Hida plan - Maus
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Hida plan - Maus
Brève biographie de l’auteur : Art Spiegelman est né en Suède en 1948 de parents juifs polonais rescapés des camps de la mort, émigrés aux États-Unis. Il grandit dans le Queens. Dès l’adolescence, il autoédite son propre Fanzine avec le titre : «Blasé». Il fait des études d’art au High School of Art and Design à Manhattan. Dans les années 1960-70, il publie des bandes dessinées et des produits de design. En 1968, il fait une dépression nerveuse qui le conduit à l’hôpital psychiatrique (il y fera souvent référence par la suite), et peu après sa sortie, sa mère Anja se suicide. Il continuera son travail en s’intéressant plus particulièrement aux champs de la bande dessinée et des images autobiographiques. En 1972, il aborde pour la première fois le thème de la Shoah. C’est une première version de Maus très brève, en trois planches publiée dans Funny Animals et reprise en 1975 dans Comix book n°2. À partir de 1976, il retourne à New York où il rencontre Françoise Mouly, qu’il épouse. Avec elle, il publiera le magazine Raw consacré aux arts graphiques et au sein duquel il prépubliera Maus en feuilleton, son œuvre majeure qui sera saluée par la critique comme un événement culturel majeur. Derrière des souris (les juifs) et des chats (les nazis) Spiegelman raconte l’Holocauste à travers les souvenirs d’un survivant d’Auschwitz, son père. Mais derrière le drame historique se dessine une autobiographie, Spiegelman essaie de recueillir derrière le témoignage de son père ce qui constitue la nature des rapports père-fils. En 1988 Maus I reçoit le prix Alfred du meilleur album étranger à Angoulême. Mais Maus sera consacrée par le prestigieux prix Pulitzer qui récompense le travail journalistique en 1992 et c’est la seule bande dessinée à l’avoir obtenu. Quelques indications sur ses influences : Rodolphe Töpffer (1799-1846) était un pédagogue, écrivain, professeur, caricaturiste, politicien et auteur de bande dessinée suisse, considéré comme le créateur et le premier théoricien de cet art. En 1827, Töpffer dessine l'Histoire de M. Vieux-Bois sur un album oblong, c’est la date officielle de la première bande dessinée, un art né sous la plume d’un écrivain et professeur suisse. Il s'agit de sa première «histoire en estampes». Les scènes se suivent, séparées par un trait, et accompagnées de quelques lignes de texte. En 1833, Töpffer lithographie son premier album, l'Histoire de M. Jabot. Son invention connaît alors une diffusion européenne et fera des émules à Paris comme en Allemagne. Ses histoires sont immédiatement reprises et même copiées dans des journaux : c’est un véritable succès ! Töpffer a défendu cet art et il en a pressenti tout le potentiel en soulignant que c’était une nouvelle manière de raconter des histoires : «On peut écrire des histoires avec des successions de scènes représentées graphiquement». -Winsor McCay (1867-1934) était un dessinateur, un scénariste de bande dessinée et un réalisateur de films d'animation. Pour Art Spiegelman il est le père de la bande dessinée américaine. «Les aventures de Little Nemo» ont été publiées dans un grand quotidien le New York Herald à partir de 1905. En une seule planche McCay développe le récit d’un rêve du petit personnage et c’est dans la seule et dernière case à son réveil brutal le plus souvent qu’il tombe de son lit et que la narration prend fin. Aux lecteurs d’attendre le dimanche suivant le prochain rêve de Little Nemo ! Il s’est inspiré du style Art Nouveau. Ses planches contiennent de riches ornementations : motifs à fleurs, bâtiments en forme de pâtisseries... Il a également mis au point le fameux système du trait à deux épaisseurs : le plus gras sert à tracer les contours des personnages et l’autre se charge des détails à l’intérieur. De cette manière il compose de planches complexes, insérant de nombreux personnages dans des décors très élaborés, foisonnant de détails. Dans les années 1960-70, Art Spiegelman est dans un mouvement *underground de la bande dessinée