoires.
Les planches 185-186, 218 décrivent le parcours des prisonniers déshabillés, prenant une douche commune,
portant des vêtements déchirés trop grands ou trop petits, montrant leur numéro de matricule tatoué sur
l'avant-bras. Le style de ces vignettes souligne la bestialité nazie avec des plans larges montrant que les
juifs sont considérés comme du bétail et le jeu des hachures créant un dessin dur à l'image de la vie au
camp.
Les planches 230 à 232 présentent de nombreux détails sur l'architecture des bâtiments avec des plans
différents (gros plans, vue du ciel, vue de l'intérieur, de l'extérieur, vue avec effet de profondeur des
fours...) et la mise en valeur de traits rectilignes, ce qui donne un aspect froid, quasi mécanique.
Cette déshumanisation est d'autant plus forte que les prisonniers sont obligés de participer au
fonctionnement.
La gradation dans la violence est perceptible dans le passage de la vignette soulignant l'alignement des
fours crématoires jusqu'à l'infini aux fosses crématoires avec le paroxysme de la cruauté dans la dernière
vignette par un trait curviligne et le gros plan mettant en valeur les flammes, les hurlements et la
souffrance.
- La fin de la bande-dessinée raconte les étapes menant Vladek à la liberté : malade, il est envoyé pour être
échangé contre des prisonniers de guerre, arrive dans un camp de travail en Pologne (Gross Rosen), puis est
entassé dans un train pour Dachau jusqu'à la libération finale.
- Le train très présent dans l’œuvre symbolise le processus de déshumanisation et de reconquête du statut
d'humain :
Planche 34 : c'est train de la liberté (vignette sans contour, luminosité du dessin) : derniers instants de
liberté.
Planche 157 : c'est le train de la persécution (les souris sont obligées de porter des masques de cochon), le
dessin est sombre (aplats noirs et hachures) : les juifs deviennent des ombres (cf. dernière vignette)
Planche 245 : c'est le train de la déshumanisation des prisonniers (train pour le bétail, pas de fenêtre,
espace oppressant avec 6 vignettes avec des plans de plus en plus rapprochés marquant la sensation
d'étouffement).
Planche 257 : c'est enfin le train de la liberté mis en valeur par le gros plan et le jeu sur la taille des
caractères dans le cartouche (« un train pour les GENS »).
Conclusion :
- Maus fait figure de témoignage personnel à valeur universelle et pose la question du devoir de mémoire et
des modalités de sa transmission. Art Spiegelman, par le langage propre à la bande dessinée, raconte ainsi
l'histoire de son père Vladek en jouant sur une double temporalité (moment où il travaille sur cette BD et
temporalité du père pendant la 2ème Guerre Mondiale), sur la mise à distance par le zoomorphisme et sur un
style très graphique (jeu sur les hachures, traits rectilignes et curvilignes, aplats noirs, jeu sur la taille des
caractères pour souligner les élément importants etc) pour faire de cette œuvre autobiographique un
témoignage historique et une œuvre de mémoire, mémoire du passé familial et devoir de mémoire universel.
- deuxième partie de la conclusion : ouverture, ex : autres moyens de transmettre cette expérience des
camps dans le récit chez Jorge Semprun dans L'Ecriture ou la vie (1994) (voir les points communs et les
différences). / les avantages du zoomorphisme pour donner un message (ex : La ferme des animaux de G.
Orwell).
Œuvres liées, ouverture, etc.

La ferme des animaux de G. Orwell : le zoomorphisme

Extraits de J. Semprun et d'E. Wiesel : récits autobiographiques sur les camps de concentration.

Persépolis de M. Satrapi : BD et autobiographie

Comics américain traditionnel : différences avec Maus.

Citation : Marek Halter, préface de l'édition Flammarion (1998) : « Qu'y a-t-il de commun entre une bande
dessinée et la Shoah ? Maus, son livre, est l'histoire d'une souris dont le chat a décidé d'avoir la peau. La souris est le
juif, le chat le nazi. Le destin de Maus est de fuir, de fuir sans espoir l'obsession du chat qui lui donne la chasse et lui
trace le chemin de la chambre à gaz. Mais Maus est également le récit d'une autre traque, celle d'un père par son fils
pour lui arracher l'histoire de sa vie de juif entre 1939 et 1945 et en nourrir sa propre mémoire, se conformant ainsi à
l'obligation de se souvenir. De transmettre aussi. Et avec quelle énergie ! Car de la rencontre peu naturelle de la B.D. et
de la Shoah naît un choc. Le choc d'une forme réputée mineure pour un événement majeur […] »