Du pré à l`assiette : les enjeux de la traçabilité

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Du pré à l`assiette : les enjeux de la traçabilité
tribunes
Du pré à l’assiette : les enjeux
de la traçabilité
par Sylvie Goy-Chavent
L
a traçabilité joue depuis longtemps
un rôle majeur dans la surveillance et
l’appréciation de la qualité des produits
agro-alimentaires. Il y a 3 800 ans en
Mésopotamie, la traçabilité des animaux était
déjà réglementée et le marquage des bêtes,
avec un relevé écrit des caractéristiques de
chacune, semble s’être développé dès l’Antiquité. En Europe, un marquage sanitaire
est apparu à la fin du Moyen-âge pour tenter
de contrer les épizooties, avec de sévères
sanctions en cas de fraudes. Dans les années
2000, la crise de l’ESB a conduit les pays
européens et notamment la France à renforcer les contrôles sanitaires et la traçabilité des
viandes.
Le groupe UDI-UC du Sénat a
demandé la création d’une mission commune d’information
sur les questions de sécurité
alimentaire et de traçabilité des
viandes
Dans le contexte actuel de production de
masse et de globalisation où des volumes de
plus en plus importants de viandes sont produits et commercialisés à l’échelle planétaire,
le maintien de la confiance des consommateurs implique plus que jamais une parfaite
identification des produits carnés. La traçabilité est nécessaire pour remonter immédiatement à la source d’un problème d’intoxication alimentaire grave ou de fraude, et lors de
la très récente crise des lasagnes à la viande
de cheval pourtant étiquetées au bœuf, il n’a
donc fallu que quelques jours pour remonter
de façon très précise l’ensemble de la filière.
Pour autant, cette crise a démontré les
limites du système, en mettant en lumière
des fraudes massive à grande échelle. C’est
dans ce contexte que le groupe UDI-UC du
Sénat a demandé la création d’une mission
commune d’information sur les questions
de sécurité alimentaire et de traçabilité des
viandes. Intitulée « La filière viande en France
et en Europe : élevage, abattage et distribution », cette mission rendra prochainement
ses propositions : propositions en matière de
contrôle, propositions en matière de conver-
la revue du trombinoscope l Mai 2013
gence sociale européenne, propositions en
matière de règlementation et de normes, propositions en matière d’abattage des animaux,
propositions en matière d’étiquetage…
Est-il normal que nos voisins allemands
puissent employer des ouvriers ukrainiens,
tchèques ou polonais rémunérés aux conditions de leur pays d’origine ? Est-il acceptable
que les agriculteurs et les industriels français
se voient imposer des normes plus strictes que
celles qui s’appliquent à leurs concurrents
européens ? Dans un pays comme la France,
pourquoi des millions d’animaux sont-ils
abattus chaque année dans d’effroyables
souffrances, sans être préalablement étourdis,
alors que la loi française l’exige pourtant ?
Est-il normal qu’un poulet importé cru d’Asie
et cuit en France porte la mention « Produit en
France » ? Pourquoi les animaux abattus à vif
par des sacrificateurs religieux se retrouventils dans les rayons des supermarchés et sur
les étals des boucheries traditionnelles sans
aucune indication quant au mode d’abattage ?
Pourquoi les tests pratiqués à la suite du
scandale de la viande de cheval faussement
estampillée bœuf révèlent-ils un taux de
fraude de plus de 13% en France contre 5%
dans le reste de l’UE ?
Autant de questions au sujet desquelles
Sylvie Goy-Chavent
le Gouvernement devra rapidement apporter des réponses. Saura-t-il défendre un
modèle économique plus respectueux des
animaux et des hommes, tous deux considérés comme de simples objets de consommation par une industrie totalement dominée par la finance ?
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