américaine : c’est un mouvement de contestation culturelle aux états-Unis en réaction à l’American way of life, aux inégalités raciales, à la guerre au Vietnam. La jeune génération voulait proposer des contre-valeurs. *La culture underground est une culture alternative, en marge des circuits commerciaux et officiels. Analyse de l’œuvre -Formes : Le genre auquel pourrait s’apparenter cette œuvre est celui des funny animals. Ce sont des animaux qui parlent, qui se tiennent souvent debout sur deux jambes et qui ont perdu plusieurs des attributs de leur allure physique. Il faut préciser que les funny animals ont été longtemps destinés à un public d’enfants. Mais dans les années soixante, les dessinateurs underground se sont emparés du comics book animalier pour le détourner et l’utiliser en service de la satire sociale et politique. Le travail a été fait à l’échelle de la publication : les dessins du livre ont été tracés à cette même taille. Le format a été respecté. Pour Spiegelman il était important de «reproduire son propre trait-proposer un fac-similé de sa propre écriture-donne plus l’impression d’un véritable carnet intime...» à l’image de celui d’Anne Franck ou encore des croquis d’Auschwitz d’Alfred Kantor. C’est la raison pour laquelle Spiegelman a renoncé à un grand nombre de fournitures de dessin. Les support utilisés pour Maus ont été du papier machine, du papier à lettres de luxe, du papier à dessin pour réaliser les essais. Les outils d’Art Spiegelman sont deux stylos-plumes dont l’un d’entre eux a été spécialement refaçonné par un vieux fabricant de style qui en a modifié la pointe pour la rendre aussi flexible qu’un bec de plume et il a creusé un réservoir pour résister à l’encre de Chine Waterproof. Du liquide correcteur a été utile pour les corrections. Cet ensemble rapproche son travail de celui du processus d’écriture. Le style choisi est dit «furry» («fourrure» qui est une technique traditionnelle et réaliste. Les images jouent sur les contrastes avec un grand souci de détail (y compris d’ordre historique). La composition retenue est une planche qui présente deux espaces différents. Les cases et les groupes de cases doivent suivre le fil narratif. Mais Cette planche a un particularité : d’une part le carnet à croquis de Spiegelman qui occupe la partie supérieure avec un gros plan tandis qu’une série de six cases entame le récit. Ces deux espaces n’ont pas le même statut. Le carnet à croquis est représenté en pleine page sans cadre, ni limite : il semble s’être en quelque sorte glissé sous les cases. Ces cases permettent de suivre la narration. Sur la page du carnet nous voyons cinq figures animales, cinq signes pour représenter Françoise qui y est figurée en élan, en brebis, en grenouille, en souris et en lapin. Spiegelman nous montre que les dessin d’animaux sont des signes. Le principe de création des figurines ne repose pas sur la ressemblance mais sur des conventions arbitraires fixées parfois par l’habitude. Spiegelman n’hésite pas à reprendre des stéréotypes sociaux et culturels. Par exemple, sa proposition de faire de Françoise une grenouille avant finalement d’opter pour la souris. La première case est pardessus la page du carnet à croquis, elle a été en partie insérée afin d’assurer à la fois la mise en valeur des croquis réalisés tout en préservant la linéarité du sens de lecture. Première bande : très particulière avec un gros plan pour la page du carnet et plan américain pour la case insérée, puis la seconde bande : plan rapproché, plan rapproché, plan moyen ; troisième bande : deux cases aux mêmes dimensions, plan rapproché pour chacune d’entre elles. Ces choix s’expliquent afin de permettre au lecteur d’être au plus près des personnages et du déroulement même de l’histoire. Le graphisme crayonné (figures d’animaux, hachures plus ou moins denses) : des essais ont été faits pour chaque case avec des stylos-feutres progressivement de plus en plus foncés, pour affiner le dessin. Spiegelman exploite la forme du croquis en laissant des ratures visibles mais le cerné noir est déterminant. Les hachures permettent de créer des textures, d’animer chaque case et de jouer avec les contrastes tout en laissant au noir et blanc son impact visuel. Ce choix est à relier à la vision en noir et blanc de la guerre diffusait par les photographies documentaires. Pour les têtes de souris Spiegelman a eu recours à la codification : les têtes de souris sont des triangles sans bouche, juste un nez et des yeux. Si la bouche apparaît c’est pour hurler ou crier. Pour la seconde planche, les deux premières bandes sont identiques : chacune d’entre elles comprend deux cases de même taille. Quatre cases, deux gros plans et deux plans rapprochés, de manière à établir la relation avec le lecteur. L’auteur est représenté penché au-dessus de sa table à dessin et il à l’air accablé. Il se souvient de la mort récente de son père, de la publication récente du premier tome de Maus, et du suicide de sa mère. Ainsi, le lecteur comprend la raison pour laquelle il se retrouve dans cet état d’humeur dépressive. La dernière bande est constituée d’une seule case particulièrement grande. Le noir est très présent et pesant. L’auteur est vu en entier, assis à sa table, son masque sur la tête, la tête posée sur la table: il semble désespéré. Il est en hauteur et en dessous de lui, il y a un amoncellement de cadavres de souris formant une pyramide. De plus, un symbole capital est en partie dissimulé aux yeux du lecteur dans cette case : une croix gammée brisée a été représentée se découpant dans l’ombre noire, à l’arrière-plan. Le noir permet de dessiner cette croix gammée, brisée par-dessus la pyramide formée par les corps. De la première à la quatrième case : la présence des mouches est bien visible et c’est la cinquième case qui permet de comprendre la raison de leur présence. Usages : Maus a permis de modifier la perception de la bande dessinée, en effet, Spiegelman a réussi à montrer qu’elle pouvait aussi être une forme artistique sérieuse. Par son exploitation de la mise en abyme il prend à la fois une forme temporelle (la représentation de Françoise au début de la planche étant le résultat de la discussion de la fin de celle-ci) et spatiale (cases de la bande dessinée). Celle-ci montre ainsi une interrogation de l’auteur sur son œuvre, ce qui est une constante de Maus. Et une volonté de faire participer le lecteur au processus de création et de l’y intégrer. -Techniques : Spiegelman utilise les techniques habituelles de la bande dessinée : des ébauches des crayonnés à l’encrage. Le crayonné puis l’utilisation de stylos feutres noirs. La version finale était ensuite réalisée et modifiée à l’encre sur une table lumineuse. Toutes les cases ont été dessinées à la taille à laquelle on les voit publiées dans Maus. Pour cette planche il exploite la technique de la mise en abyme : il se représente en train de dessiner, en train de travailler à la conception de son livre. L’auteur se montre en train de dessiner le livre que le lecteur est justement en train de lire. *Points complémentaires : Plusieurs essais ont été faits, comme des dessins aux traits noirs et blancs entrecoupés de lavis gris ou bien encore en utilisant la pleine couleur. Spiegelman a même envisagé le recours à un système bicolore comme orange et noir pour les séquences au présent afin de les différencier des séquences du passé Significations : Ces deux planches montrent le processus de création avec des inversions dans la disposition des cases et dans l’exploitation de leur taille et également le dévoilement de la mise en place du code et de son exploitation. (se reporter à l’étude approfondie de la planche page 171)Du carnet à spirale pour faire ses croquis jusqu’à l’atelier de l’auteur qui est représenté, Spiegelman est à sa table à dessin et il nous annonce la mort se son père et la parution du premier tome de Maus qui a eu beaucoup de succès. à nouveau le lecteur se retrouve à la marge de l’histoire racontée dans le livre. Dans cette scène d’ouverture du chapitre deux, il nous donne une nouvelle clé d’interprétation : il s’est représenté sous des traits humains, de profil : nous apercevons sa nuque, une partie de son visage mal rasé, ses cheveux bruns, un masque de souris est noué par un élastique dans sa nuque et il est bien visible. Les quatre premières cases sont de taille identique et à la quatrième case, Spiegelman se tourne vers le lecteur, en position frontale pour s’adresser à lui et le prendre à témoin : nous retrouvons le personnage funny animal. Mais nous savons qu’il s’agit d’un masque. Spiegelman n’a pas abandonné le système de représentation qu’il avait choisi mais il a décidé de la mettre à distance. Le lecteur peut avoir des doutes...tous ces visages de funny animals étaient-ils des masques ? Spiegelman rappelle que ce ne sont que des simples conventions. Il fait pénétrer le lecteur dans les coulisses de la création de sa bande dessinée et il nous dévoile les artifices de son livre. Derrière le masque il y a Art Spiegelman qui joue avec les partis pris et qui en même temps prend de la distance avec son propre code afin de mettre en évidence ce qui est artificiel et les apparences peuvent être trompeuses. Pour autant il est question de la vérité d’un témoignage et de l’authenticité des événements. La troisième bande n’est constituée que par une seule et unique case très imposante et elle lui permet de dissimuler le symbole même du nazisme : une croix gammée. Il faut souligner la volonté de Spiegelman de montrer cet envers du décor avec le poids de son histoire personnelle et professionnelle avec l’histoire. Il souligne l’importance du poids des étiquettes à travers les masques et qu’il est bien difficile d’abandonner l’utilisation des étiquettes ethniques, religieuses ou raciales. «La première page de la section «Le temps s’envole» de Maus II est pour moi l’une des pages clés du livre. Je considère la séquence «Le temps s’envole» comme un commentaire à la Méta Maus du projet dans son ensemble, juché sur Maus comme mon personnage avec son masque est juché sur tous ces corps. Dans les premières versions, elle était plus longue et plus abstraite, elle commençait par une pleine page de mouches bourdonnant dans des cases vierges. Je revenais vraiment sur mon terrain de «BD expérimentale». L’attention se portait sur la façon dont le temps se déplace à travers les cases, cette page pouvant figurer des mouches dans l’espace ou dans le temps. Mais ça aurait tiré le propos de manière trop évidente du côté de mon intérêt pour la structure en BD, et toute la section risquait déjà de déséquilibrer le livre». Extrait de «MetaMaus» Art Spiegelman, éd. Flammarion. Conclusion : L’auteur fait partager au lecteur ses doutes, sa souffrance morale tout en lui faisant part de ses recherches, de ses interrogations. Du carnet de croquis à l’atelier, le lecteur participe directement à la création de Maus. Le choix du bestiaire n’a pas été simple, Spiegelman montre que cette simplification des traits relève d’une longue recherche personnelle, d’une recherche formelle qui a été longuement réfléchie parce qu’il n’était pas facile de représenter la Shoah. Il y a de la part de Spiegelman, l’idée de pousser jusqu’au bout les clichés et surtout les stéréotypes de la propagande nazie en les exploitant avec ironie et à la lettre. Arts, mythes et religions Arts, espace, temps Arts, états, et pouvoirs Arts, techniques, expressions Arts, rupture, continuité Du IXe siècle à la fin du XVIIe siècle XVIIIe siècle et e XIX siècle ARTHUR -dit ART-SPIEGELMAN (né le 15 février 1948 à Stockholm) Le XXe siècle et notre époque Arts, créations, cultures ÉTUDE : «La représentation de soi» Étude de la planche -Page 171-II-Chapitre Un : «Mauschwitz» Étude de la planche -Page 201-II-Chapitre Deux : «Auschwitz (Le temps s’envole » PLANCHE EXTRAITE DE L’INTÉGRALE : «MAUS» ART SPIEGELMAN «Maus un survivant raconte» Traduit de l’anglais par Judith Ertel, Lettrage d’Anne Delobel Éditions Flammarion, janvier 1998. Arts de l’espace Arts du son De l’Antiquité au IXe siècle LE CARTEL : Art du langage Arts du quotidien Arts du spectacle vivant Arts du visuel Arts plastiques : Bande dessinée